En apprenant la rumeur, Elryk fut pris d'une rage explosive. Personne ne pouvait bafouer l'honneur de son Seigneur impunément. Mais il ne fallait pas mettre la ville à feu et à sang. Il devait remonter la piste de cette calomnie, et, lorsqu'il en aurait trouvé la source, il lui ferait exploser le crane comme une pastèque trop mure entre ses mains. Pour le moment, la seule piste dont il disposait était ce marchand. Il s'approcha de l'étalage, et attendit que les badauds s'éloignent, ce qui arrivait souvent en sa présence. Il se rapprocha du commerçant.

- Je cherche des informations l'ami.

Elryk glissa deux doigts dans sa bourse et en sortit un dragon d'or qu'il montra au marchand en le tapotant sur le montant en bois de l'étal.

- Je cherche une personne qui raconte à qui veut l'entendre que le frère du roi se serait allié a une sorcière rouge. Tu pourrais m'aider?

Il aurait volontiers attrapé cette petite punaise bavarde par le cou, et en quelques secondes il lui aurait fait avouer tous ses secrets, mais il ne voulait pas attirer l'attention des manteaux d'ors pour le moment, et encore moins des gardes de la reine. Il fallait la jouer profile pas, mais dans un mouvement instinctif, sa main n'était jamais bien loin du pommeau de son épée. Avant la fin de la journée, il devrait peut être en venir aux armes.

Elryk regarda s'enfuir le marchand. Ha l’espèce de chien galeux. Misérable punaise. Voilà ce que c'était que d'utiliser la diplomatie. S'il l'avait attrapé par la gorge et soulevé de plus d'un mètre du sol, le sournois n'aurait pas fait le malin. Le géant poussa un juron. Il n'était pas plus avancé. Corruption, décadence, et odeur de traitrise. Cela pouvait être n'importe où. C'était là la définition de l'intégralité de Port Real. Et il n'avait pas vraiment le temps de passer la ville au peigne fin. Il fallait faire taire cette rumeur le plus vite possible avant que l'honneur de son Seigneur ne soit entaché pour de bon. Bon, il fallait penser, réfléchir posément, et ne pas se disperser. Il ne pouvait pas demander a tous les gens qu'ils croisaient s'ils étaient au courant de la rumeur. Cela ne ferait que la propager plus vite encore.

A sa connaissance, il existait une quatre personnes qui étaient au courant de tout, tout le temps. Varys, Baelish, la Reine, et Chataya. Varys, on ne le trouvait pas. C'était lui qui vous trouvait quand il voulait converser avec vous. Baelish n'était qu'un petit rejeton arrogant, et sa moustache insupportait le géant. La reine? C'était un suicide politique que de lui parler d'une médisance sur Lord Stannis. Il ne restait que Chataya et ses putains. Les hommes parlaient beaucoup une fois sur l'oreiller. Les putes connaissaient tous les plus sombres secrets de la ville. Elles pourraient sans doutes l'aider, mais cela lui couterait encore quelques pièces. Même si le bordel de la ville appartenait à Baelish, c'était un risque a prendre, il ne voyait pas d'autres solutions.

Il prit alors la route du bordel. Un autre problème venait s'ajouter aux autres. Le bordel de Chataya était plein... de femmes... Pourquoi fallait il que ce soient des femmes? Il allait devoir prendre son courage a deux mains et affronter la gente féminine qui avait le don de lui faire perdre ses moyens.

Des femmes... Des femmes de partout. Et une qui semblait avoir autant de bras que l’emblème des Greyjoy! Le coeur du géant commença à s'emballer. Il aurait donné cher pour être en ce moment même au milieu d'un champ de bataille ouvrant le ventre de ses adversaires. Au moins il saurait comment s'y prendre. Un instant, il paniqua. C'était une folie que de venir ici. Il allait lamentablement échouer. Puis il s'imagina le visage de son seigneur. Il ne crierais pas. Il ne s'énerverait pas. Il lancerait seulement à Elryk un regard de déception. Et ce regard, Elryk ne voulait pas le voir. Décevoir son seigneur, c'était l'une des pire choses qui pouvait lui arriver. Non, décidément, il ne laisserait pas cette infamie arriver. Il attrapa la jeune fille par les épaules avec délicatesse et la repoussa avec douceur, mais fermeté.

- Je... Non... S'il... S'il vous plait... Je ne suis pas là pour ça...

Ne pas bégayer. Ne pas faire preuve de faiblesse. En cet instant il ne pouvait se le permettre. Il glissa quelques cerfs d'argent dans la main de la jeune prostituée. Elle n'aura jamais gagné son du si facilement.

- Cha... Chataya. Je veux... Je voudrais... Voir Chataya... S'il vous plait... Madame...

L’atmosphère était étouffante. En regardant autours de lui, Elryk reconnaissait certains visages de personnes influentes, et d'autres qui avaient du économiser pas mal de temps pour s'offrir les services des professionnelles du plaisir. Pourquoi les femmes le mettaient elles si mal à l'aise? Son visage avait prit la même couleur que son armure, et il se rendit compte que sa tenue jurait atrocement avec celles des autres clients. Il étaient entièrement en armure, cette dernière dégageant cette odeur caractéristique de cuivre propre au sang humain. Autours de lui, les hommes étaient vêtus de soieries, de dentelles, de tuniques légères et confortables. Les filles, n'en parlons même pas. Elles ne portaient que le nécessaire pour ne pas être totalement nues. Était ce du à la réputation des filles de joie, il ne saurait le dire, mais il posa une main sur sa bourse pour ne pas se la faire escamoter dans l'histoire.

Elryk avait réussi à se défaire de la jeune prostituée collante. Il y avait laissé quelques pièces mais au moins il avait eu ce qu'il voulait. Il était désormais dans le bureau de la patronne. Étrangement, il ne se sentait pas intimidé par elle. Bien qu'elle demeurait très séduisante et n'était pas bien plus vêtue que ses filles, le colosse voyait en elle un patron, un homme d'affaire. Il n'aurait su dire pourquoi, mais elle ne lui faisait pas perdre ses moyens comme les autres femmes. Mais cela était parfait. Il s'approcha de la tenancière.

- Bonjour madame.

Elryk faisait malgré tout des efforts pour ne pas laisser ses yeux vagabonder sur le corps exposé de Chataya. Ses courbes attiraient l'oeil. S'il n'avait pas été aussi pressé, peut être qu'il aurait perdu quelques heures avec elle. Mais le temps pressait.

- Je suis à la recherche d'une rumeur. De la source d'une rumeur pour être exact. Je sais que vous et vos filles êtes au courant de beaucoup de choses, et je m'étais dit que vous pourriez m'aider.

Il croisa les bras sur sa poitrine dans un cliquetis métallique pour se donner de la contenance.

- Quelqu'un semble dire à qui veut l'entendre que le Seigneur Stannis Barathéon aurait pactisé avec une sorcière rouge pour lancer la malédiction sur sa femme, Lady Selyse. Je souhaiterais retrouver cette personne qui propage cette rumeur.

- Plus lâche, plutôt que plus prudent. Qu'importe la longueur de son bras, je doute qu'il soit plus long que ma lame. Nous ne pouvons laisser des rumeurs sur les dirigeants de Westeros se propager de la sorte. Il s'agit du frère du Roi. Ce qui touche la famille royale touche le Roi lui même.

Elryk n'avait que faire de l'honneur du Roi. A vrai dire, il n'aimait que très peu Robert. Il aurait souhaité que ce dernier abdique en faveur de Stannis, qui lui seul avait la retenue d'un Roi. Le géant s'approcha du bureau de Chataya et y déposa une petite bourse de cuir qui tintait bon l'argent. La somme était conséquente, mais Elryk mettrait le prix qu'il faudrait pour débusquer l'immonde scélérat. De toutes façons, Stannis le rembourserait sans aucun doutes. Comme un Lannister, son seigneur payait toujours ses dettes.

- J'ai de quoi payer vos services Madame. Cette rumeur doit être éteinte, au nom du Roi. Je vous en prie, l'affaire est très importante.

Odieux mensonge que cela. Du moins, mensonge partiel. Elryk se doutait que si Stannis était effectivement accusé de Sorcellerie, la réputation du Roi Robert finirait par en patir. Il y en aurait surement qui commenceraient à dire qu'il usa de magie noire pour vaincre le Prince Dragon sur le champ de bataille, et ainsi mener a terme sa rébellion.

[HRP. Dans la bourse se trouve l'équivalent de 5 Dragons d'or en Cerfs d'Argent.]

Elryk prit le bout de tissus et observa le motif qui était brodé dessus. Il ne l'avait jamais vu auparavant. Il le plia soigneusement et le glissa sous son plastron, ainsi, personne ne pourrait le voler. Ses longs séjours dans la capitale lui avaient appris à se méfier des voleurs. Surtout s'il devait s'aventurer dans le Culpucier.

- C'est malheureux madame. Les hommes comme moi ne devraient pas à avoir peur de s'aventurer dans les quartiers bas de la ville. Je vous remercie de votre aide.

Il se laissa guider vers la sortie. Il n'avait aucune idée d'où trouver le dénommé Otto, mais il ne le demanda pas à la gérante du bordel. Il sentait que ses confessions s'arrêtaient là. Chataya l'avait mis en garde. Le fameux Hyppos, à l'origine de la rumeur était entouré de molosses. Mais Elryk commencerait à s'inquiéter quand les dents des chiens seraient à même de traverser l'acier d'une armure de plates. De plus, il n'hésiterais pas une seconde à embrocher des chiens. Le colosse n'était pas du genre à éprouver des scrupules à tuer des animaux.

Bon, il fallait retrouver ce Otto. Il n'avait aucun indice si ce n'est qu'il était à Culpucier. Elryk prit la direction du quartier pauvre, prenant comme point de repère la colline de Rhaenys, qui surplombait ce bourbier. N'ayant aucun indice concret, le chevalier rouge commença par arpenter les rues odorantes en étant attentif a tout ce qui l'entourait. Il lisait le nom des établissement sur les enseignes, au cas ou Otto serait tenancier d'une taverne, ou d'une forge. Il était à la recherche du moindre indice. Du moindre attroupement. Il ne pouvait se permettre d'entrer au hasard ici ou là pour poser des questions. Il lui fallait quelque chose de précis.

Elryk repéra le symbole que lui avait montré Chataya présent sur une enseigne, juste devant lui. L'établissement ne ressemblait pas à une boutique normale. Il ne voyait rien qui puisse laisser deviner un quelconque commerce. A bien y réfléchir, Elryk se demandait s'il ne s'agissait pas d'un endroit appartenant à la guilde des voleurs, la guilde des assassins, ou la guilde des espions. En voyant les deux colosses tape à l’œil qui gardaient l'entrée de l'endroit, il élimina l'option des espions. Ces deux personnes étaient bien trop voyantes.

Un instant, Elryk envisagea de les tuer. Puis il se demanda s'il ne pourrait pas simuler l'ivresse et en profiter pour les empoisonner. Rien de mortel, mais une bonne dose de laxatif qui les obligerait en quelques minutes à aller soulager leurs entrailles. Puis finalement, il se dit qu'il n'avaient pas besoin de se débarrasser deux. Après tout, il n'avait aucune intention agressive. Il ne voulait que parler à Otto. La personne qu'Otto lui désignerait, par contre, aurait du soucis à se faire.

Il s'approcha de la porte et des deux hommes qui le regardèrent avec un air patibulaire.

- Messieurs, je souhaite voir Otto. Pouvez vous m'annoncer à lui?

Il glissa la main sous son plastron et leur montra le morceau d'étoffe portant le même symbole que la devanture que lui avait donné la gérante du bordel, et le rangea soigneusement à sa place.

- Je viens de la part de Chataya. Je suis Elryk Staedmon, et Otto peut m'aider pour une affaire pressante.

Sa main n'était comme d'habitude jamais bien loin du pommeau de son épée. Il n'avait pas l'habitude d'utiliser la manière courtoise. Généralement, un coup d'épée suffisait à s'assurer l'entrée n'importe où, mais il ne souhaitait pas déclencher une émeute dans le quartier.