Le soleil se couchait doucement sur les terres qui refermaient peu à peu la large Baie de la Néra, lorsqu’Ashara quitta le Donjon rouge avec ces hommes et son époux pour aller chercher quelques effets sur son navire. Elle avait longtemps hésité sur la marche à suivre, voulut se faire passer pour une servante rentrant chez elle, puis une prostituée accompagnant quelques chevaliers Valois en permission. Mais finalement à quoi tout cela pouvait bien servir, ils pouvaient se faire attaquer au Donjon Rouge par n’importe qui pour une raison ou une autre et dans la cité tout autant, leur meilleur atout restait encore leur rang, leurs chevaux, leurs armures et leurs armes. D’ailleurs elle avait revêtu une longue tunique de cuir marron lacée sur les bras et fendue devant et derrière pour pouvoir marcher et monter. Par-dessus elle portait une sorte cotte de maille plus fine et plus légère que celle des hommes, mais presque aussi résistante, ainsi qu’un gorgerin doté de spallières en cuir moulé assorti. Il ne lui manquait plus que l’épée, mais Barristan portait en réalité la sienne aussi sur le côté accessible de son cheval ainsi que son arc.

Ainsi passèrent-ils au petit trot dans les rues de la ville attentif au moindre mouvement qui aurait pu présager d’une attaque, d’une tentative de vol ou d’une embuscade. Mais tout se passa finalement pour le mieux et elle arriva sur le bateau où elle devait retrouver son époux pour lui annoncer quelque chose d’important. Elle y avait longtemps réfléchi et avait mis du temps à se décider, elle avait un peu peur de sa réaction et craignait qu’il ne l’enferme définitivement ou ne la renvoie dans le Val, elle n’aurait alors pas la force de dire non, mais il leur fallait rester tous les deux. Elle craignait aussi qu’il ne soit pas aussi heureux qu’elle l’était, qu’il n’accueille pas la nouvelle comme une bonne nouvelle, que ce soit du u circonstances ou à sa personnalité. Bref elle était stressée, toujours un peu nauséeuse, même si elle allait beaucoup mieux sur la terre ferme, sauf le matin. Ils n’avaient pas beaucoup de temps à se consacrer l’un à l’autre depuis leur arrivés, débordés tous les deux par leurs affaires, celles du Val, celles du Royaume et la préparation du procès de Lysa, c’était donc ce soir, l’occasion de se retrouver à bord de leur navire loin de tout complot et de toute animosité ou faux semblant de la cour. Elle avait hâte, et elle avait pris une autre robe pour lui, espérant qu’elle aurait le temps de se changer avant qu’il n’arrive.

Elle avait aussi rendez-vous avec Ayiana, mais elle espérât qu’elle arriverait plus tard, seulement lorsqu’elle entra dans sa cabine, elle put voir que ça n’était pas le cas hélas, elle lui sourit néanmoins et congédia ses hommes.

__ Aides moi je te prie. »

Lui dit-elle en essayant de se débarrasser tant bien que mal de son armure ajustée. Il fallait qu’elle se hâte, Lyonel ne tarderait surement pas, Ayiana allait l’aider à se changer, car seule, il lui était difficile de se déshabiller et de s’habiller peut-être plus encore. Elle sourit de n’y avoir pensé auparavant, elle aurait pu emmener avec elle une de ses servantes, mais qu’importe, elle avait trop envie d’être seule avec son mari et dans la précipitation, elle n’y avait pas pensé.

Ahsara n’attendait pas de révérence de la part d’Aiyana, seule les Ladies faisaient de révérences, et il ne faisait aucun doute que la jeune femme n’en était pas une. Elle n’en attendait pas plus de ses chevaliers qui se contentaient généralement d’un signe de tête respectueux, sauf lors de leur adoubement où ils étaient à genoux. Elle attendait le respect, estimait qu’elle ne valait pas moins qu’eux mais n’aurait jamais accepté que les hommes qui étaient prêts à mourir pour la protéger s’incline quotidiennement plus qu’un homme doit le faire. Or, elle considérait désormais Aiyana comme un membre de sa garde, au même titre que ces hommes, au même titre qu’Haelgara. D’elles deux et des autres, elle ne voulait pas de signe ostentatoire de respect protocolaire, elle voulait le véritable respect, celui qu’on voit dans les yeux d’un guerrier prêt à se battre pour vous. Car sous ses dehors de Dame de haut rang attachée à l’étiquette et à la bienséance, elle n’avait que faire des ronds de jambe et des flatteries courtoises qui, elle le savait depuis longtemps, ne voulait rien dire, surtout pas qu’ont respectait ou aimait la personne et qu’on lui obéirait quoi qu’il en coute. Le cérémonial des rencontres entre nobles n’avait qu’un but : montrer l’ordre hiérarchique dans lequel on se plaçait. C’eut été une vaine compensation d’un manque d’autorité latent que de vouloir l’entretenir chaque jour même en privé, et elle n’en avait pas besoin pour que tous sachent qui commandait. Elle ne l’entretenait que pour la forme en publique, et encore, tout dépendait où, quand, comment et avec qui…

Ashara n’eut pas eu le temps de répondre à la personne qui avait frappé à la porte que Ser Raymar entrait alors qu’elle ne portait plus que sa fine tunique de lin blanc. Extrêmement gênée, par cette intimité qu’elle pouvait accepter avec une femme, mais certainement pas avec un homme, enfin un autre homme que son époux, elle hésita quelques instants. En effet, c’était une situation très étrange qui se présentait là. Tout d’abord elle qui se laissait déshabiller par une fille du brouillard qu’elle avait bien failli tuer et à qui elle ne faisait aucunement confiance encore quelques semaines auparavant. Ensuite, que Raymar soit entré sans vraiment s’annoncer et qu’il regardait à présent la sauvage avec insistance, qu’y avait-il donc entre ces deux-là... Elle dit finalement :

__ Sortez immédiatement Messer ! Ma sécurité n’a rien à craindre ici. »

Mais alors qu’elle allait plonger son regard dans celui d’Aiyana pour sonder son âme, elle se rendit compte que celle-ci avait posé l’armure et venait de gifler le chevalier avant de l’embrasser. Regardant la scène avec surprise, puis avec sévérité, elle les poussa doucement dehors pour qu’ils continuent leur affaire pendant qu’elle s’habillait, seule. Ça n’allait pas être une mince affaire, mais elle devait se presser, Lyonel allait arriver et elle ne serait même pas prête. Elle regrettait vraiment de ne pas avoir pensé à prendre une dame de compagnie, mais à vrai dire sa pensée en allant au bateau portait d’avantage sur sa sécurité que sur la manière dont elle allait se changer. Elle referma la porte derrière les deux tourtereaux et enfila sa robe. Il s’agissait d’une robe de velours noire rehaussée de galon brodés et perlés rouge et blancs, aux manches rouges décorées du même galon et d’un grillage brodé de fil blancs sur les épaules. Son large décolleté en V descendait jusqu’à la taille sur une tunique blanche qui montait jusqu’au cou en un col brodé et dont le devant était lui aussi brodé de croisillons argentés. La première couche était facile à enlever et mettait en valeur sa poitrine gonflée par la grossesse sans la compresser, de plus elle était aux couleurs de son mari et c’était en grande partie pour cela qu’elle l’avait choisi. En revanche la tunique se déboutonnait par derrière en haut, mais Ashara n’avait pas trop considéré le problème. Seulement à en l’enfilant, elle se rendit compte qu’elle ne pouvait pas la fermer, elle enfila la robe malgré tout et n’eut aucun mal à la mettre, mais les quelques boutons en haut de la tunique restaient ouverts. Après s’être contorsionnée un bon moment devant la petite coiffeuse pour essayer de les fermer, elle se rendit à l’évidence : elle ne pouvait pas le faire elle-même.

La brune rouvrit donc la porte pour demander de l’aide. Ayiana se tourna vers elle et demanda si Lyonel viendrait, quelle question, bien sûr qu’il viendrait, mais Ashara n’eut pas le temps de répondre que la sauvageonne parla de quelque chose à fêter. Tout à l’annonce de sa grossesse à son époux, qui serait probablement le dernier du Donjon Rouge à être au courant, elle ne pensait plus à la mission d’Ayiana et à son succès, du coup elle se demanda comment cette dernière pouvait être au courant pour sa grossesse et répondit avec surprise :

__ Comment le sais-tu ? »

Les chevaliers de la Garde Ailée restés sur le pont à discuter sur ordre de la brune saluèrent leur Seigneur avec respect lorsque celui-ci passa au milieux d'eux en montant sur le bateau.
Quand Ashara entendit les pas de son mari sur le pont, elle ignorait comment mais elle savait que c'était lui, et son cœur se mit à battre tellement fort qu'elle crut un instant qu'elle allait défaillir. Quand il arriva, ouvrant la porte et la prenant dans ses bras, elle le serra de toute ses force contre elle et enfuis sa tête dans son cou. Il lui avait tellement manqué ces derniers, jours, certes ils dormaient ensemble, mais la plupart du temps, il partait alors qu'elle dormait encore et revenait quand elle était déjà endormi. Il fallait mettre les pièces du puzzle en place et ils n'avaient pas le temps de se retrouver tous les deux. C'était très difficile pour la jeune femme, qui avait plus que jamais besoin de lui, tant la peur l’assaillait à chaque instant et plus encore depuis qu'Oberyn lui avait fait comprendre le mal dont elle souffrait. N'y tenant, pas un instant de plus, elle l'embrassa avec une infinie tendresse pendant qu'une larme coulait sur sa joue, puis, toujours dans ses bras elle plongea son regard dans le sien avec un grand sourire et lui dit :

__ Lyonel, mon amour, je suis enceinte. »

La brune attendit sa réaction avec une pointe appréhension mêlée de joie, elle n'avait pas parlé très fort, mais probablement assez tout de même pour que les deux tourtereaux de l'autre coté de la porte désormais grande ouvert aient entendus, à moins qu'eux aussi ne soient concentrés sur autre chose. Elle n'avait hélas pas eut le temps de boutonner ni de se coiffer pour être parfaite pour lui, d'ailleurs elle était légèrement ébouriffée avec ce changement de tenue. Mais à vrai dire, elle avait oublié tout cela à l'instant même où il était arrivé et maintenant qu'ils partageaient cette grande nouvelle rien d'autre n'avait d'importance.
Ashara était consciente que cela pouvait tout aussi bien la tuer ou n'aboutir tout simplement à rien, mais néanmoins c'était une bonne nouvelle. Elle n'était pas stérile, Lyonel non plus, bien au contraire, et bien qu'elle soit malade comme un chien les premières semaines, elle allait peut-être donner un héritier au Val.

Ashara n’avait d’yeux que pour la réaction de Lyonel, aussi ne vit elle pas Aiyanna se déconfire. Quant au Lord de son cœur, heureusement qu’elle n’entendit pas sa première pensée car s’il l’avait dit à haute voix elle aurait explosé de rage et s’en serait suivie une de leur énième dispute virulente. Evidemment qu’il était le père de cet enfant, qui d’autre aurait pu l’être, elle était vierge le soir de leurs noces et aucun autre homme n’avait partagé sa couche entre temps ! Quoi qu’il en soit, la confusion du Noire-Épée s’exprima enfin dans un flot de mots désordonnés, la brune le regardait dans les yeux, elle n’arrivait pas à savoir s’il était heureux ou non et cela la frustrait énormément. Quand un large sourire apparut enfin sur le visage de son époux, elle ravala les larmes qui commençaient à lui monter au nez et sourit à son tour, mais rapidement ses pieds quittèrent le sol et il la fit tourner. Elle le serra fort et se laissa faire, amusée et émue par ce geste d’enthousiasme sincère. Il partageait sa joie, c’était tout ce qu’elle voulait savoir…

Il la reposa avec d’infinies précautions et dit une chose sur laquelle elle voulait tout de suite la rassurer, bien qu’elle comprenne parfaitement qu’il avait en partie raison et surtout que cela partait d’un bon sentiment. Elle ne s’assit pas sur la chaise qu’il venait de lui porter et posa ses mains sur les hanches et fronça les sourcils accompagnant son air sérieux d’un léger sourire complice.

__ Moi, fragile ? Et depuis quand ? Je ne l’étais déjà pas avant alors maintenant, mon amour, maintenant je suis plus que jamais redoutable. Maintenant, je suis une mère Faucon qui doit protéger ses petits. Mes serres arracherons la face de quiconque voudra leur faire du mal. »

Elle sourit et caressa sa joue.

__ Je doute qu’une étreinte de mon époux soit déconseillée, serre moi dans tes bras autant qu’il te plaira, l’enfant qui grandit en moi n’en sera que plus fort de notre amour. » Elle s’approcha de son oreille et ajouta : « J’ai demandé à Mestre Udo, nous pouvons même continuer à faire l’amour ! » Elle s’écarta et plongea son regard dans le sien avec un sourire jusqu’aux oreilles, ravie à l’idée qu’elle n’aurait pas à se passer de son corps et de ses caresses durant sa grossesse.

Il se précipita pour fermer la porte, il avait raison, cela devait rester un secret. Mais hélas, à Port-Real, ce genre de choses ne peut passer inaperçue et ceux qui n’avaient déjà tiré les conclusions de ses nausées connues de tous au Donjon Rouge l’apprendrait bien tôt ou tard.

__ Oberyn, Barristan et Creighton, Mestre Udo et… » Le Mestre avait été assisté d’une de ses servantes le jour où il avait confirmé sa grossesse à Ashara après examen, mais elle ne parvenait à se souvenir laquelle tant la joie l’avait submergée. En cherchant dans son esprit il finit par se souvenir et baissa la tête, ajoutant sur un ton dépité : « Sienna… autant dire que tout Port-Real est au courant ou le sera sous peu, surtout si son premier réflexe a été de le dire à ses collègues et aux suivantes, ce qui ne m’étonnerait pas. »

Un long moment de flottement s’en suivit, Ashara craignait que Lyonel ne la renvoie dans le Val immédiatement. Elle le craignait et en même temps, elle se demandait si ça n’était pas le mieux à faire. Mais ne pas assister au procès de Lysa, après tout ce qu’elle avait fait, ce serait une sévère déception. Elle ignorait si elle obéirait à son époux dans une telle situation. Sans compter que, cela pourrait finir d’éveiller les soupçons de leurs ennemis. Heureusement Aiyanna les sortis tous de cette indécision. Elle lui sourit quand celle-ci lui assura que ce serait un mâle. Elle priait chaque jour pour que ce soit le cas et l’espérait du fond du cœur mais ne voulait pas se faire de fausse joie en se persuadant qu’elle portait l’héritier de la Maison Arryn. L’objet qu’elle avait lança à Lyonel et qu’il lui montra n’était autre que la broche de Petyr Baelish. Est-que cela voulait dire que…

La brune releva la tête et plongea un regard intensément vengeur sur Aiyanna, elle souriait légèrement et lui fit un signe de tête en remerciement de ces bons et loyaux services. Elle sortit de la cabine, se plaça à l’encablure de l’entrée de la cale et fit signe à ses deux plus fidèles gardes qui savaient alors quoi faire. L’un viendrait vérifier devant la porte que personne ne pouvait entendre ce qui se passerait, et l’autre devait surveiller le pont et les quais. Elle redescendit quelques instants plus tard. Maintenant, nul ne pouvait venir à bout des Valois, à moins d’une trahison de Varys, personne n’avait le pouvoir d’informer les Lannister de ce qui se qui se tramait contre eux et même lui n’avait aucune preuve à leur présenter. Les pions étaient en place, les Martell avait tout intérêt à les suivre pour obtenir vengeance, Eddard Stark ne savait que trop bien de quoi ils étaient capables pour une place au pouvoir. Ashara s’assit finalement sur la chaise, soulagée d’avoir éliminé son ennemi le plus dangereux. Le procès s’annonçait plus que favorable à présent.

__ Racontes moi, je veux savoir s’il a souffert, j’espère qu’il a souffert ! »

Dit-elle avec une expression qui aurait fait froid dans le dos à quiconque avait quelque chose à cacher à la brune ou n’était pas, simplement, de son côté.

Ashara fut en effet déçue, et si cela eut peut se lire sur son visage l’espace d’un instant, elle fut bien obligée de reconnaitre qu’Aiyanna avait eu raison de ne pas prendre ce risque. Elle acquiesça d’un signe de tête et écouta la sauvage raconter la suite, ou plutôt le comment tout en songeant que finir égorger allait très bien à Littlefinger. On coupe la gangrène du petit doigt avant qu’elle n’atteigne le reste du corps et ne s’infiltre dans le sang. La brune se remit à sourire, fière de ce qu’avait accomplis la jeune femme avec l’aide d’Haelgara. Avec ces deux-là dans ses rangs, nul doute que le secret du Faucon serait bientôt parmi les plus efficaces services d’information du Royaume. Quant aux Dieux, qu’ils soient anciens ou nouveaux, la jeune femme doutait qu’ils fassent quoi que ce soit à Petyr, mais qu’importe, il était mort, une carte de moins dans le jeu des Lannister, et une carte de plus dans le sien en la personne d’Ayianna. Elle aurait pu jubiler à cette victoire, mais hélas sa tâche était loin d‘être accomplie et maints périls les menaçaient encore. La révélation de la fille du Brouillard fit brusquement relever la tête à Ashara, elle avait un indice ! Un témoin, une preuve ! Quelle joie ! Quel atout dans la manche des Valois ! Peut-être plus encore que la mort de Baelish. Non tout de même pas… Mais lorsque la sauvageonne tut le nom pour dire que sa collègue sauvageons s’en occupait, la brune resta sur sa faim. Avec toute sa frustration, elle s’exclama :

__ Mais dites ! Dites-moi qui ! »

Bon certes, Ashara avait entière confiance en Haelgara pour le faire parler et le faire témoigner, mais elle voulait savoir, elle était curieuse et curieuse aussi de savoir comment Aiyanna avait obtenu l’information ! Tiens d’ailleurs, il faudrait qu’elle mette Alistair sur la piste, et ainsi, la sauvageonne n’aurait pas à s’exposer outre mesure. Comment faire cela… peut-être par le biais de Corwin Rogers, ou encore Robar… Il serait temps d’y réfléchir, mais pas tout de suite. Ayianna servit alors du vin à Raymar et Lyonel et lui interdisait d’en boire, de toute façon la brune ne supportait plus la moindre goutte d’alcool depuis ce fameux voyage en bateau, elle avait boire essayé à quelques occasion, mais rien n’y faisait, l’odeur même lui donnait la nausée. Elle demanda à Creighton, toujours stationné devant la porte, de demander du lait chaud au miel pour elle, lui disant qu’il pouvait quitter son poste quelques instants pour faire la commission. Elle se rassit et dit :

__ Trinquez ne m’attendez pas, mon caprice risque d’être long à concocter » sourit-elle « A l’enfant que je porte, à la Suzeraineté, désormais officielle, de Lyonel et au succès de mes espionnes préférées ! »

Elle les préférait amplement à Varys qui l’exaspérait avec son air mielleux et ses demi-mensonges mêlées de vérités. Il entretenait le mystère de sa fonction comme ce qu’il était : un acteur. Au moins, ses Fauconnes à elle n’avaient pas besoin de tant de flatterie et de duperie pour faire leur travail. Tiens d’ailleurs, il fallait les récompenser, ou avait-elle bien pu mettre sa bourse pensa-t-elle alors que Lyonel s’assit, comme pris soudainement d’une extrême lassitude et que Raymar chancelait en se demandant silencieusement ce qui lui arrivait. Ashara fut surprise de voir son loyal chevalier et son amour dans cet état :

__ Que… qu’est-ce qui se passe… vous… Lyonel ? Ça va ? Mon amour ? » Il tenta de répondre, mais tomba sur le sol alors que son épouse essayait tant bien que mal de le retenir et que Raymar s’affalait violemment à terre.

Elle avait tant craint ce moment qu’il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre : le vin, le malaise des deux hommes qui en avaient bu… Mais Ayianna semblait en forme elle… Et… Par les Sept, c’était elle qui le leur avait servi, proposé, apporté… Ça n’était pas Petyr que la sauvage avait égorgé, c’était elle qu’elle allait égorger… Pourquoi ? Se demanda-t-elle en regardant cette salope de traîtresse dans les yeux tout en se kevant brusquement pour lui balancer sa chaise et se donner le temps de reculer et de trouver une arme pour se défendre une arme pour se défendre. Dame Affliction ! se dit-elle en regardant vers le fourreau de son époux pour tenter de s’y jeter.

Elle lui avait fait confiance, Aiyanna lui avait sauvé la vie et elle était entrée dans le cercle restreint du Faucon Blanc. Et elle venait de la trahir ! Que les mécréants comme Littlefinger soient des traites passait encore, mais qu’une personne qu’elle avait épargné puis à qui elle avait pardonné et qui enfin, avait su gagner sa confiance cherche à la tuer, c’était intolérable pour elle. On la poignardait en plein cœur et la colère la submergeait.

__ GA… » Allait hurler Ashara en regardant cette salope de traîtresse d’un œil aussi noir que le fond de sa pensée quand cette dernière se mit à genoux. Le geste surpris tellement Ashara qui s’attendait à la voir se jeter sur elle pour l’égorger que l’appel s’étouffa dans sa gorge.

Endormis ? Son époux était en train de mourir sans ses yeux et elle ne pouvait rien faire pour lui, il fallait d’abord qu’elle survive… et qu’elle sache le poison utilisé. Et ensuite, elle ferait dormir Ayianna, pour toujours ! La rage et le chagrin lui firent monter les larmes aux yeux. Mais malgré cela elle s’avança vers la sauvage, avec la plus grande prudence prête à abattre la longue lame sur elle dès qu'elle s’rait à portée tout en s’en protégeant. Lyonel… Lyonel… que ferais-je sans toi mon amour… La simple idée de devoir un jour se remarier lui donna envie de vomir, heureusement elle commençait à avoir une certaine pratique en matière de nausée et elle parvint à se retenir. Elle avait du mal à se concentrer sur ce qu’Ayianna disait, les mots se mélangeaient dans son esprit avec le visage de son mari, étendu juste à côté. Mais… Elle était en train de raconter quelque chose de très intéressant pourtant ! Ashara reporta tant bien que mal tout son attention sur elle et arrêta d’avancer pour écouter ce qu’elle avait à dire, elle n’était plus si certaine de devoir la tuer, ce qu’elle disait… ce qu’elle racontait ressemblait au plus grand sacrifice qu’on ait jamais fait pour elle… Elle ne devait que tuer Petyr et en réalité elle avait fait bien plus… Même si celui-ci était toujours vivant.

__ Pourquoi devrais-je vous croire après ce que vous avez fait ! » Parce qu’elle a pris le risque de tout faire foirer en ne t’endormant pas comme les autres sous prétexte que tu étais enceinte espèce d’idiote !

La brune ne pouvait que se rendre à l’évidence, elle avait fait au mieux face à un tel ennemi, elle avait fait ce qu’il fallait faire, lui faire croire qu’elle était une alliée. Cette fois, Ashara était en larme pour de bon, la peur de perde Lyonel mêlée à son aversion pour la sauvage qui était en train d’être mise en pièce par son acte de bravoure et de dévouement. Lorsqu’elle eut terminé, et malgré la pudeur, elle lâcha Dame Affliction et s’approcha à grand pas pour la serrer dans ses bras en lui murmurant :

__ Je ne t’ai jamais considérée comme un animal de compagnie, comme un animal sauvage pendant un bon moment, puis comme un membre à part entière de ma garde depuis le jour où tu nous a sauvés Lyonel et moi aux Portes de la Lune. »

Elle s’écarta et sourit, les joues trempées de larmes et prit tendrement les joues de la Fille du Brouillard entre ses mains.

__ Si l’amour t’a donné la force de faire ce que tu as fait, saches que c’est l’amour et le respect que je porte à mon peuple qui me permettent de faire mon devoir, même quand il me pèse. Ce peuple Ayianna, tu en fais désormais partie, au même titre que Raymar… Même si j’espère que tu ne deviendras jamais aussi bavarde que lui et que tu garderas tout ton instinct qui te rend si forte. »

Elle sécha ses larmes en riant.

__ J’aurais bien des choses à te dire sur ce que je représente, mais le temps presse, personne ne doit voir ça avant que tu aies quitté le bord, mes hommes te tueraient. Tu as une mission à finir et je te suis infiniment reconnaissante de ce que tu fais pour le Val, saches que quelle qu’en soit l’issue, Raymar saura la vérité de ton sacrifice. Mais je t’en supplie, fais attention à toi, tues le vite, qu’importe qu’il souffre, je veux que toi tu reviennes, tu dois vivre... pour lui dire toi même... » Termina-t-elle en montrant Raymar du doigt.

Elle eut soudain une idée. Ayianna faisait à peu de choses près le même gabarit qu’elle et la suite de la mission pourrait s’avérer périlleuse. Ashara se précipita vers sa robe armure de cuir et de maille et l’apporta à la jeune femme.

__ Enfile ça. »

Il était encore un peu tôt pour discuter de l’entrée des Clans dans la Val avec Ashara, mais si la Fille du Brouillard survivait à tout cela, peut-être que les deux jeunes femmes auraient le temps d’échanger à ce sujet. La conversation promettait d’être houleuse, mais forte intéressante ! Enfin, là n’était pas le propos. C’est ce moment, alors qu’Aiyanna allait se rhabiller, que choisi Creighton pour lui apporter son lait chaud au miel qu’elle avait, entre temps totalement oublié. Le jeune homme très respectueux de la pudeur des femmes ressorti par réflexe en apercevant la femme dénudée, mais si son cerveau n’avait pas encore eut le temps de l’intégrer, ses yeux avaient tout de même vu les deux hommes à terre. Et il connaissait trop bien la brune pour ne rien s‘imaginer du tout sur ce qui pouvait justifier de la nudité d’une femme aux côté de sa Dame avec son époux et un membre de la Garde Ailée endormi ou mort…

__ Merde »

La première réaction d’Ashara fut la même que celle de la sauvage, preuve peut-être qu’elles n’étaient pas si différentes. Ayianna se rhabilla rapidement et retourna près de Raymar pendant que la brune s’apprêtait à arrêter le geste de son chevalier en levant les bras vers la porte. Effectivement Creighton se rua à l’intérieur et tombant nez à nez avec la brune la contourna pour la protéger, épée au clair. Elle ferma rapidement la porte en silence tout en disant :

__ Arrêtes Creighton, ranges ton arme. Je ne peux pas t’expliquer, mais je peux t’assurer que je ne suis pas en danger avec Ayianna. »
__ Et Lord Lyonel ? Et Raymar ? »
__ Ils vont bien, mais je n’ai pas le temps de t’expliquer. Il faut que tu laisses Aiyanna partir, que tu t’assures que cela reste secret assez longtemps pour qu’elle ait le temps de rejoindre le navire de Littlefinger et que tu charges notre meilleur archer de la protéger en toute discrétion. »

Creighton était l’un des rares hommes à avoir une loyauté sans failles pour Ashara, si elle disait que tout allait bien, alors, tout allait bien même si de prime abord, il ne l’aurait pas pensé. Ils avaient des codes en cas de prise d’otage et elle n’avait pas dit le mot, et à vrai dire, le sort de Lyonel et Raymar lui semblait bien secondaire par rapport à la survie de sa Dame. Barristan aurait pu s’énerver ne pas écouter les ordres, mais lui non, il ferait ce qu’elle voulait. Il n’en savait pas assez pour savoir si elle avait raison ou tort, mais durant toutes ces années il avait pu constater qu’elle avait souvent raison et que mieux valait lui faire confiance et exécuter ses plans à la lettre.

__ Bien Ash, comme tu veux. »
__ Tu as besoin d’autre chose Aiyanna ? Creighton, qu'est qui pourrait finir de convaincre Petyr qu'elle a tué Lyonel et moi ? Une preuve irréfutable qui pourrait lui sauver la vie s'il venait à douter et à vouloir l'éliminer ? »

Ashara demanda le poison utilisé et Aiyanna lui révéla la supercherie, elle fut rassurée.

__ Dame Affliction ? »

S’exclama Ashara, choquée par cette demande. Elle ne pouvait pas lui faire ça… pas sans lui demander ! Elle était prise entre l’envie d’aider Aiyanna et de lui prouver qu’elle avait confiance et l’amour qu’elle avait pour son mari dont elle connaissait l’attachement à son épée. La Sauvage avait raison sur un point, c’était une sacrée preuve, mais tout de même, si elle se faisait tuer, ou si elle la perdait. Cela dit elle était prête à sacrifier sa vie, qu’était-ce qu’une épée en comparaison. Ashara leva les yeux vers Creighton qui fit non de la tête. C’était une mauvaise idée, Lyonel lui en voudrait, et si elle était perdue, il pourrait bien la haïr pour cela, mais par les Sept, la disparition de Petyr ne valait–elle pas se sacrifice ? Elle valait la vie d’Ayianna et pas Dame Affliction ? Les épées en Acier Valyrien n’avaient pas de prix, mais malgré tout, une vie humaine était plus précieuse et si elle pouvait sauver la vie de la Fille du Brouillard, alors il n’y avait peut-être pas à hésiter finalement. Ne prenant pas en compte l’avis de son Chevalier, elle posa une main sur l’épaule de la sauvage et fit un signe de tête. Elle s’agenouilla devant Dame Affliction, la ramassa et la lui tendit en silence avant de murmurer à l’oreille de Lyonel :

__ Je suis désolée mon amour… »

La brune prit sa tête et la posa sur ses genoux en caressant son visage, elle regardait Aiyanna, elle s’était remis à pleurer, même si elle n’avait plus peur de le perdre parce qu’il allait mourir, mais elle craignait sa réaction lorsqu’il se réveillerait sans son épée. Lui expliquer cela n’allait pas être une mince affaire. Elle tenta tout de même de se calmer pour permettre à la sauvage de terminer ses missions, elle pleurerait plus tard…

__ Prend ma bourse sur le lit, cela pourra t’être utile… » Dit-elle en lui montrant le lit comme si elle ne l’avait pas vu. En réfléchissant à toutes les solutions, elle repensa au plan d’Aiyanna. « Mais… attends, si tu brûles le navire en haut mer, comment feras tu pour regagner la terre ferme ? »

La sauvage semblait n’y avoir pas vraiment réfléchit.

__ Mon bateau viendra te chercher avec une journée de retard, j’espère que la mer sera calme, si non, attends un peu avant de le tuer si tu le peux. Tu as non seulement ta vie à préserver, mais aussi certainement la mienne avec cette épée. Je t’en supplie, ramène la lui. »

Au fond elle préférait que Petyr vive un peu plus longtemps et qu’elle rapporte l’épée, mais trop consciente du sacrifice d’Aiyanna pour arriver à un résultat fatal pour Littlefinger, elle préféré ne rien dire. Elle lui sourit une dernière fois et la sauvage quitta la cabine en discutant avec Creighton comme si de rien n’était. Jasper Ruthermont la couvrirait de loin et d’ici quelques secondes, le Rougefort redescendrait et donnerait l’alarme. Ashara s’allongea auprès de Lyonel et le serra dans ses bras en l’embrassant une dernière fois avant de faire la morte. L’heure de vérité avait sonnée…
Les Suzerains du Val venaient d'être empoisonnés, certainement par la Fille du Brouillard.

__ Un Mestre ! Qu'on la retrouve ! »