Andrik inspira profondément l'air du port. Ça puait méchamment. C'était probablement là qu'on déversait toute la merde de la ville. Normal, l'eau allait à la mer, et la merde qui était dedans aussi. Mentalement, le Fer-Né ajouta ce point à l'interminable liste des raisons pour lesquelles il fallait rester loin de la mer.

Pourtant, à bien y réfléchir, il aimait bien les ports et les navires. Non, en revanche, l'eau, une fois qu'on dépassait la profondeur à laquelle il avait pied, il détestait. Il savait un peu trop bien ce qu'on pouvait trouver dans les abysses pour apprécier de passer au-dessus.

Il tâta sa bourse. Puis il tâta ses bourses. Les deux étaient bien remplies, et il commença à se demander dans quelle bordel pas trop dégueulasse il pourrait aller. Mais ses pensées, comme toujours, étaient instables et chaotiques.

Je pourrais aller payer quelques pièces et en enfourner une. Oui mais une propre. Parce que si je tombe malade, après, je vais devoir voir un mestre et subir sa morale. Qu'est-ce que je déteste les septons ! Ou les mestres, c'est pareil. Je pourrais aller au Septuaire. Ah non, y a des gardes, probablement. Oui mais si je les bute ? Non. T'emmerdes pas. Tu t'en fous de ce septuaire. Sinon je pourrais sortir de la ville et me faire une paysanne. Elles sont toutes d'accord, surtout avec un couteau sous la gorge. Sinon tu peux te faire Balon.

Ledit Balon était sur le quai, portant toutes les affaires d'Andrik, principalement des armes. Il venait de l'acheter, et il sentait qu'ils allaient bien s'entendre. Balon agita la queue et remua les oreilles, couvant son propriétaire d'un regard torve. Andrik s'était empressé de nommer ainsi l'âne qu'il avait acheté, car il lui trouvait des points communs avec Balon Greyjoy. Quoique l'âne était peut-être un poil plus intelligent, et un peu moins obstiné. Une fois de plus, Andrik réfléchit au fait qu'un âne devait avoir entre les cuisses plus ou moins la même chose qu'un homme. Ça pourrait servir.

En tournant la tête, il vit une chevelure blonde fendre la foule. La démarche lui rappelait quelqu'un. Sans réfléchir, il fit deux grandes enjambées, avec la vivacité du combattant aguerri qu'il était. Il bougeait plus vite que ses ennemis ne pouvaient le concevoir, en partie parce que lui-même était incapable de penser avant de se mouvoir. Il allait là où allait son intention du moment, tout bêtement. Sa main saisit l'épaule de l'homme.

Hé, Rorik ! Alors comm'ça tu t'es décidé à lâcher l'vieux Balon aussi ? Qu'eusse-tu fous là ? Du commerce ?

Il allait lui proposer une bière dans la foulée lorsque l'homme se retourna. Ce n'était pas du tout Rorik. Il grimaça. Ça, c'était bête. Et puis aussi, des passants qui l'avaient entendu le regardaient d'un air mauvais. Avec un grand sourire, du même genre que pouvait faire un requin blanc à un pêcheur blessé tombé à l'eau, il les regarda en faisant jouer son poignard dans son étui, jusqu'à ce que les regards se détournent et que les passants reprennent leur route.

Pardon, il y a merprise... mépirse... merde ! Erreur.