Ashara avait reçut la réponse d’Ades dans la matinée. Elle ne se souvenait que trop bien des questions indiscrètes posées lors de sa dernière missive et craignait d’avoir trop dévoilé sn jeu. Au Cyvosse, un tel manquement aux règles de la stratégie aurait été fatal. Mais était-ce une partie de Cyvosse. Elle avait appris, à Port Réal et, par la suite, avec cette correspondance riche d’enseignements, à faire confiance au jeune Nordien. Des échanges amicaux et plus intimes que ce qu’elle n’avait jamais partagé avec personne qui avaient fait naitre une amitié réelle. Mais pouvait-elle véritablement lui faire confiance ? La vie lui avait appris à ne se confier à personne, à en dévoiler le moins possible. La vie lui avait appris que monter ses sentiments, révéler ses aspirations ou quoi  que se soit d’un tant soi peu personnel était une faiblesse, parfois mortelle. Faiblesse pourtant si agréable, partager avec un autre être ses doutes, ces connaissances, discuter et aller un peu plus loin que les usages ne le permettaient, au peu au delà des conversations de cour. Pour la première fois depuis bien longtemps, la brune pouvait redevenir l’enfant curieuse qu’elle avait été. Avant. Avant que le poids de son nom ne lui tombe sur les épaules.
Mais voila qu’elle redevint une enfant alors qu’elle redoutant de briser le cacher de la maison Overton frappé dans la cire qui scellait le message autant qu’elle était impatiente de voir ce qu’il lui répondait.

La jeune femme s’était retenue toute la journée et quand l’envie était trop forte, elle trouvait toujours une nouvelle raison de ne pas l’ouvrir. Elle serait déçue parla description, il ne lui dirait rien d’intéressant, il encenserait son ami ou le descendrait croyant ainsi s’attirer les faveurs de l’un ou l’autre dans un sens ou dans l’autre. Pis. Il lui enverrait à la face le peu de pudeur dont elle avait fait preuve en l’interrogeant sur l’héritier de Winterfell, il lui révélerait qu’il avait déjà de nombreuse prétendante bien plus jolies et plus jeunes, qu’il était déjà promis sans que cela ne soit officiel, qu’il préférait les blondes, réduisant ses espoirs à néant. Pire ! Maintenant qu’il savait ce qu’elle voulait, il pourrait s’en servir contre elle, la faisant chanter, la manipulant, ou révélant ce secret et les quelques autres qu’elle avait pu lui dire à demi mot dans leurs précédents échanges.
Regardant le parchemin posé sur sa table depuis le matin, elle essayât, en vain, de voir quelques mots à travers le papier pour saisir la substance du message. Pour se rassurer ou se décider définitivement à la brûler ou encore pour compiler tout ce dont elle pourrait se servir contre lui s’il osait la trahir. Une journée d’angoisse absolue où elle avait refusé de sortir de sa chambre et de voir qui que se soit ce qui avait quelque peu inquiété les membres de la maisonnée à la fin de laquelle elle alla se coucher sans y avoir touché.

Mais, après plusieurs heures à chercher le sommeil qui se refusait à elle, Ashara finit par prendre son courage à deux mains et aller la lire une bonne fis pour toute. Elle en aurait ainsi le cœur net. De quoi, elle l’ignorait encore alors qu’elle quittait son lit chaud, douillet et moelleux et se dirigeait vers le petit bureau finement marqueté. En cette nuit de pleine lune, la pâle lueur de l’astre donnait à la jolie brune, en tunique blanche, des allures de fantôme. Elle se saisit de la missive et s’installa dans l’alcôve qui donnait sur l’une des fenêtres de ses appartements. Un étrange éclat argenté brillait sur les flots mouvants d’un noir d’encre qu’elle observa quelques instants, rêveuse, avant de lever les yeux sur la rondeur opaline qui se reflétait sur la mer comme sur des millions de miroirs. Elle soupira et décacheta le pli, y reconnaissant sans mal l’écriture de son ami et accueillant cette première promesse de franchise avec un doux sourire. Et c’est à la lumière de cette lune pleine qui semblait vouloir rivaliser avec le soleil pour éclairer le monde autour qu’elle se mit à lire.

Après cela elle retourna se coucher avec la lettre qu’elle mit sous son oreiller. Sa nuit fut douce, mais courte néanmoins, elle se leva tôt le matin pour répondre et relut une fois le dernier paragraphe sur Robb Stark avec un petit sourire. Elle était une femme de tête, même si elle pouvait aussi agir, elle évitait le plus possible, sauf à la chasse. Et si Robb était bien tel qu’Ades l’avait décrit, non seulement il ferait un époux parfait, certainement respectueux et attentionné, du moment qu’elle se donne les moyens de se faire aimer. Mais il ferait un bon suzerain, un excellent Gouverneur du Nord et Ashara s’occuperait des relations diplomatiques et l’aiderait dans ses réflexions d’ordre politique… Ce serait un mariage fructueux, fertile et heureux qui entérinerait définitivement la triple alliance entre le Nord, le Conflans et la Val.
La brune laissa son regard se perdre sur la mer grise et verte. Elle allait lui manquer, le Val allait lui manquer. Mais elle pouvait le quitter pour servir le Nord et épouser le Stark de Winterfell. Elle souriait béatement et se prit à rêver de son mariage devant les Sept et les Anciens Dieux tout en se demandant ce que souhaiterait Robb et Eddard à ce propos. Heureusement les conversations avec Ades l’avaient déjà pas mal éclairée sur cette religion si différente et étrange.  Pratiquaient-ils la cérémonie du coucher eux aussi ? C’était quelque chose qu’elle redoutait, elle n’était pas très à l’aise avec l’idée de se retrouver nue devant toute une assemblée d’homme et déshabillée par eux qui plus est. Elle détestait qu’on la touche. Mais si tel était son devoir, elle s’en acquitterait sans broncher. Elle imagina sa vie à Winterfell d’après les lectures qu’elle avait eut sur la forteresse et les représentations qu’elle en avait vues. Il ressemblait à sa mère… Un Tully… Comment pouvait-il bien être ? Ah peu importe, Ades n’avait pas précisé qu’il était laid, il ne devait pas l’être, et de toute façon il était l’héritier d’Eddard Stark alors, quand bien même ne serait-il pas le plus avenant des hommes, il ne pouvait pas être pire que Tyrion Lannister ou Joffrey Baratheon. Même s’il avait un frère bâtard que la jeune femme ne parvenait à se sortir de l’esprit tant il noircirait le portrait si parfait de la famille suzeraine du Nord. Il était certainement plus recommandable qu’Edmure Tully et plus accessible que Willas Tyrell.
Ashara avait rêvé un bon moment, elle s’en rendit compte lorsqu’elle entendit son ventre gargouiller, elle prit un bain comme chaque matin, puis descendit manger avec ses oncles, sa tante et ses dames. Une fois apprêtée et coiffée comme pour tous les jours, elle sortit plume et parchemin, mais ne parvint pas à sortir un seul mot avant le déjeuner et dut abandonner l’idée de répondre avant le repas qu’elle prit avec sa famille.

Quelques mois plus tôt, Ashara et Waymar avaient faillit fauter et avaient été pris en flagrant délit par le Seigneur de Roche Aux Runes. Depuis les deux jeunes gens ne se parlaient plus et le père avait proposé à son fils de prendre le noir, enfin proposé, il n’avait pas vraiment eut le choix. Mais pour le moment cette décision avait été tenue secrète, tout comme la bêtise des adolescents que Yohn avait tout fait pour étouffer. C’est d’ailleurs pour cela qu’il avait tant attendu pour révéler le départ de son cadet pour le Mur, au moins en partie, car il y avait bien d’autres choses qui entraient en ligne de compte. Dont le voyage et ses étapes qu’il lui fallait préparer et mettre en accord avec son l’emploi du temps et celui, très chargé de sa nièce.

Pendant le déjeuner, Yohn annonça à toute la famille qu’ils partiraient tous pour le Nord d’ici quelques mois, début 297, pour accompagner Waymar au Mur. Pour tous, c’était lui qui avait pris la décision de rentrer dans la Garde de Nuit, par honneur et envie de s’engager pour la protection du royaume. En tant que dernier né, il était logique qu’il cherche une place ailleurs que chez lui et quoi de mieux que le Mur pour construire sa gloire loin de l’ombre de son père et de ses ainés. Mais Ashara, « Le Bronzé » et le Garçon savaient que ça n’était pas tout à fait vrai, même si ce dernier avait fini par se faire à l’idée en se disant que ça n’était pas si mal finalement. Pour le plaisir il y avait la Mole, il s’était renseigné. Le jour, il irait tuer du sauvageon et monterait rapidement en grade, il n’en doutait pas. En plus Jeor Mormont était un vieil homme sur le déclin, et il avait reçut la meilleure formation martiale possible à Roche Aux Runes. En bref, il partait plein d’ambitions et de rêves, plutôt heureux au fond de ne plus jamais voir sa *** de nièce et de quitter enfin le confort de sa grande Maison pour devenir un homme, et un vrai ! Seul regret, il quittait aussi sa petite Yzilla, et ça, se serait le plus dur, surtout que la jeune fille semblait ne pas devoir s’en remettre de si tôt.

Ashara elle était soulagée qu’il parte si loin et dans un endroit où il n’aurait plus aucune raison de révéler leurs secret. Après tout, vu son caractère, il préférerait certainement dire que la décision venait de lui, jeune garçon courageux et gonflé d’orgueil d’appartenir à un ordre aussi ancien et important. Alors elle essaya tant bien que mal de consoler sa petite sœur, usant de tous les ressorts possibles dont celui de l’occuper en lui proposant de lui broder un trousseau. Elle lui promit aussi d’aller dès la semaine suivante faire des emplettes à Goëville pour s’assurer qu’il ait bien chaud et fit mine d’être aussi triste qu’elle mais ça n’était pas du tout le cas. Car en plus de voyager, ce qu’elle aimait bien, de découvrir une nouvelle région, le Nord, de voir le fameux Mur et d’y laisser un oncle responsable de son presque déshonneur. Ils allaient faire une longue escale à Winterfell ! Elle allait faire la connaissance de la Noble Maison Stark pour la première fois ! Elle allait même peut-être revoir Ades. Mais surtout, surtout, elle allait RENCONTRER ROBB !!! Elle avait crut devenir folle quand Yohn avait annoncé que des corbeaux étaient parti quelques temps plus tôt pour leur demander si cela les dérangerais héberger la quasi-totalité de la Maisonnée Royce pendant ce voyage. Ils étaient revenus avec une réponse affirmative et c’est tout ce qu’il attendait pour annoncer la bonne nouvelle à tout le monde. Mais heureusement, la brune savait se tenir et elle avait attendu d’être seule dans sa chambre pour exulter dans un oreiller.

Elle avait passé les jours suivants à essayer des robes pour voir lesquelles la mettaient le plus en valeur sans être malséantes. Le choix des couleurs aussi, des bijoux, elle hésitait, elle devait représenter la Maison Arryn, la Maison Royce, mais aussi faire honneur à ses hôtes, un vrai casse-tête ! Elle passa des heures devant son grand miroir en évitant de mettre la puce à l’oreille à ses Dames ou ses servantes qui s’empresseraient de tout révéler à sa tante. Et la conclusion vint d’elle-même, elle n’avait RIEN A SE METTRE, c’était une catastrophe ! Mais heureusement, comme promis, elle partit à Goëville avec Ysilla et ses gardes et dépensa une fortune en robes de tout type et aussi en vêtements chauds pour elle et son oncle. Noirs uniquement pour lui.

Pendant tout ce temps, la lettre lui était totalement sortie de la tête. C’est Sienna, une femme de chambre qui l’avait trouvée. Ayant remarqué qu’elle portait le même sceaux que d’autres missives trouvées auparavant, elle l’avait alors apportée au maitre des lieux, pensant qu’elle recelait quelques secrets croustillants qui apporterait des ennuis à sa maitresse. La première et les suivantes, elle les l’avait données à Mestre Udo, mais cela n’avait rien donné, probablement que le vieil homme préférait ne pas trahir sa petite protégée si parfaite. Mais Yohn moins commode, elle comptait là-dessus. Mais en fait, Mestre Udo avait parlé de certains points de lettres à Yohn avant de les ranger dans le bureau de la jeune fille. Robb Stark et une potentielle alliance avec le Nord pour sa petite fille en l’occurrence, ce qui ne leur semblait pas dénué de sens et avait fait naitre quelques idées dans l’esprit du sire de Roches Aux Runes, dont ce voyage en grande pompe et le petit séjour à Winterfell. C’est aussi pour ça qu’il lui avait donné beaucoup d’argent pour s’acheter tout ce qu’elle voulait à Goëville. Mais quand elle revint, elle trouva la missive posée sur son bureau et pensa enfin à répondre.