An 298 - Lune 12 - Semaine 1 - Jour 2

Elle courait dans la neige fraîche déjà craquante sous ses pieds. Des flocons virevoltant au vent venaient frapper doucement son visage, réchauffé par les traits heureux de son visage. Au milieu de ses rires se distinguaient les grommellements de son petit frère Bran, dont les pas suivaient maladroitement les siens, tout deux manquant parfois de glisser au détour d'une vieille bâtisse dont les pierres froides servaient d'appuis à leurs petites mains encore pleines de terres. On les regardait courir, avec des yeux amusés ; beaucoup avaient arrêté de chercher à les réprimander, ce que lady Stark savait parfaitement faire elle même. On se retourna un peu plus lorsque la petite fille finit par trébucher dans un bruit sourd, tombant le nez dans la fine couche de neige, rattrapée par son frère. Arya rouvrit les yeux. Au dessus d'elle, un plafond pâle, presque sans saveur... Un plafond ?

Elle se redressa d'un coup, ses mains crispant ses draps tout défaits. Pas les draps épais de sa chambre à Winterfell, non. Ils étaient plus fins et moins confortables ; ceux de Port-Réal. Dans un soupire, elle se leva vivement et se dirigea directement vers un petit coin de la chambre où l'attendait une bassine et quelques affaires dont elle disposait pour sa toilette. Plongeant les mains dans l'eau, elle s'en étala simplement un peu sur le visage, attrapant ensuite la serviette soigneusement pliée, s'essuyant rapidement avant de la reposer en boule sur la petite table d'à côté. Voilà qui était fait. Arya releva un instant les yeux jusqu'au miroir en face d'elle. Ah, si sa mère voyait l'état de ses cheveux... Elle y passa un coup de brosse rapide pour les coiffées vers l'arrière, histoire de ne pas imposer une totale vision d'horreur lorsque la Septa Mordane la verrait. Car c'était auprès d'elle qu'Arya allait devoir passer un petit moment de la matinée, y compris pour le petit déjeuner et, d'ailleurs, elle était déjà assez en retard. Elle se changea rapidement, pour une tenue dont l'apparence n'allait pas plaire non plus, toute froissée et sans que les formes n'aient été alors soignées. Elle imaginait déjà le regard presque dégoûté de Sansa lorsqu'elle la verrait ! Mais qu'importait, son avis était loin d'être primordial. Elle s'y sentait mieux, et c'était un fait qui lui était amplement suffisant.

Arya passa la lourde porte de sa chambre, entamant son chemin d'un pas qui se voulait tout sauf enthousiaste. Mordane avait le dont de l'ennuyer, souvent plus que Sansa. Une Sansa qui se montrait même plus agréable, ces derniers temps... Mais par pitié, pas la Septa ! Syrio était tellement mieux. Mais les décisions de son père étaient des choses que l'on pouvait difficilement contrer. Elle traversa un couloir, puis deux. La vie ici était différente, plus qu'elle n'aurait pu le penser. L'absence de ses frères faisait le gros de la différence. Arya les regrettait autant qu'elle espérait pouvoir les voir bientôt. Leur montrer les progrès qu'elle avait fait, épée en main ! L'attente lui en était parfois insoutenable. Et grâce à Syrio, elle avait également trouvé un autre passe-temps : attraper les chats qui pouvaient errer, un peu de partout. C'était un bon entraînement, qui était amusant et pouvait lui faire ressentir une grande fierté lorsqu'elle réussissait l'exercice. D'ailleurs, n'en était-ce pas un qu'elle venait de voir passer calmement au coin du mur d'en face ? Elle s'y précipita, son regard s'illuminant lorsqu'il se posa bel et bien sur l'animal.

Un coup d'oeil à droite, un autre à gauche. Un dernier derrière elle. Aucun signe de son père, ni de Sansa, ni de Mordane. Se mordillant la lèvre inférieure, il ne lui en fallut pas plus : elle était déjà à sa poursuite. Prenant le soin de ne pas bousculer trop de gens au passage, dont elle ne voyait même pas les visages tant son regard était focalisé sur le chat, elle se retrouva vite bien loin de la salle où elle devait se rendre. D'un côté, c'était bien ! L'animal était bien plus distrayant, de quoi la mettre de bonne humeur pour la journée. Enfin, si elle réussissait à l'attraper.

« Allez, viens là ! »

Sa main lui frôla plusieurs fois le pelage du félin, mais rien n'y faisait. Infatigable et loin de vouloir abandonner, elle le suivit bientôt jusque dans la cour inférieure, tournant un peu en rond, longeant des tours et autres baraquements de gardes pour finalement arriver dans les écuries. Se ruant à l'intérieur, Arya vit sa cible grimper vivement sur quelques caisses pour finalement se hisser sur une poutre. Enfin, il était coincé ! Souriante, elle s'approcha des caisses, dont le bois fins craqua légèrement sous son petit poids. Un pieds après l'autre, se tenant fébrilement à ce qu'elle pouvait avoir sous la main, elle arriva bientôt en haut de la dernière, tendant une main vers la poutre ou le chat la regardait avec de grands yeux ronds.

« T'aurais pas pu choisir plus simple ? Et puis, c'est même pas une bonne cachette ! »

S'avançant encore un peu plus sur la caisse, la pointe de ses pieds au bord du vide, elle l'attrapa par le col, mais sa main lâcha rapidement sa faible emprise et, dans le gros bruit des caisses se renversant, elle se retrouva à terre. Elle n'avait pas chuté de très haut, mais vouloir atterrir sur ses pieds avait sans doute été une erreur : assise au milieu du bazar, sa cheville lui faisait mal. Mais pas question d'appeler à l'aide ; si quelqu'un la trouvait là, elle allait avoir droit à de sacrées représailles. Les sourcils froncés, elle regarda le chat filer, tandis qu'elle tentait de se relever. Si elle avait su, Arya ne serait pas montée là-haut. Elle avait beau être assez agile, elle était loin de disposer des dons que pouvait avoir Bran en la matière. Ça lui servira de leçon, une fois de plus.

An 298 - Lune 12 - Semaine 1 - Jour 2

Malgré sa volonté de fer, l'ultimatum se posa rapidement. Arya ne voulait pas demander de l'aide non, mais elle ne pouvait pas non plus rester plantée là. On finirait par la remarquer, puis la reconnaître, et les Sept savaient que ça n'allait pas plaire à certains. Une jeune lady aillant échappé à ses obligations n'avait que d'autant plus rien à faire dans la poussière et la boue des écuries. Elle essaya encore, ses petites mains se fondant dans la saleté du sol, tandis qu'une nouvelle grimace écorchait les traits de son visage sous la douleur de l'essai. Se mordillant la lèvre, elle chercha à puiser un peu de réconfort et d'aide dans ce qu'elle pouvait se souvenir des paroles de Syrio. Il lui en apprenait tellement ! Et des choses bien plus utiles et surtout, bien plus intéressantes que tout ce qu'elle avait pu entendre jusqu'à présent en matière d'éducation. Et ainsi, selon son professeur, chaque douleur était une leçon. Autant que chaque leçon vous faisait progresser. Des mots bien pensés et qui s'avéraient bien justes, mais pas autant lorsqu'on ne pouvait même pas s'en relever... Mais ça demeurait une leçon. Soupirant, elle essaya une nouvelle fois, mais son attention fut détournée par une voix d'homme qui, après une légère réflexion, semblait s'adresser à elle. Arya leva les yeux vers lui, grand et épée à la main, lui demandant ainsi si elle avait besoin d'aide. Quelqu'un qu'elle ne connaissait pas. On lui avait beaucoup répété de ne pas parler aux inconnus. Tentative d'éducation qui semblait donc avoir plutôt réussi, puisque c'est une des premières choses qui lui vint à l'esprit. Mais ça n'était pas pour autant qu'elle écouterait cette parole sortie tout droit de la bouche d'adultes en tout genres. Autant qu'elle n'aimait pas leur obéir, elle avait bien plus l'habitude de suivre ses propres envies et, surtout, ses propres instincts. Enfin, dans la mesure du possible. Mais ici, il n'y avait personne pour la réprimander, et puis il était simplement gentil, apparemment.

« Non, je pense que ça va aller, mais merci. »

Arya n'avait encore une fois pas usé de l'attitude ou du langage que l'on pouvait attendre d'elle, celui que l'on s'était évertué à tenter de lui imposer avec beaucoup d'acharnement. Elle soupira un peu. De toute façon, en y pensant bien, avec quoi rimerait le fait de se faire aider ? Qu'il la ramène auprès de son père ? Tout le monde ici savait qui étaient les Stark. Enfin, c'était ce qu'elle avait pu constater, surtout à cause du statu de son père et elle pouvait donc que s'imaginer que l'homme l'avait sans doute reconnue. Elle, la fille de la Main du roi, dont l'absence à bon port allait sans doute commencer à inquiéter sous peu. Quoique d'habitude, les gens au courant de son rang la vouvoyait... Ce qui n'avait pas été le cas. Mais elle ne chercha pas à se poser plus de questions. Rapidement, elle tourna la tête vers le sol, posant une main sur sa cheville qu'elle regardait avec une inquiétude certaine avant de retenter le coup une nouvelle fois. Arya poussa sur ses jambes, prenant plus d'appui sur le côté intact, mais ce fut une nouvelle désillusion lorsqu'elle perdit l'équilibre pour se retrouver une nouvelle fois à sa place initiale. Elle grimaça encore, relevant aussitôt la tête vers l'homme.

« En fait, si... Pour me relever. »

Se relever, oui. Mais la ramener, pas vraiment. Une affaire déjà bien claire dans sa tête ; elle espérait simplement pouvoir se déplacer seule ensuite. Elle trouverait bien un moyen, non ? A cloche-pied, ou quelque chose du genre, ça ne lui faisait pas peur. Mais peut-être ne pourrait-elle pas non plus. Arya espérait, et c'était à peu près tout, alors qu'elle se forçait à afficher un petit sourire à l'homme, sentant une douleur amplifiée émanant de sa cheville devenue chaude.

An 298 - Lune 12 - Semaine 1 - Jour 2

La réponse de l'homme fut tout à fait ce qu'Arya aurait pu redouter, même si la suite de ses paroles s'en voyait toute légitime. Elle l'en pensa plus que gentil, se voyant évidemment lui faire confiance, contre les indications que l'on avait pu lui donner auparavant. Mais l'un n'en entraînait pas forcément l'autre, et il n'allait certainement pas être capable ou juste autorisé à la défendre une fois rentrés ; il pourrait même empirer les choses. Non, elle voulait s'en débrouiller seule pour cette affaire, entêtée même contre l'idée de ce qui était évident et inévitable ; elle était foutue de toute façon. Et comme il avait posé son doigt sur sa bouche, Arya attrapa sa main avec la sienne qui en était au moins deux fois plus petite et, le regardant fixement dans les yeux dont la couleur environnait joliment celle des siens, elle lui rendit un peu son sourire avant de lâcher :

« Non, ne me ramenez pas. Ça serait pire. »

Son ton était armé de la meilleure conviction du monde, mais elle était encore en train de chercher le moyen d'éviter ce "pire" ; revenir en douce et faire en sorte de ne pas boiter du tout, ou feindre de tomber juste devant les yeux de la Septa pour justifier habilement la blessure... En s'étant déjà nettoyé un peu après cette escapade secrète. Mais le pire de cette histoire n'était pas là, et il vînt frapper l'esprit d'Arya en lui procurant une légère grimace ; ses leçons avec Syrio pourraient-elles être modifiées, voir pire, annulées pendant un petit temps à cause de sa cheville ? Hors de question ! Empoignant correctement la main de l'homme, la petite se hissa avec toute sa force pour se remettre debout, avec l'appui de sa forte jambe intacte, détaillant un peu l'homme de haut en bas.

« Je suis Arya.. Stark. »

Si il ne le savait pas déjà, mais peut être comprendrait-il mieux comme ça ; et puis, il avait déjà l'air assez avertis sur la question, ce qui intrigua un peu la petite autant qu'elle pensait pouvoir lui faire un peu confiance sur la situation. Et comme elle relevait les yeux vers le visage de l'homme, elle se força un nouveau sourire. Les questions qui lui brûlaient les lèvres sortirent d'elles-mêmes.

« Vous êtes qui, un chevalier ? Je ne vous ai jamais vu avant. Et comment vous savez que je ne veux pas rentrer, vous êtes pareil ? »

Des chevaliers, elle ne se lasserait jamais d'en croiser et de les questionner à tout va, mais malheureusement, peu croisaient le chemin de la jeune lady ; aussi elle se contentait en majeure partie de l'image idéalisée qu'elle se faisait d'eux, bien évidemment basée sur ses modèles de toujours : ses frères Robb et Jon. Et aussi loin que ses rêves pouvaient l'emmener, elle se voyait déjà comme devenir l'un d'eux, bravant ce qui lui avait toujours été imposé en tant que fille ; ce qu'elle s'évertuait beaucoup à faire déjà. Et en plus de ce qu'il savait "très bien déjà", il pourrait peut être comprendre ça aussi, et l'aider. Comme quoi les gentils inconnus, ça pouvait exister, au contraire de ce que l'on pouvait lui apprendre.