[Châteaunoir][RP Flash Back] Le feu de la forge dans le froid de l'hiver (Jon Snow)

Dale « Invité »

298 - Lune 11 - semaine 1 – Jour 5
Châteaunoir, le Mur

Cela faisait trois heures consécutives que Dale forgeait sans s'arrêter. Il avait fait ça de nombreuses fois lorsqu'il était dans sa forge, dans les Conflans, chez lui. Mais là c'était différend, c'était beaucoup plus éprouvant. Le temps et la température n'avait rien à voir. Ici, la chaleur de la forge se mélangeait au froid ambiant. Et le bruit du marteau sur l'enclume se mélangeait au léger murmure de vent glacé, donnant ainsi une chanson désordonné et rythmé, une chanson dont la mélodie évoquait tantôt des moments chaleureux, tantôt des moments froid. Une chanson de glace et de feu.

Le visage de Dale était recouvert de sueurs due à l'effort et de flocon de neige qui ne restait que quelques secondes, puis disparaissait dans une très légère fumée de vapeur. Ses mouvements commençaient à devenir plus lent, moins précis. Ses mains tremblaient légèrement, et cela devenait de plus en plus fréquent ces temps-ci. Cela lui était déjà arrivé avant son séjour au Mur, mais depuis qu'il était là, cela ne faisaient qu'empirer. Peut être, était-ce la température, les conditions de vie qui lui provoquaient ces légers spasmes incontrôlable. Mais en tout cas il allait devoir faire quelque chose pour que cela cesse, sinon, son talent et sa précision s'en verrais amoindri de façon non négligeable. Dale irait voir Mestre Aemon mais pour le moment, il avait du travail, beaucoup de travail, s'occuper des armes et des armures d'une garnison de six-cent personnes n'était pas chose aisé, et elle ne l'était encore moins lorsque Donal Noye faisait une pause pour aller picoler ou baiser à la Mole.

Il continua son travail, quelques minutes durant, puis se vit obliger d'arrêter vite fait en raison d'une crampe douloureuse au bras droit. Pendant trois heures, il n'avait pas fait une seule pause. Il n'avait pas arrêter de frapper le marteau sur l'enclume, aiguiser les armes, faire chauffer la braise, et recommencer encore et encore, jusqu'à l'overdose. Il n'en pouvait plus, avait perdu son souffle qui était maintenant devenu irréguliers et insuffisant. Dale commença à tousser une fois, puis une autre fois plus fort, et une autre fois encore plus fort. Il tomba au sol, se releva et se mit à genoux, et toussa cette fois plus fort que les précédentes et cracha du sang sur le sol. Le peu de sang qui sortit de sa gorge recouvrait la fine neige immaculée. Il avait beaucoup trop travailler aujourd'hui, il était arrivé à la limite que son corps lui imposait. Il se releva et s'adossa contre un mur de la forge. Le métier de forgeron était physique, très physique même dans certain cas, mais là ce n'était pas le travail en lui même qui lui avait provoqué cette réaction, mais plutôt le Mur. Il était là depuis quelques semaines mais il n'arrivait toujours pas à s'adapter. La nuit, il dormait mal, voire quasiment pas certaine nuit. Et le jour, il ne savait pas pourquoi, mais il essayait de se surpasser, et d'endosser la plus grosse charge de travail possible quand bien même personne ne lui demandait d'en faire autant. Surement pour faire ses preuves, ou pour prouver qu'il était utile à la garde, il ne le savait pas, et c'était probablement stupide. Mais en faisant ça, il tentait de se rappeler la sensation que cela faisait de travailler des dizaines d'heures durant sans perdre son rythme. De façonner la meilleure épée possible, en prenant bien soin de lui enlever toutes ses petites impuretés, tout en arrivant à mêler la qualité à la rapidité. Il devait probablement avoir le mal du pays. Il allait devoir s'adapter au Mur et non l'inverse.

Dale resta là, assis et adossé à un mur. Il reprenait simplement son souffle, tout en se reposant pour la première fois depuis des heures. La seule chose qui attirait son attention à l'instant, était les cendres qui brulait à tout petit feu. Elles crépitaient, s'embrasaient, et disparaissaient en petites particules incandescentes tout aussi vite. La chaleur qui en émanait était très agréable et rappelait au nouveau forgeron bien des souvenirs qu'il avait eu tout au long de sa vie dans la forge familiale.

Le forgeron regarda tout autour de lui, et constata que la forge était comme Chateaunoir, vieille, délabré, mais toujours utile et indispensable. Certaines parties du toit tombaient en morceau, laissant passer de faible trait de lumière. Entassé au fond de la forge se trouvaient les multiples armes et armures que Dale avait récemment reforgé et réparer.

Le forgeron entendit des bruits de pas qui se dirigeait vers la forge. Cela devait probablement être Donal Noye qui revenait et qui allait voir le travail effectuer par Dale durant trois heures. Ou alors, c'était Alliser Thorne qui venait chercher les armes, et qui ne se priverait sûrement pas de faire une remarque cinglante sur la raison de la venue du nouveau forgeron au Mur.

A la grande surprise de Dale, ce n'était ni l'un ni l'autre, ce n'était pas un garde qui apparu, mais un grand et imposant loup blanc que le forgeron avait vu plusieurs fois mais de loin. Le loup blanc était suivie de près par un garde dont Dale avait beaucoup entendu parler. C'était Jon Snow ou Lord Snow comme aimait bien l'appeler Ser Alliser pour souligner le fait que le jeune garde était le bâtard de Ned Stark. Le forgeron imaginait bien la raison qui avait poussé Jon a rejoindre la Garde. Ayant été élevé auprès des fils et des filles légitimes de lord Stark et sa femme. Il commençait en grandissant à entacher la très noble, respectueuse, et évidemment irréprochable réputation du Gouverneur du Nord. Et donc il avait été éloigné le plus loin possible de Winterfell et c'était retrouvé au Mur. Mais après tout, ce n'était qu'une hypothèse que Dale avait imaginé et n'en avait jamais parlé à l'intendant du Vieil Ours.

Le forgeron demanda au jeune intendant la raison de sa venue dans sa forge:

-Salut...Jon c'est bien ça? Si je peux t'aider, n'hésite surtout pas, après tout c'est bien pour ça que je suis là au lieu d'être dehors à patrouiller.

Dernière édition par Jon Snow le 07.12.14 17:18, édité 1 fois

298-Lune 11-Semaine 1-Jour 5
Châteaunoir, le Mur

Lorsqu’il était arrivé pour la première fois au Mur, Jon avait été frappé par la morsure du froid, incomparable avec Winterfell, où même les rares hivers qu’il y avait vécu lui avaient paru plus chauds. En cet instant, il n’y faisait presque plus attention, tant sa main le faisait souffrir. Emmaillotés dans des bandages de soie, ses doigts se ployèrent et déployèrent lentement, lui assénant une douleur fulgurante. En dépit du lait de pavot prodigué par Mestre Aemon, le jeune intendant avait l’impression d’être encore en train de brûler.

Il préférait cependant cette douleur omniprésente à ce qu’il voyait dans ses songes. Snow ne pouvait pas fermer les yeux sans revivre son combat avec le mort vivant, qui avait tantôt les traits d’Othor mais parfois aussi ceux de son oncle Benjen. Conscient que ce n’était sans doute que sa propre inquiétude pour son oncle qui influençait ses rêves, Jon n’en frissonnait pas moins pour autant rien que d’y repenser.

Son regard sombre se posa sur l’épée qu’il portait au côté. Grand-Griffe, l’épée ancestrale des Mormont, que le Lord Commandant venait de lui offrir pour le remercier de lui avoir sauvé la vie. Pendant cinq cents ans, les seigneurs de l’île-aux-Ours l’avaient portée et le propre fils du Commandant l’avait portée avant son exil de l’autre côté du Détroit. Jon Snow était honoré par ce cadeau et n’oubliait pas les paroles que lui avait dites le Commandant : L’épée que tu tiens est une épée d’homme, c’est un homme qui va réclamer mon maniement.

Il n’était plus un enfant désormais et la Garde aurait besoin d’hommes pour protéger le Mur et le reste des Sept Couronnes de ces choses. Même éveillé, il n’arrivait pas à fermer les yeux sans ressentir la froideur des mains noires d’Othor sur son compte, si sans voir l’intensité de ses yeux qui brillaient d’un bleu surnaturel. De sa main indemne, il caressa distraitement la tête de Fantôme qui cheminait à ses côtés en direction de la forge.

Le direwolf lui avait sauvé la vie face au monstre. Couper la main d’Othor n’avait paru faire ni chaud ni froid au défunt, qui ne saignait pas et ne montrait aucun signe de faiblesse. Seul son loup était parvenu à le retenir assez longtemps pour qu’il arrache sa lampe au Lord Commandant et la enflamme cette chose qui continuait de se débattre en dépit des blessures que Jon et Fantôme lui avaient respectivement infligées. Il avait prié les dieux de toutes ses forces pour que le feu vienne à bout de ce cadavre qui ne voulait pas rester mort.

Chassant ses sombres souvenirs de son esprit, il se concentra sur la demande que lui avait faite le Commandant Mormont. Son épée était quelque peu abîmée, et il souhaitait que l’un des forgerons la répare. Jon Snow portait la dite épée dans son fourreau sous son bras gauche et se dirigeait vers la forge en espérant y trouver Donal Noye. Le forgeron lui avait prodigué de judicieux conseils peu de temps après son arrivée au Mur, alors qu’il n’était qu’un garçon arrogant et sot. Oh, il était sûrement encore arrogant mais moins sot qu’il ne l’était, ou tout du moins l’espérait-il.

Ce n’est toutefois mais lui qui l’accueillit mais un homme d’une trentaine d’années, dont les cheveux châtains et le visage étaient trempés de sueur. Noye lui avait parlé de lui une fois, il s’appelait Dale et avait été choisi par le corps des intendants lui aussi, à cause de sa formation de forgeron. Donal Noye lui avait dit qu’il était arrivé il y a tout juste quelques semaines et qu’il travaillait dur à la forge, son travail était de qualité mais pas grand-chose de plus. Pour être honnête, Snow ne lui en avait pas demandé davantage, étant seulement heureux que le forgeron ne soit plus seul à s’occuper d’une telle charge de travail.

Le jeune homme aux cheveux noirs acquiesça de la tête en réponse à la question qui lui avait été posée, avant de prendre la parole à son tour.

- Jon Snow, oui. Et vous êtes Dale, le nouveau forgeron, il me semble ? C’est le Lord Commandant qui m’envoie.

Veillant à ne pas trop recourir à sa main bandée, l’intendant lui tendit le fourreau qui abritait l’épée de Mormont. Contrairement à Grand-Griffe, son pommeau était des plus banals mais la poignée paraissait adaptée aux grandes mains de Mormont, qui devait pouvoir aisément la manier à deux mains comme d’une seule.

- Son épée a besoin d’être réparée. Je pensais demander à Donal Noye mais peut-être pourriez-vous vous en occuper ?

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298 - Lune 11 - semaine 1 – Jour 5
Châteaunoir, le Mur

Le jeune intendant lui tendit l'épée du vieil Ours pour qu'il la fasse réparé. Dale se leva, fit trois pas, saisit la poignée à deux mains et sortit l'épée de son fourreau. Il la brandit dans les airs, et la fit tourner avec quelques difficultés. Elle était lourde, imposante , et très mal équilibré. Le lord commandant n'avait surement pas du la faire réparer ou aiguiser depuis longtemps. A ce niveau là, il allait devoir y passer beaucoup de temps pour pouvoir lui rendre son tranchant d'antan, voir même la reforger cela prendrait presque autant de temps et au moins le résultat serait assuré. Mais bon, le vieil ours voulait que son épée soit réparé, ainsi soit-il, les ordres sont les ordres. Encore plus venant de Mormont. Il se rapprocha de Jon Snow, et prit l'épée et son fourreau:

-Oui c'est moi le nouveau forgeron et je m'appelle effectivement Dale. Je vais m'occuper de l'épée vu que notre chère frère juré Donal Noye est partit il y a quelques heures, je ne sais où. Probablement à la Mole mais bon, il pourrait très bien être autre part. Par contre je te préviens, si je veux bien faire mon travail, ça risque de prendre du temps. Mais c'est pas comme si on avait pas le temps au Mur, après tout on y est juste coincé pour le restant de nos jours.

Le forgeron lança à Jon un sourire complice, se retourna et se dirigea vers son plan de travail. Il y déposa l'épée, la retira de son fourreau et l'examina de plus près. L'épée du lord commandant était vieille, très vieille. Elle avait sûrement du connaitre plus d'hiver que lui ou que le jeune bâtard d'Eddard Stark. Peut être était-elle aussi vieille que le vieil ours lui même? Et il la gardait par pure nostalgie des années où il était encore le seigneur des îles aux ours? Possible mais peu probable. La seule chose qui était sur pour le forgeron était que l'épée était usée, probablement par le temps, et qu'il devait la réparer.

Dale prit l'épée et se dirigea vers sa précieuse et indispensable meule à affuté. Sans elle, le tranchant des épées et l’efficacité des patrouilleurs par la même occasion se verrait affaibli d'une façon non négligeable. Après tout, il n'y avait que deux chose qui différenciait un sauvageon d'un patrouilleur. L'organisation et l'équipement. Pour le premier, cela devenait de moins en moins vrai ces temps-ci, étant donné que Mance Rayder, le roi d'au delà du mur, avait réussi à unifier et à faire marcher sous une seule et même bannière un nombre incalculable de sauvageons. D'après les rumeurs qui circulait, ils étaient des centaines de milliers, et n'étaient pas que des hommes. La garde de nuit faisait pâle figure comparé à cet armée. Si les sauvageons se décidaient à attaquer, qui les en empêcherait? Les milles gardes de nuit? L'armée du Nord?

Et concernant l'équipement, les patrouilleurs avaient au moins la chance d'avoir un armement décent et une protection, aussi relative soit-elle. Mais ce même équipement ne servirait à rien contre la masse sauvageonne.

Le forgeron commença à aiguiser l'épée qui en avait bien besoin. Il retourna la tête et engagea la conversation :

-J'ai remarqué que l'une de tes mains était bandé. Tu t'es fait ça comment? Attends laisse-moi deviner. Tu as été blessé par un sauvageon lors d'une sortie de l'autre coté du mur. Ou alors moins héroïque, mais quand même douloureux, tu était de corvée de cuisine, et tu t'es renversé de la soupe bien bouillante sur la main.

Le forgeron rigola et lança un sourire au jeune intendant:

-Ou peut être même que tu as oublié de nourrir ton loup, et qu'il te l'a gentiment fait savoir en te mordillant la main. Mais ce ne sont évidemment que des suppositions faites à la va-vite. Alors lord Snow peut tu me dire ce qu'il t'es arrivé?

Dale se surprit lui même à rigoler et plaisanter, alors qu'une dizaine de minutes auparavant, il était mort de fatigue et avait du s’arrêter pour reprendre son souffle. Qui plus est avec Jon Snow. Un garde qu'il ne connaissait vraisemblablement pas, et dont le père ne provoquait chez le forgeron qu'une profonde rancune mélangé à de l'aversion. Mais le forgeron allait au moins donner une chance au jeune patrouilleur en ne mettant pas sur le dos du fils les péchés du père.

Le jeune homme demeura silencieux en regardant le forgeron manier l’épée du Vieil Ours, probablement pour en tester l’équilibre. Mikken, le forgeron de Winterfell, lui avait parlé un peu de son art à l’occasion, notamment lorsque le bâtard lui avait demandé de forger une épée courte et étroite pour Arya. A en juger par l’expression de Dale, elle ne devait pas être dans un état brillant, ce dont il ne tarda d’ailleurs pas à lui confirmer de son propre aveu. Jon ne se formalisa pas de l’absence de Noye, l’ancien forgeron des Baratheon avait l’habitude de s’absenter pour de courtes durées de temps à autres, et il pouvait difficilement le lui reprocher lorsqu’il voyait la quantité d’épées, de dagues et autres armes blanches qu’il passait son temps à réparer. Au contraire, il avait été content d’apprendre que le vieil homme allait avoir enfin de l’aide, en la personne de Dale.

Jon ne tarda d’ailleurs pas à lui répondre, d’un ton neutre.

- Le Commandant a dit que ça prendra le temps qu’il faudra mais qu’il veut son épée aussi tranchante et équilibrée que lorsqu’elle a été forgée.

Il ne commenta pas ses paroles au sujet du temps qu’ils avaient devant eux. A son arrivée au Mur, il y aurait volontiers cru mais après ce qui s’était passé la veille, le fils naturel d’Eddard Stark n’était plus aussi sûr. De combien de temps disposaient-ils avant que d’autres monstres n’émergent d’au-delà du Mur, sous la forme d’inconnus ou d’anciens compagnons ? Des années, des mois ou peut-être des semaines ?

Même le sourire de l’intendant ne parvenait pas à apaiser ce sentiment d’impuissance qui lui brûlait les entrailles. Le Vieil Ours lui avait dit qu’il était brave mais si tel était le cas, pourquoi était-il aussi terrifié ?

Il se souvint que Bran lui avait raconté avoir posé une question similaire à leur père. Est-ce qu’un homme peut être brave s’il a peur ? Lui aurait-il demandé, ce à quoi Lord Stark aurait répondu « l’heure de la mort est la seule où l’on puisse se montrer brave ». Peut-être était-ce ce qu’avait voulu lui dire le Commandant ?

Snow observa silencieusement le forgeron affûter la lame d’acier sur sa meule, perdu dans ses propres pensées. Il revint à la réalité lorsque Dale s’adressa de nouveau à lui. Malheureusement, les paroles de celui-ci n’eurent pas l’effet escompté sur Jon. Plutôt que d’en être amusé, le frère juré pâlit considérablement, sa main brûlée se crispant par réflexe, lui arrachant une nouvelle décharge de douleur qu’il fit son possible pour ne pas laisser transparaître.

Lorsqu’il redressa finalement la tête pour répondre au forgeron, ses yeux sombres semblaient encore hantés par le spectacle dont ils avaient été témoins la veille.

- Vous ne me croiriez pas si je vous le disais…

L’intendant fit une courte pause, cherchant les bons mots pour expliquer ce qu’il avait déjà bien de la peine à croire, en ayant pourtant été témoin de la macabre résurrection d’Othor. Sa main valide vint presque instinctivement se poser sur son avant-bras couvert de bandages, comme dans un geste de protection en se souvenant de ce qui s’était produit.

Comme s’il avait senti son trouble et sa détresse, Fantôme s’approcha de lui et frotta son museau contre sa jambe. Le bâtard adressa au direwolf l’ébauche d’un sourire sincère et lui caressa la tête avant de se reprendre un peu.

- Quelqu’un s’est introduit dans les appartements du Commandant hier… Je me suis interposé et j’ai réalisé que c’était Othor, le frère mort qu’on avait retrouvé… Il était debout pourtant, ses yeux étaient grands ouverts mais bleus, alors qu’ils n’étaient pas bleus avant et ses mains étaient noircies. Il a essayé de m’étrangler et je me suis défendu mais lui couper une main ne l’a pas fait reculer, et même Fantôme n’arrivait pas à le mettre hors d’état de nuire…

Et il était fort, d’une force qui lui avait paru surhumaine quand il l’avait étranglé, et aussi quand il avait repoussé Fantôme. Même si son direwolf n’avait pas encore sa taille adulte, ce n’était certainement plus un louveteau, et pourtant le mort-vivant ne semblait pas avoir éprouvé grand mal à contenir ses attaques.

- J’ai pris la lampe à huile et je l’ai enflammé. Et ça a marché, il s’est mis à hurler et il est mort, pour de bon cette fois. C’est pour ça que le Commandant m’a donné l’épée d’acier valyrien de sa famille, pour me remercier de lui avoir sauvé la vie.

Le jeune homme passa sa main valide sur son front, essayant de mettre un peu d’ordre dans ses idées.

- Tu me prends sûrement pour un fou mais c’est la vérité. Les morts-vivants existent…

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Le jeune intendant ne parla pas trop, commentant juste brièvement ce qu'il avait dit comme quoi la rénovation de l'épée du vieil ours prendrait l'épée qu'il faudrait. Soit. Cela allait ralentir son travail global, mais après tout, si il était ici, de ce coté du mur plutôt que de l'autre coté, c'était pour justement réparer et forger de nouvelles et d'anciennes lames, comme dans ce cas précis.

Mais c'était mieux ainsi. Au moins, le forgeron aurait le temps de faire son travail de la façon qu'il le voulait et comme il l'adorait. Enlever les impuretés de la lame, la peaufiner, la reforger, l'aiguiser était les choses qu'il aimait faire, et qu'il faisait bien. A vrai dire à part ça, il ne savait rien faire d'autre. Arc en main, il était aussi utile qu'un manchot dans une forge. Il représentait même une plus grande menace pour ses compagnons d'armes que pour les adversaires. Épée en main, il se débrouillait, mais ne pouvait rivaliser avec des hommes ayant un minimum de maitrise. La preuve étant, qu'en s'entrainant avec le maître d'armes et les autres gardes, il avait pu constater qu'il était au niveau de la plupart des autres gardes. Ce qui n'était pas absolument pas rassurant pour la suite des évènements, et pour la défense du mur en cas d'attaque sauvageonne.

Après sa discrète intervention, le jeune intendant l'observa silencieusement surement pour s'assurer que la rénovation se déroulait au mieux. Il ne devait pas avoir une grande confiance en les capacités de Dale. Et le forgeron ne pouvait que lui donner raison, il était nouveau et n'avait pas encore prouver aux autres gardes qu'il pouvait être fiable. Mais cela ne saurait tarder.

Les tentatives de détendre l'atmosphère déjà glaciale de Dale n'eurent aucun effet sur Jon Snow. Il n’esquissa même pas ne serait-ce que l'ombre d'un sourire. Le forgeron avait entendu des rumeurs comme quoi les Stark, et en particulier le gouverneur du Nord ne rigolait voire ne souriait que très peu. Le jeune patrouilleur devait sans aucun doute tirer ce trait de son père. Ou alors, il lui était récemment arrivé quelque chose au mur qui le faisait paraitre aussi froid et inexpressif.
Le forgeron entendant le jeune patrouilleur parler, tourna la tête dans sa direction tout en continuant à utiliser la meule à affuté.

- Vous ne me croiriez pas si je vous le disais…

Le ton qu'il utilisa, et l'allure qu'il avait en disant cette simple phrase, attisa la curiosité du nouveau forgeron. Qu'est ce qui avait bien pu arriver a Jon Snow, bâtard de l'impassible Ned Stark dont la loyauté envers la royauté restait encore à prouver, pour qu'il puisse être à ce point méfiant et retissant à l'idée de parler de ce qui lui était arrivé. Dale sourit en pensant à ça, et fut encore plus impatient de savoir la raison du bandage du jeune intendant.

Mais son sourire disparut tout aussi vite lorsqu'il l'écouta avec attention. Il s'était attendu à beaucoup de choses, mais en aucun cas à cela. Un mort vivant. Un mort vivant avait attaqué le lord commandant de la garde de nuit, et son intendant avait pris sa défense en lui découpant une main...
Le forgeron n'arrivait pas à savoir si le jeune patrouilleur se moquait de lui, ou était sincère.

Dans le premier cas, alors, Jon Snow c'était trompé dans sa vocation, et devrait se reconvertir en acteur d'une de ses troupes de théâtres indépendantes qui parcouraient les routes à la recherche de spectateur généreux qui n'hésite pas à donner quelques piécettes pour de quelconque prestation tant son regard et sa façon de parler semblait sincère et terrorisé.

Dans le deuxième cas, alors le mur était encore plus menacé qu'il ne l'aurait cru. A l'armée sauvageonne de cent mille homme venait s'ajouter des morts-vivants. Le forgeron amusé se demanda quel serait la prochaine menace qu'aurait à affronter le mur: des araignées montés? Des géants peut être? Tout était possible, après tout. Il en rigolait pour l'instant, mais il aurait un comportement complétement différends si il avait pu voir et vivre la même chose que le jeune patrouilleur.

Jon Snow passa sa main valide sur son front avant de dire au jeune forgeron qu'il le prenait surement pour un fou mais que les morts vivants existaient bel et bien. Dale, continuant à aiguiser l'épée du lord commandant, ne tarda pas à lui répondre:

-Eh ben, quelle histoire! J'avoue que j'ai beaucoup de difficultés à te croire. L'idée qu'un mort revienne à la vie et se dirige vers la chambre du vieil ours précisément pour le tuer pendant son sommeil est plutôt difficile à avaler, tu dois t'en douter. Cela voudrait dire qu'il serait allé de lui même, de son plein gré, tuer le lord commandant. Mais pourquoi ferait-il ça? Imagines que tu es mort, tu reviens à la vie. Quelle serait la première chose que tu ferait? Je ne pense pas que ta première réaction serrait celle qu'a eu ce "Othor"

Il laissa planer un léger silence durant quelques secondes avant de reprendre la parole.

-Fin bon, je parle, mais il y a quelques semaines de cela, je ne croyais pas en l'existence des direwolfs.

Il sourit en faisant un signe de tête en direction du loup de Jon Snow.

-Donc j'ai encore beaucoup de chose à voir et à apprendre concernant les créatures du nord, du mur, et au delà comme tu peux le constater....

Dale se reconcentra sur son objectif principal, rénover l'épée du lord commandant. Et il ne put s’empêcher de faire une remarque sur les origines du jeune patrouilleur, sans méchanceté aucune, juste une remarque emplie d'ironie.

-Après, loin de moi l'idée de remettre en cause la parole de la progéniture de l’honnête et du loyal gouverneur du Nord.

L’incrédulité du forgeron n’était en aucun cas une surprise pour l’intendant du Lord Commandant, lui-même n’y aurait sans doute pas cru s’il n’avait pas été présent. Peut-être aurait-il cru à un simple cauchemar si les appartements brûlés du Commandant ne représentaient pas une preuve irréfutable de ce qui s’y était déroulé… ou s’il ne s’était pas gravement brûler, au point que la douleur omniprésente l’empêcha de toute façon de chasser ce sombre événement de ses pensées.

Les questions de Dale, Jon se les était lui-même posées. Pourquoi un frère juré attaquerait le Lord Commandant ? Mais bien vite, cette question avait été remplacée par une autre : si ce corps était bel et bien celui d’Othor, était-ce bien son esprit qui avait guidé ses gestes ? Bien que Snow ait gardé son opinion pour lui jusqu’ici, il était persuadé que ce n’était pas l’âme du frère juré qui avait habité son cadavre après sa « résurrection ». Pour lui, il s’agissait d’autre chose, et les histoires de Vieille Nan lui revenaient à l’esprit aussi clairement que si elle les lui avait racontées la veille.

- Les légendes disent qu’il y a huit mille ans, des êtres qu’on appelle les Autres ont attaqué Westeros, et qu’ils étaient à la tête d’une armée de morts-vivants dont les rangs étaient sans cesse grossis par leurs victimes. Ce serait à cette époque que le Mur aurait été construit, certains disent par Bran le Bâtisseur. Je pensais que ce n’était que des histoires pour faire peur aux enfants mais Othor était vraiment mort et pourtant il bougeait comme nous. Il était froid, tellement froid…

Jon se retint de frissonner lorsqu’il prononça ses derniers mots d’une voix songeuse, sa main valide venant distraitement masser son cou. Son col partiellement ouvert, il aurait été difficile de ne pas remarquer les traces de doigts violacées qui y étaient clairement visibles. Il poursuivit sur un ton égal, davantage comme s’il disait ses pensées à voix haute que comme s’il s’adressait à Dale.

- Si c’est bien l’œuvre des Autres, ce serait logique qu’ils aient voulu tuer le Lord Commandant. Le Mur est tout ce qui se sépare les Sept Couronnes des territoires glacées qui se trouvent au-delà…

Jon parut retrouver un peu de vie lorsque le forgeron plaisanta au sujet des direwolfs, et il caressa la tête de Fantôme avant de lui répondre d’un ton légèrement amusé.

- Les gens du Nord savent qu’ils existent mais généralement, ils vivent au-delà du Mur. On a trouvé une femelle morte, et ses petits livrés à eux-mêmes. Mes frères et sœurs en ont chacun adopté un, le mien était Fantôme.

Il se garda de mentionner que son louveteau se trouvait alors à l’écart du reste, sans doute repoussé par les autres louveteaux de la portée parce qu’il était différent. Cela représentait un point en commun aux yeux de Jon, qui avait également été traité différemment de ses frères et sœurs, et parfois exclu, parce qu’il était un bâtard.

L’attention de Snow se reporta cependant sur Dale, l’intendant fronçant les sourcils, davantage à cause de la façon dont le forgeron avait parlé de son père que pour la remise en question de sa parole.

- Tu peux dire et penser ce que bon te semblera de moi, j’ai été traité de bien pire que de menteur. En revanche, je peine à voir ce qu’a bien pu te faire mon père pour que tu parles de son honnêteté et de sa loyauté avec autant d’ironie.

C’était le genre d’attitude qui ne l’aurait pas étonné de la part de Jaime Lannister mais le Régicide et Lord Stark s’étaient déjà rencontrés auparavant, à Port-Réal, dans les derniers temps de la Rébellion. Qu’est-ce qu’un roturier, originaire du Conflans s’il se souvenait bien des paroles de Donal Noye, pouvait bien avoir à reprocher au Suzerain du Nord ? Après tout, Lord Tully avait rejoint la Rébellion et même marié l’une de ses filles à son père.

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Le jeune lord lui parla de la longue nuit. Dale sourit légèrement. Comme si il ne l'avait jamais entendu. Ces histoires, il les connaissait mais elle n'avait jamais eu l'effet escompté sur lui. Même étant enfant, et donc facilement impressionnable, elles ne lui avaient jamais fait peur. Il n'y avait jamais prêté une grande attention, préférant de loin les histoires racontant la venue des Targaryens de l'Antique Valyria à Westeros et de la conquête de ce qui allait devenir plus tard le royaume des sept couronnes. Ces histoires là il s'en souvenait très bien car il les adorait étant enfant, contrairement aux histoires de la longue nuit et de la venue des autres dont il ne lui restait qu'un vague souvenir. Mais cela ne restait que des histoires. Ou en tout cas c'est ce qu'il croyait, mais le discours de Jon Snow avait semé le doute, aussi minime soit-il, dans son esprit.

Après tout, pourquoi est-ce que le jeune intendant mentirait par rapport à ça? La possibilité d'une mauvaise blague n'était pas exclue, mais la réputation des Stark par rapport à l'humour combiné à la tête déconfite et manifestement troublé qu'avait Jon Snow en excluait d'office l'éventualité.

Si comme il le disait, c'était bien l’œuvre des Autres, et qu'il possédait effectivement ce pouvoir de pouvoir de nécromancie alors même le Mur et ses défenseurs ne seraient pas suffisant contre eux, en plus d'ajouter une épée de Damoclès en plus sur le Mur.

Dale continua à aiguiser l'épée, en prenant bien le soin d'être le plus précis et consciencieux possible. C'était tout de même l'épée du lord commandant qu'il était en train de réparer, il était de son devoir de garde de faire en sorte que ses frères aient un équipement et un armement décent pour pouvoir être l'épée dans les ténèbres, le veilleur aux rempart et le feu qui flambe contre le froid.

Quelle connerie, est-ce qu'ils se rendaient compte que la plupart des gardes étaient d'ancien criminel qui se fichait bien de protéger le royaume, et qui n'était ici que parce qu'il s'était fait prendre, et qu'ils avaient été trop lâche pour subir les conséquences de leurs actes, Dale inclus. Cela dégoutait le forgeron de devoir forger durant des heures pour des gardes soiffard, fainéant, qui n'hésitaient pas quand l'envie les démangeaient à déserter leur tour de garde et à se détendre à la Mole. Les sauvageons pourraient attaquer d'un moment à l'autre et eux seraient en train de baiser et picoler au bordel.

Le petit tacle que le forgeron avait fait au jeune intendant ne passa pas inaperçu. Peut être aurait-il mieux fait de se taire pour une fois. Malgré son jeune âge, le bâtard du seigneur de Winterfell serait capable de lui mettre une raclée et ce n'est ni son épée en acier valyrien qu'il avait eu en récompense de sa bravoure et de son héroïsme exemplaire, ni son direwolf qui diront le contraire.

-Je dois t'avouer que j'ai parlé trop vite. Il faut avouer qu'en matière d’honnêté le seigneur de Winterfell est irréprochable, c'est vrai ça et je ne peux l'en blâmer. Néanmoins en matière de loyauté, je ne peux qu'admirer l'immense loyauté qu'il a eu envers le dernier roi Targaryen. On ne peux qu'admirer comment il s'est montré loyal envers les Targaryens en tuant et en massacrant les soldats et les habitants lors de la bataille des Cloches et du Trident. Et comment il a rendu service à la couronne en mettant sur le trône un ivrogne, soiffard, qui à autant sa place sur le trône de fer que moi je ne l'ai ici au Mur.

Dale soupira et se demanda vraiment comment allait réagir le jeune intendant. Mais bon, il avait déjà trop parlé donc pourquoi s’arrêter en si bon chemin.

-Aerys II Targaryen a tué deux personnes, ton grand père et ton oncle je crois. Eddard Stark et Robert Baratheon en ont tué mille fois plus en se révoltant et en entraînant avec eux la mort de milliers d'innocent qui serait toujours en vie à l'heure actuelle sans leur magnifique et indispensable intervention. Fais un rapide calcul Jon Snow et dit moi maintenant que ton père était loyal envers la couronne et envers les habitants des Sept Couronnes.

Le forgeron avait haussé le ton, peut être trop, peut être pas assez. Il n'était absolument pas sur de la réaction qu'allait avoir le jeune intendant. Le forgeron venait quand même d'insulter son père qu'il avait du idolâtrer durant toute son enfance. Après tout, quel père garderait et élèverait un bâtard avec ses autres fils? C'était en tout cas ce que Dale avait pu entendre en filigrane lorsqu'il avait discuté avec les autres gardes de nuit.

L’intendant ne fut pas surpris de voir le forgeron sourire lorsqu’il évoqua la longue nuit. Les gens du Sud ne prêtaient aucun crédit aux légendes passées, sinon celui de servir de contes pour les enfants. Jon pouvait difficilement lui en vouloir, dans le sens où il faisait partie de ceux qui n’y croyaient pas vraiment non plus, jusqu’à hier. Maintenant, il doutait de ne plus jamais pouvoir dormir sans voir le visage d’Othor hanter ses songes et il suspectait le Lord Commandant de ne pas être resté indifférent non plus à leur mésaventure avec le mort-vivant, bien que le Vieil Ours le vivait vraisemblablement mieux.

Jon écouta attentivement les paroles de Dale et fit de son mieux pour ne pas laisser son désir de défendre son père l’emporter sur sa raison. Lord Stark était l’homme le plus honorable qu’il ait jamais rencontré, et pas seulement à cause des batailles auxquelles il avait participé. Non, c’était parce qu’il tenait ses promesses, notamment celles faites à ses enfants… même envers son fils bâtard, qu’il aurait pourtant eu tous les droits de dénigrer, comme tant d’autres seigneurs le faisaient avec leurs enfants naturels.

L’une des plus grandes leçons qu’il avait tirées de son temps passé en compagnie de Tyrion Lannister, c’était que le monde ne se résumait pas à son propre point de vue. C’était avec des remarques cinglantes mais justes qu’il avait fait remarquer au bâtard que si les autres recrues n’étaient pas aussi bonnes à l’épée que lui, ce n’était aucunement par manque de mérite mais par manque d’entraînement, et qu’il n’avait donc aucune fierté à en tirer. La façon dont il lui avait alors conté les histoires souvent injustes de ses compagnons d’armes lui avait ouvert les yeux sur une réalité qui lui était jusqu’alors inconnue.

Dale avait certainement vécu pendant la rébellion et peut-être perdu des parents ou des amis pendant ce terrible conflit. Le fait que cette révolte armée, qui avait effectivement fait des milliers de mots, ait remplacé un roi fou par un roi ivrogne n’était certainement qu’un petit pas en avant. C’était un point de vue qu’il pouvait certainement comprendre, même s’il ne le partageait pas.

Jon caressa la tête de Fantôme, qui ne tarda pas à se coucher par terre, observant les alentours d’un air curieux. Le Bâtard de Winterfell songea à ce que lui avaient raconté son père et son oncle Benjen au sujet de cette époque tragique pour les Stark, et prit une profonde inspiration avant de s’adresser de nouveau au forgeron.

- Je n’ai pas vécu cette guerre, je ne peux donc pas dire que je comprenne ce qu’ont enduré les gens qui y étaient, aussi bien sur les champs de bataille que chez eux. Tout ce que je peux te dire, c’est ce qu’on m’a raconté, et ce que j’en ai retenu.

L’histoire est écrite par les vainqueurs, lui avait dit Mestre Luwin lors d’une de ses leçons et Jon supposait que sa propre version des événements ne serait pas objective, ni très globale mais il n’en avait pas d’autre.

- Les choses ont commencé pour les Stark quand le prince Rhaegar a kidnappé ma tante Lyanna. C’est pour demander qu’elle leur soit rendue que mon grand-père, Lord Rickard, et mon oncle Brandon sont allés à Port-Réal plaider auprès du roi Aerys. Je ne sais pas si leurs mots ont dépassé leur pensée, mon père me disait qu’ils avaient un tempérament plus impétueux que le sien, ou si le roi voyait juste des ennemis là où il n’y en avait pas. Ce que je sais, c’est qu’il a fait brûler vivant Lord Rickard dans son armure, sous les yeux de son fils, qui s’est étranglé lui-même en tentant d’atteindre l’épée avec laquelle il espérait délivrer son père.

C’était son oncle Benjen qui le lui avait dit, son père ayant des difficultés à seulement évoquer cet épisode tragique de l’histoire de leur famille. Jon venait de l’exposer au forgeron avec calme et détachement. Il ne connaissait pas ces gens, et les regrettait simplement parce qu’ils manquaient à son père, et à son oncle.

- Cela ne suffisait toutefois pas au roi Aerys, qui exigea que Lord Arryn lui apportât les têtes de Robert Baratheon et de mon père. Peut-être que sa soif de sang aurait été satisfaite si Lord Arryn avait accepté, et qu’il n’y aurait pas eu de rébellion. Est-ce que mon père aurait dû obéir à son roi en acceptant d’être tué sans raison ? Je ne peux pas dire que je regrette son refus ; je ne serais jamais né si Lord Stark était mort à cette époque.

Etait-ce égoïste de sa part que de vouloir quand même être né, en dépit de sa condition, si cela signifiait la mort de milliers de gens ? Jon s’évertuait à vivre sa vie aussi honorablement que possible, prenant exemple sur son père sur tout ou presque : jamais il n’avait connu l’étreinte d’une femme, paralysé par la peur d’engendrer un bâtard qui aurait à souffrir de la même existence que la sienne.

- Au final, mon père a bien désobéi à son suzerain. Je ne sais pas si c’était simplement pour vivre, ou bien pour venger son père et son frère, ou encore pour sauver sa sœur. Quand la guerre a été finie, il est arrivé trop tard pour sauver ma tante. Des Stark, il ne restait que mon oncle Benjen et lui. Est-ce que les vies que les Targaryen ont prises ont moins de valeur que celles des gens qui ont péri de la main des rebelles ? Est-ce qu’on peut pousser la loyauté jusqu’à accepter de laisser son meilleur ami et toute sa famille se faire massacrer parce qu’un prince n’était pas capable de se contenter de son épouse et parce que son père voyait des ennemis partout ?

Jon n’avait pu s’empêcher de laisser son émotion déborder dans ses paroles. Il se souvenait avoir accompagné son père dans les cryptes de Winterfell lorsqu’il était enfant et jamais il n’oublierait l’expression de profonde tristesse et de mélancolie de Lord Stark tandis qu’il contemplait les statues de son père, son frère et sa sœur. Eddard Stark n’avait jamais demandé à devenir le Gouverneur du Nord, ni à devenir le récipient du courroux du roi Aerys. C’était un homme qui avait essayé de faire son devoir dans des circonstances exceptionnelles et qui en était ressorti meurtri, ou tout du moins c’était comme ça que l’avait dépeint son oncle.

- Je ne peux pas juger de la situation du royaume. Le roi est un ivrogne, et la rébellion qui l’a mené sur le trône a fait des milliers de morts, dans un camp comme dans l’autre. Je n’ai pas de loyauté particulière envers lui, j’arrivais à peine à voir une ressemblance entre l’homme décrit par mon père et celui que j’ai vu à Winterfell.

Robert Baratheon était un homme gras et qui devait avoir davantage de vin que de sang dans les veines. Comment voir en lui le guerrier remarquable décrit par son père ? Comment apercevoir l’homme qui avait fait une guerre pour sauver sa fiancée dans ce porc qui flirtait avec des servantes sous les yeux mêmes de sa femme ?

- En revanche, je connais mon père. D’aussi loin que je me souvienne, il a toujours été juste, avec les grands seigneurs comme avec le peuple, faisant parfois des kilomètres pour rendre la justice, et envoyant son mestre guérir des malades et des blessés. C’est lui qui est arrivé le premier à Port-Réal après que les Lannister aient saccagé la ville, l’armée avec lui. Il avait le Trône de Fer à portée de main mais il ne l’a pas pris, parce qu’il ne voulait pas du pouvoir et parce que Robert avait du sang Targaryen dans les veines, faisant de lui le candidat le plus légitime. Il aurait pu laisser le bâtard qu’il avait engendré pendant la guerre à sa mère, ou l’abandonner devant une maison. A la place, il l’a ramené avec lui jusqu’à Winterfell, et l’a reconnu, puis élevé parmi ses enfants légitimes.

Le jeune Snow adressa au forgeron un sourire à la fois emprunt de joie et d’amertume, sa main brûlée se crispant par réflexe, lui infligeant un éclair de douleur qui pâlissait en comparaison de ce gouffre béant dans son cœur.

- Je suis désolé pour tous ces gens, Dale mais quand je revois les visages de mon père, de mes frères et sœurs… Comment est-ce que je pourrais souhaiter qu’ils ne soient jamais nés ? J’ai beau ne pas apprécier Lady Stark, la devise de sa famille est sans doute celle qui définit ce que je suis : Famille, devoir, honneur. J’ai juré de protéger le Mur et les Sept Couronnes de ce qui se trouve au-delà, et je m’y emploierai jusqu’à ma mort mais me demander de blâmer mon père pour son rôle dans la rébellion, cela revient à me demander si je veux que tous ceux que j’aime, mon père, Robb, Arya… je ne peux pas. Ce n’est peut-être pas juste, pour toutes ces victimes, mais je suis reconnaissant à mon père d’avoir choisi de vivre et de combattre, même contre son roi. Le loup solitaire meurt alors que la meute survit.

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Le forgeron arrêta ce qu'il avait entrepris et prit l'épée. Il se leva, fit trois pas, et souleva l'épée comme un soldat qui s’apprête à commencer un duel pour en tester son équilibre et son poids. Elle était toujours lourde, mal équilibré mais le tranchant avait été nettement amélioré mais pas assez pour qu'elle puisse satisfaire l'envie de bien-faire du forgeron. Cette épée était celle que le lord commandant allait utiliser pour défendre le Mur, tuer les sauvageons, et ces créatures qui revenaient à la vie dont il ne venait d'apprendre l'existence seulement quelques minutes de cela. Elle se devait d'être la plus parfaite possible ou de s'en approcher fortement. La perfection n'étant atteinte par seulement quelques épées dans le monde qui s'attiraient la convoitise de toutes les maisons nobles, l'acier valyrien. Ce même acier qui se trouvait à quelques mètres de lui, dans un fourreau, accroché à la ceinture de l'intendant. Dale n'osait pas lui demander si il pouvait dégainer son épée pour qu'il puisse admirer et contempler cet acier dont il avait tellement entendu parler, que ce soit à travers des histoires que lui avait raconté son père durant son enfance ou des rumeurs qu'il avait entendu auprès de nombreux marchands ou des visiteurs de passage dans son village. Le forgeron eut un petit sourire en coin lorsqu'il repensa à la jeune lady des terres de l'ouest avec qui il avait pu discuter quelques jours avant le meurtre qu'il avait commis et arrestation qui en découla.

Dale se dirigea vers la forge encore brulante pour entamer la plus grosse partie de son travail. Il allait devoir faire fondre très légèrement l'épée pour pouvoir la rééquilibrer et lui redonner l'aspect qu'elle avait autrefois, à une époque où le forgeron était encore un nourrisson dans les jupes de sa mère et où Jeor Mormont était encore le fier seigneur de l'île-aux-ours. Il déposa l'épée délicatement, et entreprit sa tache. Tout en étant plongé dans ses pensées, et vacant à son travail, Le forgeron écoutait attentivement ce que l'intendant avait à dire par rapport à ce qu'il avait dit précédemment. Au fur et à mesure qu'il parlait, les flammes de la forge se firent plus intense, plus vive, laissant échapper à l'occasion des particules rouges incandescentes qui virevoltaient dans l'air comme des flocons de neiges avant de disparaître sans laisser de trace comme si elle n'avait jamais éxisté. Des particules éphémères qui disparaissaient aussi vite qu'elles étaient apparus.

La chaleur qui en émanait était rassurante et réconfortante, elle rappelait à Dale sa forge dans les Conflans. Sa forge où il avait forgé des centaines et des centaines d'épées et de bouclier. Quel que soit la période, quel que soit les clients, qu'ils soient juste et défendant la veuve et l'orphelin ou abjecte et ne se servant de leur épée que pour parader auprès des autres gens de leurs rangs. Il en avait forgé quel que soit leurs intentions, et il était fier de toutes ses créations. Toutes sans exceptions aucune.

Il retira l'épée rougie par le feu infernal de la forge, et la plaça sur l'enclume quelques mètres plus loin, au plus près du froid mordant du Mur, créant ainsi un contraste chaud et froid favorable à la formation d'une épée qu'il espérait plus équilibré tout en conservant sa dureté et son tranchant d'antan. Dale s'empara d'un marteau, et commença à frapper avec le reste de forces qu'il lui restait. A chaque coup, des étincelles jaillirent dans un fracas rythmés. Ce qui n’empêcha tout de même pas au forgeron le loisir d'entendre ce que l'intendant était en train de lui répondre.

Une fois qu'il eut fini, le forgeron sourit puis soupira juste ensuite. Leur discussion était parti pour durer, où chacun allait devoir exposer sa vision de la guerre civile et de la révolte. Leurs deux visions était biaisés, et le forgeron le savait très bien. Mais ce n'était pourtant pas une raison pour qu'il se taise et ne défende pas ce qu'il pensait juste auprès du jeune bâtard de lord Stark.

-Tu n'as pas connu cette guerre comme je n'ai pas connu ton père. Mais cela ne nous empêche pas d'avoir un opinion sur eux, comme tu peux le voir. Quel que soit les raisons qui ont poussé ton père à se rebeller, le fait est qu'il l'a fait et que cette même rébellion à entrainer la mort de milliers de personnes. Je ne lui reproche pas de s'être révolté, c'était son droit, et je pense que n'importe quel personne qui vient de perdre son père, son frère et sa sœur aurait fait de même. Et je ne peux le lui reprocher, mais tu le dis toi même, est-ce de la loyauté de laisser son meilleur ami et sa famille se faire massacrer? Non, mais est-ce que le sort réservé était juste lui aussi. Ils ont tous été massacrés sans aucune distinction. Est-ce que ce le sort réservé aux enfants d'Elia Martell était juste, lui? Le roi fou voyait surement des ennemis partout mais en regardant ce qui lui est arrivé, à lui et à sa famille, on ne peut que constater qu'il a eu raison de se méfier de Tywin Lannister le tourne-casaque, des Stark, et des Baratheon. Tu pourras dire ce que tu veux mais rien ne justifie le meurtre des membres de ta famille, comme rien ne justifie le meurtre des Targaryens et comme rien ne justifie le meurtre d'innocent causés par cette révolte. Et est-ce juste que toi et tes frères et sœurs soient nés quand tant d'autres ont perdu la vie dans cette guerre qui n'aurait jamais du arriver.

Dale s’arrêta de parler quelques instants. Là, ses mots avaient largement dépassés ses pensés. Est-ce qu'il venait vraiment de dire ce qu'il venait de dire? Si le jeune intendant voulait le frapper, ça aurait été à la fois justifié et complétement sensé. Il reprit la discussion, il était déjà parti bien trop loin alors autant aller jusqu'au bout.

-Et au final, cette révolte, ces morts par milliers, ces familles déchirés. A quoi aura-t'elle servi? A assouvir le besoin de vengeance de ton père? Est-ce qu'il t'as déjà dit qu'il éprouvait à cette guerre un sentiment de justice? En se révoltant, il n'a fait qu'une seule chose. Partager à travers tout le royaume et dans le cœur de tous les gens son sentiment d'injustice et son désir de vengeance. Et je ne te poserais qu'une seule question, qu'est-ce qui a changé depuis le temps où Aerys II Targaryen était le souverain des Sept Couronnes? Quel est la différence entre le roi actuel et son prédécesseur? Il n'y en a aucune! Les violeurs continuent à violer, les voleurs à voler, les tueurs à tuer. La couronne se ruine encore plus dans des tournois inutiles. Tu ne saisis pas peut être pas ce que je veux dire, je vais donc te montrer un exemple flagrant.

Le forgeron s’arrêta de travailler, et tendit les bras en désignant ce qui l'entourait.

-Le Mur, qu'a fait notre si bon roi concernant le Mur? Il tombe en morceau, miettes par miettes, morceau par morceau. La garde de nuit a un effectif tellement ridicule par rapport a ce qu'elle avait avant, qu'aujourd'hui il ne reste plus que trois fort en activité. Et on est censés protéger le royaume des Sept Couronnes contre ces créatures qui reviennent à la vie, comme ce Othor dont je n'arrive pas même après ton histoire à me faire une idée de si c'est vrai ou non, avec ça? La garde de nuit est tellement mal que son nombre de forgeron se compte sur les doigts d'une main. La guerre civile n'a en rien améliorer la situation, n'a en rien changé, et n'a en rien ramené à la vie les membres de ta famille qui ont déclenchés cette guerre. Nous sommes juste passés d'un roi fou dont la lignée à assurer la paix durant des centaines d'années à un roi soulard qui à plus sa place dans les tournois et les bordels que sur le trône de fer. Alors Jon Snow, réponds-moi et dis moi sérieusement que cette rébellion était juste et que ton père a eu raison de se révolter.

Dale se remit à son travail et continua à frapper à l'aide de son marteau, l'épée du Vieil Ours rougit par les flammes de la forge. Tout ce qu'il savait par rapport à l'histoire et aux événements qui s'était passé durant et après la guerre, il les avait appris en discutant beaucoup avec les marchands itinérants et les gens de passage dans sa forge. Une goutte de sueur perla sur le front du forgeron. Il se demanda si elle était la conséquence de la chaleur et de l'effort de son travail ou tout simplement parce qu'il était assez tendu par rapport à ce qu'il venait de dire, et par rapport à la réaction qu'allait avoir le jeune intendant. Comme pour se rattraper de ce qu'il avait dit sur la famille du jeune intendant, il ajouta:

-Mais si Eddard Stark est avec ses enfants comme tu l'as décrit, alors je ne peux que reconnaître qu'il est un bon père, ce n'est pas n'importe quel seigneur qui aurait l'audace et l'envie de prendre soin et d'élever un bâtard qu'il a engendré de la même manière qu'avec ses autres enfants. Comme quoi, ton père ne possède pas que des défauts.

L’intendant demeura silencieux tandis que le forgeron s’attelait à sa tâche, exerçant un degré de maîtrise de son art qui n’était pas sans lui rappeler celui de Mikken. C’était une chance pour le Mur d’avoir un nouveau forgeron dans ses rangs, Donal Noye étant certainement doué mais n’arrivant pas à gérer seul toutes les demandes des frères jurés quant aux réparations de leurs armes. Jon avait conscience qu’il n’aurait sans doute pas à se soucier de ce genre de problème, maintenant qu’il détenait une épée en acier valyrien, mais il avait conservé l’épée que Mikken avait forgée pour lui. C’était un cadeau précieux du maître forgeron, qui savait où il se rendait et avait décidé de lui forger une épée alors que rien ne l’y obligeait.

Oh bien sûr, le Bâtard de Winterfell avait remarqué les œillades que Dale ne manquait pas de lancer à son fourreau, se demandant sans doute à quoi ressemblait l’acier valyrien, si rare sur Westeros. Pour un habitant de Winterfell, sa vue l’était sans doute moins puisque Lord Stark possédait Glace, l’épée ancestrale des Stark. Combien de fois n’avait-il pas observé son père en train de la nettoyer, assis sous le grand baral du bois sacré ?

Il tâcha d’écouter avec attention les arguments du forgeron, qui allaient pour la plupart contre tout ce en quoi il croyait. Il essaya de se concentrer sur la leçon enseignée par le Lutin quant au fait de garder l’esprit ouvert mais cela lui était bien difficile quand Dale venait tout bonnement de lui demander s’il était juste que ses frères et sœurs, et lui-même, soient nés ? Comment pouvait-on demander à quelqu’un s’il n’aurait pas mieux fallu qu’il ne vienne jamais au monde ?

Si c’était quelque chose qu’il pouvait comprendre à son sujet, n’étant qu’un simple bâtard, il ne pouvait pas l’accepter par rapport à ses frères et sœurs. Un monde sans la camaraderie de Robb, sans l’innocence de Sansa, sans l’espièglerie de Bran, sans les grands yeux curieux de Rickon et surtout sans le sourire d’Arya ? Non, c’était un monde qui ne valait pas la peine d’exister.

Le sang de loup s’était mis à bouillir dans les veines de Jon et dans un mouvement délibérément lent, l’intendant dégaina Grand-Griffe de son fourreau avec sa main valide. Son visage était totalement fermé mais ses yeux sombres étaient fixés sur le forgeron avec cette fureur glacée qui n’était pas étrangère aux Stark.

- Je n’ai pas la réponse à toutes ces questions mais je sais que rien, pas même toutes les vies perdues pendant cette guerre ne pourrait justifier que mes frères et sœurs n’aient pas le droit de voir le jour. Il n’est pas dans le pouvoir des Stark de faire régner la paix et la justice dans tout Westeros mais mon père l’a fait dans le Nord, et rares sont ses vassaux et sujets qui aient eu à se plaindre.

Il fit une courte pause, essayant de garder sa colère sous contrôle tout en s’appuyant sur le manche de l’épée, le serrant fort tandis que ses yeux ne quittaient pas Dale un seul instant.

- Mon père était révolté en apprenant l’assassinat de la princesse Elia et de ses enfants, et il l’a fait savoir au roi mais ce dernier était trop aveuglé par sa haine envers les Targaryen pour punir les Lannister. Ce n’est qu’en découvrant le cadavre de ma tante et en pleurant sa mort ensemble qu’ils se sont réconciliés… mais les Stark ne tuent pas des femmes et des enfants, jamais. Tu peux penser que les actions du Roi Robert sont aussi criminelles que celles de son prédécesseur, c’est un avis que je comprends et partage jusqu’à un certain point mais ne mets pas mon père dans le même panier. Il a livré bataille pour une cause qu’il croyait juste, aux côtés de son meilleur ami, de son mentor et de son beau-père mais les actions du Roi sont les siennes et seulement les siennes.

Jon finit par desserrer un peu sa prise sur la poignée de son épée, la colère qui l’animait n’occultant finalement plus la douleur qu’il ressentait dans son autre main. Fermant brièvement les yeux, il retrouva finalement un semblant de calme et ses yeux se firent moins durs quand il les posa à nouveau sur Dale.

- Tu peux choisir de ne pas me croire concernant Othor. Tu peux aussi aller voir le Lord Commandant, ou bien les frères jurés qui ont été obligés de découper le cadavre de Jafer Flowers en morceaux, après qu’il se soit ranimé. Demande-leur si Ser Jaremy Rykker est mort par accident cette nuit là, peut-être que eux, tu les croiras. Tu le connaissais peut-être, c’était un des chevaliers qui défendait Port-Réal quand les Lannister l’ont mise à sac.

Il secoua la tête, ses cheveux bruns dissimulant en partie son front mais ne suffisant pas à cacher son regard tandis qu’il le posait sur l’épée qu’il tenait en main.

- La Couronne ne nous aidera sans doute pas, ou peut-être que si, maintenant que Lord Stark est devenu la Main du Roi. Je ne sais pas si la Rébellion était juste, ou si le règne d’Aerys était juste. Ce que je sais, c’est que mon existence est dévolue à la Garde de Nuit désormais et que je dois garder ce Mur avec mes frères d’armes, qu’ils soient favorables aux Baratheon, aux Targaryen ou seulement à eux-mêmes. C’est vrai que les conditions au Mur sont déplorables mais tant qu’il y aura des gens qui croiront en notre mission, comme le Lord Commandant, comme Mestre Aemon, comme mon oncle Benjen… je continuerai d’y croire moi aussi. C’est pour ça que même si je suis un intendant plutôt qu’un patrouilleur, ce que j’aurais voulu être, je continue à m’entraîner et à aider d’autres recrues à s’entraîner. On n’aura peut-être pas de renforts mais on peut apprendre les uns des autres. Toi aussi, tu en as le pouvoir. Tu as un don pour forger le métal, un talent que tu peux enseigner, transmettre. On ne choisit pas ce qu’on est à la naissance mais on peut choisir ce qu’on veut devenir. Qui est-ce que tu as envie d’être ? L’homme qui vit dans le passé, à vivre avec des fantômes comme notre roi actuel ou bien l’homme qui vit dans le présent, et qui se bat pour son futur, aussi sombre puisse-t-il paraître ?

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Dès que le forgeron eut fini de parler et de balancer au visage du jeune intendant des paroles qui n'allait surement pas tarder à réagir, que lord Snow mit sa main valide sur le pommeau de son épée et dégaina dans un mouvement délibérément lent, probablement à cause du poids de cette dernière. Dale regarda attentivement l'expression de l'intendant. Malgré son visage impassible et fermé, tout sur celui-ci trahissait les sentiments du garde. Ses yeux le fixait avec une telle fureur glacée, le forgeron était chanceux, car si il avait eu son autre main de valide, l'intendant n'aurait sans nul doute hésité à se jeter sur lui et à lui faire ravaler ses paroles aussi vites qu'il ne les avait prononcés. Était-ce donc à cela que ressemblait un Stark lorsque la rage montait petit à petit? Son éducation auprès du grand gouverneur du nord lui avait surement appris à ne rien laisser transparaître de ses émotions mais le fait est que le forgeron ne pouvait que constater que le jeune intendant avait du mal à appliquer ce qu'on lui avait, si longuement appris.

Le forgeron regarda attentivement l'épée qu'il avait devant lui. Délaissant totalement l'attention qu'il avait sur le travail qu'il devait accomplir. Il avait devant lui, devant ses yeux, à seulement quelques mètres de lui, une épée dont l'acier concentrait toute son attention. Il tenta vainement de dissimuler le sourire qui était en train de se dessiner sur son visage mais cela lui était impossible. Comment aurait-il pu ignorer la vision du plus bel et du plus pur acier qui existe. Comment aurait-il pu ne serait-ce que détourner le regard d'une telle perfection, d'une telle finition. Un acier si rare, si léger et dont le tranchant n'était égalé par nulle autre lame. Et dont les secrets de fabrication avaient malheureusement disparu au fil du temps seuls les meilleurs forgerons détenaient encore ce savoir si précieux.

Il en avait tellement rêvée, et il l'avait devant lui, sa teinte si sombre, si différente, si envoutante. Enfant, déjà, il se passionnait des histoires que lui racontait son père à propos de cet acier. Il lui avait transmis sa passion avant que la rébellion ne se déclenche et qu'il parte au Trident pour ne jamais revenir.

Le forgeron en avait presque oublié où il était et avec qui il discutait, il se remit non sans une certaine déception à son travail tout en écoutant Jon Snow. Peut être, aurait-il, une fois la situation un peu plus apaisé, l'honneur de tenir l'épée ancestrale des Mormont entre ses mains, de la brandir, de la manier ne serait-ce que quelques secondes lui suffirait pour l'apprécier à sa juste valeur. Il reprit le marteau qu'il avait durant un court instant, cesser d'utiliser, et recommença à frapper le fer, en étant aussi silencieux que l'avait été le jeune intendant auparavant. Après tout, il lui devait bien ça, vu qu'il n'avait pas réagi lorsque le forgeron avait presque insulté sa famille et dit que ses frères et sœurs ne méritaient pas d'exister. Sur ce point là, il y avait peut être été un peu fort, lui même s'en rendait compte.

Plus le jeune garde parlait et plus toute trace du sourire qu'il avait eu quelques minutes plus tôt disparaissait. Son visage se décomposait petit à petit, jusqu’à ne laisser qu'un visage inexpressif. Il ouvrit la bouche pour lui répondre.

-............

Mais aucun son ne sortit de sa bouche. Est-ce que le jeune bâtard de Ned Stark venait vraiment de le remettre à sa place en une seule et unique phrase? Il avait perdu tous ses moyens face à lui et pourtant, ce que le jeune intendant venait de dire était on ne peux plus juste. Comment aurait-il pu dire le contraire? Toute sa vie, il n'avait cessé de vivre avec des fantômes, celui de son père, protecteur et symbolique d'une époque maintenant révolue, il lui avait tout transmis, que ce soit sa manière de pensée, ses opinions ou son savoir faire. Celui des Targaryens, qu'ils n'avaient jamais vu et dont l'image qu'il s'en faisait était celle des histoires qu'ils avaient entendu à leurs propos et qui s'étaient avec le temps peu à peu estompés, ne laissant place qu'a des images floues. Celui de sa mère, lorsqu'elle était encore en bonne santé et rayonnante de vie. Mais Dale se complaisait à vivre avec ses fantômes. Et il avait au moins cela en commun avec les personnes dont il avait le plus d'aversion. Au fond, il n'était pas différents d'eux, à ceci près qu'eux avaient combattu pour ce qui leurs semblaient être juste tandis que lui était resté là, passif, sans agir. Peut être que ce qu'il reprochait à Ned Stark, c'est qu'il lui rappelait sans cesse que lui avait défendu les siens quand lui était resté à ne rien faire, attendant que son père revienne d'une bataille à l'issue si funeste.
Il prit quelques secondes pour reprendre ses esprits, regarda le jeune intendant dans les yeux et soupira.

-Si tu savais à quel point tu as raison Jon, je dois avouer que tu es très fort. Cela ne fait même pas quelques minutes que nous nous sommes rencontrés et tu viens déjà de me cerner comme personne ne l'a surement jamais fait. On a tous nos propres fantômes, libres à nous de vivre avec ou pas. A quoi bon me battre pour mon futur, je me suis battu une fois pour mon futur et regarde où cela m'a mener.

Le forgeron prit l'épée du vieil ours, la brandit et la réexamina pour constater de l'avancement de sa tache. Les deux gardes de nuit se faisait face à face, l'un brandissant une épée, l'autre tenant la sienne avec sa seule main valide.

-Je te crois concernant Othor, tu n'aurais aucun intérêt à mentir et je n'aurais aucun mal à vérifier si tu dis la vérité ou pas. Il n'y a qu'une seule question que je te poserais aujourd'hui Jon Snow, qu'est-ce que tu fais au Mur? Tu n'es ni un voleur, ni un meurtrier, et encore moins un violeur donc pourquoi es-tu ici? A en juger par ce que tu dis et à la manière dont tu parle d'eux, tu devrais plutôt être à Winterfell avec tes frères et sœurs que tu aimes tant et aux cotés de ton père. Et je ne peux que constater que tu es plus juste et honorable que je ne le serais probablement jamais.

Le forgeron lui lança un regard sincère et se dirigea une nouvelle fois vers la meule à affuter. Il n'était que partiellement satisfait du résultat pour le moment et voulait arranger ça au plus vite.

-Je pense que l'on est tout les deux d'accord sur le fait que nous ne tomberons manifestement pas d'accord sur certains points. Alors vas-y, explique moi comment il est....dis moi ce que tu pense réellement de Ned Stark, et je ne veux pas que tu me parle du gouverneur du Nord ou de la main du roi. Je veux que tu me parle de qui il est vraiment.

Le forgeron espéra qu'en parlant ainsi, la situation allait légèrement s’apaiser entre lui et le jeune intendant. Mieux valait s'en faire un allié qu'un ennemi. Il tenta d'esquiver la question concernant ce qu'il voulait être car lui même ne savait pas comment y répondre.

Jon ne savait pas quoi penser du silence prolongé de Dale mais il avait du mal à se concentrer en cet instant, le lait de pavot devant être en train de cesser d’agir tant la douleur était devenue lancinante. Le jeune intendant en était venu à se reposer sur sa main valide après avoir rangé Grand-Griffe dans son fourreau, son autre main tremblant dans les linges que Mestre Aemon avait utilisés pour bander sa blessure. Redressant la tête quand le forgeron s’adressa à lui, le fils naturel d’Eddard Stark tâcha de prêter suffisamment attention à ses paroles pour le comprendre. L’ombre d’un sourire sardonique fleurit sur ses lèvres.

- C’est pourtant simple… tu as voulu te battre par toi-même, et pour toi-même et tu as échoué. Il prit une profonde inspiration, essayant de garder l’esprit clair. Tu n’es pas seul ici, si tu n’as pas envie de l’être. Et tu as une cause qui dépasse les rois et les royaumes, qui nous dépasse toi comme moi, à portée de la main. Mais en dépit du fait d’avoir été forcé de venir ici, d’avoir eu à dire tes vœux et à travailler ici… il n’y a que toi qui puisses décider si tu veux tendre la main, à tes frères et à cette cause. Tu es le seul à pouvoir choisir d’y croire ou non, et d’y croire assez fort pour t’y consacrer, cors et âme.

Il avait eu ses propres doutes avant d’arriver ici. Jon n’éprouvait aucune difficulté à se souvenir du sentiment d’amertume et de trahison qu’il avait ressenti peu après son départ de Winterfell, en découvrant que ses futurs compagnons d’armes étaient des voleurs, des violeurs et même des assassins, qui n’avaient pas choisi cet ordre millénaire par vocation mais simplement pour échapper à une sentence particulièrement sévère. On lui avait menti. Son père, son oncle Benjen… il avait tellement cru aux histoires qu’on lui avait contées, sur le courage des frères jurés de la Garde de Nuit, sur le rôle important qu’ils avaient joué depuis leur création plus d’un millénaire plus tôt, et qu’ils continuaient de remplir aujourd’hui.

Tyrion lui avait fait réaliser cette supercherie et il s’était senti trahi, tellement trahi… et il n’avait plus pensé qu’à se démarquer de ce ramassis de criminels pour arriver à devenir exemplaire, à l’image de son oncle, qu’il continuait malgré tout d’admirer.

Ces émotions rendirent sa réponse à Dale d’autant plus difficile à formuler, ou tout du moins avec honnêteté. Il s’y efforça malgré tout, parce que son père lui avait appris que mentir était généralement contreproductif sur le long terme, surtout s’il voulait cultiver une amitié sincère. Oh cela ne l’avait pas empêché de le faire quand il était enfant, toujours pour ce qu’il pensait être de bonnes raisons, mais cela n’avait pas été non plus sans conséquence.

- Je n’avais pas vraiment ma place à Winterfell. Commença-t-il avec un calme qu’il n’avait pas ressenti en prenant cette décision à l’époque. Mon père m’a élevé comme ses autres enfants mais Lady Stark a fait en sorte que je n’oublie jamais que je n’étais pas légitime. Quand il est devenu certain que mon père allait quitter le Nord avec le Roi… j’ai profité de la présence de mon oncle Benjen pour lui demander d’appuyer ma demande auprès de mon père.

Il fit une pause, se concentrant sur ce qu’il essayait de lui dire en tâchant d’oublier la douleur qui vrillait ses pensées. Se retenant de grimacer, il posa à nouveau les yeux sur Dale.

- J’ai découvert en route les autres facettes moins… glorieuses de la Garde de Nuit, notamment d’où provenaient nombre de ses recrues. Les Stark ont souvent rejoint les rangs de la Garde par le passé, comme l’a fait mon oncle Benjen. Au final, je suis là parce que j’avais envie de faire table rase sur mon passé, sur ce stigmate qui accompagne chacun de mes pas depuis que je suis né. Tu dis que je suis juste et honorable mais les bâtards sont pourtant décrits comme traîtres, mauvais, fourbes… Pourtant, j’ai eu la chance d’être élevé par quelqu’un de juste et bon. Pourquoi n’aurais-tu pas droit de changer, comme je pense que mon environnement m’a changé ? Qu’est-ce que la Garde sinon une seconde chance ?

Le jeune homme finit par trouver une chaise et s’asseoir, sentant qu’il ne tiendrait plus longtemps sur ses jambes à ce rythme. Il essaya de se concentrer sur le souvenir de son père. Il lui avait toujours apparu grand, pas seulement par la taille, il y avait des seigneurs plus grands que lui, mais par ce qu’il dégageait. Les gens faisaient silence devant Eddard Stark non pas parce qu’ils en avaient peur mais parce qu’il était digne de leur respect.

- Il peut avoir l’air froid et dur aux étrangers mais il nous a toujours montré de l’affection, même quand nous faisions des bêtises. Il traite bien ses gens, s’assurant qu’ils ne manquent de rien. Il honore les anciens dieux mais il tolère la foi des autres, il a même bâti un petit Sept à Winterfell pour Lady Stark. Il vit selon un code d’honneur auquel je ne l’ai jamais vu déroger. Il n’y a personne que j’admire plus que lui au monde.

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Le forgeron, toujours autant appliqué à sa tache, écouta la réponse de son interlocuteur, non sans relâcher son attention de l'épée qu'il était en train d'affuter. Une sensation assez étrange commença à se faire sentir au bout de ses doigts. Cela devait être le résultat des plusieurs heures de travail continu à la forge qu'il venait d'accomplir ainsi que du climat hivernale du Mur auquel il n'arrivait toujours pas, quelques semaines après son arrivé, à s'y habituer. Dale avait posé sa main droite sur la garde de l'épée et sa main gauche sur le plat de la lame pour pouvoir orienter et avoir le plus grand et le plus précis contrôle sur l'affutement de l'arme du Vieil-ours. Des légers étincelles rougeoyante émanaient du froissement de la lame de l'épée et du fer de la meule en produisant un fracas métallique et répétitif, qui aurait vite pu mettre à bout la plupart des personnes se trouvant à proximité. Malgré le bruit et son attention à sa tache, le forgeron écouta avec tout autant d'attention ce que lui répondait le fils de Ned Stark.

-Tu as raison, il n'y a que moi qui puisse décider de si oui ou non, je me dévoue pleinement à la garde de nuit. Mais je ne pense pas que tu te rende bien compte de ce qui nous sépare tous les deux. Qu'aurais-je à gagner à transmettre mon savoir faire à des gardes de nuit, mis à part me donner l'impression que je ne perds pas mon si précieux et au combien court, temps que j'ai à passer au Mur. Je n'ai rien à gagner ici, et au contraire de toi, je n'ai rien à prouver que ce soit aux gens comme à moi même. Si tu es autant dévoué à ta tache ici, c'est justement pour une raison, et tu l'as dit toi même. Ta place n'était pas à Winterfell et tu pense surement qu'elle est ici, et que c'est ici que tu pourras vraiment te révéler et prouver à tout le monde ta vraie valeur, que ce soit aux gardes, aux Vieil Ours, à tes frères et sœurs, à ton père et à sa femme. Ici tu as tout à y gagner. Rien à perdre. Crois-moi lord Snow, lorsque tu auras tout perdu une fois, tu comprendra alors à quel point avoir envie de continuer à se battre est difficile.

Le forgeron arrêta de parler et se re concentra sur la tache qui était sienne. Des gouttelettes de neige fondu mélangé à de la sueur perlait sur la peau de son visage dont les traits s'étaient, depuis plusieurs semaines, fais plus marqués , émaciés par le froid. Il avait quelque peu, changé physiquement, perdant ainsi de la masse musculaire tout comme du poids, la faute revenant surement à la nourriture dont le gout et l'odeur laissait plus qu'a désirer mais qui avait au moins le mérite d'être en quantité suffisante pour que les gardes n'aient pas à s'en plaindre. Malheureusement, il aurait été facile de critiquer les cuisiniers si seulement la plupart en étaient vraiment et n'avaient pas seulement été affecté à cette tache parce qu'il savait mieux manier le coupe choux que le fleuret. Dale releva la tête et se remit à parler.

-Qu'est-ce que la garde sinon une seconde chance dis-tu? Eh bien, honnêtement, cette seconde chance j'aurais préféré m'en passer mais bon, le destin et ma capacité à m'enfuir assez vite en ont décidé autrement.

Un léger sourire apparut sur les lèvres du forgeron.

-Mais tu as raison, c'est une seconde chance, en arrivant et en faisant nos vœux nous repartons sur une base nouvelle, une page blanche. Après, comme tu le dis, libre à nous de décider quelle en sera le contenu, si nous répéterons les mêmes erreurs ou si comme dans mon cas, nous décidons que la page reste blanche. D'aucun diront que je ne profite pas de la chance qui m'a été donné de continuer à vivre en choisissant d'être le vaillant, sans faille et inconsciemment courageux garde de nuit, défenseur des sept couronnes et de notre si cher royaume. Et ils auraient probablement raison.

Il tourna la tête dans la direction du jeune intendant, et le vit s'asseoir sur une chaise à quelques pas de là. Était-ce le froid, sa main blessée, ou leur conversation qui l'avait exténuée? Il n'en savait rien mais en tout cas, l'intendant en avait ressenti l'envie. Et le forgeron ne put s’empêcher de remarquer à cet instant, son aspect imposant non pas par la taille mais par l'allure ayant presque disparu, à quel point Jon Snow était jeune et à quel point son éducation et son enfance parmi les enfants de lord Stark l'avait endurci. Dale écouta attentivement ce que le jeune intendant pensait réellement de son père et s'empressa, non sans un certain amusement, de répondre à sa suite.

-Cela explique beaucoup de chose alors...

En dépit de la douleur lancinante, Jon se força à écouter les paroles du forgeron. Peut-être ne se rendait-il effectivement pas compte des différences qui existaient entre Dale et lui. Si Jon avait bien appris quelque chose de son voyage jusqu’au Mur en compagnie de Lord Tyrion, et du temps qu’il avait passé à Châteaunoir, c’était qu’il y avait énormément de choses qu’il ignorait, aussi bien sur les gens, sur l’honneur, sur tant de ses certitudes…

Il acquiesça lentement avant de lui répondre.

- Je ne sais pas ce que c’est de tout perdre, je ne peux donc pas t’offrir de mots de réconfort. Je sais que quand mon père pensait à son père, son frère aîné et sa sœur, il allait s’asseoir sous le grand barral et parlait aux dieux. Le bois sacré est un endroit tranquille, on a l’impression que les dieux nous y regardent par les yeux rouges du barral…

L’intendant n’avait qu’à fermer les yeux pour revoir l’écorce blanchâtre et les feuilles pourpres du barral. Il pouvait presque entendre le bruissement de ses feuilles et sentir la brise qui parcourait ses branches. Le jeune homme avait prêté serment devant d’autres barrals, au nord du Mur. Il ne put s’empêcher de sourire aux paroles de Dale, se souvenant de mots prononcés par son père, qu’il ne put s’empêcher de réciter ou tout du moins de transmettre le sens qui lui était resté.

- Un homme ne peut être courageux que lorsqu’il a peur. C’est le seul moment où il peut être courageux… C’est ce que disait mon père. J’ai eu peur, j’ai eu horriblement peur quand j’ai vu Othor, quand j’ai vu ses yeux d’un bleu qui n’était pas naturel, quand j’ai vu qu’il ne ressentait pas la douleur, que mes coups n’avaient aucun effet… Je n’ai jamais été aussi terrifié. J’ai réagi d’instinct, parce qu’il allait me tuer, et tuer le Lord Commandant.

Même dans l’état dans lequel il se trouvait, Snow percevait l’amusement dans la voix du forgeron. Il ne s’en offusqua pas, et sourit à son tour, avant de lui répondre.

- Tu accomplis déjà ton devoir, en réparant ces épées, ces armures… Personne ne peut te demander plus que cela, et le respect de ton serment. J’espère que tu trouveras la paix et un sens à ton existence mais je n’ai pas besoin que tu m’apprécies ou que tu apprécies mon père pour te respecter. Tu es maintenant mon frère, jusqu’au jour de ma mort.

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Toujours autant appliqué à sa tache, le forgeron écouta avec attention et sans l'interrompre les paroles de Jon Snow. Lorsqu'il eut terminé, Dale en réponse à ce qu'il venait de dire lui répondit tout simplement.

-De sages paroles venant d'un sage homme. Je serais le veilleur au rempart pour cette nuit et pour toutes celles à venir et ça, j'aurais beau continuer à ruminer dans mon coin. Je ne pourrais pas le changer.

L'épée du vieil ours continuait à être aiguisé dans un crissement métallique laissant échapper plusieurs étincelles flamboyantes disparaissant dans l'air aussitôt. Après plusieurs dizaines de secondes, Dale interrompit son travail, et examina le fruit de son travail de longue haleine. Il prit l'épée à deux mains, et la souleva tout en continuant à la scruter de part en part, recherchant la moindre petite impureté, la moindre petite imperfection qui saurait être modifié dans l'instant. Fort heureusement pour lui et pour à sa plus grande satisfaction, il n'en trouva aucune ou en tout cas, aucune que son expertise en forgeage ne saurait arranger.

Content de son œuvre, il se tourna, avança de quelques pas dans la direction du Jon Snow et lui fit face. Dale prit quelques instant et brisa le silence qui venait de s'installer depuis plusieurs minutes

-Eh bien...en voilà une bien belle épée, espérons qu'elle convienne au Vieil-Ours et qu'il saura l'utiliser à bon escient.

Le forgeron retourna l'épée, prenant bien soin que la lame n'entaille pas la peau découverte et fragilisé par le froid de l'intendant. Il lui tendit le pommeau de l'épée.

-Lord Snow ! Voilà pour vous, le Lord Commandant la voudra sûrement au plus vite auprès de lui. Et comment pourrait-il défendre le royaume des Sept couronnes sans épée aucune ? Il lui lança un sourire. Vous allez me dire que toutes les guerres et tous les affrontements ne se gagnent pas qu'au fil de l'épée, et vous auriez sûrement raison, mais le fait est que d'après ce qu'on m'a dit des sauvageons et ce que vous venez de me dire à propos de ces « Autres », je ne vois malheureusement qu'une seule solution. Et ce n'est certainement pas la plus pacifique.

Il fit une pause, attendant que le jeune intendant reprenne l'épée récemment rénové. Puis il reprit, adoptant un ton plus serein et moins animé par l'effort comme il le fut précédemment.

-Tout compte fait, ce fut un plaisir de pouvoir vous parler et de faire votre connaissance Jon Snow, j'espère que vous ne m'en voudrez pas trop si j'ai pu vous offenser, vous et votre famille. Et si tel est le cas, eh bien, à l'avenir vous aurez sûrement des armures et armes à réparer ou alors si l'art du forgeage vous intéresse, vous savez où me trouver.

Sa phrase terminé, il lui tendit sa main pour aider le jeune intendant à se lever de sa chaise, remarquant depuis plusieurs reprises et depuis quelques minutes déjà que le fils de Ned Stark n'était pas dans son meilleur état, à cause de sa récente blessure probablement.

L’acceptation de Dale était sans doute une petite victoire mais au moins elle permettrait peut-être à l’homme du Conflans de mieux vivre ses jours au Mur. Son existence n’était pas dénuée de sens et son travail dans la Garde de Nuit avait une valeur aux yeux des autres, en dépit de ce qu’il pouvait bien penser.

Jon attrapa l’épée tendue avec précaution et put apprécier la qualité du travail du forgeron à la lumière des chandelles. Le Lord Commandant allait sûrement être satisfaisait de la restauration de sa lame. Il la remit ensuite dans son fourreau et sourit aux paroles de Dale. Le frère juré avait l’air moins frustré et amer qu’il ne l’avait trouvé au premier abord, et c’était déjà cela de pris.

- Le plaisir est partagé, Dale. J’espère que nous aurons l’occasion de parler à nouveau.

Il accepta sa main pour l’aider à se mettre debout et se dirigea vers la porte. Saluant une dernière fois Dale, le bâtard de Winterfell se dirigea vers les appartements du Commandant Mormont. C’était une conversation des plus stimulantes qu’il avait eue avec le forgeron et il aurait voulu être en meilleure forme pour se livrer à ce débat mais dans tous les cas, il ne pouvait s’empêcher d’être satisfait de la tournure qu’avait prise leur discussion. Peut-être qu’un jour prochain, les deux hommes pourraient devenir amis mais même si ce n’était pas le cas, il savait au moins qu’il n’aurait pas à s’inquiéter de recevoir une épée dans le dos. Après tout, ils avaient déjà bien assez à faire en s’inquiétant des Sauvageons et des Marcheurs Blancs pour ne pas en plus y ajouter d’éventuelles trahisons. Jon avait le sentiment que Dale était un homme honorable, même s’il semblait peu enclin à l’admettre, surtout à lui-même.

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