An 299 • Deuxième Lune • Semaine 3 • Jour 6.
10 jours de voyage nécessaire.
Corbeau envoyé depuis Hautjardin pour Lancehélion.

Desmera n'avait pas trouvé le sommeil de toute la nuit, trop préoccupée par les nombreuses peurs qui l'habitaient ces derniers temps. Elle se souvenait d'avoir connu cette même peur, des mois plus tôt, lorsque son père avait été agressé par un « vieil ennemi » de leur famille. Allongée sur le dos dans son lit, recouverte d'un simple drap, la tête posée contre un coussin moelleux, les mains jointes devant elle, elle priait en silence les Sept pour que les Fer-Nés cessent leur croisade pour leur fausse divinité, le Dieu Noyé. Seuls les Sept existaient, ils avaient toujours été là pour la jeune fleur de la Treille. Et personne, surtout pas des barbares tels que ceux des Îles de Fer, ne pourrait oser dire le contraire. Desmera ne les croirait pas.

Mais le souvenir de ces ennemis dorniens lui revenait, et elle se demandait alors pourquoi cet homme avait osé faire une chose pareille. Edmund Gargalen. Ce simple nom la fit frissonner. Poussée par l'envie de savoir, ses deux mains se séparèrent et la jeune lady fut levée en un instant. Elle ouvrit d'abord les rideaux qui gardaient la pièce dans l'obscurité, le soleil qui apparaissait déjà dans le ciel venant baigner la chambre d'une douce et légère lumière. Elle alla s'asseoir à une petite table, prenant un petit parchemin et une plume.
Elle devait savoir.

A Ser Edmund Gargalen,
Héritier de la Maison Gargalen et de Salrivage,
Chevalier de la Maison Gargalen,

Ser Gargalen,

Je vous écris pour obtenir de votre part quelques éclaircissements concernant un incident ayant eu lieu voilà quelques mois. Je me pose des questions, et j'aimerais que quelqu'un y réponde. Vous semblez être le mieux placé pour cela.
Je me nomme Desmera Redwyne, fille cadette de Lord Paxter Redwyne. Vous connaissez certainement ce nom puisque, au dixième mois de l'an dernier, vous avez agressé mon père à Lancehélion. Les Sept soient loués, il est sorti vivant de cette violente agression.

Mais j'aimerais comprendre pourquoi un homme dont je n'avais jamais entendu parler avant tout cela, un chevalier au service des Sept qui plus est, a pu faire une chose pareille ? Mon père est un honnête homme, ne méritant pas un quart du traitement que vous lui avez infligé. J'ose espérer que tout cela n'était qu'une erreur, et que vous transmettrez toutes vos plus plates excuses à mon père ainsi qu'à ma famille. Peut-être les Sept vous pardonneront alors pour cette erreur.

Cordialement,

Lady Desmera Redwyne.

Satisfaite de ce qu'elle avait écrit, la jeune Redwyne quitta sa chambre, demandant à une servante qui passait par là de faire envoyer cette missive par corbeau le jour-même. Dans toute sa naïveté, elle pensait recevoir bientôt des explications d'Edmund, ainsi que ses excuses.

An 299 • Troisième Lune • Semaine 2 • Jour 6.
10 jours de voyage nécessaire.
Corbeau envoyé depuis Hautjardin pour Lancehélion.

Lorsqu'elle reçut la réponse du dornien, Desmera étouffa un petit cri de stupeur. Comment pouvait-il lui ordonner ainsi de ne pas lui répondre ? Comment pouvait-il dire des choses pareilles au sujet de son père, de sa famille ? Son père, son cher et tendre père, lui qu'elle aimait tant, n'était pas le monstre que lui décrivait ser Gargalen. Jamais on ne s'était adressé à elle ainsi. Jamais. La main et les lèvres tremblantes, elle se saisit d'une plume, d'un parchemin, et entreprit de lui répondre...

A Ser Edmund Gargalen,
Héritier de la Maison Gargalen et de Salrivage,
Chevalier de la Maison Gargalen,

Ser Gargalen,

J'en suis navrée, mais je ne crois pas un seul mot de ce que vous me dites. Mon père n'est pas un homme mauvais, il n'est pas le monstre que vous me décrivez là. Il n'est pas non plus un beau parleur, comme vous le dites. Mon père n'est pas un menteur, il est un homme bon, et rien de ce que vous pourrez dire ne me fera changer d'avis.

Mon père ne doit le succès de ses échanges commerciaux qu'à l'importance de la Treille et de notre flotte ; il n'a en aucun cas fait du mal à votre père, je pense que vous vous trompez de personne.

Pardonnez mon insistance, mais j'exige des excuses sincères envers ma famille. Les Sept vous pardonnent pour vos erreurs.

Lady Desmera Redwyne.