*Je vais te briser en deux ! *

Voilà ce qu'Edmund avait en tête depuis qu'il avait appris la nouvelle. Il se trouvait aux Jardins Aquatiques lorsqu'il reçut le corbeau de la part de son frère lui apprenant que sa sœur Sara allait épouser un Lord des Terres de l'Orage. L'ainé des Gargalen savait qu'elle avait de l'ambition, mais ici l'on parlait de la maison Caron, l'une des plus puissantes de la région voisine. Il n'avait jamais imaginé une autre personne qu'Ulwyck Uller épouser sa sœur. Mais ce qui le mettait encore plus en colère, c'est que ni son père ou son frère lui en a parlé avant. Ce qui est très compréhensible au vu de la réaction d'Edmund. Lui et Erena n'avaient qu'une seule journée pour préparer leurs affaires et partir en direction de Salvemer. Très influencée par Edmund, la plus petite des deux sœurs ne s'avait pas quoi penser de la situation. D'un côté, elle était très heureuse pour sa Sara et de l'autre, elle était déçue que ce ne soit pas un Dornien.

Pendant le repas, le chevalier Dornien n'avait même pas adressé une seule fois la parole aux invités. Il préférait discuter avec sa mère ou avec Damion, bien que leur relation soit assez tendue pour le moment. Il était toujours décidé à reprendre l'activité marchande de son père. Ce qui faisait plaisir à Edmund puisqu'il n'aurait pas à s'en occuper une fois qui prendra la place de son père. Même s'il espérait que ça soit le plus loin possible.

Une fois l'interminable repas terminé, il remonta dans sa chambre pour préparer ses affaires afin de pouvoir retourner à Lancehélion dès le lendemain matin. Mais lorsqu'il passa devant une des fenêtres de sa chambre, il remarqua un homme dans les jardins. Après quelques secondes d'observation, il reconnut le futur mari de sa sœur. Sans perdre un seul instant, il prit la direction des escaliers, mais il croisa Erena. Elle lui sauta dessus pour lui faire un calin et lui demanda ce qu'il allait faire. Edmund lui sourit et lui répondit qu'il avait besoin d'air. Elle lâcha son étreinte et lui fit remarquer qu'il n'aurait pas besoin de ce qu'il portait à la ceinture. Il fallut quelques secondes à Edmund pour remarquer qu'elle tenait sa dague dans la main, mais il était trop tard. Erena avait déjà rejoint sa chambre.

Une fois dans les jardins, il fonça vers le Lord Caron et lui lança une phrase sans même faire l'effort de se présenter. Il n'avait aucunement l'intention d'attaquer ou même d'insulter l'homme en face de lui, les répercutions pourraient être trop lourdes. Il voulait juste lui faire passer un message.

- Lord Caron ! Permettez-moi de vous déranger, il va falloir que l'on discute !

La brise était fraîche et le silence agréable. Le crâne de Bryce, qui avait supporté le vacarme du buffet et des festivités une bonne partie de la nuit s'en trouvait apaisé, et il regrettait de ne pas pouvoir profiter de cette ballade solitaire plus longtemps. Laissant tremper sa main dans l'eau pure et froide de la fontaine, il sentit un frisson parcourir son échine tandis que le vent nocturne, d'une fraîcheur tranchant avec la chaleur journalière, s'invitait dans les jardins. C'était d'une manière tout aussi inattendue qu'un homme avait fait irruption quelques secondes auparavant, laissant Bryce Caron dubitatif, l'esprit embrumé et las.

L'inconnu qui s'élançait à sa rencontre semblait l'avoir reconnu, ce qui était en réalité chose aisée si l'on y réfléchissait bien. Les étrangers ne devaient pas courir les rues à Salrivage, du moins pas les nobles d'autres provinces. Interpellé par l'individu, Bryce scruta son visage tout en posant la main sur le pommeau de son épée, méfiant. Il était peu probable qu'un brigand se soit glissé dans le domaine seigneurial des Gargalen pour détrousser les invités du moment, et les habits de l'inconnu trahissaient sa noblesse. Cependant, le ton qu'il employait, vif et rapide, n'avait rien de rassurant, tout comme la vitesse avec laquelle l'homme s'était dirigé vers lord Caron. De toute évidence il avait quelque chose d'important à dire, ou bien des comptes à régler. Un ancien prétendant de Sara Gargalen ? Un membre de la famille ? Lord Caron soupira discrètement. Rien ne se passait décidément comme prévu, il finissait toujours par y avoir un accroc quelque part. Le ventre pleins et légèrement enivré par le vin dornien, les jambes alourdies par son voyage, il était somnolent et n'aspirait qu'à aller se coucher. Il espérait ne pas être importuné trop longtemps.

Le Rossignol ne répondit pas immédiatement, jugeant son interlocuteur du regard, le regardant des pieds à la tête. Son visage lui était étrangement familier, pourtant, il en était toujours persuadé, il n'avait jamais parlé à cet homme. Lui revint alors en mémoire un individu assis à la table du banquet qui s'était muré dans un silence de marbre si ce n'est pour échanger avec lady Gargalen et son fils. Lord Gargalen s'en était d'ailleurs excuser, il s'agissait là de son fils héritier, Edmund Gargalen. Bryce ne savait pas grand chose de ce chevalier si ce n'est qu'il vivait loin de sa famille, s'il avait bien retenu ce qu'avait dit son père. Peut-être venait-il tout simplement se présenter, après tout il s'était fait bien discret ce soir. Lord Caron hocha doucement la tête.

« - Ser Edmund Gargalen, je présume. » dit-il tout en écartant sa main de son arme, maintenant qu'il savait à qui il avait à faire. Du moins, il ne pouvait que poser l'hypothèse de son identité, le chevalier n'ayant pas encore pris la peine de se présenter, ni même de saluer le lord qui était en face de lui. Bryce resta cependant calme, lui lançant même un regard complice, rendu plus joyeux qu'à l'accoutumée par l'alcool. « C'est un honneur que de prendre la main d'une femme aussi belle que votre soeur ». C'était à la fois protocolaire et sincère. Il était sûr que sa future femme ferait parler d'elle à Séréna. Étrangement il avait le pressentiment que le frère de lady Gargalen n'était pas aussi satisfait du mariage. Sinon pourquoi serait-il là, alors qu'il n'avait même pas daigné adresser la parole aux invités de son père durant la soirée ? Si le Rossignol paraissait plus calme qu'il n'en avait réputation, il ne tolérerait guère qu'on lui manque de respect, tout héritier qu'était Edmund Gargalen. Après tout, il n'était pas encore chef de la maison et devait respect aux choix de son père, puissent-ils l'irriter ou lui déplaire.

Edmund s’inclina légèrement comme à son habitude lorsque le Lord Caron prononça son nom. La coutume voudrait de lui qu’il s’excuse pour son comportement lors du repas et c’est ce qu’il allait faire. Il était toujours en train d’accuser le coup, de son propre père et de Damion. Mais l’homme de l’Orage n’avait pas à faire les frais de sa mauvaise humeur, il avait l’air de plaire à Sara ce qui était un bon début. Le temps permettra à l’héritier de Salrivage d’accepter la situation et de connaitre plus Bryce. Il fallait cependant le mettre en garde, même si ce n’était pas forcément réciproque Edmund tenait énormément à ses sœurs et il ne permettrait jamais que du tort soit causé à l’une d’entre elles. Et il n’hésitera pas à partir en guerre si c’était le cas, mais pour le moment, ce n’était pas la question. Il fallait construire une bonne base pour la relation entre les deux hommes.

- Bonsoir Lord Caron. C’est un honneur de voir que ma sœur va épouser un grand seigneur tel que vous. Je vous prie d’excuser mon comportement lors du repas, j’ai encore du mal à m’expliquer certaines choses. Rien ne vous concernant rassurez-vous.

Ce n’était pas exactement vrai le Lord Caron était impliqué dans l’histoire, mais ce n’était pas à lui qu’Edmund en voulait.


- Marchons ensemble voulez-vous ? Je vais être franc avec vous. Comme bon nombre de Dornien je ne suis pas particulièrement ami avec les étrangers. Mais j’espère que ce mariage me fera changer d’avis.

Pas particulièrement ami. Il était vrai qu’Edmund était toujours méfiant envers ceux qu’il ne savait pas de la région. Tant que vous n’étiez pas du Bief, il y avait une chance pour que le fils du Lord Gargalen ait un peu d’intérêt pour vous. Peut en témoigner Ser Irwin. Enfin comme on doit l’appeler maintenant Durran Baratheon, héritier du Roi Robert. Il avait vu juste sur lui, l’homme qu’il avait rencontré dans la bibliothèque du Vieux-Palais n’était pas celui qu’il prétendrait être. Edmund se recentra sur l’homme à ses côtés, il ne s’avait rien de lui et il fallait qu’il en sache plus. Mais pour le moment, il laissa le silence s’installer.

Après avoir salué Bryce comme le protocole l'exigeait, ser Gargalen se présenta enfin. Les salutations habituelles faites, ainsi que les compliments respectifs échangés, sur lady Gargalen comme sur le prestige de lord Caron, la vraie discussion pouvait enfin commencer. Le protocole était parfois des plus irritants mais il permettait de désamorcer nombre de tensions comme de faire passer des messages. Ici il avait mit en confiance les deux interlocuteurs, chacun savait que son vis à vis n'avait aucune intention négative. Toutefois le ton qu'employait Edmund Gargalen laissait largement présager qu'il y avait une ombre sur le tableau idyllique de cette journée. Le Rossignol était à la fois impatient et inquiéter de découvrir la nature de celle-ci. Y avait-il un sombre secret de famille chez les Gargalen ? Ou bien était-ce seulement un jeune homme un peu trop possessif avec ses sœurs ?

La suite de la conversation ne tarda pas à lui mettre la puce à l'oreille. Lui non plus ne faisait guère confiance aux étrangers. L'inimitié naturelle entre les deux royaumes était partagée, c'était un lourd héritage historique qui remontait aux belligérances de chacun et aux volontés d'expansion du temps où les Septs couronnes n'avaient rien d'une entité fédérée. Le Trône de Fer n'avait pas toujours fait naître le consensus, il ne fallait jamais l'oublier, et les marques du passé influençaient encore le présent, façonnant le futur. Rivalité entre régions, volontés d'indépendance et vieilles rancœurs... Les actes de nos pères nous hantaient et nous guidaient malgré nous. Cependant, le progrès naissait nécessairement des cendres du passé, comme le prouvait la présence de Bryce Caron ici. Lui non plus n'aimait guère les étrangers et était d'un naturel méfiant. D'ailleurs, il n'aurait quitté son arme pour rien au monde, même entre les murailles de sa future belle-famille. Mais cette journée l'avait fait mentir. Il avait été bien reçu, et s'était bien entendu avec les dorniens, qu'il considérait autrefois comme la pire espèce, sans pour autant les connaître. Et voilà qu'il mariait une dornienne. Il avait l'impression de faire face à son propre reflet, un image de sa conviction antérieure, en écoutant les paroles du chevalier, qu'il aurait pu prononcer. C'est pourquoi il comprenait son ressentis et ses dires. Même s'il avait fait des progrès de tolérance, Bryce ne se sentait pas l'ami de Dorne. Il avait seulement pris en estime les Gargalen, ce qui le rendait indulgent envers le fils aîné de la fratrie du lord local. Un Uller lui aurait parler de la sorte, se vantant de ne pas aimer les étrangers, lord Caron aurait tirer son glaive de son fourreau, le prenant comme une insulte. Ce n'était certainement pas une chose à dire. Mais ici, il demeura calme. Hochant doucement la tête, il accepta d'aller marcher avec son hôte.

« - Bien. Marchons alors. »

Inutile d'être trop bavard. Ils commencèrent alors à arpenter les sentiers pavés des jardins exotiques de Salrivage. Le son mélodieux des fontaines berçait leur ballade tandis qu'ils conversaient calmement. Bryce avait du mal à voir où allait en venir son interlocuteur.

« - Je comprends que vous vous méfiez de moi, ser Gargalen. Moi-même, je ne suis pas l'ami de Dorne. Les Marches de nos deux royaumes se sont longtemps fait face. »

Il prit une courte pause, se remémorant maints épisodes historiques, comme l'incendie de Séréna par la maison Poulet. Les Montagnes Rouges avaient vu le sang dornien et celui de l'Orage couler maintes fois lors de leurs affrontements, tout comme le Bief avait lui aussi fait face à Dorne. Mais ce temps était révolu et ce mariage était tout un symbole.

« - Mais regardez où nous en sommes. Je viens prendre la main de votre sœur. C'est le symbole d'une nouvelle amitié entre les peuples. Nombre de chose nous ont opposés, jusqu'à la rébellion même des Baratheon. Peut-être qu'il est temps d'écrire une nouvelle page de l'histoire. »

Mais tout cela était des considérations politiques. Ser Gargalen n'était pas encore lord, il était probable que ce n'était pas ce qui l'intéressait ici, et Bryce en avait conscience. Le nœud de la question était plus... sentimental.

« - Quant à ce mariage... Je suis un homme d'honneur. »

Est-ce que cette simple phrase suffisait à convaincre le frère de sa fiancée de sa bonne foi ? Peu probable. Mais quelles preuves avaient-ils ? Il avait fait bonne figure ce soir et avait plu à lord Gargalen, c'était quasiment sûr. Mais comment montrer à un homme qui ne connaissait rien de nous, qu'on est valeureux ? Sa réputation ne pouvait pas parler pour lui. Mais il pensait avoir cerner les contours de la personnalité d'Edmund, et s'y reconnaissait en partie. Il était persuadé qu'en parlant, ils se rendraient compte tous deux qu'ils étaient de la même trempe. En attendant que dire ? Il n'aimait guère qu'on mette sa valeur en doute et ne se sentait pas obligé de la prouver, bien qu'il eusse aimé que le chevalier l'apprécie.

« - Et Séréna est un château agréable, pas si éloigné de Dorne. Je ne vais pas priver mon épouse de sa famille. Nous viendrons aux grandes occasions, et vous verrez votre sœur. Vous la verrez heureuse, ceci est ma promesse. Quant à moi, cela me permettra de voir la mer. »


[Pourquoi ne pas joindre Sara au rp par la suite ? ]