An 299 – lune 9 – semaine 2 – jour 2

Un léger coup à la porte lui fit tourner la tête vers celle-ci. Elle reconnaîtrait ces légers coups entre mille. Personne d'autre que sa précieuse petite-fille ne s'annonce de cette façon. Aussi un sourire se dessina sur son visage ridé tandis qu'elle se levait, peut-être un peu trop vite car cela lui arracha une légère grimace. Elle renvoya Dextre et Senestre d'un geste agacé de la main alors que la porte s'ouvrait, laissant apparaître sa petite-fille Margaery, resplendissante comme toujours. Fraîche, belle et gracieuse, elle avait non seulement les atouts d'une grande dame, mais également celle d'une reine.

La porte se referma sur son entrée alors qu'elle s'avançait d'un pas léger, ses cheveux flottants dans son dos. Elle répandait une odeur de rose dans toute la pièce et son sourire accentua celui de sa grand-mère alors qu'elle lui glissait une rose entre son voile et sa gimpe en la complimentant sur son apparence, ce à quoi Olenna répondit:

Ma chérie, la surprise me sera encore plus forte à moi-même qu'à toi. Ma beauté m'abandonne mais la tienne s'accroît de jour en jour! Ta présence m'est bénéfique en tout point.

Elle posa une main ridée sur celle, jeune et douce, de Margaery qui venait de lui prendre le bras. C'était devenue une habitude pour elles, de se tenir ainsi tout en marchant et en conversant d'absolument tout. Elles se dirigèrent sur le balcon où les attendaient du thé et des fruits pour leur dernier petit-déjeuner ensemble avant le départ d'Olenna pour Hautjardin. La question de Margaery arracha un soupir à la Reine des Epines:

Et bien si mes gens ont pour une fois fait preuve de rapidité pour préparer mon voyage, alors oui, tout est prêt. Mais je doute que ce soit le cas... Hier encore, voilà que je m'aperçois que ma femme de chambre avait... "oublié" soi-disant, d'emballer mes huiles essentielles de rose et une bonne partie de mes parfums... Que croyait-elle donc? Que j'allais les laisser ici prendre la poussière et l'odeur répugnante de cette cité?! Je suis heureuse que tes femmes de chambre soient plus intelligentes et moins gourdes que les miennes!

Elles partirent d'un léger rire tandis qu'elles prenaient place à la table du balcon. Olenna se retourna vers l'intérieur de l'appartement et lança à qui de droit:

Et bien alors? Vous allez nous faire languir encore longtemps?!

L'un des serviteurs accoura leur servir le thé, non sans trembler, ce qui répandit quelques gouttes sur les soucoupes et la table. Agacée, Olenna réexpédia la jeune fille dans le salon avant de se pencher vers Margaery:

Mon départ n'est pas définitif, tu le sais. Nous converserons par missive durant mon absence et si tu requiert ma présence ici, je ferais mon possible pour venir. Cependant, je veux tout savoir de ce qui se passe ici. Tu es assez intelligente pour faire la part entre de simples rumeurs et des faits qui ont de fortes chances de réellement se produire... Je te laisse ton Chevalier des Fleurs de frère pour veiller sur toi en mon absence. Il a tout intérêt à se montrer à la hauteur de sa chevalerie. S'il joute aussi bien qu'il te protège, peut-être gagnera-t-il une nouvelle part de mon estime...

Olenna buvait son thé du bout des lèvres tout en écoutant sa petite-fille. Elle fit une légère moue désapprobatrice lorsqu’elle constata que son thé n’était pas assez sucré à son goût. Foudroyant les serviteurs du regard, elle s’abstint cependant de tout commentaire, car elle ne voulait couper Margaery. Elle prit le sucrier et rajouta deux cuillères de sucre à son thé avant de le goûter à nouveau. « Ah cette fois c’est mieux… » se dit-elle, satisfaite. La mention de Loras lui fit lever la tête. La façon dont Margaery parlait de lui reflétait véritablement tout l’amour qu’elle lui portait et cela la toucha. Naturellement, Olenna aimait également son petit-fils. Sa réputation, à son âge, n’était pas sans lui conférer un grand sentiment de fierté dès qu’elle entendait vanter les exploits du Chevalier des Fleurs. Cependant, elle désapprouvait son comportement tout autant que les regards charmeurs qu’il lançait aussi bien aux filles qu’aux jeunes écuyers, chose qu’elle avait déjà surpris plus d’une fois. Ce que disait à présent Margaery de son frère et surtout ce qu'elle ajouta par la suite, lui fit se dire que, peut-être, devrait-elle laisser sa petite-fille seule à Port-Réal après tout, même si cela lui était tout bonnement insupportable. La savoir seule, loin de sa famille et en ce lieu regorgeant de pièges… Elle tenta de repousser ces pensées de son esprit autrement, elle en était certaine, elle annulerait son départ et resterait à Port-Réal. Aussi, elle posa sa tasse de thé, prit la main de Margaery, douce et belle, dans les siennes, douces certes, mais constellées de taches de vieillesse, et lui répondit :

Tu aimes ton frère, cela se voit. Mais il est arrogant, fier et son comportement laisse parfois plus qu’à désirer. En cela, il ne ressemble en rien à ses deux frères aînés. Il est temps que cela change…

Elle frappa dans ses mains deux fois et Senestre accouru à ses côtés, sorti d’on ne savait exactement où :

Trouvez Ser Loras et dîtes-lui de se préparer. Il rentre avec moi à Hautjardin. Nous partons dans une heure. Faîtes charger ses effets. Ce que nous pourrons charger faute de temps ou de place, lui sera expédié plus tard.

Senestre s’inclina roidement puis disparu. Olenna se retourna alors vers Margaery :

J’ai des projets pour ton frère. Il est temps qu’il se marie, car comme tu l’as si bien dit, c’est un homme fait, accompli et brave. De quoi faire tourner la tête à plus d’une jeune fille en fleurs... Ce n’est donc pas plus mal s’il vient avec moi… Et toi… [Olenna se rapprocha de sa petite-fille et celle-ci fit de même, signe qu’une confidence allait sortir de la bouche de sa grand-mère] Montres-toi souvent au bras de Prince héritier, charmes-le comme je t’ai appris et comme tu sais si bien le faire, fais-lui comprendre qu’il n’y a aucune comparaison possible entre la grâce d’une Tyrell et la sauvagerie d’une Martell. Je gage qu’il t’apprécie déjà beaucoup, mais il doit t’apprécier davantage encore… Les Martell sont des gens fiers. Ils nourrissent certainement une vengeance envers nous, même envers les Lannister, pour les avoir évincés de si près de leur Trône de Fer… Je compte donc sur toi pour me prévenir et me tenir informée de tout ce qu’il se passera ici, de tout ce que tu verras ou entendra. Et surtout…

Olenna soupira et caressa la joue de Margaery de sa main droite :

Ecris-moi si tu te sens en danger. Promets-le moi.

Elle lui sourit faiblement, des larmes dans les yeux. Pour Margaery, son amour et sa protection étaient sans limites. S’il devait lui arriver quelque chose, elle ne se le pardonnerait jamais. Cependant les derniers mots de Margaery la rassuraient un peu. Manifestement, se savoir seule ne lui faisait pas peur et surtout, ne la déviait pas de son objectif… de l’objectif de toute la famille… Elle ne dit rien à cela mais sourit… Cette fois c’était un sourire complice et entendu…

Olenna sourit, attendrit par la douceur de sa petite-fille, mais aussi par sa force intérieure et son courage, deux choses qu'on ne lui donnerait pas de prime abord lorsqu'on la voit, belle et gracieuse. Elle posa une main ridée et couverte de tâches de vieillesse sur celle que sa petite-fille lui avait posé sur son avant-bras. Elle la tapauta doucement puis lui répondit, d'un air entendu:

Bien fou est celui qui ne t'aimerait pas. Tu as tant de qualités... Tu feras un jour une grande dame, aimée et acclamée de tous... Une grande reine... Et aussi jeune sois-tu, je me félicite de voir que mes leçons et conseils ont porté leurs fruits. Le peuple, Margaery... Qu'il se soulève et nous autres, les "biens-nés", ne survivront guère longtemps avant de voir notre corps éparpillé aux quatre coins de Port-Réal ou pire encore. Mets le Peuple de ton côté, et tu auras alors un avantage inestimable face à ceux qui te voudront du mal.

Puis Olenna se leva, tenant toujours sa petite-fille par la main:

Il est temps pour moi de partir. La route sera longue et je n'ai plus 70 ans !

Elle pressa les mains de Margaery dans les siennes, les leva à ses lèvres et y déposa un baiser:

Agis comme tu sais le faire, et si tout se passe comme tu le dis, alors j'accourerais pour revenir à la capitale et t'y retrouver.

Elle la prit alors dans ses bras, la serra un instant contre elle, puis brisa l'étreinte, se dirigea vers les escaliers qui menaient à son appartement et appela, d'une voix où sa tendresse de grand-mère avait totalement disparu:

Dextre ! Senestre ! Allons !! Il est plus que temps !!! Si quelqu'un croise mon Chevalier des Fleurs de petit-fils, qu'il vienne embrasser sa soeur avant le départ !!!