La nouvelle lui était arrivée durant le petit-déjeuner, entendue par hasard de la bouche d'une des servantes qui passait par là. Tommen s'était empressé de finir son repas et avait profité d'un moment d'inattention de la septa assise à l'autre bout de la table pour se faufiler hors de la salle.
Un des manteaux rouges posté devant la porte lui avait lancé un regard curieux mais le petit prince n'y avait pas prêté d'attention. Lentement, il avait traversé le pont-levis qui permettait l'accès à la Citadelle de Maegor, ce château dans le château qui servait d'appartements à la famille royale. L'idée de la fosse qui s'était trouvée sous lui avait suffi à lui glacer le sang. Ses pas avaient été nerveux, tout autant à cause de la peur de tomber que celle d'être surpris.

Une fois dans la cour inférieure, Tommen avait laissé échapper un éclat de rire. La peur était passée. Le soleil brillait fort et la journée s'annonçait radieuse, mais ce qui enthousiasmait le jeune prince n'avait point de rapport avec le temps qu'il faisait. En effet, il avait entendu dire qu'une portée de chatons était née quelques jours auparavant!

Parcourant à toute vitesse l'escalier sinueux qui menait à la cour intérieure, il longea le mur du septuaire royal, à l'abri des rayons du soleil et de la vue des gardes. Le reste du trajet vers la dernière cour se passa sans aucun souci et, le plus discrètement possible, Tommen passa les portes des cuisines.
Il atteignit le fond de l'immense pièce, se glissant entre servants et marmitons, la plupart ne lui jetant même pas un regard, trop occupés à préparer le repas du roi.

Il savait très bien que les chats se cachaient près des fours, pelotonnés à proximité de la chaleur et de la nourriture, et n'eu aucun mal à trouver la chatte et ses petits.

Tommen s'accroupit près des félins, la bouche entrouverte et les yeux pleins d'étoiles. Doucement, il tendit la main vers l'un des chatons mais la mère poussa un miaulement menaçant. Au même instant, une autre plainte, plus faible, se fit entendre. Le lionceau tourna la tête pour trouver un petit chaton à la fourrure blanchâtre, à l'écart du groupe.

« – Qu'est ce qu'il a, celui-la ? » fit le petit Baratheon.

Un des cuisiniers se retourna, leva un sourcil à la vue du prince puis se racla la gorge.

« – Y voit pas, l'pauvre petit.
– Je peux l'emmener ? »

Un hochement de tête de la part de l'homme et Tommen se rapprocha de l'animal, le prit entre ses mains. Le chaton miaula, tournant la tête des deux côtés; un œil sombre et l'autre presque incolore, voilé de blanc.

Et c'était ainsi que le petit prince s'était retrouvé, un chaton dans les bras, aux portes des cuisines. Il fallait amener la petite chose à l'abri, dans sa chambre. Myrcella allait sûrement être ravie de voir ça! Peut-être même qu'elle accepterait de le raccompagner aux cuisines plus tard dans la journée pour rendre le petit et voir, par la même occasion, le reste de la portée.

Tandis qu'il marchait vers la cour inférieure, une voix l'arrêta net dans ses pas, suivie d'une autre, et une autre encore! Des courtisans, sans doutes! S'il le trouvait là, ils chercheraient à l'accompagner chez Mère! Ou peut-être était ce pire, Joffrey pouvait être avec eux ...
Jetant un regard à son protégé, Tommen se mordilla la lèvre inférieure. La seule issue restait les jardins. S'il avait de la chance, la végétation lui procurerait assez d'abri pour atteindre la Citadelle de Maegor sans rencontrer personne.

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Les jardins du Donjon Rouge. Cadre de rêves pour se promener et rêvasser, bercé par le chant des oiseaux et le murmure des conversations.
A genoux derrière un buisson fleuri, le chaton enroulé dans le pan de sa tunique, Tommen s'assura que l'allée était déserte. Une petite distance qu'il parcourrait à toute vitesse. Le prince s'élança, tenant fermement l'animal.
Quelques centimètres le séparaient de la sortie de l'allée. Quelques pas et il serait enfin hors de danger! Tout à coup, son champ de vision fut bloqué par ce qu'il n'identifia qu'une fois les fesses sur le sol, comme une robe. Horrifié, il releva la tête. Tommen était rentré tête la première dans une dame —et il pouvait déjà sentir les ennuis.

Le rideau de pluie qui était tombé toute la nuit s’était levé avec l’aurore, laissant un doux soleil matinal percer au travers des fenêtres. Reposant lentement le verre de jus de fruit, Cerenna posait un regard absent sur le paysage qui s’offrait à elle. La chambre qu’on avait bien voulu lui assigner le temps de son séjour au Donjon Rouge n’était pas la plus grande mais elle avait une vue unique sur la côte, où elle pouvait voir les vagues effleurer paresseusement la rive. Elle fit le tour de la table appuyé contre le mur de pierre d’un orange éteint et poudreux, et parcouru des yeux une lettre qu’une servante lui avait apporté en même temps que le riche plateau sur lequel était présenté son petit déjeuner. Elle s’approcha de nouveau de l’ouverture vers l’extérieure afin de mieux lire à la lumière du jour. Le papier fin tremblait légèrement entre ses doigts sous le souffle de la brise marine qui parvenait jusqu’à la hauteur de sa fenètre. Le pli lui avait été envoyé par Larra, sa servente dévouée, et elle y faisait un rapport précis de l’évolution du comportement d’Alyssa. Sa fille, semblait-il, continuait à parfaire son image de petite Lady, et progressait en géographie. Cerenna aurait presque sentit une pointe de fierté poindre dans son cœur mais la lettre ne s’arretait malheureusement pas là. La fillette continuait de commettre quelques incartades, futiles aux yeux d’un parent ordinaire, annonciateurs d’une rechute vers la vie de sauvageonne au regard de la Lady de Beaumarché. Elle posa la missive sur la table, juste à côté d’une pomme à la belle couleur jaune.

Un soupir lui échappa. Traversant la pièce elle rejoint son lit, et prit le grand châle de crêpe de soie qui était posé dessus pour passer l’étoffe couleur bleu nuit autour de ses épaules. L’averse de la nuit avait laissé une fraicheur palpable entre les murs du Donjon Rouge que le soleil peinait à réchauffer. Aussi, ses épaules, dénudées par sa robe bordeaux parcourue de broderies de perles bleu marines entremêlées de fils d’argent, accueillaient avec soulagement la chaleur du voile en attendant que le temps soit plus clément.

Passant la porte de sa chambre, elle descendit l’escalier étroit en colimaçon. De là, elle traversa plusieurs couloirs de pierres grises, certains aux arcades donnant sur la cour, d’autres sur le jardin, d’autres encore sans fenêtre aucune. Le regard de certains gardes s’arrêtèrent sur elle plus longtemps qu’elle ne l’aurait permis en temps normal, mais elle avait entendu les rumeurs sur les gardes des Lannisters et sur leur morale vacillante. Ce fut l’une des rares fois de sa vie où elle regretta de ne pas avoir son époux à ses côtés pour remettre à leur place ces hommes qui n’avaient de chevaliers que le titre.
C’est avec soulagement qu’elle atteint enfin les jardins où elle avait rendez-vous avec une amie du Bief qu’elle n’avait pas vu depuis de longues années. Les jardins, à cette heure ci étaient déserts, et elle n’était venu si tôt que pour pouvoir profiter de la paix qui y régnait, à l’abri des regards et des chuchotements des nobles et serviteurs. Un léger sourire ourla ses lèvres en voyant le jardin sous le soleil matinal étinceler des mille gouttes de rosée qui ornaient les feuilles et fleurs de l’endroit. Cela lui rappelait le Conflans, dont elle regrettait chaque jour le temps frais dans la chaleur étouffante de la Capitale. Elle était en train de traverser une allée lorsque quelque chose vint se cogner contre sa jambe. Elle s’arréta, resserra le châle autour de ses épaules et baissa les yeux vers ce qui venait de la heurter. Ses grands yeux bleus s’attendaient à croiser le regard d’un serviteur ou d’un jeune voleur, mais voilà qu’elle rencontrer les doux yeux verts du prince Tommen. Un doux et élégant sourire se dessina sur son visage.

-Mon prince, ne vous a-t-on jamais appris à regarder devant vous alors que vous courrez ?dit-elle de sa belle voix grave, d’où ne transparaissait pas l’affection hypocrite que la plupart des nobles singeaient lorsqu’ils parlaient à un des enfants royaux.

Elle se pencha, les pans de son châle glissant un instant de ses épaules pour entourer le jeune prince alors qu’elle lui tendait une main secourable et qu’elle l’aidait à se relever. Elle s’était accroupie à sa hauteur, et les plis de sa robe étaient de la même couleur que les fleurs du massif de roses baccara qui se trouvait juste à côté d’eux. Une fois que le prince se fut remis sur pied, elle ne put s’empêcher de retrouver ses reflexes de mère, et elle l’observa un instant afin de s’assurer qu’il ne fut pas blessé. Nulle écorchure sur son visage mais sa tunique était désormais colorée par le sable et la poussière qui étaient restés accroché dessus.

-Epoussetez-donc votre habit avant que la Reine votre mère ne vous voit dans cet état, lui souffla-t-elle amusée et sévère tout à la fois.

Mais le prince n’en fit rien, et elle remarqua que ses petites mains étaient crispées sur un pan roulé de sa tunique. Elle croisa de nouveau le regard du lionceau, qui semblait redouter plus que tout que l’on ne découvrit ce qu’il pouvait bien cacher dans les plis du brocart rouge de son vêtement. La mine autoritaire et curieuse, elle adressa un léger sourire au jeune garçon.

-Que cachez-vous là, mon prince ? Serait-ce un trésor ? Sa voix chaude et grave chantait d’un accent mutin.

Une fois la poussière retombée, la haute silhouette de la dame se découpait clairement sur le fond blanchâtre du ciel. Elle lui sourit et Tommen ne pût qu'écarquiller les yeux un peu plus, encore légèrement sous le choc.


Avant qu'il ne puisse répondre, elle était à sa hauteur. Tommen balbutia des excuses d'une voix faible, examinant les traits de la dame qui étaient maintenant plus clairs que jamais, l'éclat du soleil ayant disparu derrière le châle.
Non, il n'arrivait pas à la reconnaître, même en essayant très fort. Le prince avait souvent l'occasion de rencontrer toute une panoplie de nobles, de toutes les régions de Westeros, sires et dames, parfois même leurs enfants. Mais celle qui se tenait devant lui, et lui tendait la main, lui était parfaitement inconnue. Tout de même, il voulu presque la remercier pour lui avoir épargné l'embarras d'une révérence ou de quoi que ce soit d'autre que les autres se croyaient obligés d'affecter en sa présence.


La remarque de la dame le troubla, lui rappelant soudainement qu'il était la sans l'accord de personne, pas même de sa septa, mais il ne pût s'empêcher de trouver une espèce de réconfort dans le ton de la dame. A peine relevé et il sentit ses genoux trembloter. Cette "rencontre" allait sans aucun doute atteindre la reine, et ... Horreur! Père aussi! Ses yeux commençaient à le picoter et Tommen était presque sûr que ce n'était pas à cause de la poussière. Mais pleurer ne ferait qu'empirer les choses. Non! Il était un grand garçon, il n'allait pas pleurer! Les grands chevaliers ne pleurent pas.


Sa lèvre inférieure tremblota et il resserra sa main sur le chaton. Tommen baissa la tête, une rougeur montant de son cou et se propageant sur ses joues à mesure que les minutes passaient. Il n'arrivait pas à parler, les mots restaient coincés derrière ses lèvres. Aussi, il ne trouvait pas quoi dire et quel que soit la manière dont il le formulerait, Mère trouverait quoi lui reprocher sur sa conduite.

La tête encore plus basse, essayant de son mieux de ne pas avoir à croiser le regard de la dame de nouveau, Tommen fixait le bout de ses bottes. C'est à ce moment précis que le chaton, silencieux jusque-là, décida de pousser un petit miaulement. Dieux, non ... Cette fois ci, les larmes ne se contentèrent pas de lui brûler les coins des yeux; elle glissèrent le long de ses joues cramoisies, et il renifla.

HRP

Spoiler:

Toujours accroupie, la lady fixait d'un regard doux le jeune prince. Alors que celui ci se bornait à fixer le bout de ses bottines toutes aussi souillées de poussière que le reste de sa mise, ses sourcils fins se rapprochèrent un court instant. Quel étrange chose que de considérer qu'un être aussi innocent puisse être le rejeton d'une dame telle que Cersei. Plus rondouillet que son frère ainé, il semblait aussi plus émotif, plus sensible. Dans sa maladresse qui l'éloignait tant du charisme de ses parents, il était adorable aux yeux de Cerenna. Adorable, mais aussi terriblement vulnérable. Combien de temps s'écoulerait-il avant qu'il ne soit totalement écrasé par son ainé ou par le reste de la cour? C'était une bien triste question à apposer sur l'avenir d'un si jeune garçon, mais hélàs, elle était on ne peut plus importante.

« Ça- ... Ce n'est rien, madame ... »

Alors que la Lady allait se relever et partir, se contentant de cette réponse pour ne pas torturer plus longtemps le jeune Tommen, un léger cri sortit des plis de sa tunique. Un miaulement. Elle n'eut qu'un instant de répis pour remarquer à quel point cet animal représentait si bien le jeune garçon perdu au milieu des fauves de sa famille que de grosses larmes se mirent à couler le long de ses joues rebondies. Elle fut prise au dépourvu, surprise. Certes, comme tout adulte elle savait quel stress pouvait s'emparer des gamins lorsqu'ils se trouvaient confronter à une grande personne, mais les pleurs du prince la surprenait tant qu'elle le regarda un instant avec de grands yeux. Elle ne se rappelait pas d'avoir jamais vu son propre fils aussi à fleur de peau. Jamais. Pas même cette idiote d'alyssa, qui ne pleurait que de rage. Il pleurait. Et tout ça pour un chaton dont visiblement la reine ne devait pas même connaitre l'existence et sans doute ne devait jamais l'apprendre. Toute cette fragilité l'aurait révulsée et terrifiée si elle l'avait ne serait-ce qu'entrevue dans les yeux oceans d'Alessander. Mais le prince n'était pas son fils et sa fragilité la touchait plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Ses mains fines s'approchèrent de celles du prince et se posèrent sur elles.

-Ne serrez pas si fort le tissus autour de lui, vous risqueriez de l'étouffer, mon Prince. le conseilla-t-elle d'une voix sereine.

Elle releva ses grands yeux vers le jeune prince puis souleva son menton humide de larmes du bout de doigts pour l'encourager à relever la tête. Sans doute les rares passants qui commencaient à animer le jardin s'attendaient-ils à la voir essuyer d'un geste les larmes du Barathéon, mais elle n'en fit rien. Elle s'apprétait à lui apprendre la même chose qu'elle avait appris à son fils, des années auparavant. Les illusions n'avaient pas leur place dans l'éducation d'un enfant à qui l'on souhaitait un grand avenir, aussi, ne devait-il pas croire qu'une simple caresse sur ses joues pouvaient enlever le chagrin et faire s'évanouir tout ce qui le troublait comme le vent pouvait emporter la poussière. Car rien n'était plus loin de la vérité.

-Vous ne devriez pas pleurer. Il compte sur vous pour le protéger désormais, vous devez veiller sur lui , c'est votre responsabilité. Sechez vos larmes, mon Prince. Vous êtes plus fort que cela et vous le savez. rajouta-t-elle d'une voix encourageante tout en dépoussierrant rapidement le vêtement du Prince.

Elle resta un moment à sa hauteur, comme pour s'assurer que le jeune garçon avait compris ce qu'elle venait de lui dire, puis elle se redressa et lança un regard dans la direccion vers laquelle courrait Tommen avant de tomber. Elle tendit un main rassurante vers l'enfant, tenant de son autre main le chale qui entourait ses épaules.

-Votre nouvel ami doit commencer à s'impatienter de connaitre sa nouvelle maison. Souhaitez-vous que je vous accompagne? demanda-t-elle d'une voix patiente.