Un long soupir échappa à Ades alors qu'il sortait enfin, sentant le vent doux de Port-Réal contre son visage. Il fit quelques pas dans la cour du Donjon Rouge, profitant du calme que l'on offrait à ses oreilles. C'est que le banquet avait été plutôt mouvementé, et tout son corps était soulagé de se trouver enfin au calme. Tout particulièrement sa jambe boiteuse, qu'il vint effleurer un bref instant de sa main comme pour s'assurer qu'elle tenait toujours en place. Elle avait toujours le chic pour se rappeler à lui quand il ne fallait pas, mais étonnamment ce n'était pas de son fait qu'il se trouvait dehors actuellement. Alors que le taux d'alcool des invités du banquet augmentait et que leurs conversations se faisaient de moins en moins intelligentes, il avait simplement décidé de prendre un peu d'air, loin du bruit de la salle.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il avait obtenu ce qu'il désirait ; le silence était tombée en même temps que la nuit sur le Donjon Rouge, du moins si l'on se donnait la peine de s'éloigner suffisamment du centre. Or Ades Overton avait tout le temps nécessaire pour se faire, il se dirigea donc doucement vers les jardins ; la nuit offrait à ces derniers des senteurs et des ombres tout à fait particulière. Cela ne valait pas l'atmosphère du Bois Sacré dans lequel il avait prié toute sa vie, mais il ne pouvait pas nier qu'il y avait quelque chose. Et puis, bien sûr, malgré toutes les belles fleurs et les haies superbement taillé, il n'y avait pas d'arbre-coeur. Aucun Barral ne projetait son ombre blafarde sur les autres plantes et c'était plus que dommageable aux yeux du jeune homme.

Ce n'est qu'au bout de plusieurs pas qu'il perçut une silhouette et tourna son regard vairon ; une femme. Plantée seule au milieu des jardins, elle semblait pensive. Durant un moment, il envisagea de la laisser tranquille, mais l'un des pires défauts d'Ades Overton était son insatiable curiosité et il finit par se rapprocher à petits pas. Il était presque impossible de rater son approche ; sa canne frappait le sol à intervalle régulier. Une fois assez proche, il la reconnut facilement ; il l'avait déjà vu au banquet. Une Dornienne, dont il n'aurait jamais su le nom s'il n'avait pas pensé à se renseigner auprès d'autres nobles de Dorne présent. Il avait bien fait de ne pas aller le lui demander directement ; Lady Alceste Forrest. Une des familles les plus importantes de la Principauté, et le genre qu'il ne fallait pas vexer. A moins que ce ne soit simplement leur blason qui leur donne cette réputation.

Toujours est-il que le jeune homme prit ses précautions et s'inclina bien bas, commençant d'un ton poli.

- Lady Forrest, c'est un honneur. Mais vous cherchiez sans doute le calme au milieu de ces jardins ; je m'en voudrais de vous déranger trop longtemps.

Ses paupières fermées, elle avait entendu la canne grincer contre les graviers. Mais l'esprit porté vers d'autres songes, elle ne l'avait pas interprété. Elle était tournée vers les terres luxuriantes et chaudes du Sud. Vers ces champs de blés encore dorés et abondants. Les forêts étaient vivantes et verdoyantes, les arbres chantaient sous la brise légère et joueuse. La mer était calme et chaude. Un goût de sel sur ses lèvres... De sel et de sang. Le ciel s'assombrit, l'obscurité tomba et de la neige, beaucoup de neige vint semer désolation et terreur. D'étranges formes, des hommes, des morts, des vies perdues et gâchées. Le bruit d'une hache qui fend l'air résonna à ses oreilles. Elle ouvrit brusquement les yeux.

- ... je m'en voudrais de vous déranger trop longtemps.

Ses prunelles glacées se posèrent sur cette silhouette dressée devant elle. Elle entr'ouvrit les lèvres avec hésitation, tout en parcourant du regard ce nouvel intervenant. Il avait une certaine assurance mais un maintient légèrement bancal, ce qui trahissait son infirmité. D'un regard, elle devina cette jambe raide et fragile, sous ce manteau. Un très beau manteau d'ailleurs. Il y a de la simplicité mais beaucoup de goût, il fallait le reconnaître. Ses yeux se perdirent sur le visage du jeune homme : des traits fins mais possédant une certaine dureté par leur forme anguleuse. Un nez droit, des cheveux de jais et un regard monstrueusement intéressant. Elle promena le sien dans ses prunelles bi-colores. On y voyait une intelligence farouche et une étrange lueur y briller. Elle resta comme cela, un instant immobile, à regard ce feu s'agiter. Puis, lentement, elle se redressa et leva doucement le menton. Elle croisa ses mains sur sa robe blanche, ceinturée d'or et de perles. Elle adopta une attitude très protocolaire, comme elle savait si bien les faire.

- Pardonnez moi, je crains que je ne vous ai pas entendu. J'étais quelque peu perdue dans mes pensées, voyez-vous. A qui ai-je l'honneur très cher ?

Sa voix était douce, pleine d'assurance et de bienveillance.

La femme prit un certain temps pour lui répondre ; en fait elle ne semblait pas l'avoir perçu approcher, sans doute était-elle plongée dans ses pensées. Le jeune homme ne lui tint pas rigueur de l'hésitation perceptible sur ses traits, il en profita plutôt pour l'observer plus attentivement. C'était manifestement une femme de la noblesse, qui vivait plongée dans ce milieu depuis toujours. La façon dont elle changea d'attitude pour s'adresser à lui était caractéristique. Elle portait une robe simple, mais son port était altier, et la richesse de sa ceinture d'or, ou des perles de nacre qu'il pouvait voir, indiquait que sa famille était très importante. Et lorsque l'on connaissait son nom, cela semblait immédiatement plus logique.

Le jeune homme se félicita d'avoir choisit ses plus beaux vêtements pour le banquet, il n'avait ainsi pas l'air d'un gueux complet. Son manteau noir était très simple, mais il recouvrait une tunique beaucoup plus ouvragée, aux fins fils d'or sur le poignet droit, et d'argent sur le poignet gauche. Même sa canne témoignait qu'il était issu d'une famille qui avait quelques moyens, enfin il tâchait de donner cette impression. Les Overton ne roulaient pas sur l'or, mais ils pouvaient se permettre quelques folies.

Lorsqu'elle s'adressa à lui, elle avait une voix protocolaire, mais très douce et très aimable, et à aucune moment elle ne tenta de le toiser. Alors que, comme une bonne partie de la population de Westeros, elle aurait très bien pu se le permettre vu la taille relativement petite de l'héritier Overton.

- Oh, il n'y a aucun mal à être perdue dans ses pensées, Madame. Bien au contraire.

S'appuyant doucement sur sa canne, il lui offrit un sourire tout ce qu'il y avait de plus aimable. Sa voix était légère et bien mesurée, témoignant d'un léger accent du Nord si l'on y prêtait bien attention. Il était cependant très loin d'avoir le ton bourru que l'on prêtait à certains des vassaux des Stark.

- Tout l'honneur est pour moi. Mais je suis Ades, de la maison Overton. Du Nord.

- Ades de la maison Overton, reprit elle doucement, Ah très certainement oui ! Veuillez me pardonner, ma mémoire me joue des tours quand la fatigue arrive. Je me souviens très bien de votre famille, de votre père en particulier. Il était arrivé dans la Principauté quelques jours avant son mariage avec votre mère, si je ne fais pas erreur, afin de choisir personnellement le meilleur vin pour ses noces. Votre mère était ravissante et votre père semblait lui porter beaucoup d'affection. J'ose imaginer que cette union fut heureuse, et l'est encore aujourd'hui.

Elle s'était levée, et tout en parlant, elle avait lentement remit les plis de sa robe correctement. Maintenant, elle souriait, se tenant un peu loin de son interlocuteur, pour ne pas l'offenser de sa grande taille. Beaucoup d'hommes détestaient cela. Elle avait toujours cette figure aimable, quelques rides plissées au coin des yeux, qui brillaient sous le feu des torches.

- Overton... C'est vrai qu'il y a beaucoup d'histoires autour de votre nom très cher. Quel dommage que votre fortune ce soit ainsi envolée. Les guerres ne font pas toujours de bonnes choses malheureusement. Et vous faites alliance aux Stark, c'est bien cela ? Ce sont des personnes d'honneur et d'un grand courage, comme le sont les gens du Nord. Mais c'est vrai qu'il ne faut pas trop compter sur eux pour renflouer les caisses par un mariage juteux, et leur seule industrie, reste la guerre...

Elle eut une mine soudainement pensive.

- C'est étrange que vous soyez ici messire. Ne vous en offusquez pas, bien au contraire. Cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas vu d'Overton à Port-Réal... Le vent tourne. Votre famille recouvra bien vite sa fortune et sa gloire d'antan, je vous pense assez intelligent pour, les Overton ne sont pas des idiots.... Et bien ! Pardonnez moi, je ne sais pas ce qui me prend ce soir ! Et voilà que je monopolise toute cette conversation ! Voulez-vous m'accompagner dans une petite promenade ? Vous me parlerez de vous et de quelles affaires vous ont amené ici.

Le jeune homme resta pendant un moment interdit, assez surpris en réalité. C'était bien la première fois que, durant l'un de ses nombreux voyages, il croisait quelqu'un qui avait connaissance de la famille Overton. Même dans le Nord, sa réputation n'était pas assez grande pour que chacun connaisse son nom ; à la différence d'un Bolton ou d'un Omble. Heureusement, la dornienne s'expliqua vite ; ainsi elle avait croisée son père. Il était vrai que, comme beaucoup de mariage, celui de William Overton avait été célébré peu de temps après la rébellion de Robert Barathéon, il avait donc sans doute profiter du déplacement des armées de Stark pour passer quelques temps à Dorne, et se fournir en vin. William Overton avait toujours été un passionné de vin, même s'il avait beaucoup moins d’occasion d'en faire étalage aujourd'hui.

- Mon père est un grand amateur de vin. Et cette union fut heureuse en effet, la mort a cependant décidé de gâcher cela. Cela fait quelques années que ma mère est morte.

Même si l'on pouvait percevoir une légère tristesse dans la voix du jeune homme, celle-ci s'adressait plutôt à son père qu'à sa génitrice. Il était encore tout jeune lorsqu'elle était morte et ne conservait que peu de souvenir d'elle. En fait, tout ce qu'il savait, il le tenait de son père. Ce qui était le plus tangible pour le jeune homme était le vide atroce que la mort de sa mère avait laissée chez son paternel. William Overton ne s'en était jamais réellement remis, et encore aujourd'hui, Ades soupçonnait que l'était physique de son père ne soit encore empiré par la souffrance émotionnelle. La Maison Overton semblait voué aux déclins et ses membres disparaissaient peu à peu ; William semblait avoir abandonné la lutte, mais ce n'était pas encore le cas de son fils.

Ades fut encore un peu plus surpris de découvrir que la Dornienne semblait connaître, au moins en partie, l'histoire de sa famille puisqu'elle faisait référence à une fortune disparue. Les Overton avaient perdu leur importance des siècles auparavant mais ils leur arrivaient encore d'en parler comme si c'était hier. Le jeune homme soupçonnait son père d'avoir un peu trop bu le jour où il était venu tester son vin mais après tout, quel mal y avait-il à ça ? Ades n'avait pas honte du passé de sa famille, bien au contraire. Peu de gens savaient qu'ils avaient un jour été l'une des plus grandes familles du Nord, et sans doute l'une des plus riches. En réalité, Ades avait émis l'hypothèse qu'ils avaient un jour possédé Blancport, et que leur chute avait commencé le jour où la ville avait été confiée au Manderly. Les Overton avait alors perdu leur meilleure source de revenus. Peut-être avaient-ils déplus à leur suzerain Stark à cette époque. De toute façon, c'était révolu et il fallait se tourner vers l'avant, ce qu'Ades faisait non sans talent.

- Les Stark sont nos suzerains en effet, et personne n'aurait à se plaindre de leur honneur. Mais le Nord est une région pauvre en effet, les sources de revenus n'y sont pas très nombreuses.

C'est pourquoi il fallait surveiller attentivement celles que l'on avait sous la main, et c'est bien ce que le jeune homme entreprenait de faire avec Port-Glacé. Ades était probablement l'un des Overton les plus soucieux de rétablir la gloire passée de sa famille, et il comptait bien user de tous les moyens pour se faire. Même si cela signifiait se rendre dans des réceptions mondaines de Port-Réal, ce que tout homme du Nord aurait réprouvé.

- Cela doit faire quelques siècles en effet. Depuis que nous avons juré allégeance aux dragons en fait.

Il préféra ne pas faire de commentaire sur sa capacité à rendre à sa famille la richesse qui lui était due ; il était inutile de paraître prétentieux. En revanche, il était totalement vrai qu'aucun Overton ne s'était rendu à Port-Réal depuis qu'ils avaient jurés allégeance aux Targaryens, quatre siècle plus tôt, alors que la ville venait d'être fondée. A l’exception évidemment, de William Overton, qui avait accompagné Lord Eddard lors de la Rébellion.

A sa proposition, le jeune homme répondit par un sourire franc et aimable. Cette femme avait l'air des plus intéressantes, et il était très intéressé d'en apprendre plus sur les coutumes de Dorne. La principauté avait toujours eu à ses yeux une valeur spéciale et il en était très curieux. C'était l'occasion idéale. C'est pourquoi il se tourna doucement vers le chemin le plus proche, s'appuyant un peu sur sa canne avant de tendre légèrement le bras, comme la bienséance l'exigeait si elle voulait le prendre pour marcher. Mais pas trop pour ne pas se montrer trop cavalier, il n'était que d'une famille somme toute modeste en comparaison des Forrest.

- Ce sera avec grand plaisir, Madame. Ces jardins sont magnifiques et une discussion ne saurait que les rendre plus intéressants encore.

Dans un aimable sourire, elle prit délicatement le bras qui lui était tendu. Ses mains fines enserrent avec douceur la manche de velours, ses doigts caressant les quelques boutons en or de ce dernier. Et d'un pas nonchalant, ils commencèrent à marcher. La nuit devenait fraiche, le vent soufflait un peu plus fort. Quelques unes de ces mèches rousses voletaient autour de son visage, tandis que de son autre main, le redressait une petite barrette en or. Puis elle adressa un sourire très aimable à son nouvel ami.

Ils gardèrent le silence quelques minutes, profitant du calme de ses jardins. Au loin, quelques hommes chantaient une hymne aux Lannister, mais seuls quelques chuchotements leurs parvenaient. Leurs souliers grinçaient doucement sur les graviers blancs, et Alceste prit la parole.

- Je dois reconnaître que votre compagnie m'est très agréable. C'est rare de nous jour de croiser une homme, ou un jeune homme avec quelques manières.

Et d'un revers de main, elle rejeta ses cheveux en arrière. Elle avait vraiment une attitude très noble, c'était évident. Malgré le fait que son nom soit plus reconnu que leurs représentants, il n'y avait aucun doute qu'elle le portait avec beaucoup d'élégance. Comme si elle était née avec.

- Pardonnez-moi, mais quel âge avez-vous mon ami ? Si je me fie à mon expérience, je ne vous dirais pas beaucoup plus vieux que le Prince Joffrey. Je me trompe ? Mon plus grand fils est à peine plus âgé que ce dernier. J'ai eu mes enfants très tard avec Lord Dagos. Sans cesse sur le champ de bataille contre les seigneurs du Bief.

Elle esquissa un sourire un peu nostalgique.

- Il faut dire que ces derniers nous donnait un peu de fil à retordre. Bien que nos tensions se soient quelque peu atténuées avec les nouvelles générations, il ne reste pas moins que la moindre occasion de querelles est immédiatement saisie.

Un petit soupir s'échappa de ses lèvres roses. Ils s'étaient arrêtés près d'une petite fontaine. L'eau était troublée par quelques petits poissons et sa surface se plissait sous le souffle tiède du vent.

- Mon aîné se prénomme Mors. C'est presque un homme maintenant, il ne tardera pas à reprendre le domaine. Son tempérament fougueux lui attirera sans doute quelques ennuis mais il restera un bon seigneur, fidèle, juste et surtout très habile dans les affaires. Mon fils a l'or dans le sang !

Un rire gracieux s'échappa, tandis qu'un sourire attendri étirait à présent ses lèvres.

- Mon cadet est sans doute moins fougueux, mais il agit beaucoup en silence. Un véritable prédateur. Il fera un très bon conseiller. A mon retour, je pense l'envoyer dans une grande famille, sans doute les Lannister, pour qu'il fasse ses armes et son éducation. Il prendra sans doute un domaine moins vaste quand il sera plus vieux, mais je pense que sa place au coeur des intrigues et non sur un trône. Il n'est pas fait pour ce genre de directives. C'est quelqu'un de plus libre, je crois.

- Vous me flattez, Madame. Je ne fais que mettre en application ce que l'on m'a appris, rien de plus.

Son sourire était toutefois chaleureux lorsqu'il répondit. Sans doute exagérait-elle un peu, tous ceux qu'il avait croisé jusqu'alors étaient très soucieux du protocole. Quoique, parmi les jeunes hommes nobles, beaucoup se montraient beaucoup moins à cheval sur l'étiquette quand ils parlaient avec des nobles de rang inférieurs. Peut-être que ce genre de mauvaises habitudes finissaient par faire oublier quelques détails du protocole. Toutefois, le jeune homme préféra ne pas émettre de jugement là-dessus, même s'il n'alla pas directement contre l'avis de la Dornienne.

Il marchait d'un pas lent, mais très souple pour quelqu'un souffrant d'une infirmité comme la sienne. A sa démarche, on devinait qu'il vivait avec depuis très longtemps, et qu'il avait appris à porter cette canne avec toute la noblesse dû à son rang. Il arrivait que les gens le voient plus vieux qu'il ne l'était, à cause de cette démarche et du visage fermé qu'il pouvait arborer tantôt. Mais avec les sourires qu'il adressait à sa compagne depuis qu'ils avaient commencés à discuter, il devait paraître bien plus jeune.

- J'ai quelques années de plus que le prince, en effet. Dix-sept ans pour être exact.

Ades eut l'air touché de voir cet air de nostalgie sur les traits de son interlocutrice ; il ne savait pas beaucoup de chose de la maison Forrest actuelle, mais il en savait assez pour savoir que le mari de Lady Alceste était mort. On ne pouvait alors que comprendre cette façon de voir les choses. Il tâcha donc de prendre un ton aussi doux que possible.

- Les querelles qui opposent les Dorniens aux vassaux de Hautjardin sont légendaires, on peut remercier les Dragons d'avoir un peu calmé le jeu.

Il écouta avec attention la description des deux enfants, si elle disait vrai, elle avait sans doute eu un peu de chance. L'aîné était fait pour gouverner, le cadet pour conseiller. Le drame serait que cela soit l'inverse, quoique peut-être que leur place dans l'ordre de succession avait guidée l'éducation qu'ils ont reçus.

- Il est vrai qu'être doué dans les intrigues ne prédisposent pas réellement à gouverner, contrairement à ce que beaucoup semblent croire ici. Ce qui est fort dommage pour l Royaume.

Avec un rire léger, il se pencha un instant sur les poissons voguant lentement dans l'eau calme, les détaillant de son regard vairon.

- Je suis fils unique, aussi dois-je me contenter des conseils de mon Mestre. Oh, il est très doué au demeurant, il vient de chez vous d'ailleurs, de Dorne. Mais avoir un frère aurait sans doute été un plus non négligeable dans la gestion du domaine, il s'agit d'une oreille autrement plus proche de vous que le meilleur conseiller du monde. Enfin, je suppose.

- Dix-sept ans vous dites ? Et bien... Cela ne me rajeunit pas ! dit elle dans un sourire amusé, vous êtes jeune messire, vous avez encore beaucoup de chemin à parcourir avant de vous préoccuper de votre conseiller. Un frère... Avant d'être de sang, il faut encore qu'il soit de coeur. Regardez Sire Robert et Lord Stark. Ils sont très amis depuis leur jeunesse et je ne doute pas que Stark remplira bien mieux ses fonctions auprès du Roi que Stannis ou Renly Barathéon. Les frères de sang ne sont pas fait pour travailler ensemble à mon sens. Il faut instaurer un certain pied d'égalité entre eux et quelque soit l'âge. Si l'un travaille pour l'autre, c'est une éducation entière qui est remise en question. Il faut prendre un chemin séparé, que chacun puisse faire ses preuves. Cela me paraît essentiel à la bonne entente dans la famille. Mais assez parler de cela ! Dites moi donc ce qui amène à Port-Réal très cher ?

Elle retira sa main du bras de son compagnon, et s'assit au bord du bassin. Le bout de ses doigts frôla la surface de l'eau et elle ne put réprimer un petit frisson qui pointilla sa peau blanche. Elle se perdit un instant dans ses pensées, pendant que le fils Overton prenait place à son tour. Elle erra autour de la situation financière de Tombe-Du-Roy, pensant avec regret qu'il faudrait qu'elle se remarie avant que Mors prenne les rennes du pouvoir, afin de renflouer les caisses et lui restituer un domaine capable de résister à l'Hiver. Elle se refusait d'épouser un seigneur avoisinant, ils étaient trop... pingres à son goût et trop intéressés par le domaine. Cela ne conviendrait pas. Ce qu'il faudrait, c'est un homme très riches, puissant, qui ne chercherait pas à s'encombrer d'un nouveau domaine mais qui le soutiendrait financièrement en échange de vivres de qualité et de denrées rares. Ce serait un bon marché, une porte grande ouverte vers les Terres Libres et le raffinement des terres très au Sud contre de l'argent.

Ades ne fit aucune remarque sur l'âge de son interlocutrice, déjà parce que c'était très impoli mais surtout parce qu'il était incapable de lui en donner un précis. Oh bien sûr, il la savait bien plus âgée que lui, puisqu'elle semblait avoir connue son père alors qu'il était bien plus jeune. Cependant, il avait toujours du mal à donner un âge aux gens, Lady Alceste avait encore les trait fins et doux, avec seulements quelques rides. Elle avait sans doute le double de son âge, peut-être un peu plus. Dans tous les cas, il n'allait pas se permettre une quelconque remarque à ce sujet, il y avait des limites à ne pas franchir.

- Oh, je n'ai jamais souhaité qu'un frère travaille pour moi. Il s'agit d'une relation plus profonde, un travail d'équipe si je puis dire. C'est pour cette raison que je suis persuadé que Lord Eddard fera un travail merveilleux en tant que main de notre Roi.

Une fois cette petite rectification faite, il abandonna bien vite le sujet, puisque c'était ce que désirait la Dornienne. La laissant aller s'installer à la fontaine, il s'approcha à peine, inspectant de plus près l'architecture de la petite place, ainsi que les poissons qui peuplaient l'endroit. Cela lui donnait l'occasion de réfléchir à sa réponse. Non pas qu'il ait particulièrement honte des raisons qui l'amenaient ici, bien au contraire. Mais il y avait une façon particulière de présenter les choses et il tenait à ce que ce soit bien fait. Apparemment, cette femme n'avait pas de rancune particulière contre les Lannister, puisqu'elle envisageait de leur envoyer son fils, il pouvait donc parler librement avec elle. Face à un autre Seigneur du Nord, cela aurait été un peu plus complexe ; la plupart n'avait qu'un profond mépris pour les Suzerains de l'Ouest, sans doute à cause des tensions que tout le monde connaissaient entre Stark et Lannister.

- Eh bien, je suis là pour affaire, simplement. Les régions du Nord sont pauvres car beaucoup de mes collègues semblent croire que nous vivons toujours dans le Royaume du Nord, et non plus dans le Royaume des Sept Couronnes. Il faut s'ouvrir aux autres régions, elles offrent des opportunités insoupçonnés.

Se tournant un peu plus vers son interlocutrice, il lui offrit un large sourire, aux fossettes qui soulignaient son visage juvénile.

- Et je suis venu me fournir en Septon, je compte bâtir un Septuaire dans une des villes qui dépend de notre fief.

L'idée pouvait paraîtrre saugrenue dans le Nord où tout le monde vénéraient les Anciens Dieux. Mais Port-Glacé avait pour vocation, du moins dans l'esprit d'Ades, de devenir un port de commerce, et les marins avaient besoin de prier. Leur donner un sanctuaire pour se faire était bien le minimum que pouvait faire Ades. Plus sérieux, il ajouta.

- Quant à ma présence à la cour, il s'avère que j'y ai été invité par Ser Jaime Lannister, de la Garde Royale. Il prétend que mes … talents particuliers dans la multiplication des pièces, pourrait être utile à la Cour. Je dois d'ailleurs bientôt partir pour l'Ouest, à Castral Roc.

Dans la bouche d'un autre homme, cela aurait put sonner comme des vantardises, mais Ades présentait cela avec toute la simplicité du monde. Il ne faisait qu'évoquer la vérité après tout.

- Ser Jaimie Lannister dites-vous ? Voilà qui est intéressant. Je ne pensais pas qu'il serait de ce genre-là. Comme quoi il ne faut pas toujours se fier aux rumeurs, sourit-elle, Et comme cela semble être de mode de vous avoir chez soi ser Overton, permettez-moi de vous inviter à mon tour dans ma seigneurie. Je donnerais ma main à couper que l'histoire fascinante des guerres de Dorne contre le Bief et la Couronne vous plairont !

Elle lui adressa un sourire aimable. Elle passa une main dans ses cheveux roux et fit tourner quelques boucles autour de ses doigts, l'air pensive. Et lentement, elle fit glisser ses doigts sur sa chaîne d'or, où était suspendue un petit crâne, en or également. Les orbites étaient enfoncés de deux gros diamants qui brillait d'un éclat blafard, fantomatique. Elle le fit rouler entre son index et son pouce, et reprit soudainement :

- Aimez-vous le vin messire ?

Elle posait cette question de manière innocente, sans avoir réellement de but à part celui de maintenir la conversation. C'est vrai, il fallait le concéder, Lady Alceste était parfois une sacrée bavarde. Tout dépendait de son humeur en réalité. Son caractère était très changeant selon tout un tas de facteurs. Elle n'était pas très prévisible, ce qui rendait la Lady intéressante.

Ades resta un instant interdit en entendant la proposition de sa compagne ; non pas qu'elle n'était pas flatteuse. C'était au contraire une occasion en or ; les Forrest n'étaient peut-être pas les Martell, mais ils étaient une maison bien connue et respectée dans tout Dorne, craint partout ailleurs. Il s'agissait d'un grand honneur ; mais c'était à se demander ce que tous ses gens lui trouvaient, il avait à peine fait ses preuves pour le moment. Bien sûr, il était dans ses intentions que les choses se déroulent ainsi, mais pas aussi vite. La Dornienne avait-elle des vues sur les Lannister pour qu'elle tente ainsi d’accueillir quelqu'un qui venait de se rendre chez eux ? Cela semblait l'hypothèse la plus logique ; pour une raison ou pour une autre, elle cherchait à se renseigner sur les actions des Lannister. Du moins, c'est ce qu'Ades en conclu, ce qui ne l'empêcha pas de répondre de la manière la plus polie du monde.

- Ce serait un grand honneur Madame, mais j'ignore encore combien de temps durera mon voyage dans l'Ouest, aussi ne puis-je pas vous dire quand je pourrais me rendre chez vous. Nous pourrions nous informer via courrier ?

Il suivit des yeux le mouvement de ses mains ; elle possédait un sacré nombre de bijou en or, voir même en diamant. Preuve, s'il en fallait, que sa famille avait les moyens. Tandis qu'Ades n'arborait qu'une unique pierre précieuse ; un saphir qui ornait le pommeau de sa canne, et qui appartenait à sa famille depuis bien longtemps. Heureusement, c'était là un détail que peu de gens connaissaient.

- J'ai déjà lu beaucoup de récits concernant ces guerres, mais je serais ravi d'en découvrir de nouvelles versions, ajouta-t-il avec un sourire enjoué.

La question suivante le surpris, pas vraiment parce qu'elle le dérangeait mais parce qu'il n'en comprenait pas réellement l'intérêt. Cherchait-elle à déterminer la personnalité de son interlocuteur par ce qu'il aimait ? Finalement, le jeune homme choisit de répondre avec franchise, dans la plus pure simplicité.

- Eh bien, mon père en est un grand amateur et il a tenté de m'éduquer en ce sens. Même si je ne suis pas aussi callé que lui dans cette discipline, j'aime assez le goût du vin en général. En revanche, je n'aime pas trop ses effets. *il se tapota la tempe avec un sourire* J'aime avoir l'esprit clair et cette mixture a tendance à ne pas aider. Aussi ais-je pris l'habitude de ne pas en abuser. Et vous, Madame ?

Ah oui. C'est vrai qu'il était prévu que cet Overton aille à Castral Roc. Décidément, ce jeune homme semblait assez important aux yeux des Lannister. Un invité des plus prisé. Elle eut une moue un peu étrange, puis, lentement, elle se leva et fit quelques pas, en silence. Qu'avait-il donc de si particulier pour attirer l'attention de ser Tywin et ser Jaime ? Apparemment, il semblait assez bon dans les affaires et les intrigues, sans doute est-ce pour cela ? Mais peut-être qu'au fur et à mesure il finirait par représenter un danger pour ses affaires à elle. Si le Nord venait à se mêler de ces choses là... Elle fronça légèrement les sourcils, tout en écoutant les dernières paroles du jeune homme. Puis, dans un sourire des plus aimable, elle reprit :

- Fais donc cher ami, faites donc ! Je vous laisse aller vers l'Ouest et revenez moi quand l'envie de chaleur et de bien-être vous animera. La rumeur d'un nouvel hiver nous est parvenue. Et que ce soit à Blanc-Port ou Castral Roc, il ne fera jamais plus doux que dans l'extrême Sud ! Quand vous viendrez, nous irons visiter les Martell, je suis certaine qu'ils seront ravis de faire votre connaissance. Et éventuellement, appréhender quelques frais et quelques vivres pour vous, afin de vous rendre l'immense honneur de votre venue.

Elle s'inclina doucement, pour compléter ses dernières flatteries. Si ce garçon était aimé des Lannister, il valait mieux qu'il ait une très bonne image d'elle, généreuse et riche, à offrir aux lions. Surtout si sa première ambition était de placer son cadet. La Lady lui adressa un sourire mystérieux et reprit sa marche.

- D'ailleurs, pendant que j'y pense, c'est une affaire très noble qui vous envoie à Port-Réal. Vous avez tout mon soutient dans cette entreprise. C'est une bonne idée d'apporter la culture des Sept Dieux dans le Nord, surtout dans un port. Vous semblez de très bon conseil, je vous le concède.

Un nouveau sourire, très charmant, tira ses lèvres roses.

- Pendant que j'y pense, quand vous irez à Castral Roc, pourriez-vous éventuellement, m'introduire auprès de ser Tywin ? Je vous en serais éternellement reconnaissante, si cela vous-plaît, bien entendu. Je n'oserais m'imposer auprès de vous.

L'immense honneur de sa venue ? Le jeune héritier ne put s'empêcher d'arborer un léger sourire en entendant cela dans la bouche de Lady Forrest, tout en suivant son petit manège des yeux. Apparemment, elle était en train de réfléchir à quelque chose, incluant probablement Ades dans un nouveau plan, en rapport avec les Lannister aussi sans doute. Elle estimait peut-être un peu trop la valeur du jeune homme par contre, voire même en faisait un peu trop, mais il n'allait pas s'en plaindre. Pour une fois qu'il n'était pas traité comme le dernier des gueux par un membre d'une très grande famille, à de rares exceptions près évidemment.

- Ce serait un grand honneur Madame, j'ai toujours été intéressé par la Principauté. Me rendre à Lancéhélion avec vous serait un plaisir.

Nouveau sourire quand elle s'inclina légèrement, puis évoqua la religion des Sept. Le jeune homme s'empêcha tout de même de froncer les sourcils ; cela ressemblait beaucoup à une moquerie de sa propre religion. Ou a un mépris à peine dissimulé, et même s'il n'était pas féru de religion, il vouait un grand respect aux Anciens Dieux. Il choisit simplement de croire à une simple erreur et ne s'appesantit pas là-dessus, sinon pour répondre doucement.

- Oh, je ne pense pas que le Nord ait besoin de la culture des Sept. Les Anciens Dieux nous suffisent bien, mais pas aux marins.

Lorsqu'il se tourna de nouveau vers elle, Lady Forrest arborait un sourire charmant, et lui demanda s'il pouvait parler d'elle à Lord Tywin lorsqu'il le verrait. C'est alors qu'il comprit quel était l'intérêt de cette femme dans cette histoire. Non seulement elle comptait placer son plus jeune fils chez les Lannister, ce qui serait une excellente opération, mais en plus, elle était veuve. Lord Tywin Lannister était veuf. Elle était issue d'une famille puissante, et riche. Cela n'avait que peu de chance de fonctionner, mais c'était à tenter. A moins bien sûr que le jeune homme ne se fasse des idées, il avait parfois tendance à beaucoup trop extrapoler. C'est donc avec un sourire tout ce qu'il y a de plus poli, mais des yeux qui brillaient de curiosité, qu'il répondit à son interlocutrice.

- Je ferais mon possible pour se faire Madame, vous avez ma parole.

Les lumières des torches s'éteignaient peu à peu. La nuit commençait à les entourer de sa gueule brûlante, sans fond. Au loin, étouffés par la chaleur, les murmures de quelques bagarres leurs parvenaient encore, bien que chaque seconde passée les atténua davantage. Un vent du Sud souffla vers eux, transportant quelques grains de sables de la Néra... ou d'ailleurs. D'un geste lent, mais non dénué de grâce, elle balaya ceux qui s'étaient posés sur son épaule, sans se rendre compte que quelques uns brillaient dans sa chevelure de feu. Puis, elle redressa son visa quelque peu ridé vers la nuit qui s'étendait devant eux comme le noir d'un chaos. Un mince soupir traversa ses lèvres fines, puis, croisant ses mains devant elle, elle s'approcha du bord du jardin, le regard perdu.

Elle se mettait à rêver des Terres de l'Ouest. Le temps paraît-il, est doux là-bas, en hiver comme en été. Les champs sont verts et ils prospèrent. Les fruits de la terre sortaient en abondance, gros, chauds et plein de chair juteuse et sucrée. Elle ferma les yeux et sentit presque ce vent humide et salé venant de la mer caresser son visage, pendant qu'à ses oreilles résonnaient les cris des marins de Port Lannis. Et ses champs ouverts, d'orges et de blés verts, ces animaux ventrus et gras, repaissant tranquillement au bord d'un étang. Ces femmes à la peau légèrement brunie par les embruns marins... Un mince sourire étira ses lèvres et lentement, elle dit :

- Oui je vous en prie, aidez mon fils à devenir un homme...

Elle mettait bien évidence la raison de son fils pour légitimer en toute bonne foi la raison de son approche envers Lord Tywin. Et si l'on tendait oreille aux rumeurs, il paraissait même que Lord Jon Arryn avait eu projet d'envoyer son propre rejeton là-bas également. A moins que ce ne fut Lord Stannis. Les deux rumeurs s'y prêtaient et aucune ne dispensait de prestige.

Ce furent des bruits de pas tout affolés qui réveillèrent dans un vague sursaut la Lady.

Lorsqu'il lui assura enfin qu'il ferait tout son possible pour l'aider, le silence retomba sur les jardins, pendant de longues minutes. La Lady semblait totalement perdue dans ses pensées, à voir la façon dont elle avançait au milieu des arbustes. Son regard s'était fixé sur l'horizon, et manifestement ses pensées n'étaient plus exactement ici. Bien évidemment, Ades se garda de faire la moindre remarque à ce sujet, il se contenta simplement de la suivre du regard, réfléchissant dans le même temps.

Concrètement, apporter son aide à Lady Forrest dans cette histoire ne lui rapporterait pas grand chose ; ce n'était pas cela qui allait l'aider à se faire bien voir des Lannister. Oh, il pourrait sans doute se faire un peu connaître à Dorne, mais il doutait que cela soit réellement utile. D'autant que tout le monde connaissait l'aversion qu'éprouvait la famille Martell pour les Lannister, et pour les Barathéon … et pour les Stark aussi. Enfin, contre à peu près toutes les familles qui avaient participé à la rébellion du Roi Robert. Bien sûr, on ne pouvait que comprendre une telle attitude étant donné les pertes qui avaient secoué la famille Princière, mais cela n'arrangeait pas les affaires d'Ades. Dorne n'était pas réputée pour sa richesse, mais commercer avec elle par le biais de la mer pouvait s'avérer très intéressant ; sa situation très au Sud lui offrait l'accès à des mers que les Nordiens ne connaissaient que trop peu. Compte tenu de tout cela, Ades pouvait bien tenter de l'aider ; ce n'est pas comme si cela lui demanderait un effort particulier.

Aussi, lorsqu'il l'entendit ouvrir de nouveau la bouche, il ne tarda pas à lui répondre, avec un léger sourire.

- Je ne doute pas qu'il n'aurait pas besoin de moi, Madame. Mais ce sera fait.

C'est alors qu'un bruit de pas précipités le fit se retourner. Un jeune homme leur fonçait dessus, manifestement un Nordien vu ses habits, le blason Overton était brodé sur son uniforme. Il semblait avoir couru un long moment car il prit quelques secondes pour reprendre son souffle. Il s'inclina poliment devant la Lady, puis s'adressa à Ades. Et bien qu'il dépasse l'héritier Overton d'une bonne tête et de quelques années, il s'adressait à lui avec la plus grande déférence.

- Mylord, vous vouliez être prévenu si … vous restiez un peu trop longtemps … Le banquet ...

Ades ne lui tint pas rigueur de l'erreur qu'il avait faite ; la plupart des membres de sa garde avait tendance à lui donner le titre de Lord par erreur, surtout en présence d'autres personnes. Habituellement, on n'employait peu ce titre dans le Nord, mais quand ils voyageaient dans le Sud, ils l'accolaient n'importe où. Le jeune homme le coupa avant qu'il ait terminé. Il était vrai qu'il avait demandé à être prévenu s'il manquait une trop grande partie du banquet, ce serait mal vu pour quelqu'un de son rang. Et il ne pouvait se permettre ce genre d'excentricité. Aussi se retourna-t-il vers Lady Forrest avec un sourire désolé, s'inclinant bien bas.

- Madame, je crains de devoir vous laisser en effet. Il y a quelques personnes que je ne saurais faire attendre. Ce fut un plaisir, et j'espère avoir celui de vous revoir, en temps voulu.

Attendant quelques instants sa réponse, il ne tarda toutefois pas trop à prendre le chemin du retour, en suivant le jeune homme qui l'avait prévenu.