Ca ne l’enchantait guère. Bien que sa mine dise le contraire, lorsque le Kelio apprit qu’il serait le premier à s’entraîner aux côtés de Gawaldo. Ce n’était d’abord que des ouïe dires car en effet, le colosse d’ébène s’était forgée une réputation tenace en ayant été l’un des champions de Meereen. Naturellement, Gerion ne pouvait s’empêcher d’en être impressionné. Après tout, son esprit Guerrier avait beau être au sommeil, il gardait l’oreille avisé et n’était qu’admiratif devant ses frères. Deux jours auparavant, les deux hommes avaient pu festoyer ensemble afin de fêter l’arrivée du grand champion, de l’œuvre d’art d’Alhanaro. Ce que le Lion déchu en conclut ? Il était plus petit que ce qu’on disait. On le décrivait comme étant un géant de trois mètres de haut dont les muscles déchiraient sa chair tant ils restaient serrés dedans et même qu’il buvait le sang de ses victimes après les avoir massacré. Pour la dernière partie, ce n’était pas encore vérifié cependant. Le Lion des Mers s’était pourtant bien amusé à ses côtés. Du moins, son esprit avait feint ce sentiment. Aujourd’hui, il allait combattre. Si Gerion faisait déjà parti des meilleurs acquisitions de son nouveau maître, il avait pourtant beaucoup à apprendre et n’était sûrement qu’un nouvel os à craquer pour Gawaldo.

C’est d’une servante de Yi-Ti qu’il apprit que l’artiste sanglant avait son propre terrain d’entraînement. Rien d’étonnant à cela, des rumeurs circulaient comme quoi Alhanaro Posseidyanos s’était ruiné pour acheter le Guerrier des Sables. Il ne lésinait donc pas sur les moyens pour faire s’intégrer au mieux son nouveau gagne pain. Gerion n’était arrivé dans la demeure du Roi-marchand que quelques semaines avant Gawaldo. Ils étaient donc les plus jeunes de ses recrues et pourtant sûrement les doyens puisqu’ils avaient à peu près le même âge, le Géant d’Ebène étant plus âgé d’un an de ce que l’on disait. On donna à Gerion de simples cestes ainsi qu’une protection de cuir, pour son épaule. Cela semblait bien peu pour tenir le coup face à la réputation de son rival et pourtant, c’était à la fois normalement plus que nécessaire pour un simple entraînement. Si d’ordinaire cela aurait du ravir le Guerrier-né, cela n’eut comme seul conséquence que de lui rappeler sa condition de lion dompté ce à quoi ses pensées se firent toujours plus morne alors même qu’il remercia d’un large sourire la servante lui ayant tendu ses protections.

Afin de se rendre au terrain, il devait traverser les appartements de Gawaldo et quelle surprise lorsqu’il entra dans sa suite pour se rendre compte qu’il devait être aussi bien logé que son maître ! Tout dans le luxe, des meubles sculptés au sol marbré en passant par les oreillers qui d’ici semblaient être emmitouflés de plumes soyeuses. Comme pour lui cacher la triste vérité, une mèche blonde vint se déposer devant ses yeux et c’est rapidement qu’il l’a remis en place, à l’arrière de son crâne. Chacun de ses muscles était rigide et lorsqu’il vit même le bassin personnel du Champion de Meereen, c’est un long soupir qui s’extirpa de son visage stoïque au masque marmoréen impénétrable. Pourtant, lorsqu’il aperçut son adversaire zélé car déjà prêt au milieu du champ de sable, c’est un tout autre masque qu’il lui fallait arborer et depuis sa terrasse, le Kelio hen Iedrar s’appuya sur les barreaux et de là-haut, il s’adressa à lui d’un ton pleinement désinvolte, un large rictus au visage.

Et bien, je vois que monseigneur Gawaldo est bien loti ! d’un geste de sa tête, il lui montra alors ses appartements au combien somptueux, ce n’est pas notre cas à tous, ici.

Cette dernière remarque se fit bien plus percutante quoi que toujours légère au fond. Il descendit alors les marches jusqu’au terrain d’où il put sentir une énième fois le sable s’agripper à ses sandales usées. Cette sensation, il ne la connaissait que trop bien depuis sept années maintenant. Si peu de temps pour la vie d’un gladiateur et pourtant une éternité pour un homme anciennement libre. Parfois, il se torturait à penser à sa vie antérieure mais la torture n’était que minime car il se surprenait à remarquer que finalement, des images, il n’en avait presque plus. Seulement des ombres, des silhouettes et parfois… les limbes. Il les avait perdus. Il avait perdu. Et pourtant, il n’avait rien à perdre. Douce contradiction marquée dans le sable et le sang. Sans qu’il ne s’en rende compte, alors qu’il avait là des pensées bien mornes, son visage fit de même et Gawaldo n’eut comme cadeau que le faciès d’un déterré, d’un sans-âme ce qui se rectifia très vite par l’expression du célèbre Enjoué. Mais alors qu’il s’apprêtait à lui parler, il remarqua vers le haut une autre silhouette les observant : son maître. Alors il comptait donc surveiller –admirer ? tous les entraînements de son favori ? Cette pensée le fit doucement sourire. Quoi que non, elle n’agissait même pas en lui tant les coups qu’il allait se prendre n’étaient à destination que d’une simple carcasse vide. En guise de respect, il salua le Maître Marchand d’une révérence peut être un peu trop formel. Les habitudes ne disparaissent pas. Parfois.

Tu as préparé quelque chose ? le Dompté croisa alors les bras tout en souriant de manière presque abusive à Gawaldo, montre moi donc ce qui t’a valu ta réputation de Faiseur de Veuves.