An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Combien de temps avait-elle passé dans ces jardins ? Des heures, voire peut-être même des jours entiers. Elle ne comptait plus les minutes qui s'écoulaient et le temps qui filait inlassablement. Son séjour ne durerait pas éternellement, malheureusement. Bien sûr, si Silithia en avait eu le choix, elle aurait préféré rester ici que de retourner à Port-Réal. Si elle appréciait plus que nombre d'autres choses la capitale des Sept Couronnes, elle ne pouvait cependant que s'émerveiller devant la beauté de Hautjardin. Le siège des Tyrell était une imposante citadelle entourée de jardins et baignée tant de soleil que de paix. Il y faisait bon vivre, pour sûr, et la demoiselle de l'Ouest aurait aimé expérimenter la chose. Mais pouvait-elle seulement espérer vivre ici à jamais ? Il lui faudrait devenir dame de compagnie de lady Margaery, ou encore épouser l'un de ses frères. Elle aurait eu le choix entre l'héritier du Bief ou le dernier de la fratrie, ser Loras. Mais ils étaient de trop haute naissance pour elle, pour sûr.

La jeune demoiselle soupira à cette pensée, levant doucement les pans sa robe couleur perle et découvrant quelque peu le bas de ses chevilles tandis qu'elle descendait un court escalier qui menait au bas des jardins. De là, un balconnet lui permit de se délecter de la vue de la Mander sur laquelle des barges de plaisance naviguaient. Elle apprécia cette vision pendant de longues secondes, peut-être même pendant de longues minutes. Lorsqu'elle fut repue, elle remonta les mêmes marches, venant se perdre sur les chemin de galets et entourés de haies et de buissons fleuris.
Tout était absolument parfait ce jour-ci. Du doux soleil contre sa peau laiteuse à l'ombre des arbustes qui venait parfois couvrir ses épaules dans sa marche tranquille, tout allait pour le mieux. Elle accueillit parfois un noble venu lui adresser un simple bonjour, d'un sourire et de quelques paroles prononcées d'une voix douce. La seule personne avec laquelle elle conversa et marcha un peu plus longtemps fut sa camériste, Shana, qui l'accompagnait dans tous ses déplacements. Toutes deux marchèrent de longues minutes ensemble, discutant de tout et de rien, des dernières nouvelles au mariage de Silithia. Bien sûr, la jeune colombe n'échapperait pas éternellement à la dure réalité. Elle appartenait à un monde qui ne lui permettrait pas éternellement d'être seule et libre. Un jour, elle dépendrait d'un homme « bon et aimant », tenait à lui préciser la Lysienne.

Au détour d'un chemin, une femme fort bien habillée et au teint halé vint saluer l'Ouestienne. Son accent tant que son physique laissaient penser qu'elle ne venait pas de Westeros. Silithia, reconnaissant là lady Wythers, fit une révérence, tout comme Shana. Cette dernière, ayant salué la nouvelle arrivante, se retira comme à son habitude pour ne pas intervenir dans les discussions entre nobles. La colombe adressant un sourire des plus chaleureux à Serenei pour accueillir son compliment, ses lèvres remuèrent un instant pour ne souffler doucement qu'une phrase :

-Je vous retourne le compliment.

Ses yeux de glace semblaient percer le jais du regard de la dame de compagnie de lady Margaery. Elle observa avec attention son visage, et secoua lentement la tête de droite à gauche à sa question, laissant ses longues boucles blondes se balancer doucement dans son dos et sur ses épaules.

-Vous ne me dérangez absolument pas. Les jardins sont parfaits ici, ne trouvez-vous pas ? Vous avez bien de la chance d'habiter ici. La vie doit y être douce et paisible.

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Le rouge qui monta aux joues de Serenei arracha un sourire aussi fin et léger qu'un battement d'aile d'une colombe qui, fendant l'air, prend son envol. La beauté exotique sourit également, une sorte de chaleur douce et accueillante émanant d'elle ; elle semblait être là surtout pour inviter l'oiseau blanc à se sentir chez elle dans le Bief, l'accueillant comme une amie de longue date alors qu'elles n'avaient jusqu'ici qu'échangé quelques politesses et banalités que se disent les jeunes nobles entre elles. Silithia sourit à l'évocation de la beauté qu'était Hautjardin, qu'étaient ses allées. Belles, mystérieuses, sombres. Mais toujours fascinantes. Le visage de Silithia se fendit d'un nouveau sourire, sourire accompagné d'un bref hochement de tête.
Les paroles de la dame de compagnie de lady Margaery lui offrit un nouveau compliment qui ne put que faire rosir les joues de la demoiselle de l'Ouest. Mais elle savait qu'elle n'était pas une simple fleur. Ses pétales étaient plus doux, plus fins... d'apparence, bien évidemment, car ils étaient également plus forts, plus durs à avoir. Même les colombes avaient des serres, et les siennes étaient aussi acérées que les griffes et crocs de ses lions de suzerains.

Silithia ne put de suite donner son approbation ou, au contraire, son objection, lorsque les doigts de Serenei se refermèrent sur sa main, l'entraînant à sa suite tandis qu'elle marchait rapidement jusqu'à un coin du jardin. La colombe apprécia ce contact doux et chaud qui tenait sa main avec légèreté, sans que les doigts de la résidente de Hautjardin ne la serrent. Elle se sentait petit oiseau sauvage, qui pouvait prendre sa volée quand bon lui semblait. Mais poussée par la curiosité, elle accepta ainsi, sans rechigner, de suivre lady Wythers jusqu'à l'endroit si beau dont elle lui parlait...

-Belle-Île et Belcastel me semblent être à des centaines, voire des milliers d'années d'ici, dit-elle dans un souffle. Mais je ne suis pas partie de chez moi, je reviens de Port-Réal. Tout comme Hautjardin, la capitale offre mille-et-une merveilles.

Ses yeux s'étaient illuminés tandis qu'elle disait cela, confirmant les dires et répondant aux questions de la belle brune. Une fois arrivées à destination, Silithia entrouvrit la bouche, stupéfaite. Oui, ce qu'avait à lui montrer Serenei était réellement magnifique ; des lianes recouvraient la toiture de bois blanc, parcourues aussi de fleurs multicolores qu'un mince filet de soleil venait éclairer, perçant à travers les lianes. Et face à elles, une sculpture faite de feuilles et représentant un chevalier tout armé surplombait un bassin à l'eau claire.

-C'est réellement magnifique ! J'ai vu bien d'autres endroits dans ces jardins, mais jamais un coin tel que celui-ci. Oh, jamais un tel spectacle ne s'est produit sous mes yeux ; c'est là la représentation-même de la beauté. J'aurais aimé connaître les moindres recoins de ces jardins, mais ils sont bien trop grands -un véritable labyrinthe- pour que j'aie pu me rappeler des moindres recoins déjà visités, afin de passer par tous les sentiers.

Son sourire ne quitta pas ses lèvres roses, et elle battit doucement des cils en levant les yeux vers un papillon qui s'envolait parmi les fleurs, véritable spectacle de couleurs et de lumières. Et à sa gauche, était-ce donc bien un écureuil au pelage roux-doré qui s'agrippait aux lianes pour les escalader, vivement, fuyant à travers fleurs, quittant les lieux et ses visiteurs qui perturbaient sa paix. Son regard illuminé par la joie et l'excitation face à une telle merveille, son cœur battait aussi lentement que fort. Elle était là en un lieu magique, plus magique que nulle part ailleurs. La faune et la flore étaient présentes dans ce simple endroit, ce petit coin de paradis au creux d'un jardin, comme une brindille que l'on tient au creux de ses mains.

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Bientôt, Silithia se trouva seule auprès des bassins, émerveillée par l'endroit. Oh, elle en avait vu, des beaux endroits comme ceux-ci à travers les livres, car elle parvenait aisément à les visualiser. Mais jamais, ô grand jamais elle n'aurait cru voir un jour de la réelle magie. La magie... N'était-ce donc pas qu'une légende ? Elle souriait, inspirant l'air frais et la douce odeur de fleurs qui la comblait d'une joie certaine. Lorsqu'elle se tourna vers Serenei, assise sur un banc de marbre, elle ne put qu'admirer les courbes pleines de grâce de la Myrienne. Les jambes croisées, le dos droit et ses yeux noirs rivés sur elle... Serenei était, pour sûr, d'une beauté exotique et à couper le souffle.

Il restait une place aux côtés de lady Wythers, et Silithia vint s'y asseoir avec délicatesse. Son sourire restait figé sur ses lèvres, et elle était encore fascinée par la beauté des lieux. Ses yeux n'avaient de cesse de courir à la surface de l'eau qui était la plus claire qui lui ait été donnée de voir. Du bout des doigts, elle vint effleurer les pétales d'une rose d'or, l'emblème des Tyrell.
Elle tourna doucement la tête vers la belle femme qui lui tenait compagnie. Son sourire s'agrandit, et elle dit d'une voix douce :

-J'espère connaître un jour tous ces jardins par cœur. Ils sont réellement magnifiques, peut-être même... magiques, souffla-t-elle.

Elle rit doucement à ce simple mot. La magie, c'était un mot d'enfant à ses yeux. Mais elle se plaisait à l'employer lorsque la beauté d'une chose dépassait la norme. Ses yeux caressant doucement la peau foncée de la beauté exotique. Elle aussi avait quelque chose de magique. Ses yeux, peut-être. Plus profonds et sombres que tous ceux qu'elle avait vu jusqu'à présent. Elle se perdit de longs instants dans leur contemplation. Elle tenait donc là un point commun ; toutes deux avaient des yeux dans lesquels on aurait tendance à se perdre...

Silithia sourit à la remarque de Serenei. Que pouvait-elle dire de Port-Réal ? A vrai dire, elle avait trouvé l'endroit merveilleux car au Donjon Rouge, on trouvait les personnes les plus riches et influentes du Royaume. Elle avait pu voir le Roi, la Reine, le Prince... Elle avait aussi pu faire des rencontres intéressantes, et savait tout à fait qu'après son petit voyage à Hautjardin, elle y retournerait. Son père avait sans doute raison de penser que c'est là-bas qu'il lui trouverait un époux convenable. Et pourtant, l'idée de se marier lui tordait l'estomac depuis que son père lui avait rappelé ses responsabilités. Par chance, la chose n'était pas encore officielle et, avec un peu de chance, il lui restait quelques mois de liberté.
Retrouvant le fil de ses pensées, elle tourna la tête vers Serenei :

-Je n'ai que peu marché dans les rues de Port-Réal, et ai passé bien plus de temps dans les jardins et dans le Donjon Rouge. Ces endroits étaient bien moins grouillants et puants que les rues, j'imagine. Elle eut un sourire espiègle et reprit. Les merveilles dont regorgent Port-Réal sont, je pense, purement subjectives... J'ai beaucoup aimé le fait de voir de près l'endroit où tout se passe. Les jardins y sont beaux et colorés, mais ce sont également de véritables nids de vipères ! Mais c'était amusant, que de se sentir étrangère à tout cela parce que je n'avais jamais connu une telle ambiance,de là où je viens... Mais j'avais l'impression d'être dans un tout autre monde que le mien, c'est sans doute ce qui rendait la capitale merveilleuse. Elle fit une pause, puis reprit doucement. Et vous, êtes-vous déjà allée à Port-Réal ? On dit que vous êtes native de Myr ?

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Le sourire de Serenei rendit ses paroles plus douces encore. Connaître les jardins de la capitale du Bief par cœur semblait impossible tant ils étaient grands. C'était, aux yeux de Silithia, un véritable labyrinthe que personne ne pouvait connaître par cœur. Mais la Myrienne savait se montrer plutôt persuasive et, comme pour appuyer ses dires, elle plongea sa main dans un massif de roses. Là où la colombe se serait certainement piquée plus d'une fois, lady Wythers n'abîma ni sa douce peau, ni le massif. Rien n'avait bougé, comme si personne ne l'avait jamais effleuré du bout des doigts. Les paroles qui suivirent arrachèrent un nouveau sourire à Silithia, qui se pencha doucement sur la fleur que lui tendait Serenei. D'abord, elle en huma le doux parfum puis, lorsque la rose au rouge de sang lui fut offerte, elle la cueillit entre ses doigts avec toute la douceur du monde, la portant à nouveau auprès de son visage pour en apprécier encore et encore l'odeur dont la délicatesse n'était pas sans rappeler la peau de la dame de compagnie de lady Tyrell. Elle lui offrit un petit sourire qui ne manquait pas d'éclat, glissant un petit « merci » du bout des lèvres.

Serenei lui raconta alors sa vie, de quand elle était à Myr jusqu'à ce jour. Silithia l'écouta avec toute l'attention d'une enfant à laquelle on conte une belle histoire de preux chevaliers et de douces princesses, affichant une mine rêveuse, tenant ses mains posées au niveau de ses genoux, la tige de la fleur toujours coincée entre deux de ses doigts. Du bout du pouce, elle en caressait les pétales comme on caresserait un petit animal mourant. Ne se départant pas de son sourire, elle tourna son buste tout entier dans la direction de son interlocutrice.

-Je rêverais d'aller un jour en Essos, dit-elle d'une voix douce. Myr, Lys, Braavos... Toutes ces Cités, sans exceptions, j'aimerais les voir. De ce que disent les voyageurs comme les livres, tout y est magnifique et haut en couleurs. Elle rit doucement. Mais ma vie en Westeros est déjà douce, je n'aurai certainement jamais aucune raison de m'en plaindre.

Elle rit tout doucement, juste quelques secondes, d'un rire doux qui vint s'envoler avec le chant des oiseaux. Mais au fond d'elle même, elle savait bien qu'un jour, elle aurait des raisons de se plaindre de sa vie. Déjà, être une femme en Westeros n'était pas vraiment chose aisée. Les hommes avaient le pouvoir, mais les femmes, non. Les femmes étaient de simples objets décoratifs, au même titre qu'un vase de valeur ou une statue représentant telle ou telle personne de la plus haute importance. Bien sûr, les femmes étaient plus « prestigieuses » que des vases, mais elles avaient pourtant la même utilité. Chassant ces idées, elle écouta à nouveau la Myrienne lorsque celle-ci captura sa main dans les siennes. D'abord surprise par le geste si inattendu, elle ne tarda cependant pas à lui offrir un nouveau sourire chaleureux. Elle rougit même quelque peu au compliment que lui fit lady Wythers. Une exquise jeune femme... Silithia savait ce qu'elle était, mais entendre ceci venant d'une femme telle que Serenei lui faisait chaud au cœur.

-Oh, vous savez, les vipères de Port-Réal ne sont pas si intelligentes que peuvent le croire certains. Elle rit doucement, une fois de plus. La plupart d'entre elles ne font qu'écouter, rapporter et faire circuler les rumeurs entendues dans les jardins dans tout le Donjon Rouge. Je parle donc peu aux jardins, profitant surtout des odeurs et des beautés que l'on peut y trouver. Et de nuit, je les trouve d'autant plus magiques, et plus propices aux discussions que le jour.

Son sourire comme son regard était empli d'une malice non dissimulée. Silithia, malgré les vipères et les dangers de la capitale, aimait beaucoup Port-Réal. Mais elle aimait Hautjardin plus encore.

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Silithia eut un sourire amusé. Elle n'était pas sûre d'aller un jour sur le continent merveilleux que lui semblait être Essos, loin de là, car elle avait déjà dû insister maintes et maintes fois pour que son père accepte de la laisser découvrir Port-Réal. Mais, si elle arrivait toujours à obtenir ce qu'elle voulait de son père par ses sourires et regards tendres, pouvoir poser le pied en Essos avait toujours été une demande qu'il avait rejeté sans même prendre le temps de l'étudier. « Hors de question », répétait-il à chaque fois qu'elle le lui demandait. Encore, et encore, elle essayait. Mais son père était complètement braqué sur sa position. Essos était, d'après lui, trop dangereux pour une jeune fille comme elle. Elle plongea ses yeux de glace dans ceux de Serenei.

-Si je veux un jour visiter Essos, sans doute devrai-je attendre d'être mariée. Avec un peu de chance, mon époux ne me refusera pas cela...

Ses yeux pétillaient encore d'une malice certaine, tandis qu'elle se disait que si elle voulait que son futur mari accepte une telle chose, elle devrait se le mettre dans la poche. Pour elle, ce serait certainement chose aisée tant elle avait l'habitude de se faire bien voir et aimer de tous. Son regard toujours rivé sur celui de son interlocutrice, elle nota qu'ils se mirent à briller tandis qu'elle lui disait quelque chose qui lui arracha un immense sourire.
L'emmener voir Myr... C'était une folle idée, mais une idée qui fit battre le cœur de Silithia légèrement plus vite.

-Oh, ce serait tellement merveilleux..., murmura-t-elle, rêveuse. Je doute qu'un endroit plus coloré que ces jardins existe.

Les mains de Serenei, toujours refermées sur celle de la colombe, la Myrienne laissait ses doigts vagabonder ses doigts sur la peau laiteuse de la lady îlienne. Faire attention... Elle avait l'impression de ne faire que cela, surveillant toujours ses arrières, et se délectant de sa supériorité certaine face aux autres car elle savait de qui et de quoi se méfier. Silithia s'arrangeait, la plupart du temps, pour avoir une longueur d'avance sur les autres. Ainsi, elle avait appris à reconnaître à quels endroits et moments elle ne devait pas errer, qui elle devait ou non flagorner... Et elle s'en tirait plutôt bien jusqu'ici, ne s'étant pas faite remarquer pour autre chose que sa beauté et son intelligence.
Comme réponse à Serenei, elle inclina simplement la tête, un sourire doux fleurissant sur ses lèvres.

Silithia buvait littéralement les paroles de la dame de compagnie de Margaery. Elle eut un sourire amusé, ses yeux de givre pétillant à nouveau malicieusement. Elle se tourna un peu plus encore vers la Myrienne, et dit d'une voix doucereuse :

-Bien sûr que non, si je dois m'échapper dans ces jardins le temps d'une nuit, je vous le ferai savoir.

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

La colombe laissa ses mains dans celles de lady Wythers. Elle était une femme douce et visiblement sans mauvaises intentions, et ne les lui briserait certainement pas. Elle était sans doute de ces femmes qui se faisaient chaque jour un nouvel ami, ou qui du moins se faisait bien voir de tous. Inconsciemment, peut-être, elle n'en savait trop rien.
A vrai dire, Silithia trouvait en Serenei les traits d'un félin. Rusé, gracieux et doux. Peut-être était-elle une panthère par sa sensualité certaine, un chat par sa douceur sans faille... Ce qu'elle dit arracha un nouveau sourire de remerciement à la blonde, qui battit des cils avant de baisser rapidement les yeux pour les relever, rieurs, vers la Myrienne.

-Si vous continuez à me complimenter ainsi, je passerai tout le temps passé en votre compagnie à vous remercier et à vous renvoyer chacune de vos flatteries.

Son sourire s'élargit, apparaissant bienveillant sur son visage. Puis Serenei pressant doucement sa main dans la sienne, elle lui démontra son enthousiasme à l'accompagner dans les jardins, de nuit. Suite aux paroles accompagnant ce geste, elle se pencha doucement sur Silithia. Celle-ci ferma un instant les yeux -plus de surprise que d'autre chose, sentant ses joues rosir quelque peu, au contact des lèvres de la Myrienne contre sa peau. Elle put sentir le doux parfum de la belle dame, qui n'était qu'un indice de plus, confirmant sa provenance. Mais tout ceci ne dura qu'un simple instant, car la belle brune se redressa avant même que la colombe n'ait pu réagir.
Celle-ci leva donc lentement la tête vers la brune, qui déjà s'éloignait.

-Nous nous reverrons bien vite, j'en suis certaine.

Sa voix était douce et on ne pouvait qu'y sentir son sourire. Son regard toujours posé sur lady Wythers, il ne s'en détacha que lorsqu'elle disparut de son champ de vision. Silithia soupira donc doucement, laissant ses yeux se perdre dans les buis fleuris et variés, vacillant doucement en suivant un papillon avec attention...

♠ ♠ ♠

Le soir-même.

La nuit était tombée depuis peu, et Sebaston avait pensé que sa fille aînée avait besoin de repos, chaque soir, car elle passait le plus clair de son temps à vagabonder au détour des multiples chemins encadrés de haies et de buissons. Seulement, il ne savait pas qu'elle ne dormait que peu, s'étant habituée à veiller tard pour lire des livres d'histoire et de mythes sur Essos. Ce continent l'avait toujours fascinée. Mais ce soir-là, lorsqu'elle avait ouvert l'un desdits livres, la simple évocation de la Cité de Myr lui avait rappelé la rencontre faite, quelques heures plus tôt. Et, se levant simplement de la chaise installée auprès d'un bureau, elle avait quitté sa chambre d'un pas léger...

Son père devait être occupé à réfléchir et à s'occuper de toutes les affaires auxquelles un lord se devait s'intéresser, ou peut-être faisait-il autre chose. Silithia considérait qu'il était suffisamment grand pour qu'elle n'ait pas à s'occuper de lui et de ses affaires. Tant qu'il ne la dérangeait pas et ne se rendait pas compte de l'absence de sa fille à ses appartements, tout irait pour le mieux. Trouvant tout d'abord une servante connaissant bien l'endroit, elle sillonna donc les couloirs du château, un fin sourire aux lèvres, jusqu'à arriver à la chambre de lady Wythers. La servante toqua donc de deux petits coups contre la porte, puis demanda d'une petite voix l'autorisation de faire entrer la demoiselle de l'Ouest, qui attendait avec la patience d'un saint que Serenei accepte...

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Quelques bougies éclairaient faiblement la chambre qui était ainsi plongée dans une sorte de semi-obscurité rendue étrangement accueillante par la simple présence de Serenei. La belle dame eut tôt fait de faire rentrer Silithia, qui se glissa avec légèreté dans l'entrebâillement de la porte, armée de sa fausse timidité et de son sourire angélique qu'elle adressait sincèrement à la belle Myrienne. Elle était habillée d'une toute autre façon que dans la journée, ayant relâché ses cheveux sur ses épaules, elles-mêmes parées d'une robe blanche et simple qui différait grandement des soieries écarlates qui flottaient au moindre de ses pas, quelques heures avant.
Par leur proximité, la colombe put humer l'odeur délicate de fleurs qui se dégageait de Serenei. Une odeur qui lui était agréable, comme la compagnie de la douce brune.

-Je m'apprêtais à parcourir les jardins avec pour seule compagne la lune... Mais je la trouve trop peu bavarde ; aussi m'est venue l'idée que vous pourriez m'y accompagner.

Servant à la Myrienne son plus beau sourire au travers duquel ne transparaissaient que douceur, amitié et bienveillance, Silithia laissa ses yeux de glace quitter l'ébène de ceux que lady Wythers pour parcourir la pièce. La faible luminosité n'aidant pas à cette exploration, elle n'en vit pas grand chose, mais le peu qui s'offrit à son regard lui plut. Elle regarda à nouveau la brune, observant avec plus d'attention la façon dont elle était habillée, et sa coiffure débordant de simplicité qui ne lui ôtait pas un brin de charme. Silithia, elle, avait laissé ses cheveux tomber en une simple tresse sur son épaule, et portait comme à son habitude une robe blanche parsemée çà-et-là de dentelles et de soieries ; elle avait toujours préféré le blanc aux autres couleurs, et sa garde-robe en était donc principalement constituée. Souriant toujours à Serenei, elle planta ses yeux dans les siens :

-Si je puis me permettre, votre robe vous va à ravir.

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Silithia accueillit le compliment de la Myrienne avec un sourire doux mais n'eut pas le temps de la remercier que déjà elle se trouvait derrière un paravent, ne laissant à la vue de la colombe qu'une silhouette ne manquant aucunement de grâce. La blonde détourna cependant son regard pour contempler la chambre, souriant aux paroles de Serenei.

-Ce ne sera pas un problème.

Son sourire s'entendait, trahissant sa voix. Lady Farman lissa sa tresse d'un mouvement de la main, puis en fit de même avec sa robe dont les pans s'étaient légèrement froissés. Elle perçut le bruit de tissu que l'on ôtait, et se demanda quelle robe mettrait Serenei. Elle avait hâte d'être aux jardins, en bonne compagnie qui plus est, et avait une profonde envie de bombarder la Myrienne de questions au sujet d'Essos et des merveilles qu'offraient les Cités Libres. Où qu'elle se trouve, ses rêves n'avaient de cesse de revenir et de lui donner toujours plus envie d'un jour partir loin.
Bien sûr, quelque soient ses devoirs futurs, elle se promettait intérieurement de toujours revenir à Belcastel, à Hautjardin et, bien sûr, à Port-Réal. Ces trois lieux l'avaient marquée à tout jamais, l'un parce qu'elle en était issue et les autres pour leur singularité. Elle sourit à cette pensée et une question lui vint.

-Dîtes-moi, si ce n'est pas trop indiscret, n'avez-vous eu aucun regret à quitter Myr ? Dans les livres, on dit des Cités Libres que les femmes y sont toutes des Reines. Elle rit doucement, et reprit un peu plus doucement. Ce doit être extraordinaire.

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Le sourire de Serenei illuminait son visage et ne la rendait que plus resplendissante aux yeux de la demoiselle de l'Ouest. La robe de la Myrienne soulignait ses formes gracieuses, et était faite d'une étoffe d'un bleu sombre et profond qui se fondrait sans aucun mal dans la noirceur de la nuit, contrairement à celle de Silithia.
Lorsque la brune répondit à la question de l'Ouestienne sans se départir de son éternel sourire plein de douceur et de bonté, cette dernière ne réfléchit qu'un court instant avant de répondre. Férue d'histoire, elle ne connaissait que trop bien les Reines et ce que l'on disait à leur sujet. Elle se fendit d'un sourire amusé, songeant Nymeria, la reine du peuple Rhoynar, devait être d'une grande beauté pour que Mors Martell en tombe amoureux d'un simple regard.

-Bien sûr que oui, la Reine Nymeria elle-même en pâlirait de jalousie.

Accompagnant ces paroles d'un rire léger, Silithia suivit de regard la Myrienne qui traversait la pièce pour s'emparer d'une lanterne dans laquelle elle mit une bougie. Elle était visiblement prête, et la colombe avait hâte de prendre son envol en direction des jardins.

-Sommes-nous prêtes ?, demanda-t-elle avec un sourire doux.

Déjà, la jeune blonde faisait un pas en direction de la porte de la chambre, lissant sa robe d'un léger geste de la main. Elle avait plus que hâte de faire cette petite sortie nocturne, surtout en compagnie de Serenei.

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

A nouveau, l'Ouestienne sentit ses joues rougir doucement et se fendit d'un énième sourire amical. Le clin d’œil de la brune lui arracha un léger tressaillement qui parcourut tout son dos et lui fit l'effet d'un grand coup de vent frais dans la nuque. Serenei était une beauté exotique, attirant sans doute nombre de regards intéressés de la gente masculine. Mais elle était une femme mariée, aussi. Silithia sourit en baissant doucement les yeux, soufflant alors :

-Vous me flattez...

Le sourire de lady Wythers la tira de ses pensées, et toutes deux se mirent en chemin pour les jardins. Elles progressaient assez lentement, marchant lentement, puis trottinant, se cachant derrière un mur pour échapper à d'éventuels regards indiscrets. Une fois arrivées aux jardins, Silithia soupira et afficha un immense sourire en sentant l'air frais du soir caresser sa peau claire. Elle ferma les yeux, le temps de sentir une brise légère caresser son cou. Les lèvres de Serenei se posèrent sur sa joue, sans doute pour exprimer sa joie, et le sourire de la colombe n'en fut que plus grand.

-C'est magnifique..., murmura-t-elle.

Ses yeux se posaient partout, dévorant du regard et se délectant du moindre élément du décor. Si les fleurs avaient perdu de leurs couleurs, certaines s'étaient également fermées. Les grandes haies des jardins n'apparaissaient plus que comme de grandes ombres sous la flamme vacillante de la bougie. Lady Farman, qui n'avait pas encore lâché la main de la Myrienne, fit quelques pas en avant en espérant que sa compagne la suive ; elle avait bien envie de découvrir ces jardins de nuit, et elle comptait bien le faire avec Serenei.

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Silithia suivait la Myrienne à travers le dédale qu'étaient les jardins de la capitale du Bief. Tenant un pan de sa robe d'une main et la main de son agréable compagne de l'autre, elle avançait à vive allure, trottinant même parfois pour parvenir à la suivre. Leurs pas étaient rythmés par les légers éclats de rire de la brune, dont l'Ouestienne ignorait la raison. Mais peu lui importait, tout chez lady Wythers était beau et agréable, de son doux visage à son allure féline, en passant par ses formes gracieuses, son odeur de fleurs et d'exotisme, et même son rire.

Le chemin qu'empruntèrent les deux jeunes femmes fut bien tardivement reconnu par la colombe ; c'était celui qu'elles avaient emprunté, plus tôt dans la journée, et qui les avait menées jusqu'à un petit coin d'ombre aux abords d'une fontaine. Lorsque se dévoila aux yeux de Silithia l'ombre de la sculpture de feuilles d'un chevalier en armes, son visage s'illumina. Dévoilant ses dents blanches en un grand sourire, elle laissa Serenei lâcher sa main pour se précipiter au bord de l'eau. La lune se reflétait à sa surface, belle, pâle et à demi-découverte. Troublant ce spectacle en laissant juste un doigt courir à la surface de l'eau, elle frémit simplement au contact de la fraîcheur, avant de s'éloigner un peu du bassin pour se tourner vers la Myrienne.
Celle-ci porta doucement sa main à la joue de la fille de l'Ouest, prenant tout d'abord un air coupable, qui fut bien vite remplacé par un sourire complice.

Silithia eut un sourire en coin ; l'amour. Encore et toujours ce terme dont elle ignorait bien des choses. Un amoureux transi, existait-il réellement ? C'était un mystère de plus à résoudre pour elle. Un grand mystère, mais pas aussi grand qu'Alessander. Lorsqu'elle songea à lui sans même comprendre pourquoi, elle frémit doucement. Elle rit quelques instants aux paroles de la Myrienne, et des mots s'échappèrent de ses lèvres avec légèreté et amusement, comme s'il s'agissait là d'une bonne blague. Pourtant, ce sujet était bien plus sérieux que ce que semblait montrer le ton de la jeune blonde.

-Les amoureux transis existent-ils seulement en ce monde ?, demanda-t-elle en ponctuant sa phrase d'un sourire toujours amusé, bien que la question soit maladroite.

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

DDénicher les amoureux transis aux bons endroits suffisait-il seulement ? Silithia sourit, tendrement, sans pour autant croire aux dires de la Myrienne. Elle ne voulait pas croire à l'amour, et n'y croirait certainement. Ses yeux se baissèrent doucement pour scruter à nouveau l'eau claire qui semblait frémir sous la caresse du vent, et sa mine amusée se fit un brin rêveuse, peut-être même mélancolique. Ah, l'amour, quelle belle invention, d'après son père. Mais elle se souvenait des sourires teintés de tristesse du seul homme de sa vie, de ses larmes, de toute sa peine qu'il garda durant près de treize ans.

-L'un de vos amoureux vous a-t-il fait des misères ? Voulez-vous que je le remplace au pied levé, Madame ?

La colombe rit doucement, hochant doucement la tête en la levant vers la brune pour lui offrir un nouveau sourire teinté d'amusement et d'amitié. Serenei était une femme des plus agréables, à la légèreté peu commune aux yeux de Silithia.

-Avec plaisir !, lança-t-elle avec légèreté.

Elle se tourna doucement vers Serenei, lui servant son plus beau regard, son plus beau sourire, déposant à son tour ses lèvres en un baiser léger, aussi doux que le plumage d'un oiseau blanc, sur la joue de la douce brune, un nouveau rire venant percer le silence et le calme des jardins.