[Port-Real] Réunion d'amis d'enfance [PV Margaery Tyrell]

Dernière édition par Durran Baratheon le 02.08.15 19:42, édité 1 fois

299 - Lune 7 - Semaine 3 – Jour 5 (19 Aerionyr 299)
Donjon Rouge, Port-Réal

L’atmosphère au Donjon Rouge était des plus animées, les conversations tournant principalement autour de l’arrivée de la délégation dornienne la veille. Cheminant dans les couloirs d’un pas égal mais soutenu, Durran essayait de ne pas prêter attention aux regards, souvent interrogateurs, qui étaient portés dans sa direction.

Ayant délaissé les tenues dorniennes qui lui avaient été généreusement procurées à Lancehélion par le prince Doran, le jeune Baratheon avait revêtu une tenue plus sobre et plus sombre, qui aurait pu le faire passer un tant soit peu inaperçu s’il n’avait pas été accompagné. En effet, marchant à sa droite, un pas derrière lui, son garde du corps était tout sauf discret.

Avec sa peau olivâtre et ses cheveux noirs de jais, il n’était pas difficile de discerner que Maelor était Dornien mais si cela ne suffisait pas, le reitre avait opté pour des vêtements aux couleurs chatoyantes, qui confirmaient son origine. Une longue épée légèrement incurvée était visible à sa ceinture mais par expérience, Durran savait que c’était de la longue dague rangée dans son dos dont il fallait surtout se méfier.

Le prince lui-même avait choisi de pendre sa dague, ainsi que l’une de ses épées jumelles à sa ceinture. Ayant veillé tardivement la veille afin de pouvoir rédiger et envoyer aussi rapidement que possible les lettres respectivement à l’attention de Lady Arryn et Ser Raymar, le jeune Baratheon avait davantage dormi que d’ordinaire. Le soleil était ainsi déjà haut dans le ciel mais Durran ne souhaitait pas perdre ses bonnes habitudes. Voilà pourquoi il avançait à travers ce labyrinthe que formaient les couloirs du Donjon Rouge avec pour intention de trouver un endroit relativement tranquille pour s’entraîner à l’épée avec Maelor. On lui avait suggéré le bois sacré, peu fréquenté à l’exception des Nordiens qui venaient y prier les anciens dieux, ce pourquoi c’était dans sa direction qu’il avançait.

Fort heureusement, son identité était encore relativement secrète, le Roi n’ayant pas officiellement révélé son identité. Ainsi, à l’exception des Dorniens, seuls son père et quelques membres de son entourage étaient au courant de sa réelle identité, ce pourquoi il pouvait encore se déplacer avec une certaine discrétion. Hélas, les rumeurs se répandaient déjà à bon train et il gageait que la paix dont il jouissait ne serait que de courte durée. Pourtant, il espérait en profiter, pour aussi longtemps qu’elle durerait.

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... et ainsi le prince retrouva sa bien aimée et ils vécurent ensemble heureux, pendant de très longues années.

Margaery ferma le livre qu'elle venait de terminer de lire aux trois filles d'un seigneur, venu des îles, de passage au château. La jeune femme aimait lire ce genre de contes qui faisaient briller les yeux des enfants, tout comme les siens brillaient une dizaine d'années auparavant d'ailleurs. Mais il fallait admettre qu'outre les visages émerveillés des filles qui l'avaient écouté, Margaery elle-même appréciait ressasser certaines de ces histoires d'auteurs oubliés ou inconnus qui renvoyaient vers un autre monde, bien plus beau et idyllique. [i]

Encore une, Lady Margaery, s'il vous plait..., la supplia Irinis, la plus jeune des sœurs.

Comment ne pas sourire en voyant tant d'innocence sur le visage d'une jeune fille ? Mais il fallait reprendre le cours des réalités, et il ne fallait pas se plaindre non plus, Margaery avait vie très satisfaisante. D'ailleurs, qui pouvait savoir ce qui l'attendait ? Il ne lui appartenait qu'à se trouver ce fameux prince charmant rêvé.

La jeune Lady du Bief se releva, et leur dit jovialement :

Pas maintenant, je dois y aller. A vous d'aller vivre vos aventures de princesses à présent !

En effet, elle devait partir. Loras avait souhaité voir sa sœur cadette car, à vrai dire, depuis que celle-ci était arrivée, accompagnée de sa grand-mère Olenna, ils n'avaient pas eu beaucoup d'occasions de se voir. C'est pourquoi, en cette belle journée ensoleillée, au soleil doré surplombant le Donjon Rouge, l'occasion était idéale pour Margaery de retrouver son frère.

Margaery fit un clin d’œil à la plus jeune des trois sœurs désireuses d'entendre plus d'histoires de princes charmants, et partit avec le recueil de contes sous le bras pour le reposer dans sa chambre. Il s'agissait de son ouvrage personnel qui lui avait été offert par Lady Olenna pour ses 3 ans, un livre remplis de diverses enluminures et de dessins fabuleux.

Lorsqu'elle sortit de la petite salle de lecture, elle la Lady trois femmes qui ne lui étaient familières que de vue. Elles étaient debout, statiques et leurs regards tournés en direction du fond du couloir. Margaery, intriguée, fronça les sourcils et leur demanda amusée :

Que regardez vous Mesdames ?

Mais avant qu'elles ne puissent répondre, un cliquetis d'armes et d'armures se fit entendre, venant du bout du couloir. Margaery tourna la tête et vit la silhouette d'un homme, vêtu d'une tenue de noble, accompagné d'un garde du corps armé lourdement.

Certainement, les femmes qui s'étaient arrêtées fixaient avec autant de curiosité ce nouveau personnage au Donjon.

Alors que les deux hommes ne se trouvaient plus qu'à cinq mètres de Margaery, une torche qui était accrochée au mur éclaira le visage de celui qui se faisait escorter. Il avait des cheveux noirs bouclés mi-longs. Il avait également de larges épaules, ce qui en disait largement sur son activité de chevalier. Mais ce visage fin et jeune, ne semblait pas inconnu à Margaery. Tout-à-coup, le regard de l'homme croisa celui de la belle Lady, et cette dernière laissa échapper :

Durran ?

Oui, cela ne pouvait être que lui. Il avait ce regard de l'enfant avec lequel elle avait partagé tant de moments à la cour de Lord Mace Tyrell. C'était lui, qui avait s’entraînait avec Loras et Garlan. C'était lui... et il avait grandi. Son visage était si sérieux à présent. Il y avait une ressemblance indubitable avec le roi Robert, quand bien même Durran avait plus de prestance. Le cœur de la jeune Lady se mit à battre fort.

Le chevalier avait cru pouvoir traverser les couloirs sans être reconnu mais il n’avait pas compté sur la présence des Tyrell, et surtout de Margaery. La sœur de Willos et Garlan avait bien changé en presque deux ans, passant d’une jolie jeune fille à celui de magnifique jeune femme. La torche éclairait assez le couloir pour qu’il puisse voir ses cheveux bruns bouclés, coiffés de façon élégante et simple à la fois.

Lorsque son regard croisa celui de la fille avec laquelle il avait grandi à Hautjardin, il put lire la surprise dans ses yeux et le fait qu’elle l’avait reconnu avant même qu’elle n’ouvre la bouche pour prononcer son prénom.

Seulement décontenancé l’espace d’un bref instant, le prince retrouva bientôt ses repères. Esquissant un sourire qui se voulait charmeur à l’attention de Margaery mais visant surtout à dissimuler tout malaise aux trois dames qui l’accompagnaient, Durran s’inclina respectueusement devant elles avant de répondre d’un ton plaisant.

- Lady Margaery, c’est un plaisir de vous revoir. Je suis également charmé de faire votre connaissance, mesdames.

Il ne manqua pas de poser les yeux sur chacune d’entre elles, de sorte de croiser leurs regards. Elles ne le soutinrent pas longtemps, leurs joues rougies indiquant leur gêne autant que leur appréciation de l’attention qu’il leur accordait. Il fit signe à Maelor de s’avancer, et le garde du corps s’exécuta avec un sourire aux lèvres.

- Permettez-moi de vous présenter Maelor, mon ange gardien. Prenez garde mesdames, il est Dornien jusqu’au bout des ongles et pourrait succomber à votre charme.

Le Dornien ayant visiblement compris ce que Durran attendait de lui, il s’avança pour se présenter aux trois dames, portant la main de chacune à ses lèvres, ce qui n’aurait pas été si gênant si ses regards à leur attention n’avait pas été aussi… intense. Le prince profita de cette distraction pour tendre son bras à Margaery en signe d’invitation, un sourcil levé de curiosité.

- Voulez-vous m’accompagner pour une promenade dans le bois sacré, milady ? Il poursuivit ensuite d’un ton plus bas. J’imagine que vous avez des questions à me poser et il serait préférable d’y répondre à l’abri d’oreilles indiscrètes, ne croyez-vous pas ?

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Pour dire vrai, Margaery avait été mise au courant déjà avant de la venue de Durran au Donjon Rouge, même si elle ne connaissait pas encore le moment précis. La délégation Dornienne était attendue depuis plusieurs mois à Port-Réal déjà. Lady Tyrell avait appréhendé un peu ce moment d'ailleurs, car les choses avaient beaucoup changées depuis deux ans, et surtout pour Durran.

Lui, qui était ce garçon qui ne la préoccupait pas d'avantage du temps de son enfance, pendant laquelle elle avait préféré la compagnie des autres filles de la cour Tyrell, commençait à révéler son vrai visage d'héritier au trône, que seule Olenna avait connu, à Hautjardin. D'ailleurs, lorsque Margaery avait apprit, quelques mois auparavant, que ce garçon était le fils de Robert et qu'il avait été convenu de l'épouser à Margaery-même, elle avait été profondément surprise et même choquée. Pendant les premières semaines, elle n'avait su que penser de ces projets, projets qui étaient tombés à l'eau puisqu'elle apprit en même temps les fiançailles du prince héritier légitime à la Dornienne Arianne Martell. En fait, tout le rapport entre Margaery et Durran allait changer, car ce dernier avait pris une voie différente.

Durran fit part de son plaisir de revoir Margaery, après s'être incliné et lui avoir adressé un beau sourire. Margaery ne sut que dire, gardant la bouche légèrement entrouverte. Il était bien plus mûr, tant par sa voix que par sa manière de parler et de faire.

Pour trouver un moyen de s'entretenir en privé, le prince trouva un habile subterfuge en présentant aux autres femmes qui étaient là son homme d'arme, un homme incroyable par sa carrure et sa virilité. Immédiatement, elles tombèrent sous le charme du garde du corps nommé Maelor. Mais l'attention de Margaery ne fut pour autant pas détournée de Durran.

Alors que les trois Ladies du Donjon furent subjuguées par Maelor, Durran proposa à la Lady du Bief de l'accompagner pour une promenade dans le bois sacré, précisant qu'elle avait certainement beaucoup de questions à poser et qu'il était préférable de s'entretenir à l'écart des oreilles indiscrètes. Margaery, toujours muette, hocha la tête et saisit le bras du prince qu'il lui avait tendu.

Il s'en allèrent, laissant le garde du corps avec les femmes. Lorsqu'ils furent enfin seuls, Margaery ne parla pas dans un premier temps. Elle se contenta de se mordiller les lèvres, réfléchissant à ce qu'elle devait dire. Pourtant, des choses à dire, elle en avait beaucoup.

En fait, alors qu'elle avait su qu'elle allait être confrontée à Durran tôt ou tard, Margaery n'avait pas su se préparer à cette rencontre car elle ne savait même pas à quoi s'attendre, le prince ayant quitté Hautjardin à l'âge de 14 ans. 2 ans après, il était certain qu'il allait être totalement changé, d'autant plus que la situation de cet homme avait complètement évolué. Même si Margaery s'était attendue à le voir changé, elle n'avait pas réalisé à quel point il allait être différent, et c'était cela qui avait stupéfait la jeune dame.

Finalement, c'est cette même surprise qui avait fait terre Margaery qui fit parler cette dernière :

Durran, vous avez tellement changé ! Je suis ravie de vous revoir, après ces années où vous avez été absent à Hautjardin !

Après lui avoir fait part de ses sincères impressions, le choc des premiers instants se dissipa assez vite et Margaery reprit son sourire habituel. Certes, les questions fusaient dans sa tête si bien qu'elle ne savait pas par laquelle commencer, mais elle était contente de pouvoir revoir Durran, et ce en dépit de toute affaire.

Désirant tout savoir sur ces années où Durran s'était absenté, Margaery demanda :

Dites-moi, ce que le soleil de Dorne a fait de vous pendant ces deux ans.

Le calme qui régnait dans le bois sacré était le bienvenu après la traversée des couloirs parfois bondés du Donjon Rouge. Il savoura le silence des lieux et s’amusa quelque peu de voir Margaery chercher ainsi ses mots, elle qui avait toujours envié à sa grand-mère sa faculté de répliquer si intelligemment et parfois de façon bien cinglante à ses interlocuteurs. Pourtant, le prince ne tarda pas à se laisser prendre dans les filets d’une certaine nostalgie en repensant aux nombreuses années passées à Hautjardin.

Il sourit lorsqu’elle prit finalement la parole, pour lui dire à quel point il avait changé. Ses mots lui semblèrent sincères, ce pourquoi il les prit comme tels.

- Je ne suis pas le seul à avoir changé, milady. Vous êtes encore plus belle que vous l’étiez quand j’ai quitté Hautjardin, à tel point que vous me rappelez le portrait de Lady Olenna peint lorsqu’elle était jeune. Vous vous en souvenez ?

Son sourire se fit plus mélancolique lorsqu’elle l’interrogea à propos de Dorne et des deux années passées. Le prince prit le temps de la réflexion avant de lui répondre.

- Et bien, si vous vous rappelez, je suis parti pour Essos initialement et j’ai eu l’occasion de visiter les cités libres. J’y ai passé plusieurs mois et j’ai vu des choses magnifiques… et d’autres plus horribles. C’est un monde à la fois semblable au nôtre sur certains points et différent sur d’autres.

Il ne lui fut pas difficile de se remémorer le Titan de Braavos, qui était sans doute la statue la plus colossale qu’il ait jamais vue, les artisans de Myr, le Long Pont de Volantis, les cloches de Norvos… et surtout Pentos. Là où il avait fait la rencontre de Daenerys, avec les conséquences, pour certaines magiques et pour d’autres tragiques, qui en avaient découlé.

- Certaines circonstances ont fait que je me suis retrouvé l’invité de la Maison Martell à Lancehélion par la suite. Et me voici, de retour dans la ville qui m’a vu naître, et où pourtant vous êtes la seule personne jusqu’ici qui me soit familière.

Le jeune Baratheon lui adressa un nouveau sourire avant de secouer la tête. Il ne servirait à rien de se perdre dans une telle nostalgie alors que le présent avait tellement à offrir, comme opportunités mais aussi en termes de défis à relever, surtout maintenant que son rang allait être révélé. Et puis, il était curieux au sujet de Willos.

- Mais assez parlé de moi, parlez-moi donc de vous. Etes-vous toujours friande de fauconnerie ? Je me rappelle que vous aimiez la pratiquer avec Willos.

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Margaery rit lorsque Durran évoqua le portrait d'Olenna jeune, indiquant que Margaery était tout aussi belle. Bien sûr, elle se souvenait de ce portrait qui était affiché depuis longtemps dans le couloir principal du château de Hautjardin, où les portraits de chaque membre de la famille seigneuriale étaient affichés. Le fait de rappeler le portrait de Lady Olenna, se trouvant à Hautjardin, renvoyait les deux jeunes gens dans leur passé commun au Bief. La jeune femme répondit :

Comment ne pas s'en rappeler, le portrait est toujours suspendu au château d'ailleurs !

Durran raconta son voyage outre-mer sans oublier de mentionner qu'il s'est retrouvé à Lancehélion, chez les Martell. Même s'il ne l'avait pas évoqué directement, Margaery en déduisit les fiançailles avec Arianne qui avaient du avoir lieu là-bas.

Le jeune Barathéon en profita pour prendre des nouvelles de Margaery et de son frère Willos. Margaery lui répondit :

Je continue la fauconnerie, j'ai pu ramener quelques uns de mes faucons à Port-Réal, le temps de mon séjour. En revanche, Willos m'a rarement accompagné ces deux dernières années. Il est trop occupé par d'autres activités.

Durran devait s'en douter, Willos ayant grandi il a du se rapprocher des affaires de Mace Tyrell.

La belle Tyrell raconta pendant quelques instants les brèves nouvelles et les derniers accomplissements du Bief.

Puis, vint le sujet, qui aurait pu rester tabou entre les deux jeunes noble, mais la jeune femme ne pouvait se taire sur ce sujet. Par ailleurs, si Margaery avait eu vent de la venue de la délégation de Dorne à Port-Réal, elle ne savait pas exactement le motif de cette visite, bien qu'elle avait quelques idées à ce sujet. A présent qu'elle avait l'occasion de renouer le lien avec Durran, un lien plus mature et sérieux, elle pouvait obtenir certaines informations sur les plans du prince voire du royaume.

Alors qu'elle marchait jusqu'à présent le sourire aux lèvres et le regard vagabond sur toutes les végétations du parc, Margaery ralentit le pas et leva ses yeux vers le jeune homme et lui dit d'un air sérieux :

Je pense que vous avez entendu parler comme moi des projets qui pesaient sur nous pendant toute notre enfance. Je n'en ai eu connaissance que tardivement, pour dire vrai.

Ses yeux se rivèrent sur une grande rose, tellement longue qu'elle sortait du buisson pour venir sur le chemin. Sans l'arracher, Margaery la souleva pour sentir son odeur sucré, puis elle reprit :

Jusqu'à présent, je n'ai su quoi penser de tout cela.

Mais en vérité, ce n'était pas à cette remarque qu'elle attendait une réponse. Elle continua :

Je suis au courant également de votre lien familial. Je suppose que c'est là la raison de votre venue à Port-Réal ?

Le rire de la dame de Hautjardin était aussi clair et mélodieux que dans son souvenir. Il sourit lorsqu’elle lui confirma que le portrait de sa grand-mère était toujours à sa place au château des Tyrell. Elle l’écouta patiemment lorsqu’il lui raconta ses aventures et répondit par la suite aux questions qu’il lui avait posées au sujet de sa passion pour la fauconnerie et indirectement sur Willos. Sa passion était visiblement intacte mais l’aîné des enfants de Mace Tyrell devait être très occupé s’il ne pouvait même plus prendre le temps de s’atteler ce passe-temps qu’il appréciait tant.

- Je suis désolé d’apprendre qu’il est aussi occupé même si je suppose que c’est normal. L’un comme l’autre, nous sommes en train d’être rattrapés par les responsabilités qui nous incombent et qui s’avéreront d’autant plus pesantes à la mort de nos pères… J’espère cependant, ma dame, que vous me ferez le plaisir de m’en prêter un pour que nous puissions les faire voler ensemble ? Cela fait une éternité que je n’ai pas eu l’occasion de la pratiquer.

Durran l’écouta avec attention lorsqu’elle lui donna des nouvelles de sa famille et notamment de ce que l’armée du Bief avait accompli à Castral Roc face aux soldats de Tywin Lannister. Il avait cependant conscience que cet échange de souvenirs et de politesses n’était rien d’autre qu’un prélude à leur véritable conversation.

Il n’était pas trompé par le sourire qui fleurissait sur ses lèvres finement dessinées ou par son regard qui se perdait sur les plantes du bois sacré. C’est pourquoi il soutint son regard lorsqu’elle tourna ses grands yeux bleus vers lui et prit la parole avec sérieux pour aborder le sujet de leurs fiançailles. Son attention retourna bientôt aux plantes, notamment une rose qu’elle saisit entre ses doigts pour respirer son arôme mais le jeune Baratheon choisit de garder ses yeux noisette sur elle.

Elle voulait des informations sur sa venue à Port-Réal et à l’image de sa grand-mère, Margaery possédait le don de les demander avec une telle subtilité qu’il aurait tout aussi bien pu s’agir d’une simple conversation pour passer le temps. Envers un étranger, cela aurait sans doute fonctionné mais Durran avait grandi à Hautjardin, au cœur de ses intrigues, de ses non-dits et en dépit de ses erreurs, il commençait à mieux comprendre le principe de ce jeu.

- J’ai su plus tôt que vous les arrangements que Lord Arryn avait passés avec votre grand-mère à notre sujet, j’imagine que cela a dû autant vous surprendre que le fait que le petit chevalier Durran, supposé bâtard, était en fait un prince. Il y a eu des moments où je n’y ai pas cru moi-même…

Le prince se rapprocha du bosquet de roses, et par extension de Margaery, portant aussi son attention sur l’une d’entre elles. Il en caressa délicatement les pétales, évitant par habitude plus que par précaution les longues et larges épines qui se pointaient juste en dessous, et en inspira doucement la senteur délicate. Durran tourna ensuite son attention vers la jeune femme, lui adressant un léger sourire.

- Je suis venu ici pour rencontrer mon père et, si ce dernier le souhaite, pour sceller cette union qui a été décidée à Lancehélion avec la Princesse Arianne. Je crains de ne pas pouvoir vous en dire davantage, il y a bien des choses que même un prince ignore.

Sortant sa dague de son fourreau, il coupa la tige de la rose blanche qu’il tenait entre ses doigts et en ôta ensuite les épines tout en prenant garde de ne pas abîmer ni ses sépales, ni ses pétales. Durran posa ensuite délicatement sa main sur la longue chevelure brune de Margaery et plaça la rose dans ses cheveux, qui s’accordait à merveille avec son teint.

- Votre emblème est bien choisi, cette rose vous sied à ravir, milady. Mais dites-moi, savez-vous pourquoi vous êtes venue ici ?

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A la question de savoir si Margaery accepterait de prêter un de ses faucons, la jeune dame baissa la tête en souriant au prince, en signe d'approbation. Tous ses faucons avaient fait partie de ses bagages, évidemment. Jusque-là, les deux n'avaient jamais eu l'occasion de partager le loisir de la fauconnerie ensemble. Du moins, concrètement parlant, s'ils leur était arrivé de participer à quelques chasses ensemble, Durran était resté avec d'autres garçons, notamment les frères Tyrell; il en était de même pour Margaery, qui avait préféré la compagnie d'autres dames de la cour de Hautjardin. D'ailleurs, la jeune femme releva ce dernier propos lorsque Durran lui raconta comment il avait été surpris par la nouvelle sur son identité :

A vrai dire, je crois que ma surprise tenait au fait qu'il avait été prévu de me marier à ce garçon bâtard qui était élevé à mes côtés, tel un membre de ma famille.

Celle-ci sourit et ajouta aussitôt :

Mais maintenant que mes yeux se sont reposés de cet éblouissement que fut la surprise en vous voyant totalement changé, j'ai oublié ce garçon et je vois devant moi un noble des plus nobles...

Elle regarda Durran couper une des roses du buisson, puis soigneusement enlever les épines de la tige. Alors que le prince souhaitait déposer délicatement la fleur dans la chevelure de la Lady, celle-ci se laissa glisser la rose dans ses cheveux. Rien qu'à sentir cette rose magnifique aux épaisses pétales sur sa tête, Margaery savait que cela lui allait à ravir. Elle releva la tête vers le prince et en riant elle ajouta :

... et charmant des plus charmants !

S'agissant de la dernière question du prince héritier, Margaery reprit la marche d'un pas lent et répondit :

J'accompagne mes frères et ma grand-mère qui ont plusieurs affaires à régler. Pendant ce temps, je profite pour découvrir les environs de Port-Réal, à dos de cheval, mais je dois avouer que la sécurité semble bien inférieure à celle de Hautjardin et l'on ne m'autorise guère à s'éloigner de trop.

C'était-là aussi un moyen de contourner un sujet qui n'était pas si intéressant. Bien évidemment, Durran devait se douter que la présence de Margaery à Port-Réal était bien plus qu'un accompagnement. Mais il était inutile de préciser qu'il s'agissait-là de la faire connaître puis la rapprocher de la cour de Robert Baratheon.

Au final, elle était assez satisfaite du fait d'en avoir appris plus des intentions de Durran à Port-Réal. Mais en même temps, la confirmation des fiançailles à la Dornienne Arianne Martell, qui venait des lèvres du prince lui-même, avait pu décevoir Margaery. Certes, elle avait été perturbée et même avait plutôt rejeté l'idée d'être marier à ce garçon relativement insignifiant d'il y a quelques années. Mais à présent qu'elle voyait la grandeur, le charme immanquable mais aussi le charisme de Durran, peut-être que les choses changeaient... Oh, il aurait été difficile de parler d'un amour foudroyant, car la Lady savait plus que quiconque gérer ces affaires à son avantage, mais il s'agissait là plutôt du fait que le prince semblait être un homme sain, ce qui pouvait ne pas être le cas de tous les hommes du royaume.

Ils marchèrent encore un peu vers le centre du jardin jusqu'à arriver sous un gros saule pleureur qui semblait malade, car ses feuilles étaient toutes jaunies. Cela le rendait encore plus triste. La Lady poussa les feuilles et s'engouffra à l'intérieur de cette coupole. Revenant au sujet des intentions de Durran, Margaery lui dit :

Le jour de mon départ de Hautjardin, un vieil homme qui a passé la plupart de sa vie à travailler pour le Donjon rouge m'a conseillé de ne jamais dormir les deux yeux fermés. J'ai pu comprendre ces paroles seulement après avoir constaté comment les situations changent brutalement,, spontanément, et même parfois tragiquement. Je ne saurais vous dire combien de temps je resterais ici ni où je serais plus tard, mais je pense que je peux transmettre ce conseil à l'héritier Baratheon.

Elle s'arrêta, retourna son regard vers celui du prince, et avec un léger sourire, lui dit simplement :

Cela ne vous annonce pas des nuits tranquilles mais, après tout, tous ces efforts quant à votre personne, y compris les vôtres, qui vous ont reconduit vers votre père après tant d'années, méritent de vous voir vous imposer sur ce qui vous appartient. Il serait amèrement regrettable que vous soyez une nouvelle fois repoussé de quelque façon que ce soit de votre légitimité.

En effet, les exemples étaient tellement nombreux en la matière, et le plus récent et le plus emblématique était celui des Lannister. Cette famille, si riche et puissante, était tombée au plus bas subitement, tel un temple millénaire qui s'écroulerait d'un coup à cause d'un des piliers qui aurait cédé. D'ailleurs, le procès de Cersei, la mère de Durran, était dans une semaine, et Margaery était appelée à témoigner, mais elle ne souhaitait pas évoquer cela à l'occasion de cette première rencontre avec Durran.

Il était vrai qu’ils avaient été élevés à Hautjardin dans un environnement qui avait quelque chose de familial. Le prince considérait d’ailleurs Willos et Garlan comme les frères qu’il n’avait jamais eus et avait beaucoup appris à leur contact, enrichissant son esprit auprès de l’aîné des frères Tyrell et se perfectionnant beaucoup dans le maniement de l’épée au contact de son cadet. Il espérait d’ailleurs avoir bientôt l’occasion de recroiser Garlan à Port-Réal et peut-être de pouvoir s’entrainer avec lui.

Durran sourit d’ailleurs au compliment qu’elle lui fit à son sujet. Il la connaissait trop bien pour en rougir mais il l’apprécia néanmoins dans l’esprit où il était donné… tout en pouvant s’empêcher d’écouter la petite voix de Lady Olenna qui lui rappelait bien des années plus tôt d’être d’autant plus prudent avec les gens qui le flattent par rapport à ceux qui le critiquent.

- Vous me flattez, milady… ou tout du moins, est-ce bien ainsi que je dois le prendre ? Ce garçon avait parfois bien du mal à réconcilier les deux réalités auxquelles il a été confronté… mais en effet, il n’existe plus aujourd’hui.

Ce Durran-là était mort aux Jardins Aquatiques. Son agonie avait commencé en apprenant qu’il ne reverrait peut-être plus jamais Daenerys… et elle avait pris fin à la nouvelle de son trépas. Bien que subsistait parfois en lui l’infime espoir qu’elle soit toujours en vie, son esprit avait choisi de fermer à son cœur cette possibilité. Si elle vivait encore aujourd’hui, il ne pouvait que lui souhaiter une existence paisible et heureuse et sinon… qu’elle reposait en paix avec les siens.

Cet instant de mélancolie disparut aussi bien qu’il l’avait saisi, en écoutant le rire agréable de Margaery. Celle-ci n’avait visiblement pas perdu sa joie de vivre et c’est avec attention qu’il l’écouta parler de sa venue au Donjon Rouge tout en cheminant à ses côtés.

- Oh, vous êtes accompagnée de plusieurs de vos frères ? J’étais au courant de la présence de Lady Olenna et de Ser Loras mais Garlan et Willos vous accompagnent-ils aussi ?

Il sourit lorsqu’elle évoqua la sécurité qui n’était clairement pas à la hauteur de celle à laquelle elle était habituée.

- Il s’agit sans doute de mesures de précautions… mais il est vrai qu’il s’est passé des choses parfois bien sombres, que ce soit l’émeute qui s’est produite au port il y a quelques mois ou la disparition plus récente du maître des chuchoteurs… Je peux d’ailleurs comprendre cet excès de zèle. Je serais bien triste s’il vous arrivait malheur.

Durran jugea que la venue d’autant de membres de la branche principale de la famille n’était probablement pas due qu’à une visite de courtoisie au Roi. Peut-être que la Reine des Epines avait choisi cette opportunité pour trouver un bon parti pour sa petite-fille au Donjon Rouge, voire pour en réclamer un en compensation de la perte du jeune Baratheon comme futur époux.

En tous les cas, le chevalier était sincère lorsqu’il avait avoué à Margaery qu’il serait peiné s’il lui arrivait quelque chose de fâcheux. Il appréciait son caractère, plus mâture que lorsqu’elle était enfant mais toujours aussi affirmé. Ce n’était pas une sœur pour lui, ils ne s’étaient jamais côtoyés de façon suffisamment proche pour cela, mais il aimait sa compagnie et trouvait de l’intérêt dans leurs conversations.

Il l’accompagna jusqu’au milieu du bois, et s’engouffra à son tour sous le saule pleureur. Le prince fut quelque peu surpris par le changement de conversation mais il s’efforça de ne rien en montrer et se contenta de s’asseoir dans l’herbe, adossé contre l’arbre, avant d’inviter la jeune femme à en faire de même.

- C’est un bon conseil, en effet. J’ai d’autant plus conscience du danger qui réside en ces lieux que l’on m’a souvent conté la façon dont j’en suis parti… Presque aussi pâle et inerte qu’un cadavre, dans un cercueil de marbre blanc, qui aurait effectivement dû m’emmener reposer pour toujours à Accalmie si Lord Arryn n’avait pas agi. Je suis tout aussi redevable à votre grand-mère de m’avoir accueilli et croyez-bien que je ne l’oublie pas.

Il lui adressa un sourire à son tour, quelque peu plus nostalgique et prit délicatement sa main dans la sienne. Il ne chercha pas à la presser ou à la porter à ses lèvres, simplement à la tenir, pour lui communiquer silencieusement que sa reconnaissance s’étendait aussi à ses frères et à elle.

- Merci de votre soutien, il me touche beaucoup. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, ni même si je vivrai assez longtemps pour devenir roi mais… sachez que j’aurais été honoré d’avoir une reine telle que vous à mes côtés. Avoir quelqu’un à qui parler, quelqu’un sur qui se reposer et avec qui régner…

Durran n’avait pas dit « aimer ». Il ne savait pas s’il pourrait aimer un jour une femme comme il avait aimé Daenerys, et surtout il ne savait pas si une autre femme l’aimerait pour l’homme qu’il était plutôt que pour la position qu’il incarnait. Surtout, le jeune homme ne cherchait pas à la séduire ou à lui faire miroiter un avenir qui n’était probablement plus possible. C’est pourquoi il lâcha doucement sa main et laissa aller sa tête en arrière, la reposant contre le tronc avant de fermer les yeux. Il inspira ensuite profondément avant de murmurer :

- C’est peut-être l’une des choses qui me manque le plus par rapport à Hautjardin… l’odeur des fleurs et des bois. A Lancehélion, il n’y avait que poussière et ici… ici, il ne vaut mieux pas évoquer les effluves de la capitale.

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Margaery lui confia que Garlan était à Port-Réal aussi, mais que Willos était resté à Hautjardin et qu'il secondait Mace.

Durran s'assit sous le saule, en posant son dos contre le tronc de l'arbre et il invita la jeune Lady à en faire de même. Il saisit ensuite la main de Margaery. Celle-ci se laissa faire et ne dit rien, se demandant ce qu'il allait faire. Durran fit part de sa gratitude vis-à-vis de ceux qui l'avaient aidé à survivre, et notamment les Tyrell de Hautjardin. De plus, il confia son désir d'avoir une reine telle que Margaery, pour avoir quelqu'un sur qui compter et avec qui régner. Celle-ci sourit doucement. Les paroles du jeune prince étaient douces et séduisantes, si bien que la Lady avait faillit se faire emporter par la tentation de s'imaginer aux côtés du Trône, avec un roi des plus charmants. Mais elle se refusa vite à s'envoler trop haut, vers des pensées qui pouvaient probablement ne pas être réalisées.

Elle sentit la main de Durran se relâcher tout doucement...

Allait-elle se résigner à marier un quelconque seigneur riche mais insignifiant, vieillard, fou ou mal éduqué ? Devait-elle être conduite aux portes d'un château aux murs gris où rien ne pousserait sinon des ronces ? Était-elle destinée à se promener au milieu de rues désertes, dont les seuls habitants de la ville qui resteraient seraient des vieillards qui attendaient impatiemment que l'ennui vienne les emporter ?

... elle serra la main du jeune homme à son tour.

Celui-ci avait fait part de quelques unes de ses pensées nostalgiques, en remontant aux temps de Hautjardin, où l'odeur des fleurs et des bois recouvrait l'atmosphère de la cité. Il avait raison, Hautjardin était décidément une ville où il faisait bon vivre. Port-Réal avait peut-être plus de défauts, mais il avait cet avantage du pouvoir : du pouvoir de faire de toutes sortes de choses et notamment de très belles et bonnes choses.

Margaery décolla légèrement son dos du tronc contre lequel elle était posée afin de voir les deux yeux de Durran puis, affichant son beau sourire, elle lui dit :

Même ici, vous pourriez retrouver l'atmosphère de Hautjardin. Le Trône dispose du pouvoir, il ne manque qu'un peu de volonté pour apporter au Royaume sa joie.

Elle s'adossa doucement contre le mur de nouveau et regarda les fleurs jaunies du saule pleureur. Elle pointa du doigt les branches qui pendaient et elle continua :

Une bonne reine aurait guérit cet arbre et tous les autres, en leur apportant les soins nécessaires ; elle aurait rendu à tout le peuple son bonheur, en lui donnant son sourire au quotidien.

Au moins, l’un des deux frères était présent dans la capitale et il lui tardait de le revoir. Durran songea également à Willos, qu’il supposait être à la fois être content de se voir épargné ce long voyage vers la capitale et une certaine lassitude à se retrouver seul avec Lord Mace à Hautjardin. Au moins, quand Lady Olenna, Margaery ou même Garlan étaient présents, l’aîné des enfants Tyrell n’avait pas à gérer seul les… maladresses de son père.

Il fut ramené au présent lorsque Margaery prit sa main dans la sienne pour la serrer, et rouvrit d’ailleurs les yeux pour s’assurer que c’était bien elle qui s’en était saisie. C’était un geste tout simple mais il lui communiquait qu’ils étaient peut-être tous deux dans le même bateau. S’inquiétait-elle de son avenir avec un inconnu ? Elle était destinée à épouser un grand seigneur mais cela lui suffirait-il quand on lui avait fait jadis miroiter la couronne ?

Le prince l’observa tandis qu’elle délaissa le tronc où elle était adossée pour pouvoir croiser son regard. Ses yeux avaient toujours eu quelque chose de captivant, comme une étincelle d’intelligence et de jovialité, qu’il retrouvait d’ailleurs souvent dans ceux de sa grand-mère. Au contraire de Lady Olenna, le sourire de Margaery n’était pas sarcastique mais plaisant, et il illuminait son visage d’une façon qui enlevait à son interlocuteur toute envie d’en détourner les yeux.

Il lui sourit en retour, un peu plus tristement, lorsqu’elle évoqua la joie qu’il était possible d’apporter au royaume.

- Vous le croyez vraiment ? Malheureusement, je ne suis pas certain d’y arriver seul.

Durran porta son regard sur les branches et acquiesça sombrement de la tête. Il se demanda s’il était possible de guérir aussi les cœurs des gens, de les faire sourire assez chaque jour pour leur faire oublier leurs tragédies passées et se concentrer sur leur bonheur présent.

- Hélas, ma fiancée n’est pas intéressée par la politique… C’est à peine si je suis arrivé à parler avec elle de changer les choses ici, à Port-Réal. Ces derniers mois, je me suis efforcé d’établir une entente cordiale entre nous mais il ne s’agira probablement que de tolérance, ou de respect mutuel au mieux mais pas de réel partenariat.

Il y avait quelque chose de triste dans le fait de se résigner à un mariage qui serait non seulement sans amour mais aussi sans complicité. En dépit du fait qu’Arianne se soit éloignée de son amant de cœur au cours du voyage, suite à une querelle personnelle du peu qu’il avait pu glaner à ce sujet, ils ne s’étaient que peu rapprochés pour autant. Les deux fiancés avaient des rapports beaucoup plus cordiaux que lors de leur première rencontre, ce qui était déjà une avancée phénoménale lorsqu’on savait d’où ils étaient partis, mais Durran n’était pas sûr de l’amener à changer ses positions, notamment sur la politique ou leur couple.

Le prince lui adressa un sourire quelque peu amusé en serrant doucement sa main.

- Et pensez-vous que cette bonne reine aurait aussi accordé le bonheur à son époux ? Qu’elle lui aurait accordé ses sourires chaque jour pour lui donner la conviction et la volonté qui pourraient parfois lui faire défaut ? Je crains que Westeros n’en ait pas connu de pareil depuis la Bonne Reine Alysanne, il y a deux siècles de cela.

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Margaery était contente du fait que Durran se confiait autant à elle. Il semblait que ces moments de retrouvailles courts mais intenses comblaient les deux années où ils s'étaient totalement perdus de vue, mais également tous ces moments où ils étaient effectivement dans la même cour mais qu'ils avaient si peu partagé ensemble. Par conséquent, il s'agissait-là de retrouvailles mais aussi de découvertes; d'un retour en arrière et de nouveautés.

A propos d'Arianne, Margaery avait ignoré que les deux époux ne s'accordaient pas si bien et que le mariage n'allait être que politique, sans apporter aucun fruit hormis les simples obligations mutuelles et cordiales entre deux grandes familles du Royaume. C'était très regrettable. Tout d'abord, c'était dommage pour Margaery, qui était persuadée de pouvoir apporter sa sagesse et philosophie au plus haut trône. Cela l'était également pour Durran, qui n'allait pas être comblé par son union alors que, semblait-il, il y accordait une certaine importance. Enfin, c'est tout le Royaume des sept couronnes qui n'allait pas bénéficier d'une femme forte au pouvoir ni d'une plénitude de bonnes volontés d'un roi jouissant d'un entourage qui lui apporterait satisfaction.

Le même vieillard qui avait fait part de ses conseils à Margaery avant qu'elle ne quitte Hautjardin pour Port-Réal, celui qui avait travaillé au service du roi Robert, avait écrit un livre qu'il n'avait pas réussi à publier. Il était intitulé "Le trône". Pourtant, Lady Tyrell l'avait lu et avait retenu en particulier une pensée qui s'en dégageait : "Le peuple d'un prince est à l'image de celui-ci. Si le gouvernant souffre de quelques dépressions, alors il gouvernera avec mollesse et tristesse et c'est toute sa terre qui perdrait son dynamisme. Le peuple, lui-aussi, tombera dans cette maladie".

Margaery était convaincue de cela, et la preuve était Port-Réal. Comme l'avait souligné Durran lui-même, la ville souffrait de défauts. Pourtant elle avait aussi de grandes qualités. Selon la Lady du Bief, Port-Réal n'était que le reflet de la vie du Dongeon Rouge : instable.

Evidemment, la jeune Tyrell n'allait pas évoquer ces considérations à Durran à l'occasion de leurs retrouvailles. En tout état de cause, le jeune prince avait l'air bien conscient des défauts de la cour de Robert, et notamment ceux qu'avaient apporté les Lannister par leur perfidie.

Voyant le façon dont Durran parlait mais aussi compte tenu de son allure générale, Margaery pensait qu'il était un homme de bonne foi, qui aurait voulu changer les choses en bien, pour tout le Royaume.

Margaery sentit la main du prince se resserrer doucement.

Durran demanda si une bonne reine aurait apporté le bonheur d'un roi, dont celui-ci avait besoin. Margaery répondit de suite :

Cela dépend !

Sans doute que le prince s'était attendu à une réponse affirmative de la part de la jeune Tyrell.

Celle-ci plongea son regard dans celui du prince et, s'approchant légèrement de lui, elle lui confia d'un sourire charmeur et d'une voix douce :

Cela dépend du roi : s'il s'agit d'un roi bien éduqué, qui aurait passé son enfance au milieu des fleurs, dont le visage suffirait à lui seul pour nous persuader de ses bonnes intentions et de sa force, alors une bonne reine n'hésiterait même pas à donner non seulement son bonheur, mais aussi tout ce dont ce roi aurait besoin.

Elle resta à regarder les yeux du prince un instant encore. Ensuite, elle détourna son regard, relâcha la main de Durran et se leva doucement. Margaery fit quelques pas en direction du chemin qui menait au Donjon rouge puis elle s'arrêta. Sans se retourner, elle dit :

L'heure du dîner approche...

Puis elle se retourna vers Durran et, d'un sourire taquin, faisant une petite révérence, elle lui demanda :

Sa majesté a-t-il d'autres plans ou accepterait-il l'invitation à ma table, que je lui propose ?

Son regard plongé dans le sien, Durran songea que c’était une bonne chose qu’il ait été élevé à Hautjardin. Il aurait été si facile pour lui de se perdre dans les grands yeux de la jeune femme s’il n’avait pas connu les pièges de la séduction des dames de Hautjardin. Le prince saurait les éviter mais il devait reconnaître que la façon de faire de Margaery avait quelque chose de plaisant, un peu comme une danse ou une partie de cyvosse des plus complexes.

C’est pourquoi il lui adressa un sourire malicieux en retour avant de lui répondre.

- Je me demande bien où vous trouverez un tel roi. Quand bien même existerait-il, cet oiseau rare, connaissez-vous une femme qui mettrait tout en œuvre pour pouvoir devenir la reine qui lui apporterait ce bonheur ?

Le jeune Baratheon garda ses yeux noisette fixés sur les siens jusqu’à ce qu’elle finisse par détourner le regard. Il la regarda se lever, se demandant ce qu’elle pouvait bien avoir en tête, avant de se lever à son tour. Son sourire et sa façon de s’incliner avaient quelque chose d’amusant, comme si elle cherchait à le taquiner. Il n’arrivait pas à comprendre cette femme et c’était peut-être en partie ce qui faisait son charme.

Le prince porta une main à son menton, caressant sa barbe finement taillée d’un air faussement songeur avant de répondre.

- Je ne crois pas que mon père soit disponible ce soir, malheureusement, il vous faudra dîner sans lui.

Durran avança d’un pas nonchalant comme s’il avait s’en aller avant de se retourner et de s’incliner à son tour, un sourire amusé fleurissant sur ses lèvres.

- Bien évidemment, si cela ne vous déçoit pas trop, je peux très bien venir dîner avec vous à sa place. Qu’en dites-vous ?

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Margaery était surprise de la réponse du Durran lorsque celui-ci évoqua son père. En effet, elle ne s’était pas attendue à ce que le prince fasse allusion à Robert, alors qu’elle invitait clairement le jeune homme à venir partager sa compagnie à table. Mais cet air surpris avait rapidement fait doubler le sourire de la jeune femme lorsque Durran se proposa de remplacer son père. En effet, celle-ci était très amusée par le jeu qui s’était installé entre eux deux. Alors, Margaery répliqua :

Dans ce cas, vous serez le premier parmi ceux qui feront partie de mes recherches, celles qui portent sur le bon roi selon mes critères.

C’était là l’occasion de répondre à la question de Durran, à laquelle elle n’avait pas encore répondu. Quant à cette reine qui aurait apporté le bonheur de son roi, mais aussi de son peuple, Margaery l’avait déjà trouvé sans même la chercher, elle en était persuadée. Evidemment, elle n’allait pas répondre à cette question parce qu’elle souhaitait laisser à Durran le soin de s’en rendre compte par lui-même.
Elle engagea le pas sur le chemin du retour. Pendant un moment, elle ne dit rien. Elle réfléchit à un certain détail qui la rendit légèrement gênée. Portant un doigt à ses lèvres et adoptant un petit sourire innocent, elle s’arrêta et se retourna vers Durran et lui dit :

En fait… je vous ai dis que je vous invitais... mais je ne suis pas sûre d’être habilitée à demander une salle à manger pour deux personnes au Donjon… Il en serait différemment si le fils du roi demandait la salle…

Elle ne posa pas la question au prince s’il était d’accord pour demander l’accès à une salle pour eux deux car cela lui semblait évident. En revanche, Margaery ajouta de suite avec une certaine excitation :

Il y a un très beau balcon au troisième étage ! Il donne sur la ville, la vue doit y être magnifique de nuit ! Pour autant, elle est très calme. Je n’ai jamais eu l’occasion d’y manger. Je suis sûre que l’on vous y donnera accès sans problèmes.

Sans doute que Margaery connaissait encore mieux le château que le propre fils du roi. Elle adressa un charmant sourire au jeune homme et lui confia :

Je suis sûre que cela vous portera crédit pour mon examen sur votre personne.

Au vu de la surprise qui s’était affichée sur le visage de Margaery, celle-ci n’avait pas réalisé que sa proposition adressée à « sa majesté » pouvait être interprétée à l’attention de son père autant qu’à lui. C’était effectivement le genre de plaisanterie sans méchanceté qu’il appréciait et à en juger par son sourire, elle ne lui en tint pas trop rigueur.

- Je suis flatté de figurer en tête de liste, milady et j’espère être digne de cet honneur. Toutefois, je remarque que vous n’avez pas répondu à ma seconde question. Serait-ce par pudeur… ou bien par modestie ? La taquina-t-il gentiment avec un sourire aux lèvres.

Il lui emboîta le pas tandis qu’ils se prenaient la direction inverse de celle qu’ils avaient prise jusqu’ici. Durran ne put s’empêcher d’être surpris par la tournure que prit la conversation lorsque la dame du Bief évoqua le fait qu’elle ne pouvait décemment pas demander une salle à manger à leur seul usage au Donjon Rouge, avant d’enchaîner sur le choix de la salle en question.

En quelques instants, elle avait donné l’apparence de reconnaître une erreur, qui aurait pu tout aussi bien être un retournement de situation, puis exprimé clairement sa connaissance de la disposition des salles du Donjon Rouge avant de finir par une réplique charmeuse. Cette dernière allait d’ailleurs parfaitement avec le sourire qu’elle lui adressait.

Il reconnaissait bien là la digne protégée de Lady Olenna, au point qu’il ne put s’empêcher de laisser échapper un éclat de rire avant de lui sourire avec un amusement non dissimulé.

- Ma dame, il serait criminel de refuser une demande aussi bien amenée et formulée que la vôtre. Je serai donc ravi que vous m’invitiez à vous inviter à dîner. Répondit-il avec une certaine facétie, la joie de vivre de Margaery étant communicative.

Qu’elle soit feinte ou véritable, l’excitation qu’elle manifestait et son engouement à l’idée de partager ce repas dans un cadre des plus agréables, et qu’il n’avait pas non plus eu l’occasion de voir auparavant. Il serait quand même dommage que le prince héritier des Sept Couronnes ne connaisse que trop peu le château où il était appelé à résider.

Le prince lui proposa son bras avant de poursuivre, un sourire flottant toujours sur ses lèvres tandis que son regard était plongé dans celui de son interlocutrice.

- Me ferez-vous le plaisir de m’accompagner ? Vous avez attisé ma curiosité, tant quant à la vue depuis cette salle qu’au regard de votre examen à mon sujet. Je ne voudrais pas passer à côté d’un tel régal pour mes sens et pour mon esprit, qu’il s’agisse du repas, du panorama ou du plaisir de votre compagnie.

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Margaery était amusée par ce jeu si bien mené. En effet, par cet échange de réparties, les deux joueurs faisaient preuve d'une grande subtilité. Lorsque Durran remarqua que la lady n'avait pas répondu à la question qu'il avait posé, celle de savoir qui pouvait être cette bonne reine décrite par Margaery, cette dernière garda son regard pointé en direction du sol pavé du jardin et seul dépassait son grand sourire qui se lisait sur les traits de ses joues et de ses yeux et, elle répondit d'un air pensif :

Pudeur et modestie... voilà sans doute deux caractéristiques que la bonne reine devrait avoir.

C'est de cette façon qu'elle venait de répondre à la question du prince. Elle releva la tête et regardait à présent, gaiement, la porte du Palais qu'ils approchaient.

La jeune femme aimait cet échange de phrases qui en cachaient d'autres, bien qu'elle ne savait pas où cela allait les conduire. Mais cela se voyait que Durran lui-aussi s'était mis au jeu, peut-être pour s'extirper de toute cette agitation qu'il avait subi ces derniers temps. Tant d'incertitudes, d'obligations ou d'interdictions reposaient sur lui en tant que fils, aîné et légitime, retrouvé du roi Robert. Parfois il fallait mettre de côté les préoccupations pour se tourner vers cette retraite des réalités qu'offrait le temps présent. C'est bien pourquoi Margaery choisit d'oublier ses responsabilités du quotidien et de continuer et faire durer ce moment.

Durran accepta évidemment la demande de Margaery. Au final, comme il l'avait lui-même remarqué en plaisantant, Margaery avait invité Durran pour qu'il l'invite. Le prince proposa son bras et ne tarda pas à lui demander de l'accompagner. En outre, il fit part de sa curiosité quant à la description que Margaery lui avait faite à propos du balcon, mais aussi de cet "examen" sur lui qu'elle avait dit vouloir mener.

En premier lieu, Margaery lui répondit sur un ton plaisantin :

Ne vous préoccupez pas trop de l'examen, je n'ai pas envie de vous voir perturbé au cours du dîner !

Elle n'avait pas répondu à l'invitation que Durran lui avait faite et ce n'était pas là une omission de sa part. Elle porta sa main vers le bras du prince, mais non pour l'attraper: elle posa ses doigts délicats sur la main du jeune homme. Elle leva les yeux vers ceux de Durran et lui confia :

J'accepte bien volontiers votre invitation cher prince, mais permettez-moi de me préparer rapidement.

Evidemment, Margaery souhaitait se vêtir d'une robe encore plus resplendissante que celle qu'elle portait actuellement. Elle comptait également mettre un de ses parfums fruité qu'elle n'utilisait que pour des occasions spéciales, et celle-ci l'était sans l'ombre d'un doute.

Elle fit glisser doucement le bout de ses doigts le long de la main de Durran et, sans vraiment attendre de réponse, elle se retourna pour entrer d'un pas gracieux dans le palais afin de se diriger rapidement vers sa chambre pour ne pas retarder de trop le dîner qui allait avoir lieu et à l'idée duquel elle était très excitée.

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