An 298 - Onzième Lune - Semaine 4 - Jour 4
A Moat Cailin

La nuit commençait à tomber et il fut convenu de monter un premier camp à l'abri des ruines de Moat Cailin. Le lendemain, on continuerait en direction de Port Réal et il leur faudrait alors franchir Le Neck.
En observant les hommes qui l'escortaient, Elhenna voyait bien que cette idée ne les enchantait guère. Elle avait entendu parler de cette région marécageuse et difficile, infestée de serpents et autres animaux comme étant peu hospitalière et sûre pour qui ne la connaissait pas. Heureusement, ils se contenteraient de chevaucher sur la Route Royale.
La jeune fille caressa les flancs d'Ardent, son étalon rouge tandis que les hommes installaient le campement. Ils voyageaient plutôt légèrement pour un convoi qui était tout de même sensé escorter une riche héritière. C'était Barbrey qui l'avait voulu ainsi. Les grandes troupes attiraient l’œil. Elhenna voyageait donc à cheval, comme les autres. Elle était vêtue simplement pour qu'on ne puisse pas la reconnaître. Sa mère ferait livrer le reste de ses affaires plus tard. L'urgence, c'était d'abord de l'envoyer loin de Tertre-bourg ; loin du Nord et de Ramsay Snow.

« - Fatiguée m'selle ?

La fille de Barbrey posa ses yeux gris sur Orys, le seul que sa mère avait autorisé à l'accompagner. C'était un grand garçon costaud dont la famille était fidèle aux Dustin depuis des générations. Simple mais d'une véritable bienveillance à l'égard d'Elhenna, il se savait responsable de sa sécurité au moins le temps que durerait le trajet jusqu'à Port Réal. Lady Barbrey n'était en effet que peu rassurée à l'idée de confier sa fille unique aux quatre hommes envoyés par Eddard Stark pour l'escorter. Elle savait que tous les chevaliers et autres bretteurs n'étaient pas de parfaits gentilshommes. Orys était là pour qu'ils n'oublient pas qui ils avaient sous leur protection.

- Non, je suis en pleine forme ! C'est tellement excitant de voyager ainsi en dehors de Tertre-bourg ! Ne trouves-tu pas ?

Le garçon ne savait pas quoi répondre. Tout comme Elhenna, il n'était jamais allé beaucoup plus loin que les terres qui l'avaient vu naître mais cela ne l'avait jamais dérangé. Devant l'enthousiasme de la jeune fille, il sourit en haussant les épaules.

- Bah ce marécage ne me dit rien qui vaille. »

Ce disant, il se tourna vers l'horizon d'un air terne, essayant de voir ce que Le Neck pouvait bien leur réserver.

Logaan était des plus impliqué dans les affaires de sa famille, son évolution ... bien plus que ne pouvait l'être son frère, plus préoccupé par le faire de profiter de la vie, comme il le disait si bien. D'ailleurs, cela faisait un moment qu'il était partit. Ils n'avaient plus de nouvelles de lui depuis quelques temps ... mais cela arrivait parfois, rien de bien alarmant le plus souvent, mais là, il fallait avouer que c'était plus long qu'à l'accoutumée. Son père, même s'il tentait de le masquer, semblait lui aussi inquiet, il avait d'ailleurs envoyé quelques hommes à sa recherche, sous couvert de le ramener à la réalité de sa place au sein de la famille et des responsabilités qui allaient avec. Mais Logaan n'était pas dupe, il savait bien dans quel état d'esprit se trouvait son père. Qu'avait donc Kallan dans la tête ? Grandirait-il un jour ? Logaan en doutait de plus en plus.

En attendant, il occupait plus ou moins la place de son frère. Logaan savait parfaitement que lorsque celui-ci serait de retour, il reprendraient leurs ... places. La sienne devait être dans l'ombre de son frère, c'était ainsi, il avait finit par l'accepter, mais cela ne l'empêcherait toutefois pas de tenter de donner à sa famille, la place qu'elle mérite. Il n'avait jamais eu l'ambition de vouloir s'asseoir sur le trône de fer, comme nombre de nobles en rêvaient, mais le nom et l'honneur de sa famille était une chose importante pour lui, c'était ainsi, certains auraient même pu parler d'obsession. Mais ce n'était pas vraiment le cas, il savait garder la tête froide, rester lucide. Cela n'empêchait en rien de gagner en influence, ni d'augmenter leur richesse. Quoi qu'il en soit, il remplissait certaines obligations, commerciales ou "diplomatiques" qui l'obligeait à se déplacer assez régulièrement et là, il souhaitait se rendre à Port-Réal, pour le plaisir. Il fallait bien souffler un peu parfois et ... profiter de la vie, pour reprendre l'expression favorite de son cher frère.

Alors qu'il songeait à s'absenter quelques jours, on vint le faire sortir de ses pensées ... son père demandait à le voir. Lorsqu'il l'eut rejoint, celui-ci lui annonça avoir reçu un corbeau de Lord Eddart Stark lui-même. Voilà une nouvelle qui le surprit au plus haut point, même s'il savait que son père avait été à ses côtés lors de combat. Cela faisait un moment que tout était calme côté nouvelles. Sachant que les affaires de sa famille les menaient régulièrement à Port-Réal, il leur était demandé la possibilité d'escorter une jeune femme jusque Port-Réal justement. Il y avait certains moments ou le hasard faisait plutôt bien les choses, il souhaitait aller à Port-Réal, espérant par la même peut être y voir son frère et par la même donner un peu plus de crédits encore aux Lightfoot. Pour finir, il y avait bien pire, pour rendre un petit service, que d'escorter une jeune femme.

Après avoir confirmer à son père qu'il acceptait, il fit préparer chevaux, vivres, quelques vêtements et équipements pour le voyage, mais pas en surplus. Il comptait voyager léger comme on dit, enfin, autant que possible. Il enfila ensuite sa côte de maille, prit son épée, dague... Une fois que tout fut prêt, il se rendit aux écuries, où l'attendaient les quelques hommes qui devaient l'accompagner, dont Thorne, qui faisait office de garde du corps pour le jeune homme. Un homme peu causant, mais sur, qui avait toujours été loyal au Lightfoot et qui avait vu grandir Logaan. Un signe de tête en direction de ses hommes, puis un palefrenier lui apporta sa monture. Une fois à cheval il lança un " En route ! "

Quelques jours de voyages lui seraient nécessaire pour rejoindre Tertre-bourg, le lieu de leur rencontre. C'était le plus simple pour eux, ils auraient le temps de planifier un minimum leur voyage. Après que la demoiselle fut prête, ils prirent la route assez rapidement. La jeune femme semblait un peu perdue dans ses pensées et était de ce fait peu bavarde. Logaan se posait plus d'une question, comme par exemple, la raison pour laquelle l'héritière d'une famille de cette importance, prenait la route avec une escorte si restreinte. Ils chevauchaient depuis de nombres heures et le jour allait toucher à sa fin. ils allaient devoir prendre un peu de repos, car ils devraient ensuite traverser le Neck. Il faudrait qu'ils soient en forme pour franchir cette région peu hospitalière. Logaan avait fait avancer la petite troupe autant qu'il le pouvait, mais la nuit ne leur laissait plus d'autre choix que de faire halte.

Les ruines de Moat Cailin étaient un drôle de lieu pour installer un campement, mais c'était toujours mieux que de rester en pleine nature, plus à découvert. Le campement fut donc dressé, ils allait pouvoir se restaurer, boire un peu et surtout se reposer. Cela lui permettrait de faire éventuellement plus ample connaissance avec sa " compagne " de voyage. S'il connaissait un peu sa famille, il ne connaissait pas vraiment la jeune femme. Celle-ci semblait assez excitée par le fait de voyager, n'en avait-elle pas souvent la possibilité ? ... Lorsque tous fut en place, il vint s'installer près de Lady Dustin qui ne semblait pas avoir l'envie de se reposer...

- Vous savez Lady Dustin ... même si vous ne semblez pas fatiguée pour le moment, il vous faudra tout de même dormir un peu ! traverser le Neck n'est pas toujours de tout repos ... mais peut-être le savez vous déjà ...

Puis alors qu'il demandait à ce que l'on apporte nourriture et eau à Elhenna, sa curiosité prit le dessus...

- Dites moi Lady Dustin ... qu'est-ce qui vous fait voyager jusqu'à Port-Réal ? Si ce n'est pas indiscret bien sur ...

Cela était sans doute un comble pour une Reed mais plus jeune j’avais la frayeur des lézard-lions. Ils étaient bien plus massifs que les autres gibiers rodant dans le Neck. Les tuer me semblait alors impossible.

Puis on m’imposa tout particulièrement leurs traques afin que je comprenne ces animaux et domestique ma peur à leur sujet.

C’est suite au même raisonnement que je m’étais porté volontairement pour cette expédition.

Tout avait commencé il y a quelques jours. Jojen avait vu dans un de ses rêves en déferlement d’eau salée d’où sortait des tentacules. L’eau retirée laissait la place à des trainées de sang.

Difficile de ne pas y voir une menace en provenance des fers-nés. Je détestais ce peuple de pillards et de violeurs. D’ailleurs il ne faisait pas réellement partie des sept couronnes. Il s’agissait juste d’une bête fauve que nous tenions prisonnière.

Le premier homme que j’avais tué, était un fer-né. Et cela me hantait encore. Je décidais donc de faire face.

Jojen pressentait la réalisation de cette prédiction imminente. Père par sécurité décida d’envoyer des patrouilles à nos frontières.

Suite à ma demande je me chargeais du nord vers Moat Cailin, puisque j’avais déjà emprunté la route royale auparavant.

Exceptionnellement mon frère ne m’accompagna pas. Il devait étudier sa vision. Car le lieu où les flots avaient surgis, lui était inconnu. Il tentait donc avec des livres et gravures d’identifier l’endroit.

Etait-ce nécessaire ? Les livres ne m’ont jamais servi pour m’orienter. De toute façon les fer-nés n’étaient pas réputés pour leurs discrétions. Nous serions vite où ces barbares frapperaient.

Donc accompagnée de trois hommes j’aperçus un feu de camp dans les ruines de Moat Cailin.

La frayeur vint, puis la rage. J’étais de la maison Reed. Je devais lui faire honneur ! J’inspirais lentement et retrouvais mon calme.

J’ordonnais aux autres de rester en retrait. Tandis que je m’approcherais, ils couvriraient ma fuite, si j’étais éventuellement repérée.

Burrich un vieux vétéran n’appréciait pas mon plan. Et il le fit savoir.

Ce n’était pas le moment ! N’étant pas en mesure de jouer des muscles avec cet homme, je m’imposais par la logique. Nous ignorions tout de l’autre groupe. Il fallait bien envoyer un éclaireur. Et j’étais de loin la plus légère, et la plus silencieuse.

En atteignant les ruines, je me sentis mal à l’aise. La végétation était mon terrain de chasse habituel. Toutefois certaines bases s’appliquaient en tous lieux.

Tout en furtivité je m’approchais du campement. Je vis d’abord le coin à chevaux. Cela me rassura. Car les fer-nés n’en avaient pas l’usage.

Rien ne prouvait pour autant la bienveillance de nos visiteurs. J’atteignis un mur (ou plutôt ce qu’il en restait), et y observais au travers d’une de ses failles.

Il s’agissait d’un petit groupe composé de cinq hommes et d’une femme.

Les hommes avaient tous le profil nordien et l’allure de combattant. A une exception près ils étaient assez jeunes.

La femme elle aussi était jeune pratiquement mon âge. L’un des hommes s’adressa à elle avec une certaine courtoisie. Il ne s’agissait donc pas d’une fille à soldat.

Je voyais mal des brigands ou autres mercenaires servirent d’escortes à une dame.

Normalement mes craintes auraient dû s’envoler. Toutefois je percevais chez eux une certaine tension surtout de la part de l’ainé du groupe. De plus je ne voyais aucun carrosse. Pourquoi une dame se déplaçait-elle à cheval ?

Il y avait quelque chose de suspect dans cette troupe. Je décidais de continuer à observer. Toutefois il ne fallait pas trop trainer sinon Burrich et les autres risqueraient de paniquer.

Le camp monté, on s'installa pour se restaurer et l'homme qui dirigeait le groupe s'assit près d'Elhenna. Elle pouvait maintenant l'observer de plus près car durant la journée, elle les avait tous les quatre jaugé d'un œil inquisiteur. Sans en avoir trop l'air bien sûr. Elle avait appris à dissimuler sa curiosité maladive pour ne pas avoir sans cesse l'air d'une jeune importune.

Logaan Lightfoot était plutôt bel homme, un peu brut peut-être. Les yeux gris de la louve s'attardèrent un instant sur sa mâchoire carrée, détaillant au passage l'implantation de sa barbe tandis qu'elle acquiesçait d'un air songeur. Oui, il avait raison, il faudrait se reposer avant d'attaquer la traversée de cet immense zone marécageuse. Elle avait un peu lu sur Le Neck et tous les dangers qu'on pouvait y rencontrer. Petite, on lui avait même conté quelques histoires de héros trop aventureux qui y avaient beaucoup perdu. Mais cela paraissait tellement lointain maintenant qu'elle en était si proche.

Elhenna aimait cette atmosphère un peu humide qui saisissait Moat Cailin, tout comme le froid piquant qui brûlait la végétation ; prémices à l'ambiance qui régnerait au cœur du Neck.

La jeune femme devinait le regard réprobateur d'Orys sur Lord Lightfoot. Pour lui, il n'y avait pas d'héritier qui tenait. Il avait intérêt à bien se comporter. Le grand garçon, tout concentré qu'il était à les observer ne se rendit pas compte de l'agitation d'Ardent qui tapait fort ses sabots contre le sol glacé. L'étalon rouge avait senti la présence de quelque chose, tout près d'eux.

Logaan demanda alors la raison de son voyage à l'héritière de Tertre-bourg. Elle esquissa un sourire. Bien sûr, c'était indiscret mais après tout, c'était lui et ses hommes que l'on avait mandatés pour l'escorter et assurer sa sécurité jusqu'à Port Réal. Il méritait au moins un début d'explications songea-t-elle non sans réfléchir à ce qu'elle pouvait véritablement lui raconter et à ce qu'elle devait lui taire.

- Ma mère souhaite que je trouve là-bas un parti avantageux pour notre famille.

C'était vrai mais Elhenna n'aimait pas comment cela sonnait. Elle avait soudain l'impression de n'être qu'une transaction qu'il fallait rendre fructueuse. Bien sûr, il fallait penser à son nom mais elle ne voulait pas s'oublier dans toute cette aventure.

- Et vous Lord Lightfoot, dites m'en plus sur vous et votre famille, pourquoi m'escortez-vous ? Avez-vous déjà rencontré Eddard Stark ?

D'autres questions brûlaient les lèvres de la jeune femme mais à cet instant précis, elle pensait à sa mère et à ce que cette dernière aurait pu lui répéter : « une dame ne questionne pas, elle fait la discussion et y laisse découvrir un esprit plaisant ». Mais que c'était difficile de contenir tout cela !

Le campement installer, chacun pouvait souffler un peu, les hommes commençaient à organiser les tours de garde pour la nuit, alors que Logaan conversait un peu avec la jolie jeune femme, jolie oui, car il fallait bien avouer que la demoiselle avait du charme et ceux, même avec des vêtements plutôt masculins. Il comprenait aisément ce choix vestimentaire, bien plus pratique et passe-partout. Tout en observant également les aller et venues dans le campement, il sentait le regard d'Elhenna, se poser sur lui de temps à autre, mais il fit mine de ne rien voir. Voyager avec des inconnus ne devait pas être évident pour elle, mais le jeune homme se dit qu'elle se rendrait vite compte qu'elle n'avait rien à redouter de lui, ni des hommes qui l'accompagnaient d'ailleurs, ils étaient là pour l'escorter après tout.

Le lieu n'était pas vraiment des plus rassurant pour une jeune femme, surtout la nuit ... pas que pour les jeunes demoiselles en fait, certains hommes eux même, redoutaient de rester dans ces contrées la nuit tombées. Mais Elhenna ne paraissait pas effrayée, ni même inquiète, ce qui l'arrangeait un peu il fallait l'avouer. Au contraire, pour le moment, elle donnait l'impression de presque apprécier l'endroit. Logaan questionna Lady Dustin, sur la raison de son voyage à Port-Réal, la jeune femme esquissa un sourire et lui répondit. Elle avait cherché un instant ses mots et Logaan se rendit compte qu'effectivement, il avait été indiscret. Puis alors qu'il allait lui répondre, le cheval d' Elhenna s'agita, le jeune Lord jeta un oeil vers l'animal et fit signe à l'un de ses hommes d'aller voir ce qui avait provoqué cette réaction. Puis il reporta de nouveau son attention vers Elhenna ...

- Et que pensez-vous de cela ?

Le jeune homme pouvait paraitre curieux, mais puisqu'ils devaient voyager plusieurs jours ensemble, autant se connaitre une peu mieux. Trouver un bon parti pour sa fille était chose courante bien sur, mais Logaan se doutait que, comme la plupart des femmes, Elhenna n'appréciait certainement pas cette pratique, mais à priori elle s'y pliait malgré tout. La petite moue qu'elle fit, lui confirma cet état de fait. Puis, comme pour éviter de parler plus d'elle, la demoiselle dévia la conversation sur lui, lui demandant de lui parler un peu de lui et de sa famille.

- Je crains qu'il n'y ai rien de très passionnant à dire à mon sujet ! Je suis je second fils de Lord Aldric Lightfoot ! ... Je gère actuellement le domaine et les affaires de ma famille, en attendant le retour de mon frère ! ....qui semble tarder je doit dire !

Logaan fit une petite pause, en pensant à l'absence prolongé de son frère, mais il se reprit et continua son bref résumé...

- Quant à la raison pour laquelle je vous escorte Lady Dustin ... c'est une demande d'Eddard Stark lui même, comme vous vous en doutez certainement ! Un corbeau reçu il y a quelques jours ! ... Sachant, que mon père ... mon frère et moi même, nous rendons à tour de rôle, régulièrement à Port-Réal ou encore dans les diverses contrées de Westeros, il a songé à juste titre, que l'un de nos voyages pourraient coïncider avec le votre ! Et je crois que la confiance qu'il éprouve envers ma famille à aussi participé au choix de requérir notre aide ... même si les Lightfoot se montrent discret, sachez que nous sommes gens d'honneur !

La jeune femme lui demanda également s'il avait rencontré Eddard...

- Je l'ai rencontré quelques fois, notamment lors d'entretiens entre mon père et lui...mais cela fait bien longtemps, si je puis dire, que je n'ai plus eu l'occasion de le revoir !

Percevoir là est la clé de la victoire du moins chez nous les paludiers. Nous nous sommes toujours battus ainsi. Nous localisons l’adversaire en premier et le surprenons. Ainsi nous compensons notre faible stature.

C’est pourquoi mes sens ont toujours été particulièrement aiguisés. Je pus donc saisir une partie de la conversation.

Le jeune homme dirigeait ce groupe qui escortait cette femme. Il était également question de Ned Stark.

Hélas d’autres bénéficiaient de sens en éveil. J’étais parvenue à tromper la vigilance de ces soldats visiblement disciplinés, mais pas celles de leurs destriers. Ils réagirent à ma présence.

Heureusement l’homme chargé de vérifier cela ne comprit pas. Sans doute voyait-il en cet animal qu’un moyen de transport. La nature est une source inépuisable d’enseignement pour qui sait l’observer. Ce n’était pas son cas.

Je demeurais donc invisible. Le dialogue continuait. La femme fut désignée sous le titre de Lady. Son interlocuteur se présentait lui comme un vassal des Stark. J’étais rassurée. Nous avions à faire à des alliés.

Il ne me restait plus qu’à rejoindre les miens. Sauf qu’en allant s’occuper des chevaux le nordien venait de couper ma retraite.

Je devais faire un détour. Cela rallongerait mon parcourt. Il ne fallait donc faire vite. Sinon Burrich rappliquerait.

Alors que j’amorçais mon déplacement les paroles de Père me revinrent en mémoire. Nous étions les protecteurs du Neck. Et cela s’étendait à ceux le traversant sans intention hostile.

Ces gens empruntaient visiblement la route royale, et par conséquent comptait passer par chez nous. Or il subsistait la menace des fer-nés tant que la vision de mon frère, ne serait pas éclaircie.

Je me devais de les avertir d’une façon ou d’une autre. Toutefois ils risquaient de ne pas apprécier mon espionnage. Je m’éloignais donc du camp, puis m’en rapprochais ouvertement par la route.

Que risquais-je ? Aucun ne disposait d’arc. J'aurais donc le temps de m’identifier avant une initiative malheureuse.

Lorsque Logaan mentionna son frère, Elhenna se demanda un court instant comment réagir. Car si elle-même regrettait d'être enfant unique, elle se disait que dans le cas où une fratrie comprenait plusieurs garçons, passer au second plan pouvait être difficile à accepter pour ceux qui n'avaient pas eu la chance de naître en premier.

Puis elle pensa que si elle-même avait eu un frère, elle aurait probablement été mariée plus tôt, sans que l'on attache une si grande importance à son époux. Cela aurait pu être un quelconque seigneur du Nord qui n'aurait pas demandé de dot trop conséquente. Ou un fils de noble qui aurait fourni une alliance intéressante aux Dustin. On l'aurait envoyée chez lui, dans sa famille, chez ses gens avec pour seul loisir celui de lui donner un fils. Abject destin. Se serait-elle rebellée ? Aurait-elle hurlé ? Sans doute non. Sa mère l'aurait élevée différemment, lui apprenant tôt que les filles passaient après les fils et que les femmes devaient avoir les mêmes souhaits que leurs époux. Fort heureusement pour elle, cela n'avait pas été le cas.

- Où votre frère se rendait-il ? demanda Elhenna qui avait décidé de jeter bien loin de son esprit les leçons de Barbrey concernant sa vilaine curiosité ; tout du moins pour la soirée. Et que ferez-vous, lorsqu'il sera rentré ? J'imagine qu'il reprendra votre domaine en main...

Ce disant elle plongea ses yeux gris dans ceux de Logaan en se pinçant les lèvres tandis qu'elle réalisait que tout cela ne la regardait vraiment pas et que peut-être, ses questions pouvaient même le vexer.

Lorsqu'il lui expliqua pourquoi c'était lui qui l'escortait et qu'il mentionna le fait que sa famille était composée de gens d'honneur, elle lui répondit qu'elle n'en avait jamais douté. Il avait l'air de quelqu'un de droit et elle n'était pas surprise qu'un homme comme Eddard Stark fasse confiance aux Lightfoot pour cette mission. On ne confiait pas une jeune demoiselle – qui plus est une héritière de sa lignée – au premier venu.

- Mais que venez-vous faire à Port-Réal si souvent ? Y avez-vous des intérêts ? De la famille peut-être ?

Le regard de la jeune femme s'arrêta alors sur un point, au bout de ce que l'on apercevait encore de la route qu'ils devraient emprunter le lendemain. Quelqu'un venait.

Lorsque Logaan répondait à la jeune femme,il eut l'impression que celle-ci se perdait dans ses pensées, du moins pour un temps car elle tourna de nouveau toute son attention vers lui, pour lui parler de son frère et de ce qu'il ferait lorsqu'il serait lorsque celui-ci serait de retour. Oui, Kalla reprendrait le domaine en main, si on puis ainsi.

- En théorie ... Kallan se rendait à Port-Réal ! Enfin, il était sensé s'y rendre il y a un moment ! Nous nous sommes même étonnés de son absence prolongée ... Puis il lui répondit sur ce qu'il ferait, suite au retour de son frère, Elhenna avait planté ses yeux dans les siens, lui posant cette question qui aurait pu le rendre mal à l'aise, ou le vexer, mais il n'en était rien, il s'y faisait plus ou moins ... Il reprendra en effet sa place ! Et je continuerais de gérer certaines choses de mon côté !

Il n'avait pas spécialement envie de lui dire qu'il était ce qu'on pouvait nommer ... homme de l'ombre, qui gérait peut être plus de chose encore que son frère. Il en venait à penser que s'il continuait, il ne serait qu'un seigneur de façade, ce qui avait tendance à décevoir Logaan, qui attendait plus de ce frère qui serait " l'image " des Lightfoot dans l'avenir.

Lady Dustin lui demanda ensuite ce qui l'amenait si souvent à Port-Réal. Ce n'était pas si compliqué, mais il est vrai que diverses raisons pouvaient pousser les gens à s'y rendre...

- Pour ma part, je m'y rend principalement pour le commerce ... beaucoup de monde aime à se rendre à Port-Réal et y venir me permet de rencontrer plusieurs personnes à la fois ... voici l'une des raisons qui me pousse à faire le trajet régulièrement ! Quant à y avoir de la famille, non, ce n'est pas le cas !

Tout comme Elhenna, Logaan s'arrêta dans son élan lorsqu'une personne arriva sur la route principale, Logaan se leva et s'avança pour se placer entre la jeune femme et l'intrus ... alors qu'il envoyait l'un de ses hommes plus en avant.

Comme j’en avais eu l’impression l’interlocuteur de la femme était effectivement le meneur malgré son jeune âge. Remarque je ne pouvais pas lui jeter la pierre.

Comment disait ce mestre déjà :

« Aux âmes bien nées, la… »

Oh et puis on s’en moque des radotages de ces rats de bibliothèques.

En tant que paludière je savais repérer les failles en vue d’embuscade. Le chef ici présent se montra plutôt prudent. Il assura en premier lieu la sécurité de la femme tout en envoyant juste un homme en approche.

Une fois à ma hauteur je distinguais son blason. L’héraldique n’étant pas mon fort, je ne l’identifiais pas. Par contre il m’amusa : des pieds ! Franchement le fondateur de cette lignée quel qu’il soit, aurait pu trouver mieux.

« Bonsoir, je suis de la maison Reed. »Commençais-je à dire en indiquant le lézard-lion de mon ceinturon.

Inutile de m’étendre d’avantage mon identité. Cela pouvait peser sur l’ambiance.

« Nous patrouillons autour de nos frontières. Un danger menace peut-être. »

Comment expliquer cela simplement ?

« Des pillards roderaient dans les environs. C’est pourquoi nous vous proposons notre aide comme…guides. »

Mon frère aurait sans doute trouvé de meilleures paroles. Je pensais tout de même avoir été claire.

J’observais la jeune fille plus attentivement. Elle était vêtue un peu trop simplement pour être une dame. Une servante ? Non elle aurait participé à la mise en place du campement. Une prostituée ? Non plus sinon le leader des pieds ne se serait comporté avec elle ainsi.

La question demeurait donc en suspens.

Bien que je sache être en face d’alliés, ma garde ne se relâchait pas complètement. Toujours à l’affut quoiqu’il arrive.

Juste après mon annonce je lançais le cri du hibou convenu et mes frères d’arme émergèrent à leur tour.

Se dévoiler de la sorte était une preuve de bonne foi. Bien que peu habituée à ce type de manœuvre disons diplomatique j’espérais avoir bien agi.

Elhenna s'était également levée tandis que Logaan et Orys se dressaient déjà devant elle, visiblement prêts à se battre s'il le fallait.

La silhouette en approche était celle d'une jeune fille qui devait avoir son âge. Elle se présenta alors : une patrouilleuse de la maison Reed à priori. Elhenna l'observait avec avidité. Elle se sentait déjà presque comme une aventurière dans ses vêtements de voyage mais ce n'était rien face à ce qu'elle avait sous les yeux à présent ! La paludière était vêtue d'un pantalon et d'une tunique qui semblaient avoir déjà beaucoup servis. Elle était armée aussi. Curieuse créature que voilà ! Est-ce que toutes les femmes servant la maison Reed vivaient ainsi ? Elhenna en doutait.

La jeune fille émit alors un son ressemblant au ululement d'un hibou et trois hommes émergèrent de la végétation. L'avaient-ils envoyée d'abord car ils étaient trop pleutres pour prendre le risque de s'annoncer en premier ? Ou était-elle leur chef ?
A cette idée, Elhenna fronça légèrement les sourcils, signe qu'elle réfléchissait à cette hypothèse. Une femme menant des hommes, c'était tellement rare ! Était-elle une combattante émérite ? Si l'héritière des Dustin n'avait aucun doute quant à ses capacités d'éclaireuse, l'imaginer se battre contre des hommes lui paraissait moins probable. Peut-être était-elle la fille d'un bretteur qui l'avait élevée comme un fils, faisant d'elle un soldat redouté et cela même par des hommes qui semblaient expérimentés ? Elle n'arrivait pas à choisir de réponse qui lui convienne.

La petite troupe maintenant bien visible, Elhenna les observait tour à tour. Ils leur proposaient de les guider à cause de pilleurs qui sévissaient dans les environs. Voilà qui était louable de la part de la maison Reed et des gens qui la servaient.

L'héritière des Dustin aurait aimé se présenter à son tour mais elle laissait Logaan décider de la réponse à donner à la jeune fille qui leur faisait face.
Orys, lui, n'avait pas bougé. La main toujours posée sur la garde de son épée, il se tenait prêt. On se savait jamais pensait-il. Elhenna qui n'avait plus de doutes quant aux intentions du groupe posa alors sa main sur le bras du grand garçon dans un signe d'apaisement tout en lui souriant. L'ardeur avec laquelle il assurait sa protection était tellement vive que parfois, la jeune louve en était émue mais là, il s'agissait de ne pas commettre d'impair.

L'intrus était en fait une jeune femme, mais Logaan se doutait bien qu'aussi forte qu'elle puisse être, dans ces région inhospitalières, elle devait forcément être accompagnée ... et malgré le fait qu'elle avance à découvert en arrivant par la route principale, il restait sur ses gardes, attendant que les autres se montrent.

Citation :

« Bonsoir, je suis de la maison Reed. »

La jeune femme montra le lézard-lion qui ornait son ceinturon. Cela pouvait être une preuve qu'elle disait vrai, mais il aurait put être faux ou voler ou allez savoir. Logaan préférait de beaucoup se fier aux yeux de ses interlocuteurs, à leurs gestes, à la nervosité qui parfois faisait trembler les mains, même imperceptiblement ... tout ce qui pouvait lui donner des indications. Il ne ressentait pas spécialement d'animosité venant de la demoiselle, une légère appréhension peut être, mais il était toujours délicat d'arriver près d'inconnus, sans avoir la moindre idée de la manière dont ils réagiront. Il lui laissa le bénéfice du doute comme on dit ...

- Bonsoir ... je suis Logaan Lightfoot, de la maison Lightfoot !

Logaan, d'un signe de tête, intima à l'homme qu'il avait envoyé en avant, de revenir au campement. Puis il tourna la tête vers Elhenna. La jeune femme qui leur faisait face, mais il était inutile d'en dire trop, il la présenta tout de même.

- Voici Lady Ehlenna qui voyage en ma compagnie !

Cela suffirait pour le moment, si l'héritière des Dustin jugeait bon de lui en dire plus, elle le fera par la suite, il valait mieux rester prudent. La jeune femme leur expliqua qu'ils étaient des patrouilleurs qui protégeait leurs frontières. Aux "nous" qu'elle prononça, il eut confirmation qu'elle n'était pas seule, comme il le pensait. Il garda la main sur le pommeau de son épée, attendant que les autres se décident à faire leur apparition.

- Des pillards ? .... vous avez une idée de leur localisation ? Des guides ? Voilà qui est généreux de votre part.

Logaan voyait les coups d'oeil qu'elle lançait de temps à autre à Elhenna et n'aimait pas spécialement, mais il ne laissa rien paraitre. Le garde du corps lui aussi restait sur ses gardes, surtout lorsque la paludière émit un ululement, qui fit apparaitre le reste du groupe. Logaan n'aimait pas ce genre d'apparition, même s'il s'attendait un peu à ça ... il aurait apprécié qu'en signe de bonne fois, tout le groupe, arrive par la route. Il ne savait pas si la jeune femme avait conscience qu'une telle arrivée aurait pu être interprétée comme une embuscade. Le jeune homme lui, prit cela pour une maladresse de sa part, qu'elle comprit peut être lorsqu'elle vit les hommes de Logaan mettre la main à leurs épées.

Alors que l'héritière des Dustin retenait la main de son garde du corps, Logaan lui, fit un signe au reste du groupe, qui leur fit lâcher la garde de leurs épées. Le jeune homme doutait que les nouveaux venus soient belliqueux, ou il aurait été bien " maladroit " de leur part de laisser leur compagne seule, aussi prêt de l'ennemi. Méfiant de nature, Logaan restait sur ses gardes malgré tout et proche de la meneuse de ce petit groupe, puis d'un signe de la main, il désigna le feu de camp ...

- Prenez donc place avec nous auprès du feu ... que nous fassions un peu connaissance ! Vous pourrez vous réchauffer et peut être nous en dire un peu plus sur ces pillards par la même occasion !

La femme ne parla, ni n’agit. Toutefois je sentis son regard posée sur moi. Elle m’observait méticuleusement.

Le chef lui relâcha sa garde légèrement et se présenta. Je dus me retenir à la mention de son nom. Je n’étais qu’une gamine à l’époque.

Le terme maison confirmait sa noblesse tout comme celui de Lady pour sa protégée. Par contre il ne mentionna pas son nom de famille. Un impair plutôt curieux.

Quoiqu’il en soit j’avais à faire à des compatriotes. Et ils avaient bien droit à leurs petits secrets.

« Non pas précisément. » Dis-je face à la première question. « Ce n’est pas généreux, juste notre devoir. »

Toujours rester humble et proche de tes gens. Ils ne t’en suivront que mieux. Un adage de père.

J’acceptais l’invitation, et mes hommes encore mieux. Après tout ce crapahutage un peu de repos et de chaleur n’étaient pas de refus.

Burrich étant que vétéran se montra plus connaisseur que moi face au blason.

« Ligthfoot. » Dit-il à l’un des soldats. « Vous ne vous êtes pas battus à…. »

C’était touchant de voir ces deux guerriers se parler amicalement, malgré leurs différences.

Effectivement tous les séparaient, que ce soient la stature ou l’armement.

Eux étaient formés pour se battre sur les champs de bataille. Nous les paludiers préférerions les terrains encombrés et les attaques surprises.

Pour je ne suivis pas plus la conversation. La mienne m’occupait suffisamment.

Je m’assis d’abord et saluais la fameuse Elhenna tout autant parce qu’elle m’intriguait que pour gagner du temps.

« Bien le bonsoir, la traversée n’est pas trop dure ? Je ne vois pas de carrosse dans votre campement. »

Car hélas ce Logaan il ne se relâchait jamais. Il aurait pu faire un bon chasseur.

Cela me gênait de lui mentir tout comme lui révéler le don de mon frère. Je craignais qu’il ne prenne pas cela au sérieux. Et surtout il planait l’avertissement de Père. Selon lui il était inutile de rependre des rumeurs avant d’être certains.

J’espérais trouver quelque chose entre temps. Les anciens dieux savaient pourtant que je n’étais pas une bonne menteuse.

Tous s'étaient donc installés autour du feu de camp afin de se réchauffer et de faire plus ample connaissance. Elhenna les détaillait toujours du regard tandis que la paludière la saluait personnellement et lui demandait si le voyage n'était pas trop rude tout en faisant remarquer l'absence de carrosse.

La jeune louve lui sourit amicalement alors que son regard se faisait plus solennel. Sans doute pouvait-elle lui révéler son identité complète après tout. Et puis elle avait aussi des questions à poser à la paludière. Ce serait donnant-donnant de cette manière.

- Bonsoir, excusez-moi pour mon manque de manières. Je suis Elhenna Dustin, héritière de Tertre-Bourg. Et vous, comment vous appelez-vous ? Notre voyage débute à peine car nous sommes actuellement en transit vers Port-Réal que nous voulons rejoindre au plus vite. C'est la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas embarrassés d'un carrosse.

Elle espérait que Logaan ne verrait pas d'un mauvais œil le fait qu'elle ait révélé tout cela à la jeune patrouilleuse. Son ton était sincère et un peu grave aussi. Comme si elle réalisait seulement maintenant ce vers quoi elle se dirigeait vraiment et ce qui était en jeu pour elle.
Orys déposa alors sur les épaules de la jeune femme un long manteau plus chaud. Sa famille servait les Dustin depuis des générations et il lui tenait à cœur d'accomplir la mission que Lady Barbrey lui avait confiée. Protéger sa fille envers et contre tous. Et cela passait également pas ce geste de réconfort presque anodin. Il ne pouvait pas lui parler. Il n'aurait pas su quoi lui demander, quoi lui dire. Mais il savait combien ce voyage pouvait l'éprouver malgré l'excitation dont elle faisait preuve face à l'idée de quitter le domaine familial et de découvrir à quoi pouvait ressembler le reste du Royaume des Sept Couronnes.
Il resta là, derrière elle, comme un rempart infaillible tandis que les jeunes gens continuaient leur conversation.

Logaan remarqua qu'entre les deux jeunes femmes, il y avait toujours ce jeu d'observation, cela finissait même par l'amuser. Pendant ce temps, les autres paludiers avaient acceptés de bonnes grâce, l'invitation faites, de s'installer auprès du feu. Il est certain que lorsque, comme eux, on passe autant de temps à patrouiller, un simple feu de camp est très bien accueilli.

L'un des guerriers, plus âgé, semblait connaître le blason de sa famille, surprenant une conversation à mi-voix avec l'un de ses hommes.

Citation :

« Ligthfoot. » Dit-il à l’un des soldats. « Vous ne vous êtes pas battus à…. »

Le soldat lui répondit lui aussi à mi-voix, pour ne pas déranger la conversation qui s'engageait entre les deux jeunes femmes.

- Ligthfoot oui ... nous nous sommes battus lors de la rébellion de Robert Baratheon, entre autre ... mais la maison Lightfoot à accompagner la maison Stark dans certaines de leur batailles !

Les deux vétérans semblaient ne plus vraiment se rendre compte qu'ils n'étaient pas seuls et continuaient de se remémorer le passé. Leurs allures, leurs ... formations étaient différentes, mais à cet instants, ces petites différences n'avaient pas la moindre importance, seul comptait le fait que deux alliés s'échangeait, comparaient leurs souvenirs. L'on pouvait même dire que lors d'une bataille, leurs compétences se complétaient, pour plus d'efficacité.

La jeune paludière s'installa elle aussi près du feu et Elhenna en profita pour se présenter. Logaan laissa donc les demoiselles converser. La paludière semblait elle aussi vouloir garder certaines choses pour elle, enfin, c'est l'impression qu'elle donna au jeune homme. Mais c'était de bonne guerre comme on dit. Elhenna était bien plus direct que lui, ou moins méfiante nous dirons, car elle se dévoila sans vraiment de mal. Après tout, les paludiers étaient des alliés.

- Lady Dustin à raison, sans carrosse, notre mobilité est bien meilleure ! Et en apprenant que des pillards rôdent, le choix s'avère d'autant plus judicieux !

Logaan observa le garde du corps d'Elhenna, qui s'assurait toujours que sa maîtresse ne manque de rien et ceux, toujours dans le plus grand silence. Il reporta ensuite son attention sur les deux jeunes femmes, qui continuaient de converser. Jusqu'à maintenant le voyage n'était pas déplaisant et avec l'aide de leur nouveaux ... "amis", il serait certainement facilité.

Aucun doute possible cette Elhenna faisait partie de noblesse. Son phrasé le prouvait clairement ainsi que l’attitude du doyen de la troupe envers elle. Il la traitait avec les égards d’une lady.

Son nom ne me disait rien. D’un autre coté je ne connaissais pas grande monde à l’extérieur du Neck.

Par contre son fief ne m’était pas inconnu. Ce qui me captivait le plus en elle restait son visage. Il me disait quelque chose. Pourtant les possibilités que je l’ai déjà croisé, étaient minces.

Elle se montra courtoise et directe envers moi. J’étais une alliée à ses yeux. Après tout c’était le cas.

Par conséquent je me dévoilais à mon tour.

« Je suis Meera Reed. » Dis-je mécaniquement.

Logaan lui demeura très technique et obsédé par la sécurité de sa troupe. Son sérieux perpétuel me faisait penser à mon frère la barbe en plus.

Quoiqu’il en soit ses deux personnes m’accordaient leurs confiances. Finalement le problème de la dissimulation se résolvait de lui-même. C’est du moins l’impression que j’eus l’espace d’un instant.

Hélas Burrich s’emporta un peu dans ses souvenirs de guerre. Mon ouïe saisit la mention des fer-nés dans sa conversation.

« Ah la rébellion Greyjoy. » S’exclama l’autre vétéran à son tour. « Quelle raclée on leur a mis. »

« Pourtant ils n’ont peut-être pas encore compris la leçon. »

« De quoi ? »

Il fallait que j’intervienne avant la parole de trop.

« Burrich. » Coupais-je juste avant de marquer un blanc. « Tu devrais…voir si tout va bien. »

Mon subordonné me regarda l’air dubitatif, ne comprenant absolument pas où je voulais en venir, et moi non plus d’ailleurs.

« Tu sais… les traces qu’on a vu. Il faudrait vérifier qu’aucun animal sauvage ne rode dans le coin. »

« Mais le feu les éloignent. De toute façon ils évitent Moat Cailin d’eux-mêmes. » Annonça Burrich étonné de devoir me citer de telles évidences.

Je demeurais de nouveau silencieuse à la recherche d’une réplique rattrapant le coup.

« Oui bien sûr. Je suis un peu tendue en ce moment à cause… des brigands. »

Évidemment ces mots ne convainquirent pas Burrich. Il savait parfaitement qu’il en fallait plus pour ébranler mon sang-froid et surtout mon savoir-faire. J’espérais qu’il n’en serait pas de même avec nos visiteurs.

La jeune louve sourit à Orys avant d'étouffer un bâillement. La journée avait été longue et la douce chaleur qui émanait du feu n'aidait en rien à rester éveiller. De surcroît, on ne pouvait pas dire qu'Elhenna était habituée à autant voyager. Son petit corps commençait donc à accuser le coup de la fatigue accumulée depuis le matin, même si pour le moment, seul ce discret bâillement lui échappait. Du reste, elle se tenait encore bien droite et son regard était encore vif et plein de curiosité pour la petite troupe qui les avait rejoints. C'était sans doute même cet intérêt croissant qui lui permettait de ne pas encore manifester d'autres signes de l'endormissement à venir.

Lorsque Meera révéla son identité, une lueur d'étonnement traversa les yeux gris d'Elhenna. La jeune fille était donc une Reed ! Curieuse tenue pour une héritière. Tandis qu'elle tentait de se remémorer ce qu'elle connaissait de la généalogie de cette maison si particulière, l'enfant de Barbrey fronça légèrement les sourcils, signe de sa réflexion. Allons bon, était-elle la nièce d'Howland Reed ? Elle n'avait pas le souvenir de pareil lignage. Sa fille ? La jeune louve se rendit à l'évidence, ça ne pouvait être que cela. Sa mère lui avait parfois parlé des Reed lorsqu'elle lui racontait les derniers moments de son père mais elle était loin d'imaginer qu'une jeune fille de son âge et de son rang puisse vagabonder ainsi, entourée d'hommes et surtout lorsque des pillards couraient apparemment la région.

- Enchantée Lady Reed. Cela sonnait bizarrement se dit-elle tout en poursuivant : nos pères ont combattus ensemble il y a de cela bien longtemps aux côtés de Lord Stark...

C'était étonnant de se dire qu'elle rencontrait là, à Moat Cailin, la fille de l'un des hommes qui avait vu périr son père de nom, William Dustin. Se seraient-elles côtoyées s'il était toujours de ce monde ? Elhenna songea que oui car sa mère le lui avait peint comme un homme courageux et avide de rencontres avant de se dire que peut-être il ne l'aurait jamais aimée et qu'il l'aurait délaissée à cause de son étrange et coupable ressemblance.
Elle n'aimait pas trop penser à cela et reporta son attention sur ses compagnons et sur ceux de Meera. Cette dernière semblait avoir du mal à imposer son autorité au vétéran de la troupe car il la contredisait ouvertement. La jeune louve n'avait écouté leur conversation que d'une oreille distraite et était simplement curieuse de voir comment la fille d'Howland Reed mettrait fin à l'échange.

Elle jeta un bref regard à Logaan. Le second fils Lightfoot restait visiblement très concentré, toujours à l'affût. Elle songea qu'Eddard Stark n'aurait sans doute pas pu trouver de meilleur meneur pour ce voyage tant il se montrait responsable malgré son jeune âge.

La jeune paludière observait Elhenna avec toujours autant d'intensité, de curiosité ... enfin, c'est ainsi que le prenait le jeune Ligthfoot, car après tout, ils étaient en présence d'alliés. La curiosité, il pouvait aisément la comprendre, puisque lui même en avait toujours éprouvé pour ces guerriers si particulier. Il s'amusait même de voir à quel point, certainement sans s'en rendre vraiment compte, la jeune femme étudiait chacun de leurs comportements.

La " Lady " puisqu'elle l'était semble t-il. Meera Reed ... La jeune femme n'était pas seulement de cette maison, elle semblait être l'héritière des Reed. Il trouva curieux ce choix de vie pour une jeune héritière, si s'en était un bien sur. Mais à la fois, il pouvait le comprendre, il était lui, le second fils ... qui agissait dans l'ombre de son père et de son frère aîné, il aurait pu aussi choisir ce genre de vie.
Le vétéran des paludiers s'emporta un peu, lorsque les souvenirs de la rébellion lui revinrent à l'esprit.
Mais Meera le coupa dans son élan lorsqu'il évoqua le fait " qu'ils " n'auraient peut-être pas encore compris la leçon ...

Logaan remarqua la tentative de Meera, de le faire taire en lui demandant de voir si tout allait bien. Le vieux paludier s'en trouva étonné lui-même. Ce qui interpella le plus Logaan, c'est que Lady Reed semblait chercher ses mots, ce qui prouvait bien que tout cela n'était qu'un prétexte. Burrich ne semblait pas décider à partir, au grand désespoir de la jeune femme. Elle semblait vouloir leur cacher des choses ... même si en temps normal, Logaan comprenait que chacun puissent avoir leur petits secrets, lui le premier ... cette fois c'était différent, il en allait peut-être de la sécurité d'Elhenna. Ce qui finit de le convaincre de demander des précisions.

- Ils n'auraient pas compris la leçon ? ... Y a t-il à craindre qu'ils ne fassent parler d'eux ? ... Si ce n'est pas déjà le cas ...

Il jeta un oeil vers Elhenna puis revint à leur nous compagnons de route ...

- Comme vous pourrez surement le comprendre, je n'apprécie guère les mauvaises surprises ! Et je n'ai pas que ma sécurité à assurer !

Nouveau regard vers Elhenna, qui était un peu moins vive, moins " surexcitée " qu'elle ne l'était jusqu'à présent ... ce qu'il pouvait comprendre, si elle n'était habituée à voyager ainsi, elle devait être épuisée. Bien qu'il avait relevé un regain d'attention lorsque Meera s'était présenté, la curiosité l'emportait sur la fatigue. A première vue, Elhenna connaissait la maison Reed et commençait une conversation ... Logaan les laissa discuter un peu, en profitant pour se relâcher un peu, enfin, façon de parler.

L’histoire était loin d’être ma spécialité en tous cas celle qu’on enseigne dans les livres. A vrai dire j’y prêtais peu d’attention. Personne ne pouvant prendre à parti l’auteur, il était tout à fait possible qu’il mente.

Sauf qu’en ce qui concerne la tour de la joie, l’un des deux survivants m’avait directement raconté cette bataille.

A vrai dire Père n’aimait pas en parler. J’eus juste droit à une seule et unique description des évènements. Toutefois chacun des mots étaient restés gravés dans ma mémoire ainsi que la tristesse les accompagnants.

« William Dustin. » M’exclamais-je. « Je me souviens. Après la tour de la joie Eddard Stark avait ramené son étalon rouge à son épouse… enfin votre mère. »

Cette rencontre me paraissait étrange, un peu comme une légende prenant réalité. Jojen aurait su y interpréter un signe du destin et quoi dire. Il me manquait.

Son remplaçant revint à la charge auprès de Burrich toujours désorienté. C’était un combattant, pas un intriguant. Au fond la victoire de Lightfoot était inévitable. Il était déterminé à apprendre la vérité. Alors que moi j’hésitais à lui mentir.

Nous les paludiers ne voyons pas la fuite comme un acte forcément honteux. Parfois quand la situation est trop défavorable il faut savoir se retirer afin de limiter les dommages.

Je procédais donc de cette manière en interrompant le début des cafouillages de Burrich.

« Certains indices laissent à penser, qu’il s’agirait de fer-nés. Mais tant que nous n’en sommes pas certains nous préférons ne rien ébruiter afin de ne pas nuire à la trêve. »

Le véritable terme était paix. Sauf qu’inconsciemment je ne parvenais pas à l’employer au sujet des résidents des îles de fer. Par contre mon omission des rêves de Jojen était volontaire.

Si Logaan n’y croyait pas mon avertissement perdrait toute son efficacité. Dans le cas contraire le chevalier demanderait sans doute des précisions. Et je désirais au moins garder les précisions en question. Je ne voulais pas avoir totalement désobéis à cette consigne de Père.

L'étalon rouge. A ces mots, Elhenna hocha la tête. Elle savait que Barbrey lui avait offert Ardent parce que justement, il avait la même robe que le cheval ayant appartenu à son défunt mari. De cette histoire, la jeune louve avait surtout retenu les paroles acerbes de sa mère à l'encontre d'Eddard Stark. C'était de là, très certainement qu'était née toute sa rancœur à l'égard du Lord de Winterfell. Elle ne lui avait jamais pardonné de ne pas avoir ramené le corps de William à Tertre-bourg quand il avait pris la peine de rapatrier dans le Nord toutes les dépouilles des siens.

- Oui, c'est bien cette histoire que mère m'a conté également... Un léger voile passa ; comme une ombre dans les yeux gris de la jeune fille. Il se dissipa, tandis qu'elle reprenait : Comment se porte votre père Lady Reed ?

De l'autre côté du feu, on parlait toujours de cette histoire de pillage. Elhenna tendit l'oreille lorsque Logaan s'en mêla, visiblement préoccupé. Meera semblait soupçonner les Fer-nés et, même si elle préférait ne rien affirmer ouvertement, l'héritière de Tertre-bourg était convaincue qu'elle n'était pas moins certaine de leur implication dans les récents événements.

La jeune louve se frotta les yeux. Toute cette histoire lui paraissait bien lointaine à elle qui n'avait jamais été confrontée à de pareils faits. Elle n'avait pas peur car il lui paraissait impossible de se retrouver face aux adorateurs du Dieu Noyé ici, alors que tout paraissait si calme. Et puis elle était si bien entourée. Que pouvaient-ils bien risquer ?

De souvenirs en souvenirs évoqués, les deux jeunes femmes, ou du moins leurs familles semblaient se connaitre. La jeune Meera semblait bien plus loquace en ce qui concernait les ... " liens " qu'elle pouvait avoir avec Elhenna, qu'en ce qui concernait la potentielle menace que pouvait représenter les pillards ou les fer-nés qui rodaient. Même si Logaan parvenait à en apprendre un peu plus sur eux, il sentait bien qu'on lui cachait encore certaines choses. Tout ce qu'il espérait, était que leurs alliés en dévoileraient assez pour qu'il puisse savoir un minimum à quoi s'attendre.

Logaan laissa donc les jeunes femmes continuer leur discussion en paix, pendant qu'il tourna son attention vers le vétéran des paludiers. Il bafouillait pas mal lorsque Lady Reed brisait son élan, à chaque fois qu'il laissait filtrer quelques informations supplémentaires et continua lui aussi sa conversation. Ne pas nuire à la trêve ? Même si Logaan était assez d'accord avec cela, tant qu'aucune attaque n'était déclenché de leur part bien sur ... il était hors de question pour lui de prendre les choses à la légère ou encore de se faire attaquer par surprise. Les fer-nés n'étaient pas vraiment du genre à avoir les même scrupules que la jeune paludières et pour l'héritier des Lightfoot, il était hors de question de mettre en danger Elhenna. Il devait pouvoir au moins avoir une estimation de la position de ces " pillards "....

- Je comprend votre réaction ! Ne pas ébruiter cela sans être vraiment sur de ce qu'il se passe, peut également provoquer une panique qui serait mal venue et pourrait précipiter les choses si vraiment des fer-nés erraient ici ! Il faut regrouper les informations pour tenter de les localiser, avant qu'une attaque ne soit lancé, si ce n'est déjà fait ! ... Pouvez vous m'en dire plus sur ces indices qui vous font penser au fer-nés ? Des incidents quelques part ?

La jeune paludière occupée avec Ehlenna, peut-être que le vieux guerrier aurait le temps de lui en apprendre un peu plus, avant qu'elle ne l'interrompe à nouveau. Peut-être pouvait-il sembler intrusif, trop sérieux, obnubilé par la sécurité de sa compagne de voyage, mais il fallait dire que le jeune homme avait du grandir plus vite qu'il ne l'aurait souhaité, il avait eu assez tôt certaines responsabilités et n'avait probablement pas profité de sa jeunesse comme il l'aurait souhaité. Bien qu'il tente parfois de profiter de la vie un peu plus, comme le faisait son aîné, certaines habitudes revenaient bien vite. Ce n'était pas cette situation qui allait lui faire changer cela. A Port-Réal, une fois Elhenna en sécurité, peut-être pourrait-il profiter de ce que cette ville aurait à lui offrir, mais il en était pour le moment, encore bien loin.

Je vis passer furtivement de la tristesse dans les yeux de mon interlocutrice alors qu’elle reprenait la parole. Ayant à peu près mon âge, la pauvre Elhenna n’avait donc jamais connu son père.

Je passais brusquement de la légende à la dure réalité et ses conséquences.

« Mon père va bien. » Répondis-je gênée. « Mais il ne quitte plus le Neck à présent. »

Voulant à tout prix éviter un silence pesant et surtout passer à un autre sujet j’enchainais avec la première idée me passant par la tête.

« Et qu’est-ce qui vous pousse jusqu’à Port-Réal ? »

Au milieu de cela j’en oubliais les interrogations de Loogan. D’ailleurs il paraissait rassasié et papotait avec Burrich en bon camarade.

C’est du moins ce que je me laissais croire. Mentir à des nordiens me déplaisait tellement.
En fait le chevalier ne lâchait pas l’affaire. Quant à Burrich lui ne comprenait pas vraiment l’intérêt de se taire. Malgré son vécu il n’avait jamais eu d’autres contacts hors du neck que durant les conflits, c’est-à-dire des rapports épisodiques ne permettant pas de réaliser pleinement les différences culturelles.

Par conséquent il lâcha le morceau sans penser à mal.

« Tout vient de Jojen le fils de notre roi. C’est un vervoyant. Un de ses rêves lui a indiqué un assaut de ces chiens de fer-nés. Hélas on ne sait pas où, mais se serait proche dans le temps. Alors on prend les devants. »

S’agissant d’une discussion plus sérieuse que tout à l’heure, Burrich ne beuglait pas. Quant à moi j’étais absorbée trop par ma conversation pour percevoir les révélations cette fois.

Jojen ne croyait pas au hasard. Selon lui tout était lié. Et je commençais à le rejoindre là-dessus. Ne m’étais-je pas rapprochée dernièrement de Sansa la fille d’un autre combattant de la tour de la joie ?

Il fallait avouer que cela constituait de curieuses coïncidences.

Elhenna hocha la tête avec un sourire lorsque Meera lui parla de son père. Elle était contente d'apprendre que ce dernier était en forme. Cependant, à la question de l'héritière des Reed, son visage redevint solennel. Pourquoi elle voyageait vers Port-Réal ? Pouvait-elle réellement avouer à la jeune femme ce qui l'emmenait loin de son cher Nord, loin de sa mère et de Tertre-bourg ?
Rien qu'à la simple pensée de Ramsay Snow, son cœur se souleva. Sous sa longue cape, la jeune louve serra les poings. Bientôt ils seraient loin et plus jamais elle ne le croiserait. Elle en était sûre mais quand elle pensait à lui et à tout ce que Barbrey lui avait dit à son sujet, elle sentait son sang bouillir. De l'appréhension bien sûr mais aussi cette fureur et cette révolte sourdes qui grondaient parfois au plus profond de ses entrailles. Elle ne pouvait décemment pas raconter tout cela.

- Je m'y rends afin d'y faire mon entrée à la cour et d'y trouver un époux...

Mais cette réponse lui convenait de moins en moins au fur et à mesure qu'elle la donnait. Surtout maintenant qu'elle avait Meera en face d'elle. Bien sûr, elle n'aurait sans doute pas aimé vivre de la sorte mais Elhenna doutait que l'on impose à la jeune fille d'épouser un homme pour se mettre à l'abri d'un autre.

- Et vous, Lady Reed, resterez-vous toujours dans le Neck ? Peut-être êtes-vous déjà engagée auprès d'un Lord de ma connaissance ?

Ses paroles étaient sorties toutes seules, comme si elle avait eu besoin de s'assurer que son pressentiment était bien réel. Elle regardait de nouveau Meera avec un intérêt poli tandis que ses pommettes se rehaussaient d'un sourire sincère. Elle était à présent trop fatiguée pour se concentrer sur autre chose que sa conversation avec la jeune Reed et n'entendait donc rien de toute la discussion entre Logaan et le vétéran, de l'autre côté du feu.

Elhenna m’atteignit sans le savoir là où cela faisait mal. La première question passa sans difficulté.

« Je ne me vois pas vivre ailleurs. » Répondis-je spontanément. « J’ai le Neck dans le sang. »

Quant à la seconde je fus plus hésitante.

« Non je n’ai… rien de prévue. »

Il est vrai que j’étais à ma manière insouciante à l’époque. Je me contentais d’affuter mes talents, d’explorer les moindres recoins de nos marais sans voir plus loin dans l’avenir. Et puis il faut bien l’avouer je me sentais désarmer dès qu’il s’agissait de romance. Pour moi c’était un monde à part concernant les filles portant de belles robes et sachant danser.

J’étais également du genre à ne pas m’encombrer longtemps d’une idée noire.

« A Port-réal il se trouve Sansa Stark. C’est une amie. Passez la voir de ma part. Cela lui plaira d’avoir des nouvelles du nord. Notre pays lui manque. »

De son côté Burrich continua à se montrer expansif. Avec un éventuel assaut ennemi, et des alliés autours d’un campement, la nostalgie l’envahissait certainement.

« Un peu qu’on va les dénicher. » Dit-il à Logaan. « Notre seigneur a engendré une sacrée descendance pour nous y aider. Celle-là a des yeux d’aigle. En trente ans de carrière je n’ai jamais vu une pisteuse aussi jeune de ce niveau. Quant à son frère en plus de son don, les dieux lui ont accordé une sacrée cervelle. Il faut l’écouter quand il parle.»

Bref tout se passait bien. Pourtant je n’avais pas baissée totalement ma garde. Non pas que cette dame et ses gens ne m’inspiraient confiance. De plus je n’étais pas habituée aux tromperies et autres manipulations.

Alors pourquoi ? Une sorte d’intuition similaire à mon frère ? Non je crois qu’il faut chercher ailleurs, plus précisément chez Sansa que je venais de mentionner. Grâce à ses écrits j’étais plus au fait de certains usages.

L’incohérence finit donc par m’apparaitre même si je la niais inconsciemment. Elhenna selon ses propres dires prenait la route en quête de mondanité. Or elle ne s’encombrait ni de servante, ni d’un grand nombre de vêtements ou de biens visiblement.

Ce mensonge me percuta violemment. Je devins soudainement plus sombre. Il fallait que je songe à la sécurité de mes gens.

Qui était vraiment cette femme ? Après tout nous les paludiers étions plutôt isolés et faciles à duper sur certains points.

Toutefois Burrich avait identifié la maison Lightfoot. Eux ne seraient pas fait leurrer surtout que leur ordre de mission provenait des starks en personne. Et puis mon interlocutrice en savait beaucoup sur l’histoire de la famille Dustin.

Cette déduction me rassura partiellement. La présence d’un secret me gênait. J’agis alors comme à mon habitude à savoir guetter l’occasion.

« Le Neck dans le sang. » A ces mots, les yeux d'Elhenna brillèrent un instant d'une lueur intense. Elle comprenait cela. Elle, c'était le Nord et rien d'autre qu'elle aimait. C'était là où elle se savait être à sa place et, bien qu'indéniablement intriguée par tout ce qui se trouvait aux alentours et toutes les terres qu'elle pourrait découvrir durant son voyage, elle n'en doutait pas : le Nord passerait toujours en premier dans son cœur.

La question sur un éventuel engagement amoureux de Meera avait visiblement déstabilisé la jeune fille car elle avait répondu d'une voix hésitante qu'Elhenna ne lui connaissait pas encore. La louve détailla l'héritière des Reed tout en réfléchissant à ce que sa famille pouvait bien avoir en tête pour elle. Armée, bottée et crottée, ils ne lui donnaient visiblement pas une seule chance d'être une jeune femme de haute naissance comme toutes les autres.
Elle qui se trouvait déjà hors normes, dans sa tenue d'aventurière, gantée du meilleur cuir et à présent drapée dans un long manteau de douce fourrure. Une héroïne bien citadine en somme ! Même ses cheveux tressés pour plus de praticité embaumaient encore l'air de l'odeur suave de son dernier bain.

Meera avait vite changé de sujet de conversation, un peu comme Elhenna déviait sans cesse celui concernant la raison de son voyage à Port-Réal. Sansa Stark. Une amie. La jeune louve haussa légèrement un sourcil. Que Westeros était petit !

- J'irai, lui promit-elle. Elle est la fille d'Eddard Stark, j'imagine que je la rencontrerai rapidement, ajouta-t-elle, songeuse.

Et la promise de Joffrey Baratheon, pensa l'héritière de Tertre-Bourg. Elle n'enviait pas son sort. Quel âge pouvait bien avoir Sansa ? Douze ans, peut-être treize... Et déjà son avenir était tracé, net, définitif. Elle serait reine. Et quoi d'autre ? Elhenna voulait pouvoir choisir. Elle voulait pouvoir, comme sa mère, être libre de ses gestes, de ses allées et venues. N'avoir de comptes à rendre à personne d'autres qu'à la maison à laquelle elle devrait allégeance. Et par pitié, que cette maison là ne soit pas pleine d'idiots ! Courber l'échine devant des imbéciles ne la rendrait jamais heureuse, c'était certain.