299, Ferrandi de la quatrième semaine de Velenas
A un mile d'Astapor

De là où ils étaient, on peinait à discerner les murailles de brique rouge d'Astapor, mais il était impossible de ne pas remarquer le sommet des pyramides, même avec le reflet du soleil sur le sable. Comme partout autour des Cités de la Baie des Serfs, la nature n'offrait pas grand chose d'autre que du sable et des herbes basses peinant à s'accrocher au sol. Il n'était guère étonnant que les Ghiscari se soient consacrés au commerce d'esclave, car seul le bord de mer et les terrasses de leurs fameuses pyramides leur permettait de cultiver. Fort heureusement pour les Dothrakis, car c'était bien pour parler esclavage que la Khaleesi s'était avancé jusqu'à Astapor. A Meereen et Yunkai, elle n'avait fait que passer, collectant quelques cadeaux en échange desquelles elle n'attaqua aucun allié des cités esclavagistes. Maeri avait préféré ne pas s'attarder ou les Maîtres auraient finit par se demander pourquoi elle ne leur offrait pas les esclaves qu'elle transportait.
Tous, elle les gardait pour Astapor.

A une petite centaine de mètre derrière elle, un petit camp s'était installé. Petit par rapport à son khalasar mais il comportait plusieurs centaines de petites tentes dans laquelle s'entassaient les esclaves. Elle les avait accumulé depuis la victoire contre Khal Drogo, beaucoup de bouche à nourrir mais c'était nécessaire pour ce qui arriverait aujourd'hui. Deux carrioles s'étaient avancés jusqu'à sa position, pour que les Bontés d'Astapor puissent inspecter quelques échantillons.
Il n'était pas nécessaire que la rencontre se passe en-dehors de la ville, les Khal Dothrakis étaient de très bon clients des Astapori, à défaut d'être des amis. Il était même possible que certains possèdent une maison en ville, Drogo avait bien un manoir à Pentos. Cependant, il n'avait rien à Astapor, Maeri en était presque sûre. Pour ce qu'elle avait prévu, il vaudrait mieux se trouver en dehors de la ville de toute façon. Elle avait choisi un petit plateau qui permettait d'être vu depuis la ville et de voir les portes au loin. De quoi rassurer les Bontés sur la possibilité qu'elle leur tende un piège. Pourquoi une Dothraki ferait ça de toute façon ? Ce qui avait dû les surprendre, c'est qu'elle demande à ne parler qu'à des Bontés travaillant dans le commerce d'Immaculés.

La veille, elle avait envoyé un coursier pour avertir les Bontés de son intention et des conditions de la rencontre qu'elle proposait. Celui-ci était revenu au matin lui annoncer l'accord des Maîtres d'Astapor. Ils avaient donc laissé la horde pour venir s'installer ici. La Khaleesi se doutait bien qu'un khalasar de 27 000 âmes aurait rendu nerveux les esclavagistes et elle comptait plutôt les mettre dans de bonnes dispositions. Son petit camp improvisé ne comportait donc qu'une seule grande tente dont l'entrée large et couverte permettait d'accueillir les négociants à une large table, derrière laquelle Maeri attendait. Elle n'avait pris que 20 guerriers avec elle, y compris ses Ko ; Lhasso et Pradgio – Soyyo et Norio étaient restés au khalasar – et le sang de son sang, l'immense Morocco qui restait planté à côté de la tente, presque trop grand pour tenir sous la toile. Pradgio et Lhasso l'encadraient, mais à ses côtés, elle avait conservé sa traductrice, la douce Imeah.

Détournant le regard des pyramides rouge sang, la Dothraki observa la jeune blonde à ses côtés. Jusque là, elles n'avaient que peu parler de la ville, mais elle la connaissait depuis assez longtemps pour connaître le sentiment d'Imeah sur Astapor. Ce n'était pas la raison pour laquelle elle n'avait pas voulu négocier dans l'enceinte de la ville, mais elle était plutôt contente tout de même pour la Lysienne.
Maeri ne pouvait pas prononcer les paroles rassurantes qu'elle aurait voulu lui confier, d'autant qu'elle n'était pas sûre d'avoir l'esprit pour trouver ces mots, mais elle glissa tout de même une main dans la sienne et la serra fort.

Elle la relâcha quand une fumée rouge s'éleva dans la côte amenant jusqu'à sa position. La délégation d'Astapor était finalement arrivée. Maeri attendit que leurs dirigeant soient face à elle pour leur sourire, sans se lever. Les Dothrakis n'avaient pas coutumes d'adopter les marques de politesse de ceux à qui ils s'adressaient et elle ne comptait pas commencer.

- Imeah, dis à ses Bontés que je les salue et qu'ils ont bien fait d'accepter mon invitation. Nous avons beaucoup à parler. S'ils veulent avoir un interprète, libre à eux mais je te garderai à mes côtés pour traduire mes paroles.

Elle fit signe à un esclave qui se dépêcha de rejoindre la table, répartissant des verres d'argent pour chacun des participants à la négociation et offrant à chacun de le remplir de kéfir ou de vin rouge – cadeau de Volantis.
Pendant ce temps, la Dothraki offrait son sourire le plus carnassier aux représentants de la cité rouge.

- J'ai l'intention de faire un grand cadeau à la ville d'Astapor. J'attends donc un cadeau équivalent de leur part.

Les Dothrakis ne croyaient pas en l'argent, ils ne payaient rien et ne vendaient pas. Ils offraient et recevaient.

Si Maeri avait fait l’effort de se renseigner ne serait-ce qu’un peu sur les grandes familles d’Astapor et les noms qui leurs correspondaient, elle aurait sans doute été capable de comprendre l’importance de ceux qui venaient la rencontrer ce jour-là. Malheureusement, comme tous les Dothrakis, elle n’accordait aucune importance à la hiérarchie en vigueur dans les autres peuples. Ce qu’elle voyait en revanche, c’est que ces hommes s’adressaient à elle sans trace de peur ou d’hésitation, ce qui était une bonne chose. Le fait qu’ils aient des esclaves aussi, cela signifiait qu’ils avaient été envoyés pour négocier directement et non pour transmettre au fur et à mesure les exigences des uns et des autres. Tout le monde y gagnerait du temps.
Cela n’avait rien d’étonnant, s’il y avait bien des cités qui pouvaient se targuer de ne rien avoir à craindre des Dothrakis, c’étaient bien les trois maîtresses de la Baie des Serfs. Même Astapor, qui aurait pu craindre le courroux des Khals après la défaite au pied des murailles de Qohor, n’avait jamais été inquiétée. Les Bontés d’Astapor savaient qu’ils avaient tout à gagner à négocier sérieusement avec elle, et Maeri leur en était reconnaissante. Tout comme elle l’était qu’aucun ne fasse mention de son précédent mari, pour eux, un Khal ou une Khaleesi ne devait pas faire beaucoup de différence.

La Khaleesi se promit toutefois de demander à Imeah si les noms de ses deux-là lui disait quelque chose une fois qu’ils en auraient terminés avec cette opération.

- J’offrirai à Astapor le plus grand cadeau qu’un Khal puisse lui faire. Les captures accumulés par le grand Drogo et par moi-même alors que je faisais route vers ici. Des esclaves par milliers, car nous n’en avons offert à aucune autre cité sur le chemin.

Elle ne mentait pas et savait que les simples dimensions de son camp suffiraient à convaincre les Astapori de la véracité de ses propos. Quand elle promettait un cadeau d’importance, elle ne mentait pas. Cependant, elle savait que ce ne serait pas suffisant pour ce qu’elle demandait en échange, mais il était inutile d’étaler toutes ses cartes en une fois. Pour l’heure, il convenait plutôt de dire exactement ce qu’elle voulait, afin que les vraies négociations commencent.
Maeri se pencha lentement sur la table, reposant son verre avec un claquement sec. Elle ne se faisait pas menaçante mais suffisamment imposante pour que sa demande soit prise au sérieux.

- Je souhaite d’Astapor un grand cadeau, de ce qu’elle sait faire de mieux. Je veux trois milliers de vos Immaculés, équipés et opérationnels.

La jeune femme se recula un peu sur son siège, souriante et satisfaite de son effet. Elle resta silencieuse ensuite, consciente qu’ils auraient besoin de temps avant de lui fournir une réponse, ne serait-ce que pour se remettre du choc.

Maeri faisait son possible pour ne pas regarder sa propre esclave quand celle-ci traduisait les paroles des deux représentants d'Astapor. Pour comprendre leurs réactions, c'était eux qu'elle devait voir, même si cela était toujours étrange d'entendre ce qu'il disait dans une autre voix. La Khaleesi apprécia de lire la surprise dans les yeux des esclavagistes, suivit par une sorte de craindre quand ils durent lui répondre par la négative. Elle s'empêcha de sourire à l'idée que ces gens puissent être terrifié de la mettre en colère. Il s'agissait de la nature de son peuple : personne ne voulait mettre en colère un Khal Dothraki et – à présent – elle avait tout d'un Khal. Heureusement pour eux, elle était un Khal miséricordieux.

Elle avait bien sûr prévu de voir son offre refusée immédiatement. Les Immaculés valaient bien plus que cela, comme Imeah le lui avait longuement expliqué, elle qui connaissait les coulisses de leur formation. Néanmoins, il était important que les esclavagistes ressentent un certain énervement chez elle, réel ou non. Maeri fronça donc visiblement les sourcils pendant que la jeune esclave blonde traduisait leur refus. Elle fit mine de s'avancer sur son siège, puis ne prit que son verre, le remplissant à nouveau pour en prendre quelques gorgées. La Khaleesi laissa encore quelques secondes de silence passer, avant qu'elle ne reprenne la parole, d'un ton étrangement neutre.

- Je comprends. Les Immaculés sont un grand cadeau que je réclame. J'ai prévu d'autre cadeau pour la Cité.

Elle claqua des doigts et deux Dothrakis s'avancèrent, supportant un grand coffre de bois qu'on fit tomber non loin de la table. Une fois ouvert s'en déversa les rayons du soleil reflété sur l'or et l'argent qu'il contenait. Il y avait des pièces, bien sûr, mais surtout des objets en or récupérés un peu partout. Argenterie, décoration, statue de dieu divers et variés. Les trésors accumulés par Drogo n'avait rien à envier à ceux des plus grandes villes et Maeri elle-même en avait ajouté au cours de son voyage de Volantis à Astapor.

- Les trésors du grand Drogo et les cadeaux de la cité de Volantis. Une trentaine de ses coffres seront à vous.

C'était une offre généreuse, mais les Dothrakis n'avaient que faire de l'or. Ils en accumulaient, bien sûr, dans les palaces de Vaes Dothrak, vendant leurs esclaves contre de beaux cadeaux, mais au sein d'un khalasar, cela n'avait que peu de valeur.

Les cadeaux matériels étaient un début mais Maeri avait bien l'intention de faire comprendre à ses interlocuteurs qu'ils n'étaient pas tout.

- Je saurais me souvenir de la coopération d'Astapor, dans l'avenir, avertit-elle calmement.

Avec toute l'absence de subtilité dont elle était capable, Maeri faisait de son mieux pour analyser ses interlocuteurs pendaient qu'ils conversaient tous ensemble. Elle avait noté que les deux astaporis échangeaient de moins en moins de mots et de plus en plus de regards. Il n'était pas difficile non plus de percevoir la crainte dans leurs yeux alors qu'ils inspectaient les trésors qu'elle avait étalé devant eux. Même elle pouvait deviner ce qui les agitait réellement : une Khaleesi dothraki qui se fournissait en esclave, c'était quelque chose qui n'était encore jamais arrivé. Ils ne savaient pas comment réagir et craignaient la raison qui la poussait à faire ça, d'autant plus à mesure qu'elle prouvait qu'elle était capable d'y mettre le prix.

Imeah finit tout de même par traduire une phrase polie de la part d'un des esclavagistes. Une phrase qui fit se froncer les sourcils de la Khaleesi. Les Astapori avait la mauvaise habitude de valuer un peu trop leurs Immaculés. C'était à se demander comment ils pouvaient bien les vendre en pratiquant des prix pareils. En tout cas, celui-là n'avait pas peur de fâcher une Khaleesi dothraki en refusant ainsi son offre en face. Elle lui offrait plus de trésor qu'aucun khalasar n'en ait jamais possédé, toute la richesse de Drogo et la sienne. Et cela ne valait pas 3 000 des ses esclaves ? Depuis quand n'avaient-ils pas vendus de telles quantités ?

La jeune femme resta tout de même calme, croisant simplement les mains au-dessus de la table pendant qu'elle faisait mine d'écouter Leurs Bontés. Jusqu'à ce que vienne la question suivante. Maeri s'y était attendu et elle était même surprise qu'elle ait pris tant de temps à arriver. La Khaleesi se renfonça dans son siège et son regard sombre passa de l'un à l'autre esclavagiste, avant de se fixer sur celui qui parlait le plus.

- J'ignorais que la grande Astapor contrôlait ses ventes d'esclaves en fonction de ce que ces clients comptaient en faire.

Bien sûr, il était tout à fait normal qu'ils se posent la question. Les dothrakis avaient été une menace pour toutes les cités du continent depuis leur apparition. Même s'ils s'entendaient très bien avec la Baie des Serfs, il était normal que les esclavagistes s'interrogent sur ce qu'elle comptait faire de leur cadeau. Elle avait bien évidemment une réponse préparée pour ça.

- Vous n'ignorez sans doute pas que la notion d'une Khaleesi dirigeant un khalasar n'est pas à la préférence de tout le monde. Je compte me rendre à Vaes Dothrak prochainement. Vos guerriers sont bien réputés pour leur efficacité contre un khalasar, n'est-ce pas ?

Elle doutait sincèrement que les Bontés d'Astapor se souci autant des affaires des dothrakis, et c'était bien la raison pour laquelle elle avait choisie ce mensonge. Il était difficile de savoir à quel point ils la croiraient mais cela pourrait aider leur cause s'ils étaient convaincus.

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Le mensonge ne faisait que peu parti de la culture Dothraki. Ils étaient réputés pour jouer très franc jeu et toujours aller droit au but, c’était là quelque chose que Maeri ne pouvait pas contester. Pour autant, cela ne signifiait pas qu’ils étaient incapable de double jeu. Il était hors de question que les Astapori sachent exactement ce qu’elle souhaitait faire de ces esclaves. Non pas qu’il n’auraient put être utile contre des khalasar souhaitant la renverser, mais ce n’était bien sûr pas son intention première. Il était cependant logique que des Khal tente de la tuer, elle-même adorait tuer d’autres Khal. C’était ainsi que l’on mesurait sa valeur. Le mensonge était donc bien choisi et il fut apparemment avalé tout rond par les deux esclavagistes. Intérieurement, la Khaleesi était soulagé, cela rendrait probablement la suite des négociations plus facile, ou elle l’espérait.

Le parleur qui lui avait posé la question tenta bien de justifier qu’Astapor ne s’inquiétait pas du devenir de ses esclaves. Maeri voulait bien lui faire croire qu’elle avalerait ça, peu lui importait. Elle n’était cependant pas idiote : les Bontés d’Astapor auraient été idiots de donner une telle armée à des dothrakis sans s’inquiéter de ce qu’ils allaient en faire.

— C’est une première, déclara la Khaleesi. Avec la collaboration de la grande Astapor, j’ose espérer que ce ne sera pas la dernière. Je compte bien capturer un certains nombre d’esclave et je saurais vers qui me tourner pour les offrir.

Maeri n’avait pas envie de passer plus de temps sur la raison qui la poussait à se faire offrir une armée de cette façon. Elle se tut donc prudemment pendant que les deux négociateurs se regardaient en silence. Elle devina à leurs expressions qu’ils approchaient de la fin de cette discussion. Il ne fallut pas longtemps pour qu’on lui annonce franchement, avec une dernière offre d’exposer ses arguments. La Khaleesi ne pouvait pas simplement laisser passer l’opportunité. Elle devait enfoncer le clou aussi rapidement que possible pour éviter que ces Bontés oublient l’intérêt qu’ils auraient dans l’histoire.

— Transmettez à ses Bontés ce que j’ai dit : les Dothrakis n’oublient pas les cadeaux qu’on leur fait, ni les cadeaux qu’ils font. Je saurais me souvenir de la réponse d’Astapor dans le futur et je saurais à quelle grande cité fournir mes esclaves. Je prévois d’en offrir un grand nombre dans les années à venir, je pense que vous en aurez besoin pour les futurs Immaculés.

Si la déclaration pouvait passer pour une demi menace, Maeri s’efforça de terminer sur un sourire confortant, avant de planter son regard alternativement dans celui des deux hommes.

— Je saurais aussi me souvenir de ceux qui auront permis à cette relation d’amitié de se former. Les dothrakis n’oublient pas leurs amis.

La Khaleesi se leva pour signifier à ses invités qu’ils pouvaient faire de même, puisque viendrait bientôt le moment où ils allaient partir. Mais elle n’en avait pas pour autant terminer.

— Transmettez aussi à ses Bontés que si j’accomplis ce que je désire à Astapor, je pourrais offrir de quoi rendre à cette cité sa gloire d’antan. La mer Dothrak regorge d’assez d’esclave pour établir un commerce comme peu ont existé. Imaginez un unique khalasar organisé pour fournir les marchandises nécessaires à ceux qui en ont besoin pour entraîner des esclaves d’exceptions.

Pendant un temps, Maeri envisagea de passer aux menaces, mais elle finit par abandonner l’idée. Les Astapori avaient montrés plusieurs fois depuis le début de cette négociation qu’ils étaient plus que conscients de la dangerosité du khalasar, elle n’avait pas besoin de leur rappeler qu’elle n’oublierait pas non plus si on ne lui donnait pas ce qu’elle voulait. Insister risquerait de les braquer et il était hors de question que ça arrive.

— Nous attendrons la réponse de la Grande Astapor d’ici à demain, ici-même. Si vous le désirez, emmenez avec vous un de mes coffres, choisissez vous-même. Cela aidera les autres Bontés à voir ce que je leur propose.

Elle leur fit signe de se diriger vers les coffres étalés précédemment s’ils le voulaient. La Khaleesi attrapa son verre de kéfir et se fendit d’un large sourire pour conclure.

— Ce fut un plaisir de discuter avec vous, messieurs.

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'Dé 100' : 7