Le corbeau était arrivé dans la matinée. Une nouvelle bien banale au fond et assez prévisible. Le mariage des filles Tully avec le Stark et Jon Arryn ; la plus moche pour ce dernier certainement.

-Quelle Tully pour Arryn ? demanda-t-il au mestre qui tenait dans ses mains le message de manière innocente.

-Lysa mon seigneu… avant même qu’il n’eut terminé sa phrase son jeune suzerain entama l’un de ses rires profonds et sonores qui semblaient laisser le temps en suspens, imité dans une incompréhension unanime par l’assemblée qui les entourait. Devant les hésitations gênées autour de lui le jeune Lord Tyrell précisa :

-Ils vont si bien ensemble ! On dirait l’une des chansons terribles que l’on conte parfois aux enfants ; la truite et le vieux faucon me semble être un titre indiqué ! Reprit-il sur le même ton joyeux imité cette fois-ci plus franchement par les hommes d’armes qui l’entouraient.

Heureux, certes il l’était. Et il avait des raisons de l’être ! Le récit des exploits de ses troupes avaient fleuri depuis Cendregué et il n’y avait plus de danger menaçant directement ses terres. Robert avait pourtant disparu depuis lors et cela était inquiétant. Mais quoi ! Fallait-il craindre qu’il soulève à lui tout seul une nouvelle armée depuis la boue du Conflans, les forêts orageuses des environs ou même les sables de Dornes. Entre ses alliés du Nord et Hautjardin se trouvait Connington, voir Raegar s’il se décroche un jour de son rocher.

La seule raison qui le retenait ici en vérité était le jeune homme à la mine malade qui demeurait au-delà des murs ancestraux qui dominaient son camp. Malgrés tous les bannerets du Bief rassemblés autour de lui Accalmie suffisait à rétablir l’équilibre. Cet équilibre c’était celui du symbole et de la prestance de l’étendard Baratheon dressé au sommet du donjon d’une manière insolente. Cela suffirait à n’importe qui de s’opposer pour l’honneur puis se rendre la tête haute avec ses couleurs ; mais aucune des négociations engagées n’avaient abouties. Stannis s’entête pour s’affirmer, il paiera ce caprice.

Toutes les dispositions avaient été prises pour rappeler que l’on ne défie pas impunément la puissance du Sud. Déjà Paxter Redwyne avait enfermé la côte dans un blocus infranchissable ; ses navires les plus imposants avaient été enchainés et illuminaient la nuit une ligne parfaitement identifiable depuis la cote. Plus loin, des vaisseaux plus rapides étaient déployés au large pour intercepter les quelque ennemis qui pourraient essayer de ravitailler la forteresse. Sur les terres, l’armée Tyrell continuait d’établir ses palissades. Rowan était le meilleur homme pour cela : les pieux avaient été taillés dans les forêts environnantes et nul doute qu’aucun secours ne pourrait prendre le campement par surprise. Il ne fallait pas craindre les troupes mais plutôt les voleurs et autres contrebandiers qui pourraient user ses réserves par le vol ou pénétrer dans la forteresse par la ruse. Tout cela coute cher et mobilise beaucoup de monde, mais le siège sera court et je serais finalement gagnant.

La soirée commençait doucement à s’imposer et la troupe que menait Mace Tyrell était retourné dans ses quartiers improvisés. Leur Lord lui-même regagna la tente imposante couverte de roses finement brodées qui dominait le camp. Or, il ne s’agissait pas de rejoindre une quelconque réunion pour préparer l’affrontement à venir. Bien au contraire Mace Tyrell partait se changer pour revêtir une tenue plus appropriée au banquet qui allait être mis en place en plein milieu du camp. Une vaste table en "u" avait été formée et les animaux apportés pour l’occasion étaient en train de rôtir doucement. Alors qu’une tunique marquée des roses recouvrait désormais ses épaules, Randyll Tarly fit son entrée dans la tente. Son front était en sueur et ses bottes recouvertes de boue.

-J’ai inspecté depuis ce matin les environs avec les éclaireurs, je peux assurer que Stannis ne nous a rien réservé de ce coté-là du mur.

-Bien. Le sire de Hautjardin marqua un temps d’arrêt, quand je pense que je le voyais revenir pour le déjeuner, les mystères du zèle sont d’une subtilité qui m’échappe parfois. Bien, c’est une bonne chose !

Il se tourna pour regarder sa propre image dans le miroir qui se situait dans l’angle mais Tarly demeurait présent :

-Autre chose ?

-Eh bien oui, justement, je n’ai pas souvenir qu’Aegon ait remporté ses sièges avec des banquets !

-Certes il avait aussi des dragons, enchaina Mace souriant de sa propre remarque. Allons Randyll, Stannis cèdera bientôt et nous nous mettrons en route aussitôt, j’ai d’ailleurs pris la décision de prendre la forteresse d’assaut dans vingt jours si rien n’avance d’ici là. Prenant Tarly par le bras il l’entraina dehors : -Rejoignez nous ! Vous verrez la guerre a aussi du bon.

Un peu renfrogné, Randyll Tarly suivi son seigneur jusqu’au banquet ou les bannerets Tyrell les saluèrent ensemble en soulevant leurs verres. Mace s’installa et se servit des quelque entrées qui étaient déjà sur la table. L’atmosphère était joyeuse et légèrement avinée.

-Et c’lui là pour Stannis ! Souleva à nouveau son verre Paxter Redwyne bientôt imité par l’assistance. Il était descendu exceptionnellement de son navire amiral pour l’occasion.

Alors que Mace allait lui-même prendre la parole un homme exténué accouru en direction de la table avant d’être arrêté par les gardes. Sans parvenir à reprendre son souffle il tendit simplement une lettre usée dont le sceau avait été miraculeusement préservé. Mace la saisit et l’examina, les deux griffons sur la cire rouge ne laissait pas de doute sur son expéditeur. L’écriture était expéditive et difficile à déchiffrer.

Spoiler:

Alors que Mace Tyrell affichait une mine blême ses yeux se relevèrent sur le messager.

-Quand ?

-Il y a bientôt une… une semaine mon seigneur.

-Une semaine ! Pourquoi n’ai-je pas été informé ?

-Les corbeaux sont des bêtes moins stupides que la moyenne messire, mais une flèche suffit à les intercepter. Répondit Rowan sur un ton monotone après avoir lu à son tour le message qui circulait autour de la table du banquet dont l’ambiance était comme retombée.

-Monseigneur, reprit l’homme qui avait retrouvé son souffle, Lord Connington souhaite connaitre vos intentions et m’a chargé de les lui rapporter à Port-Réal.

-Mes intentions ? Un sourire à la fois triste et gêné traversa un instant les lèvres du gouverneur du Sud ; pauvre Jon, tu crois vraiment qu’Aerys te laissera à ton poste après ça ? Si tu as une mort rapide tu peux t’estimer heureux. Le message avait probablement été écrit à la hâte lors de la débâcle. Le mariage annoncé avait du être célébré à la suite de l’évènement et bien évidemment les mestres ne précisaient pas le contexte des messages. Sortant de ses pensées Mace Tyrell constata le silence qui régnait autour de lui, tous les Lord du Bief le regardaient attendant sa décision. Toujours s’en remettre à sa devise.

-Nous demeurons.

La formule avait été exprimée de manière simple et claire. L’assemblée paraissait traversée de sentiments contradictoires, les uns regrettaient la gloire qu’ils auraient pu tirer d’une bataille rapidement menée, les autres étaient satisfaits de ne pas risquer la fortune de leurs bannières dans l’immédiat ; enfin certains avaient les yeux rivés sur la viande à l’instant découpée et ne se souciaient aucunement du tumulte.

-Dis à ton maitre que le siège de la forteresse durera autant que nécessaire. La déroute des armées du Roi ne nous permet pas de conserver une poche de résistance au Sud, je suis certain que Raegar saura le comprendre.

Randyll Tarly regardait fixement son seigneur pendant que celui-ci modifiait les plans qu’il était le seul à connaitre. Stannis allait devoir patienter un certain temps.