Il y a certains hommes qui possèdent 1000 vies. Tu fais partis de ceux là. Tu aurais pu choisir la terre de tes pères, y cultiver le grain. Tu aurais pu épouser une femme du village voisin et voir grandir tes marmots. Tu aurais pu garder le champs de la famille, t'encrasser les paumes de terre et grelotter de froid le soir en rentrant, te frottant tes mains caleuses devant la cheminée. Mais tu ne voulais pas ça, non. Oh non tu ne voulais pas ça. Tu voulais parcourir les terres pour voir toutes les couleurs dont le monde regorge. Tu voulais parcourir les désert à en crever la gorge sèche. Tu voulais que tes doigts puissent découvrir la peau de toutes les femmes du monde. Et tu l'as fait.

Tu es né dans un village dont tu ne te rappelles qu'à peine le nom. Perdu dans le froid des Les collines du territoire Corbois, la vie avait le goût de souffre et l'odeur de glace. Là bas, les pieds pataugeaient dans la boue chaque jour que le bon Dieu donnait aux gens. Ils se cassaient le corps à tenter de sortir de terre de quoi se nourrir et ne prenaient le temps que de reposer quelques heures le dos cassé, les mains saignantes et les genoux griffés par les ronces. Là bas ils ne vivaient pas. Ils survivaient. Alors quand tes jambes ont poussé assez grand, quand tes joues de gamin se sont fait manger par la faim, quand tes bras se sont mis à pouvoir porter une lame plutôt qu'une fourche, tu as sauté sur la première occasion. Ce fut une femme. La première.

Tu te rappelles encore. Elle avait des yeux à en faire oublier le monde et des cheveux à la couleur du soleil comme tu n'en avais jamais vu. Elle est arrivé sur un cheval, le montant comme un homme. Deux gardes l'entouraient. Ils étaient laids. Ils avait la gueule de ceux qui n'ont pas connu le sommeil depuis trop longtemps et les frusques rougeoyants comme après une bataille. Des brigands étaient passé par là. Trop bête ou trop affamés, ils avaient attaqué malgré la dizaine de gardes de la dame. Il n'en restait plus que deux, à moitié morts. Alors lorsqu'elle a commencé à chercher des hommes pour l'aider à atteindre Winterfell, tu n'as pas prié. Tu as tiré de ta pauvre maison une hache, un arc et quelques flèches. Tu as enfourché le cheval boitant qui te servait de monture et accepté la pièce que la dame te lançait.

Arrivé à Winterfell, lorsque la poignée d'hommes du village se préparait à repartir, tu les as laissé là. Tu crois bien qu'ils n'ont pas compris. C'étaient des gens simples pour qui chaque jour que le bon Dieu leur donnait était le plus beau des cadeaux. Mais toi, tu n'étais pas comme ça. Oh non. Tu n’avais que dix sept ans à l'époque et déjà tu voulais découvrir ce qu'était le « ailleurs ».

Certains disent que tu as combattu toutes les guerres. Que tu as parfois changé de camps au milieu d'une bataille, que tu as tué trop d'homme dans ta vie pour te souvenir du nombre. Ces hommes là auraient presque raison. Tu as toujours préféré ta vie à une quelconque allégeance. Tu as vu plus de morts que bon nombre de soldats. Tu t'es servi de ta hache et de tes poings plus de fois qu'il n'aurait été utile. Mais tu étais bon pour ça. Oh oui. Et plus personne n'est de ce monde pour dire le contraire.
Alors pendant des dizaines années tu as fait ce que tu savais le mieux faire.
Aujourd'hui aux services de  Jon Connington, tu continues à manier ta hache en échange de quelques pièces, avant de trouver mieux.

Tu as toujours préférer frapper que parler. C'est avec tes poings que les mots sont toujours le mieux sortis. Il n'y a pas à dire, la bagarre, tu aimes ça. Et malgré l'âge, tu continues encore à sortir des mots d'oiseaux plutôt qu'à chercher la paix. Il y a de ces hommes qui ne sauront toujours bons qu'à se battre et tu en fais partis. Avec le sang, c'est bien les femmes que tu préferes. Et avec l'âge, les goûts s'agrandissent. Les jeunes et belles, aux murs et expérimentés, tu ne rates pas une occasion de prendre du plaisir. A vrai dire, il ne t'a toujours manqué qu'une chose pour être le parfait soldat : l'obéissance. Parce qu'il n'y a pas d'obéissance sans respect et que tu n'as toujours respecté que ta vie, tu continues à vadrouiller le monde pour trouver un endroit où tu pourras mourir. Chez toi. Parce qu'à force de courir le monde tu en as oublié tes racines. Tu ne peux rester longtemps au même endroit sans te sentir étranger. Où que tu ailles, quoi que tu fasses, tu finis toujours par fuir pour tenter de trouver autre chose, ailleurs.

Ton corps est recouvert de cicatrices comme autant de traces de vies et de mort. La gueule mangée par les années et les combats, tes lèvres ne savent plus que descendre pour former une grimace de vieillard comme seul toi en a le secret. Oh bien sûr il t'arrive de sourire, d'un sourire en coin, ironique, grinçant, qui donne aux autres cette sale impression que tu te moques d'eux. Faut dire aussi, que tu as une sale gueule, Sergueï. Tu sens la mort comme un homme qui n'a pas connu l'eau depuis trop de lunes. Le peu de cheveux qu'il te reste est cramponné à ton crâne par la crasse et c'est à peine si l'on sait de quelle couleurs ils sont encore. En te voyant, on se demande si cette couleur noire n'est pas dû au gras. Tu es laid, Sergueï, et tu as beau te cramponner à une allure de gamin, ton dos voûté te rappelle à ton âge. Les rides qui te mangent les mains aussi. Ta paume a tellement de corne que c'est à peine si elles peuvent encore ressentir quoi que ce soit.
Le pire,c 'est ta voix. Une voix de vieillard édenté, à la gorge rongé par le tabac qui donne envie de grimacer dès que ton bec s'ouvre.