Grâce à l’éclipse de soleil survenue quelques jours plus tôt, Lynce avait retrouvée foi en R’hllor, néanmoins, elle se demandait toujours comment, de la situation actuelle, elle pouvait arriver à celle qui lui avait été prédite. C’était il y a si longtemps qu’elle s’était demandé, depuis la mort de Baeron si la vision de la Grenouille était toujours valable. Elle s’était aussi demandée si ça n’avait pas été que des foutaises destinées à lui faire dépenser le Cerf d’argent qu’elle avait donné à la Medium, mais Maggy avait sa réputation pourtant, celle de dire la vérité. Alors elle y avait cru, dès l’instant où elle lui avait pris une goutte de son sang en piquant douloureusement son doigt jusqu’à maintenant. Elle croyait encore et toujours à ce que lui avait dit la vieille naine étrange et elle n’en démordait pas, peut-être aussi parce qu’elle voulait y croire, parce que c’était un bel avenir qu’elle lui avait fait entrevoir. Même si elle ne l’avait pas vu dans les flammes, mais dans une goutte de sang. Même si elle-même n’avait jamais rien pu voir dans les flammes et qu’elle maîtrisait encore très mal les balbutiements de ses pouvoirs de prostituée sacrée. Dénomination qui la gênait particulièrement, d’autant plus qu’elle devait se rendre à l’évidence, elle avait toujours utilisé son corps, ses charmes, pour arriver à ses fins, désormais, c’était simplement plus officiel et il s‘agissait non des siennes mais de celle de R’hllor. Depuis qu’elle avait rencontré Kashina et que cette dernière lui avait transmis sa passion pour le Maître de la lumière elle était persuadée que celle de R’hllor était compatibles avec les siennes, qu’il l’emmènerait vers sa tournée. Elle en était absolument certaine et plus que jamais depuis qu’il s’était adressé à elle via la disparition de l’astre du jour.

Mais Lynce ne voyait pas le chemin, elle ne voyait pas comment et chez Lynce, contrairement à Kashina, la foi avait ses limites, celle de son ambition, de son égoïsme. Pourtant elle s’en défendait, elle luttait contre cet état d’esprit à chaque nouvelle aube et jusqu’à la suivante, elle en avait pleuré des jours entiers de ne pouvoir être comme sa maîtresse chérie, à simplement attendre humblement que les choses adviennent. Elle avait tenté maintes et maintes fois de se laisser porter par les événements et par la foi, mais sa nature reprenait toujours le dessus, elle forçait le destin, elle l’avait laissé faire une fois, et cela lui avait valu le mariage de plus malheureux et le plus déshonorant possible, l’exil, la misère, la séparation. Elle avait dû forcer le destin pour sortir de cette situation catastrophique, et une fois de plus pour rencontrer le Roi qui lui avait été promis. Et ce roi était mort. Mais heureusement, de ce roi et de sa chère Kashina était né finalement, le Prince qui fût Promis, la réincarnation d’Azor Ahaï, celui qui sauverait le monde. Mais c’était un enfant et elle n’était pas sa mère, bien qu’il ait vu le jour grâce à elle, et elle ne pourrait pas devenir sa femme.

La belle blonde était résolue à l’accompagner, ainsi que la douce Kashina, sur le chemin prévu par R’hllor et à y trouver son salut. Mais alors qu’elle déambulait dans les allées bondées du marché de Volantis, elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il allait falloir, encore une fois, qu’elle force le destin pour que sa tournée s’accomplisse. Et de se demander si c’était là ce que R’hllor voulait, car si elle en était capable, au fond, Il le savait, et donc le prévoyait dans ses plans étranges et impénétrables. Il savait déjà ce qu’elle ferait dès qu’une occasion se présenterait, Il comptait sur elle pour le faire et pour permettre ainsi à son champion d’éclairer la voie, tout comme la Maison Hightower le faisait depuis des lustres.

Lynce sourit à cette idée et inspira une grande bouffée d’air. Cela sentait la crasse des esclaves, les effluves de poisson et de viande qui s’étalaient sur les étals, les excréments d’une ville surpeuplée. Elle haïssait cette ville, s’il n’y avait eu le principale temple de R’hllor, Kashina et Aemon, elle serait retournée à Lys, mais elle devait rester et se souvenir de la réaction qu’avaient eu les esclaves en voyant sa maîtresse et l’enfant tant attendu. Elle vit alors deux jeunes femmes discuter au milieu de soldats aux yeux en amande qui semblaient être leur garde personnelle. Elles aussi avaient les yeux bridés et les cheveux de jais. Tous étaient vêtus et armés d’une façon inhabituelle, même pour Volantis qui pourtant voyait transiter tout un tas de gens venus du monde entier et cela attisa la curiosité de la blonde.

__ Toutes. » Répondit-elle avec un sourire en s’approchant légèrement.

La belle blonde ne jeta pas un regard aux gardes, n’essayant pas pour autant de passer et plongeant simplement son regard azur sur les petits bouts de femmes assise derrière les soldats. Elle ignorait tout de Yi-Ti et de la façon dont on y considérait l’esclavage, mais elle venait de Westeros, et là-bas aussi, il était non seulement strictement interdit - ce qui avait valu à son ex-mari de devoir fuir le continent pour ne pas être exécuté – mais aussi très mal perçu. Aussi, étant donné qu’elle pensait justement à leur misère et à leurs regards quand ils avaient vu une miche de pain et leurs lumineux sauveurs en les personnes de Kashina, Aemon et elle-même. Elle fit donc le pari que c’était bien de cela que la jeune femme parlait, espérant ne pas s’être trompée. Sans quoi, la conversation tournerait court car ici, comme à Qarth, il était hors de question de remettre l’esclavage en cause ou de le critiquer, personne, pas mêmes les esclaves eux même ne le faisait, c’était une normalité trop bien installée pour que quiconque s’y risque.

__ Elles ont hérité de cela de la civilisation de l’Antique Valyria et aucun maître, aucun marchand, aucun dirigeant, jusqu’au plus humble artisan ne serait prêt à renoncer à sa supériorité sur les esclaves. Amusant qu'on les appelle encore Cités Libres... » Ajouta-t-elle dans la langue commune.