Les mois passés aux côtés de la Lady Suzeraine de l'Ouest avec fait découvrir à Ellyn un nouveau mode de vie. Son passé à Wyndhall semblait désormais révolu. Finies les journées passées à rester enfermée au château, à penser, à s'inquiéter et à se faire des reproches. L'absence de son père constituait une forme de soulagement pour la jeune Estren. Néanmoins, elle ne pouvait s'empêcher de s’inquiéter pour lui. Effectivement, la perpétuelle réclusion de ce dernier dans ses appartements avaient certainement du éveiller la curiosité d'autres seigneurs de l'Ouest. Ellyn avait entendu toutes sortes de rumeurs à propos de son père. Certains pensaient qu'il était devenu fou, d'autres qu'il était malade... alors qu'en réalité, seul le chagrin le rongeait. Après ces 17 longues années, le fantôme de Darlessa Estren hantait toujours l'esprit de son époux, et malgré son optimisme, Ellyn ne pouvait s'empêcher de penser que jamais le spectre de sa défunte mère ne cesserait de tourmenter son père.
C'était aussi la raison pour laquelle Ellyn avait accepté de devenir la dame de compagnie de Silithia Lannister, car elle savait pertinemment que cette position lui serait bien plus profitable lorsqu'elle souhaiterait se marier que le simple statut de fille de lord d'une petite maison noble. Elle se disait que peut-être, un jour, Silithia l'enverrait quérir un époux avec une dot conséquente, et qu'enfin elle pourrait être vue comme une opportunité par ce dernier, et qu'il la marierait. A ce stade, Ellyn aurait peut-être une chance de remonter dans l'estime de son père, car ce dernier n'attendait qu'une seule chose ; qu'elle puisse enfin être utile, et la meilleure façon dont elle pouvait l'être, était d'aider un homme à perpétrer sa lignée.

Le jour présent était le dernier de la semaine. S'ennuyant quelque peu des affaires politiques, la maisonnée Lannister avait décidé de le dédier à la chasse. Ainsi, une petite partie de Castral Roc avait été conviée pour une petite escapade en forêt.
Bien que la chasse était la chose qu'elle haïssait le plus au monde, Ellyn n'avait eu d'autre choix que de suivre Silithia. Il aurait certainement été très mal vu pour une dame de compagnie d'esquiver son devoir.
Alors qu'elles attendaient que les chevaux soient sellés, Ellyn tentait malgré tout de faire bonne figure auprès de sa suzeraine, mais la jeune femme avait une boule en travers de la gorge, imaginant d'ors et déjà le spectacle auquel elle allait devoir assister.
Une fois Phoenix, son bel étalon bai brun sellé, Ellyn se hissa sur son dos. Vêtue d'une cape rouge foncée reposant sur la croupe de son cheval ainsi qu'une robe assez légère et souple de couleur noire, la jeune femme laissait pendre ses deux jambes sur un seul côté de la selle, montant en amazone, position dans laquelle elle s'était toujours sentie à l'aise.
Alors que l'intégralité des membres du convoi étaient dorénavant en selle, celui-ci se mit en marche, avançant d'un bon pas, ni trop rapide ni trop lent. Après plusieurs passées sur la route du front de Mer, la troupe arriva enfin à l'orée d'une forêt.

Durant toute la durée du petit voyage, Ellyn était restée silencieuse. Faisant de son mieux pour s'éloigner de Silithia afin que celle-ci ne remarque pas son mal-être, la jeune femme avait passé son temps à observer le paysage, chose qu'elle faisait toujours lorsqu'elle était tracassée. Bien que le luxe soit au rendez-vous, la vie à Castral Roc n'était pas toujours toute rose. Effectivement, bien qu'elle lui offre un grand nombre de possibilités, elle avait également contribué à renforcer les complexes d'Ellyn. Notamment celui concernant son physique. Effectivement, la beauté de Silithia n'avait d'égale que son charisme, et face à une telle dame, Ellyn se sentait parfois bien inférieure. Elle appréciait Silithia, cela était indéniable, mais elle s'était parfois surprise à la jalouser quelque peu. Aux yeux d'Ellyn, sa suzeraine était tout comme un modèle qu'il lui fallait suivre, et dont elle ne pouvait s'empêcher de penser constamment au fait que peut-être elle n'arriverait jamais à sa hauteur.

Soudainement, Ellyn fut tirée de ses pensées et sentit l'ombre s'abattre sur elle. Le convoi venait de s'introduire dans les bois, et d'ors et déjà, les chiens aboyaient si fort qu'il était pratiquement impossible de converser. Le cœur d'Ellyn se serra lorsque la troupe commença à prendre le trot. Le moment était venu, ils avaient certainement repéré une proie. Restant à l'arrière, Ellyn claqua de la langue, faisant partir Phoenix au trot. Très vite, l'allure se fit plus vive et les chevaux prirent le galop, pour ne s'arrêter que plusieurs minutes plus tard, minutes qui parurent interminables à Ellyn. La jeune femme savait très bien ce qui allait se passer ensuite. La mise à mort était le moment qui la répugnait le plus. Elle ne pouvait regarder, rien que d'y penser, elle en avait la nausée et le cœur serré. Depuis que Septa Bethany lui avait fait part que la viande venait d'animaux abattus alors qu'elle n'était encore qu'une enfant, Ellyn n'avait plus jamais pu en consommer. Elle se contentait de fruits et de légume, de fromage... tout cela lui suffisait amplement pour subsister.
Voir un animal mourir lui était insupportable, d'autant plus que cette fois, elle avait croisé le regard de celui-ci. Il s'agissait d'un jeune cerf. Il était épuisé, terrifié, tremblant, les narines presque ensanglantées au vue de la course effrénée qu'il venait de mener pour échapper à ses poursuivants.
Habituellement, Ellyn arrivait à rester présente lors de la mise à mort. Elle se contentait de détourner le regard. Mais cette fois-ci, après avoir croiser celui de l'animal, rester lui était impossible. C'est donc discrètement, alors que tous les chasseurs se félicitaient mutuellement et que Silithia était trop occupée à admirer la proie, qu'Ellyn décida de s'éclipser. Faisant faire volte face à Phoenix, elle s'éloigna un peu plus loin dans la forêt, juste pour échapper à ce spectacle qu'elle jugeait atroce.

— Je me demande comment on peut en venir à traiter ainsi les animaux.. n'y a-t-il pas assez de victuailles pour se nourrir ? Pourquoi ont-ils besoin de tuer ? Seulement pour le plaisir ? Mais comment peut-on prendre du plaisir à cela ? … Ellyn parla tout haut, mais assez doucement pour que personne ne puisse l'entendre, car elle savait très bien que sa réflexion aurait pu lui attirer quelques problèmes.

Plongée dans ses pensées et laissant quelque peu son cheval déambulé comme il le souhaitait, la jeune fille ne remarqua pas qu'elle s'éloignait de plus en plus du groupe. Se pensant encore proche, elle s'enfonçait de plus en plus dans la forêt. Elle n'était pas inquiète. En même si elle s'était rendue compte de son éloignement, elle aurait certainement préféré se perdre plutôt que de devoir assister à un tel spectacle.
Alors qu'elle chevauchait d'un pas plutôt lent sur un chemin au sol couvert de feuilles, Ellyn entendit soudainement un bruit au dessus de sa tête. Pensant à un écureuil, la jeune femme ne se méfia pas plus que cela. Continuant sa route, elle fut une fois de plus dérangée par le bruit et relevant, la tête, il lui sembla apercevoir une silhouette bougeant dans les arbres. Si elle n'avait pas rêvé, cette silhouette était bien trop grosse pour être un quelconque animal. Ellyn déglutit difficilement. Elle ne savait qui ou quoi se trouvait ici. Elle aurait pu faire demi-tour à toute allure, mais fuir n'était pas vraiment ce qu'elle aimait faire. Si son père lui avait appris une seule chose, c'était bien de garder la tête haute en toutes circonstances.
Tirant doucement sur la bride de Phoenix, elle arrêta l'animal au milieu du chemin. Plissant des yeux, elle dévisagea les alentours avec suspicion.

— Il y a quelqu'un ? Demanda-t-elle, assez fort mais d'une voix plutôt douce, sans semblant de peur dans la tonalité de celle-ci.

Alors qu'elle conservait son immobilité tout en restant aux aguets, Ellyn fut soudainement prise d'un sursaut. Semblant provenir des arbres au dessus d'elle, une flèche martela lourdement le sol à quelques mètres des pieds de Phoenix. Ellyn sentit l'animal frémir, mais ce dernier ne bougea pas. Quant à elle, son pouls s'accéléra immédiatement, son cœur martelant sa poitrine à toute allure. Elle comprit qu'une menace pesait désormais sur elle.
La jeune rousse sursauta une deuxième fois lorsqu'elle entendit une voix raisonner. Une voix de femme. L'individue semblait toute proche, perchée au dessus d'elle. En entendant ses paroles menaçantes, Ellyn vit son mauvais pressentiment se confirmer ; la flèche venait certainement de cette femme, et vu la façon dont elle parlait, elle ne semblait pas décidée à lâcher prise sur celle qui venait de prendre pour proie.

Quelque peu effrayée à l'idée de recevoir une seconde flèche et ne sachant pas exactement à qui elle avait à faire, Ellyn se décida à descendre de cheval, comme l'inconnue le lui avait ordonné. Elle démonta lentement mais avec une certaine agilité, cherchant à garder sa dignité malgré qu'angoisse grandissante. Gardant les rênes de Phoenix dans ses mains afin de maintenir ce dernier immobile, Ellyn scruta les alentours quelques instants. Relevant ensuite la tête, elle crut percevoir une silhouette dans les arbres, silhouette qui semblait la menacer d'une flèche. Malgré qu'elle n'arrivait pas à distinguer clairement le visage de la personne, il lui sembla qu'il s'agissait d'une femme, à peine plus âgée qu'elle. Son physique frêle et chétif -ou du moins ce que Ellyn en apercevait- contrastait beaucoup avec les menaces qu'elle proliférait.

La voir tenir son arc, prête à décocher une flèche à tout instant avait d'ailleurs contribuer à effrayer Ellyn davantage. Néanmoins, la jeune noble était inexplicablement poussée par la curiosité, qui l'amenait à se demander qui pouvait bien être cette femme, et surtout, pourquoi la menaçait-elle.

« Pardon mais... qui êtes-vous, et que me voulez-vous ? ». Le ton qu'Ellyn prit en posant cette question traduisit certainement quelque peu sa crainte. Néanmoins, la jeune femme faisait vraiment tout son possible pour cacher l'état dans lequel elle se trouvait.

Ellyn était maintenant comme dans une impasse. Cela l'avait soudainement amenée à regretter de s'être éloignée du convoi. Peut-être aurait-il mieux valu assister à la mise à mort de ce jeune cerf et ressentir un profond dégoût plutôt que de se retrouver entre les mains de ce qu'Ellyn supposait être une brigande. Elle avait parfois entendu son père parler de ces gens-là, qui s'attaquaient la plupart du temps à des convois ou à des personnes qu'ils supposaient vulnérables. Généralement, les brigands agissaient en groupe, ce qui amena Ellyn à se trouver quelque peu confuse car la femme sur laquelle elle venait de tomber semblait seule. La jeune noble essayait d'oublier rapidement cette notion de groupe, car elle m'amenait à être proie à une peur de plus en plus grande. Effectivement, quand elle y pensait, peut-être que cette femme n'était pas si seule... peut-être que les autres étaient dissimulés, prêts à intervenir au moment propice...
Ellyn avait plutôt pour habitude d'être optimiste et d'affronter ses peurs. C'est pourquoi elle pensait que dans une telle situation, le meilleur moyen de s'en sortir était peut-être de positiver et coopérer avec ses agresseurs. Après tout, et cela la confortait légèrement, les brigands n'avaient pas la réputation d'être des assassins, à condition que l'on ne leur résiste pas, bien entendu...

Les alentours étaient demeurés silencieux durant de nombreuses minutes avant qu'Azalée ne se décide enfin à reprendre la parole. Pour Ellyn, ce temps avait semblé si long que les paroles de la brigande était presque un soulagement.
Celle-ci ne désirait pas lui révéler son identité, néanmoins, la jeune Estren comprit immédiatement la demande formulée par son agresseur ; celle-ci désirait ses bijoux et tout ce qu'elle pouvait porter de précieux sur elle. Ces paroles confirmèrent donc l'idée qu'Ellyn s'était faite de la personne sur laquelle elle venait de tomber. Désormais, elle n'avait plus besoin de connaître son nom, ni rien d'autre, elle savait simplement qu'Azalée était uniquement là pour lui dérober ce qu'elle possédait.
Un nouveau silence régna durant quelques secondes, durant lesquelles Ellyn prépara sa réaction. Elle ne savait exactement quoi faire. Elle pensait toujours rester dans cette idée de coopération, tout en essayant de comprendre les actions de celle qui la soudoyait. Azalée reprit ensuite de nouveau la parole pour exposer une forme de chantage ; les bijoux contre la vie. Décidément, les brigands étaient bel et bien comme on les décrivait. Ils connaissaient parfaitement le Talon d'Achille de la plupart des hommes.

Prenant une grande inspiration, Ellyn se décida à répondre rapidement. Cet air qui s'engouffrait peu à peu dans ses poumons avait pour effet de la détendre, sensation qui était quelque peu appréciable, car elle allait permettre à Ellyn de dissimuler davantage la petite peur qui s'était emparée d'elle dès le départ.

« Seraient-ce mes bijoux que vous désirez ? ». Ellyn releva de nouveau les yeux vers la silhouette, arquant un sourcil tout en sentant une vague de frisson la parcourir alors qu'elle voyait l'arc encore pointé sur elle. A tout instant, elle avait l'impression qu'Azalée allait lâcher la flèche, et que celle-ci atterrirait directement dans son cœur. Mais non, ce ne serait pas le cas, si elle coopérait, ce ne serait pas le cas. « Si c'est le cas.. prenez-les.. j'en ai tellement, une paire de plus ou de moins.. cela ne me ruinera pas. ». Ellyn ria assez nerveusement, petit rictus qu'elle tenta de faire passer pour une réaction à un certain amusement.

En réalité, donner ses bijoux n'enchantait pas vraiment Ellyn. Tout simplement car si il y avait bien une chose qu'elle détestait, c'était de paraître faible aux yeux des autres. Dans le monde dans lequel elle vivait, elle était certainement considérée comme « une faible », c'est pourquoi elle détestait dévoiler un tel visage et qu'elle préférait davantage mettre en valeur son courage et sa ténacité face aux épreuves difficiles.
Retirant doucement les bijoux qu'elle portait, Ellyn les lâchait machinalement -presque négligemment- au sol. Son visage était désormais dénué d'expression. Elle sentait comme de la colère, ou plutôt un sentiment de faiblesse et de culpabilité monter en elle. D'un côté, elle aurait voulu tenir tête à Azalée, mais sa conscience lui criait que faire cela n'aurait pas été raisonnable.
Une fois sa parure retirée, Ellyn retira le peigne en argent qu'elle portait dans ses cheveux et le jeta au sol avec le reste de ses biens. Voir ses précieux effets traînés dans la poussière ne la réjouissait pas. Néanmoins, elle essayait de faire passer la pilule en se répétant sans cesse que cela n'était qu'un mauvais moment à passer, une épreuve imposée par la vie en quelque sorte.

« Cela vous suffit-il ou bien désirez-vous encore plus ? ». La jeune noble parla sur un ton assez autoritaire, ou du moins qu'elle pensait être autoritaire. Effectivement, Ellyn n'était pas une femme qui commandait, et bien que Silithia essayait de l'endurcir progressivement, elle savait qu'elle ne serait jamais ce genre de femme.

Ellyn marqua un temps d'arrêt avant de prononcer une seconde phrase. Cette fois-ci, sa voix se fit plus douce. Effectivement, un étrange sentiment se manifestait tout d'un coup en elle. Certainement le plus surprenant des sentiments que l'on puisse ressentir dans une telle situation ; Ellyn avait comme pitié d'Azalée. Après tout, si elle volait, elle devait être dans une situation critique, voir misérable.

« En tout cas, j'espère que la vente de ces effets dont je vous fais gracieusement cadeau servirait une bonne cause et non pas de la simple cupidité.. ». Ellyn parlait doucement, quelque peu machinalement, laissant son regard se promener sur le sol. Lorsqu'elle prononça sa dernière phrase, sa voix devint quelque plus humaine. « J'imagine que vous devez vous trouver dans une situation bien difficile pour en arriver à faire ce genre de choses... dire cela m'attriste, néanmoins.. je me demande bien comment on peut en arriver à n'avoir aucun autre moyen pour vivre que de dépouiller et de voler. ».

Ellyn craignait un peu la réaction d'Azalée vis à vis de ce qu'elle venait de dire. La jeune femme serait-elle surprise de la mentalité de la noble et s'adoucirait-elle ? Ou bien ces paroles la mettraient-elle davantage en colère et décocherait-elle une flèche ? Ellyn ne pouvait prévoir sa réaction et elle le savait très bien. Désormais, elle n'avait plus qu'à espérer que la conversation ait prit un chemin correct. Car après tout, tout cela était sincère.. les motivations d'Azalée intéressaient véritablement la jeune femme, et elle était bien décidée à comprendre ce qui la poussait à agir ainsi.

Alors qu'Azalée lui ordonna de reculer, Ellyn s’exécuta immédiatement en exerçant une légère pression sur le poitrail de Phoenix afin que celui-ci se porte vers l'arrière. A quoi bon opposer une quelconque résistance maintenant ? La brigande allait lui prendre ses bijoux, elle allait avoir ce qu'elle voulait, et Ellyn était en position de faiblesse depuis le début, bien qu'elle essayait de le nier catégoriquement.

Soudain, de nouveau bruit dans les arbres attirèrent l'attention de la jeune femme. Cette fois-ci, Azalée semblait en train de descendre. Ellyn l'observa avec conviction, soutenant son regard sur la silhouette qui se faufilait de branche en branche. A cet instant, la jeune Estren ressentait une crainte quelque peu inexpliquée, plus elle voyait son « agresseur » se rapprocher, et plus elle avait l'impression qu'une nouvelle menace pesait sur elle. Après tout, Azalée pouvait bien l'abattre en descendant de l'arbre ? Qu'est-ce qui l'en empêcherait ? Ellyn chassa néanmoins bien vite cette pensée lorsqu'elle vit que la jeune brigande avait ranger son arc. D'ailleurs, maintenant qu'elle était en face d'elle, Ellyn la trouvait beaucoup moins impressionnante. Une petite rousse au visage doux, plutôt petite, qui, comme Ellyn l'avait pensé précédemment, n'était guère plus âgée qu'elle. Qui aurait cru qu'une telle créature puisse-être capable de voler comme cela ?

La voir aussi chétive fit bousculer de nombreuses interrogations dans la tête d'Ellyn : comment ferait-elle pour se défendre si jamais quelqu'un venait à lui résister ? La jeune Estren ne connaissait pas grand chose sur les brigands, mais tout ce qu'elle savait, c'est que leur activité était surement dangereuse, aussi bien pour les personnes qu'ils dépouillaient que pour eux-même. Or, celle-ci ne ferait surement pas le poids contre un homme adulte.
Bien qu'au fond d'elle-même, elle se sentait quelque peu stupide de s'inquiéter pour son agresseur, Ellyn ne pouvait s'empêcher de le faire. Contrairement à beaucoup de nobles, la jeune femme avait bon cœur, et voir la souffrance n'était pas vraiment quelque chose qui la ravissait, en particulier lorsqu'elle remarquait que cette souffrance était bien visible aux yeux de tous mais que personne ne réagissait pour y mettre un terme. C'est pourquoi Ellyn donnait souvent des pièces ou un peu de nourriture aux plus pauvres, lorsqu'elle en avait l'occasion.
La jeune femme fut soudainement tirée de ses pensées lorsqu'Azalée recommença à parler, lui expliquant brièvement que les bijoux lui étaient nécessaires afin de nourrir son groupe. Le mot « groupe » amena à la fois la confusion et la peur dans l'esprit d'Ellyn. Cette jeune femme n'était donc pas seule. Il y en avait bien d'autres avec elle. Alors qu'elle pensait à cela, le cœur d'Ellyn se mit de nouveau à battre à tout rompre dans sa poitrine. Le voyant s'emballer, la jeune femme tenta tout de même de le contrôler en se forçant à avoir des pensées rassurantes, comme par exemple le fait qu'Azalée avait dit elle-même qu'elle avait eu ce qu'elle voulait.

« Votre groupe... mais.. que voulez-vous dire ? N'êtes-vous pas seule ? Peut-être êtes-vous en train de me parler de votre famille ? ». Ellyn fixait Azalée, son regard à la fois suspicieux et compatissant.

C'est alors que la jeune brigande posa une question assez poignante, mais dont la réponse paraissait évidente à Ellyn. Pourquoi elle s'intéressait à son cas ? Et bien, cette jeune femme avait dû tomber sur des gens bien insensibles tout au long de sa vie pour en arriver à poser ce genre de questions. Plus elle parlait, et plus Ellyn désirait en savoir plus sur elle. Une forme de compassion qui aurait peut-être parue bien stupide aux yeux de beaucoup, mais qui, aux yeux de la jeune Estren, était simplement un pur acte de bonté qu'elle se devait d'accomplir.

« Pourquoi je m'intéresse à vous ? Et bien.. voyez-vous.. contrairement à ce que vous pouvez peut-être penser... tous les nobles ne sont pas sans cœur. » En disant cette phrase, Ellyn se détendit légèrement, arquant un sourcil et haussant les épaules, la jeune femme regardait toujours Azalée, cherchant à capter l'attention de celle-ci.

Les toutes premières révélations d'Azalée bouleversèrent Ellyn au plus haut point. Effectivement, en une seule phrase, la jeune brigande venait de lui confier qu'elle était orpheline. Bien qu'elle semblait trouver du réconfort -comme elle l'avait dit-, au sein de son « groupe », Ellyn ne pouvait s'empêcher de se sentir mal. Après tout, perdre sa famille était certainement la pire chose qui pouvait arriver à un individu. Bien qu'Ellyn n'ait jamais été chérie comme elle aurait du l'être par la sienne, savoir son père ou son frère mort serait certainement l'une des choses les plus terribles qui pourrait lui arriver.
A la suite des paroles d'Azalée, Ellyn resta silencieuse durant de longues minutes. Elle avait envie de la réconforter mais elle était également méfiante. Après tout, cette jeune femme restait une brigande, et elle avait une arme sur elle, arme qu'elle pouvait utiliser à tout instant sans aucune gêne. Une autre chose retenait Ellyn ; elle ne savait si Azalée allait apprécié d'être réconfortée.. après tout, la jeune Estren non plus n'aimait pas qu'on la prenne en pitié, et elle pouvait s'imaginer que venant d'une brigande censée avoir un fort caractère, la conservation d'une distance avec ses souffrances et sa peine ne pouvait qu'être un agissement logique.

« Oh.. Je.. Je suis désolée.. cette situation doit être particulièrement difficile à vivre.. je ne voulais pas réveiller de vieux démons. Pardonnez ma curiosité.. » En disant ces mots, Ellyn déglutit difficilement.

Elle savait très bien que ce n'était pas la phrase idéale, et peut-être bien qu'Azalée allait se moquer d'elle. Néanmoins, la jeune femme était obligée de dire quelque chose. Devant le malheur des gens, qui qu'ils soient, elle réagissait toujours, peut-être de la mauvaise façon certes, mais elle réagissait.
Ignorer était pour elle totalement impossible.
Alors qu'un nouveau silence pesa, au bout d'un moment, Azalée se décida à raconter « la suite » de son histoire. Tenant toujours les rênes de Phoenix en main, Ellyn l'écouta attentivement, prêtant l'oreille aux moindres détails. Le récit d'Azalée était bref mais très poignant. On pouvait très bien se rendre compte que la jeune femme n'avait pas envie d'y dire beaucoup sur elle-même ni sur son histoire, par soucis de prudence, très certainement. Néanmoins, ses explications suffisaient à Ellyn pour réaliser précisément dans quelle situation cette dernière se trouvait. Démunie, très certainement comme la plupart des personnes qui avaient décidé de se lancer dans une activité aussi peu recommandable que le brigandage.
Plus Azalée avançait dans son discours, et plus Ellyn était en quelque sorte fière de se dire qu'elle avait assez bien cerné la situation dans laquelle se trouvait son agresseur. Néanmoins, celle-ci la peinait beaucoup, si bien qu'elle en oubliait presque les craintes qu'elle pouvait avoir vis à vis d'Azalée ou de la présence d'un quelconque groupe pour assister celle-ci.

« La première personne, vraiment ? ». Relevant la tête vers la jeune rousse, Ellyn afficha une moue étonnée et arqua un sourcil, tout en cherchant à capter le regard de celle-ci. La fille de l'Aigle n'aimait pas regarder les inconnus dans les yeux, habituellement, elle était trop timide pour cela lorsqu'elle ne connaissait pas. Mais Azalée n'était pas très impressionnante, alors cela s'avérait plus facile avec elle. « Et bien.. surement parce que les autres personnes que vous avez croisé sont certainement trop matérialistes pour se soucier des autres... ».

Ellyn soupira légèrement. Elle n'avait pas pour but de dresser un réquisitoire contre la société, c'est pourquoi elle s'empressa de baisser le ton, car celui-ci avait légèrement monté lorsqu'elle avait dit sa dernière phrase.

« Votre mode de vie doit être bien pénible et bien dangereux.. n'avez-vous jamais pensé à trouver un travail ? Je veux dire.. vous semblez agile et débrouillarde.. un seigneur de la région pourrait avoir du travail à vous proposer.. aussi bien à vous qu'aux autres membres de votre groupe. ».

Cette idée était venue subitement à Ellyn. Elle l'avait conservé car elle avait pensé que c'était une possibilité qui n'était pas si mauvaise que cela. Après tout, cette jeune brigande devait bien avoir d'autres talents que le vol.

Alors qu'Ellyn venait d'exposer sa critique sur le trop plein de matérialisme des nobles et personnes fortunées, la jeune noble remarqua immédiatement le changement d'expression faciale d'Azalée. La jeune femme passa d'un air très sérieux à un large sourire, mais qui semblait plutôt exprimer une forme de moquerie que de la joie.
Lorsqu'elle écouta ses paroles, prononcées sur un ton assez ironique, Ellyn resta perplexe dans un premier temps puis sentit son cœur s'accélérer lorsqu'elle entendit la deuxième partie de la phrase. Tout d'abord, Azalée évoqua une raison qui poussait les marchands à ne pas se soucier de leur agresseur. Celle-ci paraissait logique et tout à fait probable à Ellyn. La jeune noble savait pertinemment que dans le monde où elle vivait, les gens avaient bien souvent tendance à se soucier davantage de leur survie que de celle des autres. Azalée affirma ensuite qu'elle trouvait bizarre le fait qu'Ellyn se mette à lui poser des questions alors qu'elle était peut-être en mauvaise posture et qu'elle pouvait se faire tuer à n'importe quel moment, par Azalée ou par des « complices cachés ». Bien que le tutoiement qu'employait désormais Azalée la surprit quelque peu, Ellyn ne put s'empêcher de tressaillir en pensant à la scène qu'évoquait la jeune brigande. Néanmoins, elle tenta de dissimuler l'élan de peur qui l'envahissait de nouveau et prit une grande inspiration avant de répliquer.

« Et bien.. disons simplement que je suis peut-être un peu différente des autres. ». Elle laissa se promener son regard puis le posa de nouveau sur Azalée, lui adressant un mince sourire. « Peut-être était-ce une erreur mais.. je dois dire que j'ai choisi la compassion à la place de la méfiance. Après tout, vous avez eu ce que vous vouliez alors.. Pourquoi me feriez-vous du mal ? J'ai souvent entendu dire que les brigands étaient inoffensifs lorsque l'on coopérait avec eux.. vous ne devriez pas faire exception à la règle, j'imagine. ».

Ellyn déglutit difficilement. Elle l'espérait. Sinon, il était évident qu'elle se trouvait dans une bien fâcheuse posture. Elle n'avait aucune possibilité de se défendre, n'avait jamais appris aucune notion de combat, et il aurait été bien trop naïf de penser que les autres membres du convoi pourraient lui venir en aide. Elle s'était bien trop éloignée et ces derniers devaient être trop occupés à se réjouir du butin sur lequel ils avaient mis la main.
Le mouvement soudain effectué par Azalée tira immédiatement Ellyn de ses pensées. La jeune noble guetta avec attention la brigande, qui semblait enfin s'être décidée à descendre de son arme. Les deux femmes n'étaient désormais plus qu'à quelques mètres de distance. Cette proximité rendait Ellyn quelque peu nerveuse. Elle était partagée entre la fascination et la méfiance. Après tout, elle n'avait pas souvent eu de contacts avec des « gens de l'extérieur », et bien qu'elle soit en premier lieu timide, elle aimait beaucoup faire de nouvelles rencontres, ce qu'elle trouvait être une expérience fort enrichissante.

Impressionnée par son agilité, Ellyn ne pouvait s'empêcher d'avoir une pointe d'admiration pour la jeune femme qui était en face d'elle. Bien que les brigands avaient mauvaise réputation dans le milieu noble, Ellyn aimait à penser que ces gens-là devaient être tout de même assez courageux, car elle-même n'aurait jamais osé s'attaquer à des convois. La jeune noble cherchait toujours à voir le bon côté des gens, et avait tendance à croire que même chez les personnes les plus mauvaises qui puissent exister, il y avait toujours un brin de bonté.
Prenant une grande inspiration, elle fixa Azalée de haut en bas avec des yeux assez perçants. La jeune brigande était vêtue d'une tenue assez ordinaire, voir reflétant un certain degré de pauvreté. Ses vêtements paraissaient assez sales et en mauvais état. Mais après tout, cela paraissait assez logique à Ellyn. Comment pouvait-on être raffiné en vivant constamment au contact de la nature et en grimpant aux arbres ?
Alors qu'Azalée parlait de nouveau, Ellyn écouta avec attention ses paroles tout en plissant légèrement les yeux. Visiblement, la jeune brigande doutait de sa capacité à pouvoir travailler dans un château et peut-être même à pouvoir être embauchée par qui que ce soit. Ellyn ne put réprimer un sourire. Cela lui paraissait compréhensible, car sur un point, Azalée avait raison ; il est vrai que les nobles étaient quelque peu paranoïaques et que la plupart d'entre eux n'engagerait probablement jamais un brigand, mais encore une fois, Ellyn voyait les choses différemment.

« Un certain nombre certes.. Mais peut-être ne sont-ils pas aussi compétents que vous ? ». Ellyn soutint le regard de la jeune femme qui était en face d'elle, gardant tout de même une expression faciale neutre. « J'ai vu à quel point vous étiez agile.. et j'imagine fort bien que peu de gens sont capables de parcourir les branches comme vous le faîtes. Contrairement à ce que vous pouvez penser, cela pourrait être très apprécié. ». Elle marqua une pause avant de poursuivre. « Et peut-être que vos talents de chasseuse ne vous seraient-ils pas spécialement utiles dans cette nouvelle profession.. après tout, vous devez bien être capable de faire autre chose que de menacer ou utiliser un arc. ».

Ellyn s'emportait quelque peu et ne se rendait pas tellement compte de l'ampleur que la discussion prenait. Elle en avait presque oublié qu'il y avait de cela quelques minutes, Azalée était en train de la menacer et qu'elle l'avait dépouillée de tous ces bijoux. Tout cela n'avait plus d'importance à ses yeux, car désormais, la jeune noble semblait tout particulièrement entêtée à prodiguer de l'aide à celle qu'elle venait de croiser et dont l'histoire l'avait bouleversée malgré elle.

« Cela peut-être risqué effectivement. ». Elle soupira légèrement, ses yeux toujours fixés sur Azalée. « Mais c'est un risque que, pour ma part, je serais prête à prendre. Savons-nous toujours réellement qui nous engageons ? Bandit ou pas, n'importe quel nouveau serviteur peut-être un espion ou un agent envoyé pour nous assassiner. En réalité, si nous voulions être surs d'être réellement en sureté, il faudrait se méfier de tout le monde. » Elle adressa un léger sourire à la jeune brigande avant de continuer à parler. « De plus, je suis encline à croire que chacun à droit à une seconde chance, et que tout le monde est capable de la saisir. ».

Elle ne savait comment Azalée allait réagir, néanmoins, elle avait bien une idée en tête qui pourrait peut-être la sortir de la situation misérable dans laquelle elle se trouvait actuellement.

Alors qu'Azalée commençait à fourrer son butin dans son sac, Ellyn l'observait avec attention, sans la quitter des yeux. Elle avait cette manière un peu étrange de faire, manière qui évoquait à la fois une pointe de crainte et d'empressement. Lorsque la jeune brigande se recula, le regard d'Ellyn la suivit. Non que la jeune noble soit absolument craintive vis à vis de la femme qui se tenait en face d'elle, mais elle restait tout de même méfiante, sachant pertinemment à quel genre de personne elle avait à faire. Néanmoins, malgré qu'elle en connaisse maintenant un petit bout sur sa nature, Ellyn ne pouvait s'empêcher de penser qu'au fond, Azalée n'était certainement pas quelqu'un de mauvais. C'était sûr, elle faisait cela par nécessité. N'était-ce pas, d'une certaine manière, un geste quelque peu admirable de vouloir prendre soin de ceux que l'on aime ?

La brigande reprit ensuite la parole, évoquant le fait qu'ébaucher un bandit en connaissant par avance sa nature était quelque chose de quasiment impardonnable. En entendant ces mots, Ellyn ne put s'empêcher de se mordiller la lèvre. D'un côté, Azalée avait raison. Si quelque chose arrivait avec cet ancien brigand, alors la responsabilité retomberait immédiatement sur celui ou celle qui l'a engagé. C'était certes un assez gros risque à prendre. Cependant, malgré son côté « petite noble sage tentant à tout prix de respecter les règles », Ellyn avait bon cœur, et pour une œuvre de charité, elle n'hésitait jamais à contrecarrer les règles si cela s'avérait nécessaire.

« Alors il n'y a plus qu'à être prêt à assumer cette erreur, supposé que cela en soit vraiment une. » Elle répondit quelque peu plus fermement, ces yeux une nouvelle fois plongés dans ceux de la rousse, bien que celle-ci soit plus éloignée, désormais.

Ellyn eut un léger petit sursaut lorsqu'elle vit Azalée bouger de nouveau. Néanmoins, la jeune femme fit tout pour se contrôler, et faire en sorte que son corps se relâche. Elle s'en voulait que sa raison la pousse à avoir de telles réactions. Après tout, ne venait-elle pas d'essayer de convaincre Azalée sur le fait que tout le monde pouvait avoir une deuxième chance ? Dans ce cas, si les brigands pouvaient avoir une deuxième chance, pourquoi être autant impressionnée par eux, puisqu'ils pouvaient faire preuve de bonté ? A cet instant précis, Ellyn avait réellement l'impression que son esprit n'était qu'émotions contrastées.
Elle observa attentivement les moindres gestes d'Azalée, et poussa un léger soupire lorsque celle-ci s'accouda à l'arbre. La savoir à sa place initiale était quelque peu « rassurant », pour Ellyn, cela voulait dire que pour le moment, rien « d'anormal » qui puisse lui avoir des conséquences drastiques pour elle n'allait se passer, du moins elle l'espérait.

« Tirer à l'arc est une compétence plutôt prisée chez les nobles. Peu de nos serviteurs ou même de nos confrères savent vraiment tirer à l'arc, beaucoup se débrouillent, ou encore essaient de se faire passer pour compétents, alors qu'en réalité, ils ne le sont pas vraiment. ». Ellyn marqua une pause et ne put réprimer un sourire lorsqu'elle pensa aux derniers mots de la réplique d'Azalée. « M'emmerder ? Je.. je ne « m'emmerde » pas.. j'essaie seulement de vous aider. Et contrairement à ce que vous pouvez penser, cela me ferait très plaisir de vous aider à vous sortir de cette situation quelque peu.. gênante dans laquelle vous vous trouvez actuellement. ».

De nouveau, Ellyn s'arrêta de parler quelques instants, puis repris sur un ton plus doux, cherchant presque à réconforter Azalée.

« Cessez de vous dévaloriser inutilement.. croyez-moi, vu les compétences que vous posséder, vous pourriez aisément être embauchée quelque part.. ». Elle rit légèrement. « Après tout, je suis persuadée que vous êtes bien meilleure à l'arc que la plupart de ces nobles à la bedaine bien pleine et au cerveau bien vide, ou brouillé par l'alcool.. je me trompe ? ». La jeune femme arqua légèrement un sourcil.

Alors qu'Ellyn était encore crispée, elle ne put s'empêcher de serrer les dents lorsqu'elle entendit Azalée faire tinter ce qu'elle venait de lui dérober. La perte de ses présents agaçaient Ellyn, le nier aurait été un véritable mensonge. A se faire voler ainsi, elle se sentait particulièrement faible. Bien qu'elle faisait preuve d'une gentillesse sans égale, la jeune femme n'aimait tout de même pas être abusée. Cependant, malgré que ce petit bruit lui rappelle qu'elle avait en face d'elle une voleuse, Ellyn ne put lui en vouloir outre mesure. Elle ne changea pas pour autant son « fusil d'épaule », et demeura toujours désireuse de mieux comprendre la situation d'Azalée, ou mieux, de l'aider, si cela était possible.

Effectivement, obtenir des informations à propos de la vie de la jeune brigande n'était pas chose aisée. Celle-ci semblait se plaire à rester vague sur ce qui la concernait. Elle ne faisait que des phrases évasives, qui avaient certes du sens, mais qui n'étaient pas assez précises pour déterminer réellement qui elle était. Elle n'avait par exemple jamais parlé de son passé, ou encore une fois, de façon très rapide en sans aucun détail. Des détails, Ellyn aurait aimé en avoir, néanmoins, elle n'osait pas demandé plus de précision. Pour l'instant, elle préférait se concentrer sur la proposition qu'elle avait tenté de faire à la jeune brigande ; celle de la réorienter, en lui prouvant que même si elle les utilisait à des fins peu recommandables, elle avait des talents, qui pourraient servir des causes plus « honorables » que son actuelle activité. Bien qu'Ellyn ne pouvait s'empêcher d'être admirative vis à vis du « courage » dont faisait preuve Azalée. Effectivement, elle se serait mal vue dépouiller des gens à l'aide de simples menaces, la pendaison la hantant à chaque instant, si jamais elle se faisait prendre.

Alors qu'Azalée affirmait ironiquement qu'Ellyn l'avait déjà bien aidée en lui faisant don forcé de ses bijoux, la jeune noble ne put réprimer un sourire. Au moins, même s'il était quelque peu rabaissant, Azalée avait de l'humour.
Il ne fallut que quelques instants à la jeune rousse pour regagner l'arbre sur lequel elle s'adossait. Ellyn remarqua tout de même que malgré qu'elle soit en position de force, Azalée gardait toujours son arc à la main, prête à tirer. Au fond, elle aussi devait avoir peur. Bien qu'elle jouait les dures, Ellyn ne pouvait s'empêcher de penser que la crainte aussi hantait la brigande. Cela pouvait paraître paradoxal, étant donné que l'une était armée et qu'elle n'avait par conséquent certainement rien à craindre de l'autre, mais les faits étaient là. Ellyn aurait bien pu se servir du petit couteau qu'elle détenait dans son bas droit. Néanmoins, envenimé les choses n'étaient pas son but. La violence, elle n'aimait pas cela. La violence l'effrayait, et lorsqu'elle voyait les gens y avoir recours, elle ne pouvait s'empêcher de penser que c'était une perte de temps inutile, et que les problèmes pouvaient être réglés de bien d'autre façon qu'en faisant couler le sang.

Ellyn écouta attentivement les paroles d'Azalée, qui lui disait -avec quelque gaucherie- qu'elle « flattait bien ». Sur ces mots, la noble sourit une seconde fois, puis s'empressa de glisser quelques mots une fois que la brigande eut fini de parler.

« Je vous remercie. » Ellyn marqua une pose. « Et bien.. figurez-vous qu'il est très rare de trouver de très bons archers, en particulier chez les nobles.. en général, ils ne font que frimer, mais en réalité.. ils n'ont aucun talent.. les vrais bons archers se trouvent en général bien plus en bas de l'échelle sociale. Ce sont en général des personnes toujours habituées à se débrouiller seules.. dont la chasse fait parti du quotidien. Des gens comme vous, en somme. ». La jeune noble hocha légèrement les épaules. « D'ailleurs en parlant de votre arc.. je pense que vous pouvez le poser.. je peux vous assurer que vous n'avez rien à craindre de moi.. j'essaie seulement de vous aider.. si j'avais voulu vous charger ou encore appeler une horde de gardes pour vous arrêter.. ne pensez-vous pas que je l'aurais déjà fait ? ». Ellyn accompagna sa question d'un léger haussement de sourcil.

Après un petit silence qui dura quelques instants, Azalée demanda à Ellyn ce qu'elle attendrait vraiment d'elle.
« Chassez des pigeons pour moi ? Oh non.. je suis végétarienne, cela fait bien longtemps que la viande ne fait plus parti de mon alimentation... néanmoins.. je suis persuadée qu'il y a certain autres nobles qui seraient ravis par vos talents.. supposons que nous cachions votre passé de brigande, bien entendu. ». Elle poussa un petit rire. « Vous pourriez aussi, en parallèle à votre travail de chasseuse.. enfin.. je pense que vous ne seriez pas ravie par cette idée mais.. il serait possible que vous serviez en tant que femme de chambre. Aider une noble à s'habiller, à se coiffer.. cela n'est pas exaltant, mais ça pourrait vous rapporter quelques sous en plus. Qu'en dites-vous ? ».

Elle releva les yeux vers Azalée, d'un air à la fois interrogateur et enthousiaste.