Clairement, Hautjardin était un cadre on ne peut plus idyllique. Je ne vais pas non plus vous faire croire que tout y était parfait, n’exagérons pas. Toutefois, en ce jour, le temps était particulièrement radieux. Les oiseaux chantonnaient, le soleil brillait, bref, tous les ingrédients d’un environnement dégoulinant de mièvrerie étaient réunis. Ah oui les enfants, je suis désolé de casser tous vos espoirs : si vous désirez du sang et des putes, je vous conseille de tourner les talons car aucun de ces deux composants ne viendrait, en toute logique, s’insérer dans la journée du Chevalier des Fleurs. Bien que Hautjardin fut plus qu’agréable – quoiqu’un poil ennuyeux pour notre amateur de sensations -, il lui faudrait partir dans quelques temps. Monsieur avait décidé qu’il ferait un crochet par Accalmie avant de se rendre à la capitale pour prendre part au Tournoi de la Main. Même si la chose n’était pas des plus pratiques – à cause notamment du temps de voyage cumulé -, rien ne pouvait faire changer d’avis Loras ; quand le chevalier avait quelque chose en tête, il était bien ardu de lui faire changer ses plans. Notez que son séjour dans les Terres de l’Orage coïncidait avec le retour de Renly en son fief natal. Comme par hasard. Le destin n’avait pas grand chose à avoir dans l’affaire, je pense que vous vous en seriez douté.

Ainsi, le fils cadet des Tyrell préparait son départ petit à petit, à l’instar de ses compagnons d’escorte, embringués dans l’histoire sans avoir eu d’autre option. Dans ce climat, Ser Loras sortit de la résidence des Tyrell à l'instant. Il venait de dédier sa matinée à son entrainement, comme d’habitude, dans la mesure où rien n’était plus important à ses yeux que ses performances au maniement de diverses armes. D’accord, j’avoue vous avoir dit que le jeune Tyrell préparait son voyage et me voilà retournant ma veste. Pour rien au monde il ne louperait ses exercices quotidiens, conserver son niveau était primordial par rapport à faire ses adieux aux divers personnages de Hautjardin auxquels, soit-dit-en-passant, il n’accordait que peu d’attention. De ce fait, Loras tenait à sa routine, il n’avait pas dans l’optique de la changer de sitôt, surtout qu’il aurait besoin de donner le meilleur de lui-même afin de briller à Port-Réal incessamment sous peu.

Alors qu’il se dirigeait vers les écuries pour donner quelques recommandations au sujet de la préparation de sa monture pour son grand périple, un élément se présenta dans son champs de vision et le perturba. Il venait de faire son entrée dans une des nombreuses cours ombragées qui peuplaient le domaine, lorsque, non loin de la fontaine occupant le centre, il aperçut une dame. Cette dernière ne lui était pas inconnue, loin de là. Ses sourcils se froncèrent. Comment s’appellait-elle déjà ? Talla ? Oui, Talla Tarly, une des filles de Randyll Tarly. Vu les liens qu’entretenaient la maison Tyrell avec celle des Tarly, il était évident que Loras connaissait la jeune femme, de visu au moins. Il avait dû probablement lui adresser la parole à l’occasion, après tout, ce n’était pas la première fois qu’il la croisait à Hautjardin. En toute honnêteté, Loras ne l’avait jamais beaucoup considérée. Vous savez, tout ce qui sortait du cercle regroupant ses proches se voyait affecté d’une indifférence quasi totale. Par chance, il semblerait qu’elle ne l’ait pas encore remarqué. Il se demanda tout de même à quand remontait son arrivée, puisqu'il ne l’avait pas encore croisé au détour d’une ruelle ou d’un couloir, il en mettrait sa main au feu. Cette question lui occupa l’esprit pendant quelques secondes, jusqu’à ce qu’il jugeât qu’il s’en fichait complètement.

Loras s’avança à pas feutrés pour passer derrière elle sans qu’elle ne le remarque. S’il pouvait éviter d’échanger de pompeuses banalités avec elle, il ne s’en porterait pas plus mal. Non pas que notre chevalier était asocial. Disons simplement qu’il n’aimait guère latiponner, surtout lorsque son interlocuteur était une personne avec laquelle il ne possédait qu’une légère trace d’affinité. Néanmoins, son entreprise échoua lamentablement ; bien qu’il soit doué dans bien des domaines, Loras ne deviendrait jamais un ninja semblerait-il, ni un voleur. Un bête caillou avait décidé qu’aujourd’hui, le chevalier devait développer ses relations sociales. Je ne vais pas vous faire croire que le bruit fût tonitruant, la misérable pierre se contenta de taper avec une violence modérée contre le socle en pierre de la fontaine après que le pied de Loras l’ait dérangée, perturbant le fragile silence de ce coin désert pour l’heure. Allez savoir si Talla l’avait entendu ou non. Dans tous les cas, Loras pensa qu’il était grillé pour le coup et se sentit contraint d’engager la conversation.

« ▬ Pardonnez-moi, je ne voulais ni vous effrayer, ni vous déranger. »

Il fit une petite courbette de pure courtoisie, affichant le sourire le plus amical.

« ▬ C’est un plaisir de vous voir à Hautjardin ma dame. Me tromperai-je en affirmant que votre arrivée est récente ? Nous n’avons pas encore eu le loisir de nous croiser il me semble. »

De toute façon, maintenant qu’il était condamné, autant qu’il entre dans le rôle qui lui seyait le mieux, c’est-à-dire celui du chevalier parfait. Quant à la question concernant les chances qu’il soit dans l’erreur, soyons clair : Loras Tyrell ne se trompait jamais, sauf quand il avait tord, phénomène qui arrivait bien plus souvent qu’il ne voulait l’admettre.

Maintenant qu'elle abordait le sujet, il semblait bel et bien à Loras que Margaery avait évoqué l'arrivée de Talla en tant qu'une de ses suivantes récemment. Il n'y avait pas vraiment prêté attention ; bien qu'il adorât sa sœur, il ne buvait pas non plus ses paroles et, certaines fois, il lui arrivait de décrocher en cours de route. Il se souvint également de sa sympathique grand-mère, qui, à l'occasion, avait elle aussi abordé le sujet dans la mesure où l'opération « Trouver une femme pour Willos » était lancée depuis peu. Loras n'était pas un expert pour dénicher le meilleur parti pour son frère, ses connaissances dans le domaine laissaient à désirer. En fait, il n'étoffait ses relations avec les dames que lorsque la nécessité se présentait ou qu'il était coincé et qu'il ne pouvait pas fuir. Lorsque, comme lui, vous avez un fanclub qui vous poursuit dès que l'opportunité s'en présente, croyez-moi, le besoin de les esquiver devenait bien vite vital, à moins que vous n'ayez beaucoup temps à perdre. Être un des célibataires les plus prisés des Sept Couronnes n'avait pas que des avantages, loin de là. C'est pourquoi, Loras était plutôt heureux qu'on cherche à caser son frangin : tant qu'on s'occuperait du cas de Willos, on oublierait le sien, bref, le bonheur.

Quoiqu'il en soit, si nous revenons sur la réalisation de cette fameuse mission, Loras examinait scrupuleusement chaque dame avec qui il conversait depuis que cet objectif était apparu. Selon le chevalier, Talla serait une assez bonne candidate. Pourquoi ? Parce qu'elle semblait effacée et douce à première vue, ce qui était plus pratique qu'une femme qui l'ouvrait et donnait son avis sur ce qui ne la regardait pas. Après, il ne pouvait juger si elle était belle ou non. Vu qu'il n'éprouvait pas d'attirance envers les femmes, il n'arrivait pas à statuer sur leur beauté. Certes, les extrêmes restaient de son ressort ; il avait tout de même la capacité de trouver certains physiques particulièrement disgracieux. Mais, pour le reste, elles se situaient toutes au même niveau sans qu'il puisse les départager. En ce sens, il ne pouvait s'appuyer que sur un dernier critère : une alliance avec la famille Tarly serait-elle intéressante ? Sûrement, puisqu'ils étaient des vassaux avec un poids non-négligeable. Dans ce cas, il y avait aussi Leyïa et, quitte à choisir, Loras n'avait aucune préférence. Il se nota mentalement de tâter le terrain si l'occasion se présentait.

Pour l'heure, Loras était confronté à son manque de conversation habituelle lorsqu'il devait échanger avec quelqu'un qu'il n'avait pas l'habitude de côtoyer. S'il avait su que Talla aussi n'appréciait pas les discussions pompeuses, ô combien ennuyeuses, il se serait réjoui face à cette alliée. Cependant, j'ai beau être, pour ma part, complètement omniscient grâce au post précédent, lui n'avait pas ce don et pensait donc que, à l'image de toutes les autres filles, elle raffolait des bavardages. Voyant bien qu'elle était mal à l'aise, il ne fit aucun effort pour la rassurer. Non, ne le traitez pas de monstre de suite et rangez vos pierres. Il pensait que son charme et sa prestance suffisait à briser la glace en toutes circonstances.

« ▬ Fort bien pour l'instant. Encore mieux lorsque j'aurais remporté le Tournoi de la Main. »

Il ne pouvait cacher une petite pointe d'arrogance accompagnée d'un sourire. N'allons pas jusque dire que l'évènement l'obnubilait, mais, il lui trottait sacrément dans la tête. Il lui offrit galamment son bras.

« ▬ Voulez-vous faire quelques pas en ma compagnie ? Enfin, si vous avez du temps à me consacrer. Son regard désigna l'ouvrage de Talla sur le banc. C'est très joli. »

Je vous laisse deviner les compétences du Tyrell en matière de mode. Disons simplement qu'il avait besoin d'un compliment et qu'il s'agissait du premier qui lui était venu en tête. En fait, il comptait l'embarquer dans une promenade afin d'introduire subtilement sa grande réflexion au sujet de Willos. Sa course pour son départ pouvait attendre, il n'était pas pressé de l'accomplir. Quitte à choisir, évidemment, il aurait sans nul doute préféré s'y consacrer plutôt que de tenter de jouer les entremetteurs. Mais, maintenant qu'il était embringué dans cette nouvelle affaire, autant la régler tant qu'elle était encore sur le feu, pour s'éclipser ensuite.

Devant le sourire de Talla, Loras ne put pourtant que se renfrogner quand elle aborda ses chances de succès. Insinuait-elle que la victoire n'était pas en son pouvoir ? Elle le sous-estimait grandement. Notre chevalier se voyait comme quelqu'un de bon dans le domaine, voire, sans aucune prétention – ahah -, comme l'un des meilleurs. Certes, l'expérience lui faisait probablement défaut par rapport à certains vétérans. Néanmoins, il compensait ce manque par la force de sa jeunesse. Il en va sans dire qu'il considérait au moins une place sur le podium comme acquise. Ne soyons pas trop gourmand : il pouvait envisager de perdre la première place à cause d'un imprévu. Après tout, il ne savait deviner quelles surprises l'attendaient à Port-Réal, et il pouvait admettre qu'un événement fortuit vienne chambouler son accession au rang de numéro un. En revanche, il refusait catégoriquement de concevoir une seule seconde qu'une défaite était envisageable à cause de ses capacités. On l'insultait en suggérant pareille chose. N'allez pas le penser non plus comme un imbécile complètement aveuglé par son orgueil ; il savait bien qu'il n'était pas invincible. Mais, s'il était capable ne pas le montrer, eh bien, il ne s'en porterait que mieux.

« ▬ Je ne pense pas avoir de bonnes chances, j'ai de bonnes chances. J'ai déjà défait le Régicide une fois, je ne vois pas ce qui m'empêcherait de recommencer. Quant à Ser Barristan, ce serait un honneur de l'affronter. »

Il leva un sourcil et préféra ne pas s'étendre davantage sur le sujet avant de devenir réellement cassant. Assurément, il n'attendait pas que tout le monde le brosse dans le sens du poil ; son triomphe n'en serait que plus grand lorsque ceux qui le considéraient simplement comme un type avec une belle gueule chanceux s’apercevront qu'ils étaient dans l'erreur. Pourtant, si on pouvait lui faire confiance ne serait-ce qu'un brin, il ne s'en plaindrait pas. Il la remercia rapidement pour ses encouragements ainsi que pour ses recommandations. C'était gentil de s'inquiéter pour son sort, inutile, mais sympathique. Quitte à envisager sa mort, autant qu'elle soit héroïque ; il s'imaginait plutôt périr sur un champs de bataille après avoir combattu vaillamment ou de se sacrifier glorieusement pour une personne lui étant chère au lieu de bêtement être victime d'un accident à un tournoi. Surtout que les répercutions sur son entourages seraient conséquentes, d'autant plus avec les antécédents en la matière de la famille, c'est-à-dire avec la mésaventure de Willos. Et ne parlons même pas de la réaction de sa sœur, de Renly et de son fanclub. Puisque décéder n'était pas actuellement à l'ordre du jour – du moins, l'espérait-il -, laissons ces pensées morbides de côté pour l'heure si vous le voulez bien – et même si vous ne le désirez pas, je fais encore ce que je veux avec ma narration.

Une fois qu'elle eut posé sa main sur son bras, Loras se mit en route, prenant garde à adopter une allure modérée voire lente pour éviter que sa compagne ne trébuche ou quelque chose de tout aussi déplaisant. Il se demandait bien où il pouvait l'entraîner sans pour autant aller dans un endroit surpeuplé. Il n'avait pas vraiment envie qu'on commence à jaser à leur passage, et encore moins d'être entouré d'oreilles indiscrètes, surtout s'il devait aborder un sujet épineux. D'un autre côté, il était ici chez lui, il était libre d'avoir la compagnie de qu'il souhaitait jusqu'aux dernières nouvelles. Il opta alors de conduire Talla dans un endroit qu'elle appréciait ; il attirerait plus facilement sa confiance ainsi. Dans la mesure où elle avait avoué qu'elle appréciait la beauté des jardins, le choix s'imposa au chevalier comme une évidence. De surcroît, il connaissait les lieux par cœur, ce qui lui permettait de trouver un coin tranquille sans aucun doute. Enfin, le chemin n'était pas des plus courts, il avait largement le temps de changer d'avis entre temps.

Il chercha un sujet pour débuter la conversation. Étant donné qu'il avait déjà abordé son arrivée à Hautjardin, il se retrouvait coincé vu qu'il ne connaissait pas ses centres d'intérêts, ni rien d'autre de personnel à son sujet en fait. Pourtant, il fallait bien qu'il attaque d'une manière ou d'une autre, sinon il ne pourrait pas aborder le sujet. Déjà qu'il ne savait pas comment il allait s'y prendre pour le glisser subtilement dans la conversation, alors, s'ils ne parlaient pas du tout, la situation serait encore plus compliquée.

« ▬ Vous cousez bien Lady Talla. Se hasarda-t-il. Serait-ce indiscret de vous demander à qui vous destinez cette robe ? Du moins, si vous comptez l'offrir. Je suis sûr qu'elle vous irait aussi à ravir. »

Voilà la première chose qui lui était passé par la tête avant qu'un blanc monumental ne fasse son entrée. Il espérait quand même qu'elle ne s'imagine pas qu'il était en train de la draguer. Il se contentait seulement d'être poli, c'est tout. Entre temps, ils étaient sortis de la petite cours et arrivaient dans un endroit un peu plus animé de Hautjardin. Ils croisèrent quelques personnes, dont une fille qui fusilla littéralement Talla du regard en passant, sûrement pas pure jalousie. Loras préféra faire comme s'il n'avait rien relevé, espérant que la dame à son bras ne l'avait pas remarqué.