Quelques jours avant son départ pour les Portes de la Lune, Ashara avait passé une journée à Goëville dans le but d’acheter des robes neuves à ses servantes ainsi qu’à Ysilla, Ilda et elle-même. Mais en secret, il s’agissait surtout d’équiper certains de ces chevaliers et hommes d’arme pour un voyage duquel elle craignait de ne jamais revenir, car elle n’avait dors et déjà plus confiance en Lysa et sa convocation de lui disait rien qui vaille. Elle en avait d’ailleurs succinctement parlé à Raymar Templeton qui lui avait offert l’hospitalité pour la nuit, mais elle ne pouvait pas lui demander de la suivre. Après quinze ans d’exil loin de chez lui, il avait bien droit à un peu de repos et de tranquillité d’esprit. De plus, elle n’avait pas voulut trop l’apeurer alors même qu’elle n’avait aucune preuve de la volonté de Lysa de lui faire le moindre mal. Et elle était déjà bien protégée même si elle n’aurait pas craché sur le soutient sans faille de ce chevalier dont Jon lui avait vanté tant de fois les mérites. Elle l’avait rencontré à Port-Real, plusieurs années auparavant alors qu’elle n’était qu’une enfant, et avait demandé pourquoi il devait aller à Hautjardin. Jon lui avait dit qu’il était ses yeux et ses oreilles chez les Tyrell et ainsi, lorsqu’elle était devenue intendante du Val, elle avait décidé de nouer des liens avec lui. Il l’informerait de ce qui se passait dans le Bief et elle l’informait des événements du Val d’Arryn, un échange de bon procédé duquel était née une certaine estime.

Au début, la jeune femme n’y pensait même plus, pas qu’elle ait oublié l’existence de Ser Brynden, loin de là, mais il avait toujours été si loyal et si fidèle, et il portait des armes différentes. Tant et si bien qu’elle ne le voyait plus comme un Tully, et certainement pas comme l’oncle de sa folle de tante, traitre et meurtrière. Elle ne s’en était souvenu que lorsque Lady Lysa avait prononcé son nom pour le duel judiciaire, et cela lui avait glacé le sang. Non seulement parce que s’il y avait bien un homme capable de battre Lyonel, c’était lui, mais aussi, parce qu’elle s’était alors rendue compte de son erreur stratégique. Heureusement, cela ne lui avait pas couté la victoire, mais ça aurait pu, et alors, sa tête et celle de son époux seraient sur des piques perchées en haut des remparts des Portes de la Lune. Mais quoi qu’il en soit, maintenant la question se posait, la Porte Sanglante ne pouvait plus être gardée par un Tully…

La nuit était tombée depuis plusieurs heures, on attendait Ser Brynden Tully pour le duel judiciaire qui devait avoir lieu au matin, il arriverait bientôt, quand à Lyonel, elle espérait qu’il se repose dans leur chambre nuptiale. Ashara avait prit place dans les appartements de Lysa, l’ayant reléguée dans une autre chambre plus petite et moins belle après ses aveux pour avoir le champ libre. Garder cette garce en vie était une épreuve pour la brune aussi fière que revancharde, mais les circonstances ne lui donnaient pas le choix. Il y avait eut, en plus de tout ce qu’elle soupçonnait, tellement de révélation depuis le matin. Elle se souvenait du moment où elle avait vu ce coffre, elle en avait eut les larmes aux yeux. C’était la malle préférée de Jon Arryn, magnifique, marquetée de scènes de chasse, renforcée par des montants d’acier avec un faucon et une lune en argent ciselé en son centre. En le parcourant du bout des doigts après le départ de Lysa, elle s’était souvenue, la dernière fois qu’elle l’avait vu, Jon lui avait montré un compartiment secret. Peut-être alors qu’il lui révélait ce secret se savait-il déjà menacé, quoi qu’il en soit, il ne contenait alors rien. Elle mit plusieurs minutes à se souvenir où il était et comment l’ouvrir, il fallait tourner le médaillon d’argent puis appuyer sur deux clous qui semblaient faire partie de la structure du meuble. La plaque de bois recouverte de satin se décala, et cette fois, le compartiment contenait des documents, des informations cruciales, mais la jeune femme ne parvenait pas à y comprendre quoi que se soit.

La brune ne comptait pas dormir ici, mais elle ne pouvait plus quitter les documents des yeux, elle avait demandé à ce qu’on lui porte à manger ici, et pour que son époux ne le prenne pas mal, elle l’avait invité à partager son repas. Mais elle ne lui avait rien dit, elle avait trop peur de sa réaction, trop peur que sur un coup de tête il mette le Val et l’ensemble des Sept Couronnes à feu et à sang. Elle avait tout caché, attendant qu’il reparte pour ressortir les feuilles de papier recouvertes de messages qui à ces yeux n’avaient aucun sens. C’est alors que Ronan Froideseaux, qui discutait avec les hommes dans la grande salle avait accourut pour la prévenir, Ser Brynden était arrivé et avec lui plusieurs chevaliers dont un qui n’était autre que Ser Raymar de Fort Etoile. Que pouvait-il bien faire avec le Silure ? Ashara craint qu’il n’ait changé de camp, mais elle le fit néanmoins monter car elle avait beaucoup de choses à lui dire et à lui demander, à lui qui semblait avoir toujours été proche de Jon et au courant de bien des secrets. Ronan redescendit sans son épée, Ashara avait décidé de la garder au cas où et boucla tant bien que mal la ceinture autour de sa taille fine recouvrant le tout de la houppelande qu’elle portait depuis le matin. Elle était en velours bleu ciel soutenu ourlée de fourrure d’hermine blanche normalement ceinturée d’une bande de tissu brodé et rehaussée de perle qu’elle avait délibérément oublié de mettre pour pouvoir accéder rapidement au pommeau de l’arme tout en la dissimulant. Dessous, elle avait la robe assortie de soie bleue ciel un peu plus claire et brodée de blanc et d’argent. Elle avait eut l’occasion de se défaire de son diadème de saphirs et or blanc, de l’imposant collier et des boucles d’oreilles assorties et s’était lâchée les cheveux, qui tombaient maintenant librement sur ses épaules.

C’est ainsi qu’elle apparut dans l’antichambre où attendait Ser Raymar, ayant préféré le sonder ici plutôt que de l’inviter à entrer dans la pièce attenante. Tout près de deux de ses fidèles hommes, Ser Barristan et Quentyn Tallhart qui avaient fait mine d’être un peu éméchés et pas très attentifs pour endormir la vigilance de celui qui était peut-être un traitre. Elle savait en les choisissant qu’ils joueraient se rôle à merveille, ils étaient coutumier des cuites et avaient un certain talent pour la nonchalance. Marchant doucement, mais avec la même allure altière que d’habitude pour ne pas lui laisser apercevoir l’arme, elle voulut tester sa loyauté une bonne fois pour toute avant de le laisser entrer. Elle avança donc main droite, portant la bague en saphir en avant, sans un sourire, sans un mot, et avec un regard scrutateur et sans peur. Après ce qu’elle avait vécu la veille, elle n’avait plus de raison d’avoir peur, elle n’aurait plus jamais peur de rien ni de personne, mais il fallait qu’elle sache et elle essayait de lire en lui. Mais il n’était pas un de ses chevaliers, elle ne le connaissait pas, elle n’arrivait pas à savoir si elle pouvait lui faire confiance. Même après qu’il se soit agenouillée et ait embrassé sa bague, signe de son pouvoir en attendant qu’elle fasse faire le sceau Arryn à la taille de ses doigts, le doute subsistait. Mais l’affaire était trop grave hélas pour qu’elle en parle en présence de ses chevaliers qui étaient enclins à avoir la même réaction que Lord Lyonel. Ah les hommes…

Elle lui fit signe de se relever avec un sourire et l’invita à entrer dans la chambre sans lui tourner le dos un seul instant. Alors qu’il commençait à se diriger à l’intérieur, elle recula jusqu’à la porte, prête à l’ouvrir, et répondit avec froideur, main sur le pommeau de son épée et regard plus perçant que jamais.

« Je vous remercie, Ser Raymar, mais je ne vous ai pas fait mander pour discuter de cela. A l'avenir, gardez vous de critiquer mon mariage ou mon époux, mon honneur et celui de ma maison m'interdisent de le tolérer. Que faisiez-vous à la Porte Sanglante avec Ser Brynden ? »

Effectivement, le mariage était loin d’être désiré, mais il était officiel et consommé, quand à son accession à la Suzeraineté du Val, elle était désormais indiscutable. Mais s’il était bien de son côté, ça n’était pas les événements des jours précédents qu’elle voulait aborder avec lui, mais plutôt ceux encore à venir qui reposaient sur sa compréhension des documents dissimulés par Jon Arryn.

Les mots n’étaient que des mots, mais Lady Ashara avait appris à voir au delà des promesses. N’imaginez pas qu’elle voyait tous les mensonges qu’on pouvait lui servir, loin de là, mais en voyant les sourcils de Ser Raymar se lever d’étonnement, elle sut qu’il était toujours du côté de Jon et donc du sien. La vérité n’était pas toujours facile à obtenir, et les pires traitres étaient bien ceux qu’on ne voyait pas, comme ce Petyr Baelish qui était passé maitre en ronds de jambes hypocrites mais avait fomenté le meurtre de son Suzerain avec sa propre épouse. Une ignominie infâme et impardonnable, surtout après tout ce que Lord Arryn avait fait pour lui, le nommant d’abord à Goëville puis le proposant pour le poste de Grand Argentier du Royaume. La brune l’aurait étranglé sur el champ si elle l’avait eut en face d’elle à l’instant où elle avait appris, mais il lui avait fallut garder tout son calme pour garder Lysa en état de parler. De plus, quelques heures avaient passées entre temps, et il lui fallait reconnaître une chose, le plan de Petyr, dont elle ignorait toujours l’objectif final, mais dont les sentiments de Lysa à son égard commençaient à éveiller ses soupçons, était magnifiquement ficelé. Et pour cela, la vengeance était un plat qu’elle voulait manger froid…

Mais si c’était le mensonge et la duperie dans lesquels elle trempait depuis le matin, et qu’elle n’arrivait plus à s’en laver, transpirait de tous ses pores la nécessité absolue de faire payer ses ennemis. La vérité seule émanait du jeune homme qui lui faisait face, et Jon Arryn lui avait fait confiance si longtemps, et jamais il ne l’avait trahit, jamais il n’avait agit contre le Val. Alors, même si les doutes subsistaient dans cette atmosphère de complot mortel, elle voulait lui faire confiance. Alors qu’il enlevait son épée et lui expliquait pourquoi il avait été retenu à la Porte Sanglante dans une histoire qui semblait tenir la route puis faisant vœux d’allégeance lui offrait sa vie, elle eut un soupir de soulagement et sut que cet homme était un allié précieux. Elle fit alors une dernière chose pour vérifier : elle dégaina la lourde lame de Ronan Froideseaux et la leva comme pour le mettre à mort. L’épée n’était vraiment pas faite pour elle, trop lourd et trop longue, ses frêles épaules peinèrent à la manier et ses bras tremblaient – il faudrait vraiment qu’elle s’entraine de nouveau – elle assura la prise de ses mains sur la poignée pour être certaine de ne pas le blesser par mégarde et abattit la lame à côté de lui avec force.

La pointe était désormais posée sur le parquet marqueté de la chambre, Ashara Arryn avait gardé tout ce temps ses yeux bleus dans ceux de Raymar et souriait désormais, satisfaite de la réaction du Chevalier. Le souffle court après l’effort qu’elle venait de faire pour lui faire peur sans risquer de le blesser et la concentration qui ça lui avait demandé après bien trop de mois sans toucher une arme d’entrainement. Elle lâcha d’une main l’épée, et la présenta, paume ouverte devant le visage du jeune homme de manière à l’aider à se relever.

« Relever vous Ser… vous venez de prouver que Lord Jon Arryn avait raison de vous faire confiance. »

Ashara posa l’épée sur le lit et se défit de la ceinture et du fourreau qu’elle posa au même endroit. Elle s’approcha du bureau pour reprendre l’arme du Chevalier et la lui rendre, posée sur ses mains avec un signe de tête pour qu’il sache qu’elle l’autorisait à se réarmer entièrement et que son allégeance était accueillie avec tous les honneurs. Cela faisait aussi office d’excuses pour l’accusation infondée, et se serait tout ce qu’il obtiendrait car les Arryn n’étaient pas prompts à s’excuser, elle encore moins que quiconque. Puis elle invita Raymar à prendre place sur un confortable fauteuil placé près du bureau pendant qu’elle cherchait les notes de Jon qu’elle avait caché dans le coffre.

« Puis-je vous demander pourquoi vous vous rendiez aux Eyriés ? Il ne me semble pas que Lysa vous avait invité, si ? Et que vous a dis Ser Brynden pour vous retenir à la Porte ? » Demanda-t-elle tout en posa les quelques documents manuscrits sur la table et en s’installant dans l’autre fauteuil.

Il était certain que si Raymar s’était réellement appuyé sur sa suzeraine pour se relever, la jolie brune n’aurait pas fait le poids, surtout après un tel effort et malgré sa détermination, le poids de l’armure et de l’homme lui-même était bien trop important. Mais c’était un geste de paix et d’amitié qu’elle n’offrait qu’à ses plus proches et loyaux chevaliers, peu d’hommes pouvaient se targuer de l’avoir jamais touchée, même seulement sa main. Elle n’avait jamais trop aimé les contacts physiques et aimait garder toujours une certaine distance, une manière pour elle de se préserver, mais surtout de ne pas tenter ceux qu’elle ne devait pas tenter. Et si possible tenter ceux qu’elle devait tenter autrement qu’avec ces courbes féminines et des airs aguicheurs qui ne lui ressemblaient pas, même si parfois, la fin avait justifié les moyens et qu’elle avait dû se plier à ce petit jeu qui la dégoutait autant que la dégoutait d’être nue. Et même si depuis la veille, et plus précisément la nuit de noces, elle avait pris conscience que ça n’était pas si terrible et désagréable, elle continuait d’avoir une certaine aversion pour le corps, le sien et plus encore celui des hommes. Celui de son mari lui convenait néanmoins et elle l’avait, contre toute attente, plutôt apprécié, ce qui avait réveillé en elle une certaine sensualité dont elle ne se savait capable que dans le véritable amour. Mais elle ne comptait le montrer à personne d’autre qu’à lui, parce qu’il était son époux, parce qu’il était son complice et surtout parce qu’il était le seul à qui elle ait envie de se dévoiler.

Ashara eut un sursaut quand elle vit Raymar plonger la main dans sa besace, elle était désormais totalement désarmée et elle eut un doute soudain, et chercha une solution rapide. Mais il sortit un parchemin et elle fut instantanément soulagée, essayant de se calmer car la tension de toutes ses révélations commençaient à jouer un peu trop sur son humeur. Elle prit la missive et la parcourut des yeux avant de la rendre au jeune homme avec un sourire un peu triste, puis elle l’écouta avec attention, observant dans le même temps combien il était affecté par la mort de Jon et par les manigances de Lysa. Son allégeance et son soutient ne faisait plus aucun doute, pas plus que le fait que la brune serait une bien meilleure suzeraine que la régente actuelle. Pour elle la question ne se posait même pas, d’autant plus qu’elle était désormais certaine que c’était la volonté de Jon. Quand à Robert, elle n’en revenait toujours pas que son père l’ait évincé de la ligne de succession et Ashara même n’aurait jamais pris une telle décision et espérait maintenant pouvoir veiller sur lui et lui offrir la meilleure vie possible. Mais il fallait se rendre à l’évidence, le rejeton était faiblard et encore bien jeune. Il était possible, même probable qui meurt avant d’avoir jamais exercé le pouvoir et qu’il se montre incapable d’offrir un héritier légitime au Val ce qu’Ashara s’employait à faire au plus vite.

« Vous étiez venu pour me protéger… J’aurais aimé que vous soyez présent… Les choses se seraient déroulées autrement. » Elle soupira et reprit d’un ton tout aussi maussade. « Quoi qu’il en soit, il n’est pas étonnant que vous n’ayez pas été convié à cette mascarade de mariage, et je pense qu’elle n’aurait invité personne d’autre que ses partisans si elle avait pu. Seulement parmi les fidèles de Lord Jon, il y avait des seigneurs bien trop importants pour qu’elle puisse se permettre de ne pas les faire assister aux noces de sa nièce et héritière en second et ancienne intendante du Val. Cela, ainsi que ses manigances abjectes pour faire taire Lord Lyonel une bonne fois pour toute et m’éloigner des Eyrié au prix d’une mésalliance généreusement dotée lui ont coûté la victoire, le pouvoir et lui coûteront bientôt la vie. »

Elle avait reprit du poil de la bête tout au long de son discours et s’était relevée en disant ses derniers mots. Elle termina sa phrase en frappant du poing sur la table, rouge de colère et de ressentiments contre cette femme qu’elle se voyait néanmoins obligée d’épargner pour confondre les autres responsables de la mort de Jon Arryn. Il n’en restait pas moins qu’elle était, dans sa folie et dans son désir de pouvoir dénué de toute stratégie intelligente, la seule responsable de la mort des rêves de la brune. Il en aurait été de même si elle avait pris la peine de la marier à Robb elle aurait été encore plus loin des Eyrié, mais elle n’aurait probablement pas été assez humiliée. Alors Lysa avait choisi de la marier à l’homme qu’elle détestait le plus, car un mariage avec l’héritier de Winterfell aurait été trop beau pour cette nièce qu’elle haïssait autant que son époux et que Jon adorait et montrait en exemple à tous. Un homme presque deux fois plus vieux qu’elle et dont la famille s’était couverte d’opprobre en ne suivant pas son suzerain dès le début dans la guerre contre le Roi Fou. De la maison Corbray, certes une grande et noble maison ancienne, mais désormais désargentée et méprisée par certains, elle y comprit jusqu’à la veille. Un homme qui était loin d’avoir la même éducation qu’elle et qui s’était montré à bien des reprises très irrespectueux envers elle. Un homme avec qui elle avait toutes les raisons d’être malheureuse. Ses yeux se perdirent un instant dans la contemplation de la lumière vacillante de la bougie posée sur la table.

Elle refusait cette fatalité ! Mais, sans plus en tenir rigueur à son époux et tout en essayant de faire abstraction du passé et d’embrasser cette nouvelle vie, elle continuait de regretter l’existence qu’elle aurait pu avoir avec Robb Stark. Lady Lysa avait détruit ses rêves d’enfant et la forçait par ses agissements à assumer la pleine responsabilité de son nom, de la subsistance de sa maison et de sa région, elle savourerait sa vengeance lorsqu’elle viendrait, elle le jurait devant l’étranger lui même. Elle se racla la gorge le temps de ravaler ses larmes et de reprendre son masque de suzeraine plus déterminée que jamais. Dans son regard, assombri par la noirceur qui la gagnait, brillait maintenant toute la force de la lignée des rois de la Montagne et du Val, le regard du faucon, le Faucon Blanc à l’œil perçant fixé sur sa proie.

« Vous étiez là où vous deviez être Messer, là où votre Suzerain vous avez commandé d’aller. Et si j’en crois les parchemins que j’ai trouvés dans son coffre, vous protégiez quelque chose de bien plus précieux encore que notre défunt Lord Jon. Ne vous fustigez pas, il n’aurait pas voulut cela, vous savez à quel point il était bon. Nous le regretterons, mais je crains hélas que vous n’ayez pas pu, même si vous aviez été présent, le protéger contre sa propre épouse dont il ne se méfiait pas, ce qui est bien normal. C’est elle la coupable, elle me l’a avoué, elle et… Lord Petyr Baelish… oui… les deux personnes qui lui doivent le plus au monde… »

Elle en aurait pleuré, mais elle avait dit cela les dents serrées et les mâchoires contractées par la rage. Elle aussi s’en voulait, elle s’en voulait de ne pas avoir vu dans le comportement de Lysa et de Littlefinger les indices de cette trahison. Car elle était là, juste avant que Jon ne tombe malade, elle était là, venue pour le tournoi, et maintenant qu’elle y repensait, elle les voyait, et elle était une femme, elle aurait dû comprendre. La réaction à l’annonce des fiançailles d’Ashara avec Robert, ses petites manies avec son fils et sa froideur envers son époux, ses balades en solitaire dans le Donjon Rouge. Elle se rassit et sourit à son interlocuteur.

« Je suis heureuse que vous ayez été désarmé, le Val n’a pas besoin de la mort d’un homme de bien de plus. Le Val a besoin de vous Ser Raymar, et j’ai besoin de vous, et j’ose espérer qu’une fois qu’il saura tout, Brynden reviendra à la raison et que nous pourrons le compter parmi nos alliés. Je n’ai pas besoin de vous rappeler qu’aussi vile soit Lady Lysa, elle n’en est pas moins une Tully, et que si nous perdons le Conflans, nous risquons fort de perdre le Nord avec ce qui dans une guerre serait désastreux. »

Elle poussa alors délicatement les parchemins vers Raymar pour qu’il en prenne connaissance à son tour, même si elle était persuadée qu’il savait déjà ce que certains contenais, en l’occurrence les missives, puisqu’il en était l’auteur...

Oh oui ! Lady Ashara Arryn, Dame des Eyrié, Suzeraine et Protectrice du Val, comprenait la réaction viscérale de Raymar. Elle la comprenait car elle avait eut la même et elle gardait cela bien enfoui en elle désormais. Mais malgré cela la colère grondait en elle et la rendait plus froide plus hautaine et plus déterminée que jamais. Elle aurait aimé ne pas avoir les responsabilités qu’elle avait et l’avenir du Val sur les épaules rien que pour pouvoir faire la peau à cette garce. Elle aurait aimé pouvoir envoyer les armées du Val chercher Littlefinger par la peau des fesses pour le ramener ici et le faire voler après lui avoir fait bouffé les couilles par ses chiens. Elle aurait aimé pouvoir assouvir ses désirs de vengeance sanglante et cruelle, elle avait tout un tas d’idées et ces idées qui germaient depuis qu’elle savait. Mais elle ne pouvait pas. Elle aurait tout donné pour pouvoir les jeter, attachés l’un à l’autre depuis la Porte de la Lune, voir s’ils volaient aussi bien qu’ils mentaient tous les deux, réunis à jamais dans leur traitrise. Elle aurait aimé les voir souffrir, les faire bouillir, les laisser rôtir, déverser son ire sur eux. Mais elle ne donnerait pas le Val et les Vallois en pâture aux rancœurs du Conflans, du Nord et de la Couronne pour autant. Le Val était la seule chose qu’elle ne saurait sacrifier, le Val et la Maison Arryn étaient pour elle, plus sacré que sa vie elle-même, et même plus important encore que son honneur.

La brune l’avait montré à maintes reprises, elle faisait toujours passer les intérêts des habitants de sa région avant les siens et avant ses désirs. Elle avait accepté son mariage pour cette raison, pour s’assurer de donner un héritier au Val au plus vite et faire cesser les agissements de Lysa. Elle avait accepté de ne pas assouvir la vengeance sanglante du Faucon Blanc sur le Clan des Fils du Brouillard pour donner un exemple qui resterait dans la mémoire des autres sauvages de montagnes. Quitte à s’incliner devant Lord Nestor qui refusait d’exposer son plan aux autres Seigneurs sous prétexte que ça serait trop cher en vies humaines, ou plutôt que ça n’était pas lui qui avait eut l’idée. Elle sacrifiait son égo pour celui des autres depuis toujours parce qu’elle n’était qu’une femme et que malgré toute sa culture, son intelligence et ses lectures, elle restait une simple femme qui n’avait pas à se mêler de ce genre d’histoire. Elle ne partageait cela qu’avec une poignée d’hommes, Neraron Vanbois, Nestor Royce, Mestre Udo, et parfois, Ronan Froideseaux, Creighton Rougefort, Barristan Tallett et Dimedes Melcolm. Mais cette fois là, ils étaient chargés de répartir les nouveaux arrivants du ban dans le campement, et elle s’était retrouvée seule contre les trois hommes qui voulaient régler ça rapidement et sans risque. Lorsqu’était venu le temps d’exposer le plan aux Lords et à leurs commandants et capitaines, elle était là, pour le principe. Mais elle était restée muette alors que le Surintendant mettait en place une puissante armée juste pour repousser les clans sur le versant occidentale des Montagnes de la Lune. Elle aurait pu parler, dire ce qu’elle pensait de cette politique de couards, mais elle aurait risqué de vexer Nestor et d’engendrer des tensions entre les capitaines, les Lords et le Surintendant. Or en temps de guerre, c’était la pire chose à faire.

« Mille morts et plus encore. Si vous voulez mon avis, la mort est un châtiment bien trop doux pour cet infâme parvenu et cette catin de Lysa qui c’est laissée déflorer par un garçon de petite naissance avant ces noces. Je comprends votre rage, la même coule dans mes propres veines ! Croyez le bien, j’aurais fait exécuter Lysa avec plaisir si seulement je n’avais pas entrevu son utilité pour la suite. Je ne saurais vous blâmer pour cela, j’ai bien faillit l’étrangler sur place quand je l’ai entendue me déballer son histoire d’amour abjecte avec ce Littlefinger. Et je dois vous avouer que durant tout l’après-midi, j’ai regretté de ne pas l’avoir fait. Mais nous devons agir avec discernement, ne pas nous laisser aveugler par ce que notre amour pour Jon nous préconise de violence aveugle et de vengeance sourde. »

Penser que l’arbitrage du Roi robert favoriserait Eddard Stark était oublier que les deux jeunes gens avaient été des années durant les pupilles de Lord Jon Arryn et que d’après ce qu’elle avait pu constater, ils l’aimaient profondément. Si Robert pouvait oublier les morts pour maintenir les vivants en paix, il n’en serait pas de même pour le Suzerain du Nord qui avait un sens de l’honneur sans faille. Du moins, c’est ce sur quoi comptait Ashara, car il était certain qu’elle ne saurait souffrir que Lysa reste en vie et Petyr moins encore et qu’elle ne se rendait pas à Port-Real pour voir déboutée cette exécution. Elle espérait bien obtenir justice sans risquer de se mettre en porta-faux avec le Conflans et le Nord et attendait de la part de Robert un esprit de vengeance absolu et de la par de Ned une froide sentence. Mais effectivement, peut-être qu’elle se trompait et si c’était le cas, alors non seulement elle se retrouverait seule contre le Nord et le Conflans, mais seule aussi contre le Roi lui-même.

Ashara attendit sans broncher que Raymar ait parcourut les parchemins et trouvé les mots pour s’expliquer de toute cela, le fixant de ses yeux perçants. Puis elle écouta en silence cette histoire qu’elle n’aurait jamais cru si elle n’avait pas eut, étalées devant elle les preuves. Elle avait compris, en lisant les parchemins, la majorité de ce que le Chevalier de Fort-Etoile lui confirmait à présent, mais cela n’empêchait pas la surprise de savoir ce prince héritier vivant alors que tout le monde le croyait mot. Evidemment elle connaissait son existence, elle avait étudié les grandes familles de Westeros avec soin, comme toute Dame de son rang. Mais lorsqu’elle avait lu le prénom de Durran, elle n’avait d’abord pas voulut y croire, et même devant l’évidence, elle restait abasourdie par cette histoire, et si le jeune homme n’était pas là pour lui dire de vive voix, elle serait restée très sceptique. Mais désormais qu’elle savait pouvoir lui faire confiance, elle le croyait et tout s’éclairait. La belle brune continua donc d’écouter avec calme malgré l’importance et la soudaineté des révélations. Néanmoins, quand elle entendit la dernière phrase du loyal guerrier, elle faillit s’étouffer avec sa propre langue.

« Que… comment ?! La R… La reine avec… avec un autre ho… avec son propre frère !? » Elle oscilla un moment entre nausée et doute et se mit à ricaner et à faire non de la tête avant de reprendre. « C’est impossible allons, vous fabulez ! Le Roi cocu et la reine incestueuse ! Et ce pendant si longtemps sans que personne ne s’en aperçoive ? Joffrey a… douze ans si je me souviens bien… Allons… les deux Lannister ? Pendant 12 ans ? Et personne ne les auraient jamais surpris ? Je ne peux pas le croire et le Roi, il les aurait fait massacrer s’il avait eut le moindre doute enfin ! Reprenez vous il doit y avoir une autre explication à tout cela… »

Elle prit les parchemins les retourna vers elle pour les relire un à un pendant de longues minutes. Cheveux bruns, oui on a compris ! Pourquoi cette obsession. Elle prit une gorgée de vin et replongea dans sa lecture. Impossible… il est vrai que le Prince Joffrey a les cheveux blonds et que Myrcella ressemble traits pour traits à sa mère, mais tout de même… il peut y avoir des centaines de raisons à cela ! Elle lu encore de longues minutes toujours les mêmes parchemins, puis d’autres sans rapport, les lettres, essayant de faire des rapprochements, de comprendre autrement l’histoire. Elle approcha de nouveau la main de son verre mais l’arrêta avant de l’avoir attrapé. Et pourtant… il faut bien l’avouer, c’est étrange. Ce ne fut que lorsqu’elle ne vit véritablement aucune autre explication plausible qu’elle releva la tête, les yeux écarquillés fixés sur Raymar et le souffle coupé…

« Mais alors… le Prince Joffrey, Myrcella, Tommen… ils sont… ils ne sont pas légitimes… Mais… Et… » Les pensées se bousculaient dans sa tête, trop d’informations en si peu de temps. Elle avait de plus en plus de mal à encaisser et celle là pire que tout, l’idée même d’une dame qui couche avec un autre homme que son époux, et pire, avec son frère, cela lui donnait la nausée. Elle ne comprenait pas comment la Reine elle-même pouvait faire preuve de si peu de discernement, comment le Roi Robert avait pu ne s’apercevoir de rien, comment personne avant Jon n’avait eut de soupçons. A part Olenna et une poignée d’hommes de confiance de Jon, personne ne savait que Durran était encore en vie. Mais comment laisser le fils de Cersei et Jaime monter sur le trône ? C’était… dégoutant ! Mais il y avait un autre problème : la puissance des Lions, militaire et financière. Et avec toutes les dettes contractées auprès d’eux par la couronne, il était certains qu’ils ne laisseraient pas Cersei de faire trainer dans la boue aussi facilement. Ne disait-on pas : un Lannister paye toujours ses dettes ? Il faudrait marcher sur des œufs et ce dès à présent, car ils risquaient tous de finir comme Lord Jon ou pire encore.

Elle se leva brusquement et commença à faire les cent pas. Elle commença à réfléchir à haute voix, lançant des questions sans vraiment attendre de réponses. « Savez vous à combien s’élève la dette de la Couronne envers la Maison Lannister ? » Elle marqua une courte pose, les mains dans le dos, puis marmonna en reprenant sa marche. « Les pluies de Castamere… Il n’y aura pas de coup d’essai, si nous lançons cette accusation, se sera la guerre, et la tromperie de la Reine suffira-t-elle à les décider tous à nous suivre aveuglément ? Et pour mettre qui sur le trône ? Un inconnu ? Durran ? Ou plutôt Stannis ? Glacial, malaimé… Un des leur ? Un trône vacant et un millier de Rois se présentent pour s’asseoir dessus et voila les sept couronnes empêtrées dans un marasme sanglant et couteux en vies humaines et en argent. Le plus sûr serait de les écraser avant même qu’ils aient pu s’apercevoir de quoi que se soit. Mais le Val seul ne le peut pas… » Elle se retourna vers lui et demande, un peu plus distinctement : « Êtes vous certain du soutient de Hautjardin ? » Elle grogna et se remit à marcher. « Certain… comment être certain de quoi que se soit ? Les preuves elles même ne m’ont pas convaincues au premier abord. Et plus nous en parlons, plus nous risquons d’être trahit. Et dans cette histoire, la trahison signifie la mort. »

Elle secoua la tête, plus elle mettait les éléments en perspective, plus elle se disait que c’était une guerre impossible à mener et qu’elle ne devrait pas la déclencher en révélant la vérité à qui que se soit. Pas avant d’avoir eut un héritier, non pas avant d’être certaine que le Val serait épargné, pas avant que sa Maison ait une descendance pour gouverner. Elle se retourna vivent vers Raymar

« J’ose espérer que le Prince Durran est en sureté Messer » Demanda-t-elle fermement en plongeant son regard azur dans celui du chevalier, les mains posées sur la table et les sourcils froncés.

Elle se rassit, but une gorgée de vin et se réinstalla confortablement dans son fauteuil, appuyant son dos sur les coussins et le dossier, mettant ses mains sur les accoudoirs et levant le menton d’un air altier. « Je veux tout savoir, le pacte avec Lady Tyrell, l’éducation que l’enfant à reçut, ses aptitudes, tout dans les moindres détails ! S’il est désormais le seul héritier légitime de la couronne de Robert, j’espère sincèrement qu’il en sera plus digne que son père et… hum, je m’emporte à mon tour… j’espère qu’il est apte à monter sur le trône. »  

Cette histoire était incroyable. La Reine avec son frère ! Et pourtant oui, tout semblait s’imbriquer à merveille, tant et si bien que cela paressait évident dès lors qu’on avait accepté la vérité. Une terrible trahison, probablement la plus terrible qui soit. Une trahison du même ordre que celle de Lysa et de Petyr, et Jon en était mort. Il ne faisait aucun doute que d’ici peu, Robert en mourrait aussi. Il fallait empêcher cela, car tant qu’il vivait, il tenait les Sept Couronnes de sa poigne de fer, et le pays était uni, malgré ce qu’on pouvait dire, personne d’autre n’oserait prétendre au trône. Malgré le fait qu’il laisse aux autres le soin de gérer les affaires courantes et semblait plus préoccupé de semer des bâtards dans tout Port-Real. Lord Eddard Stark serait une bonne main, il n’y avait pas à s’inquiéter pour l’avenir avec lui à la tête du Conseil Restreint, surtout si Petyr se voyait rapidement éliminé du tableau par cette affaire, ce qu’Ashara voulait plus que tout au monde. Après, il  avait les dettes, c’était plus ennuyeux, néanmoins, les dettes s’effaceraient avec la Maison Lannister si la trahison de la blonde lionne étaient révélées. Tywin chercherait à sauver ses enfants, certainement et à récupérer ses billes en faisant monter sur le trône son petit fils. Mais Robert vivant, il s’opposerait alors au Nord, à l’Orage, aux Terres de la Couronne et au Val, au pire pour ce camp et au mieux, il y aurait les Tyrell et le Conflans en plus du côté des loyalistes. Et ce sans pouvoir une seule seconde compter sur le soutient de Dorne. Même alors, il fallait s’assurer du soutient de Hautjardin et de Vivesaigues, car la victoire n’était pas acquise hélas. Mais si robert mourrait, toutes ces forces seraient alors délités dans la course au pouvoir des deux frères du Roi et de Durran… A moins que ce dernier ne semble à tous assez légitime pour prendre directement la suite de Robert, ce qui assurerait alors quasiment à coup sur le soutient du Bief…. Intéressant se dit elle en plissant les yeux.

Écoutant toujours attentivement Ser Raymar, elle se mit à compter machinalement les forces de chaque camp. Mais l’évaluation sans support et avec cette conversation était impossible aussi arrêta-t-elle rapidement, reposant ses mains devant elle au lieu de compter sur ses doigts. Cela attendrait, même si c’était très important pour envisager une stratégie.

« Lorsque on regarde les événements à la lumière de cette vérité, la félonie des jumeaux Lannister ne fait plus aucun doute effectivement. »

Ashara Arryn ayant essayé de charmer Jaime Lannister le savait mieux que quiconque, il respectait son serment avec tant de zèle que s’en était devenu suspect. Comme s’il n’aimait pas les femmes, ou comme s’il n’en aimait qu’une, une avec laquelle il ne pouvait pas se marier, une qui était déjà prise. Oui, il n’était pas resté à Port-Réal pour protéger Robert mais pour être auprès de sa sœur, il avait refusé de quitter la Garde royale pour les mêmes raisons et était resté froid aux avances de la brune pour cela aussi, très certainement. Et quand on savait combien Tywin n’était pas pressé de laisser Castral Roc à son nain de cadet, il paressait évident que l’aîné n’avait pas fait tout ses sacrifices avec la bénédiction du père. Quelque part, cela était rassurant pour la jeune femme, elle qui avait quelques instants douté de son pouvoir de séduction lorsque elle s’était retrouvée face à un mur avec le blondinet héritier de l’Ouest.

« Le Roi sera enragé… S’il nous croit. »

Les preuves étaient accablantes, certes, mais suffiraient-elles à convaincre Robert ? Ashara elle-même n’y avait pas cru tout de suite et pourtant elle avait tous les éléments sous les yeux, et plus encore puisque Raymar lui donnait au fur et à mesure d’autres preuves qui étayaient le raisonnement. Mais voila, lorsque ils seraient tous à Port-Real, si le Roi refusaient de les écouter et de voir la vérité en face, ils étaient morts, d’une manière ou d’une autre, par une épée ou par l’autre, ils mourraient tous, tout ceux que la brune déciderait d’emmener. Comment être certain que ce voyage ne se terminerait pas en bain de sang ?
La brune était à deux doigts de renoncer, de rester ici, d’envoyer des corbeaux dans tout le royaume pour révéler l’affaire et de clore la porte sanglante jusqu’à ce que tout cela soit réglé. Mais elle ne pouvait pas, trop de choses étaient en jeu, et pas seulement la vengeance de la mort de Jon Arryn ni même le titre de Gouverneur de l’Est. La légitimité du futur Roi, la vie de Durran, celle de tous ceux qui étaient au courant de l’affaire d’une manière ou d’une autre. Non elle ne pouvait pas se contenter de se terrer dans le Val, mais c’était risqué, extrêmement risqué d’en sortir. Si seulement elle avait pu attendre de mettre au monde un héritier… Mais ça non plus elle ne le pouvait pas, il fallait agir vite, car une fois Robert mort, se serait trop tard, et si Cersei avait la moindre occasion de le tuer, il n’y avait aucun doute que la lionne sortirait les crocs. De plus, il était évident qui si elle restait ici et ne venait pas à la capitale pour prêter à allégeance à son Roi et réclamer le titre qui revenait à son époux, les Lannister ne seraient pas dupe, ou en tout cas, c’était un risque qu’elle ne pouvait pas prendre. Car s’ils se doutaient qu’elle savait, ils feraient tourner les rouages de leur trahison jusqu’à éliminer tous leurs ennemis. Quand à Stannis, Ashara l’appréciait beaucoup, mais elle craignait qu’il ne fasse pas le meilleur allié dans cette histoire.

« Lord Stannis connait il l’existence du Prince Durran ? »

Eddard Stark était un atout indéniable, si l’histoire avec Lysa ne venait pas mettre à mal l’alliance avec le Conflans. Il fallait espérer que les uns et les autres fassent leur devoir, et de cela on ne pouvait jamais être certain. Mais la Main du Roi était déjà très exposée à Port Real, il fallait prendre cela en compte aussi. Tout ce que disait le Chevalier sur les conséquences directes et indirectes de cette révélation et d’une guerre était vrai, et Ashara voyait s’esquisser un horizon bien sombre. Un halo de lumière néanmoins, le jeune Prince semblait être bien sage d’après les paroles de Raymar. Tout espoir n’était peut-être pas perdu, la brune esquissa un petit sourire à l’idée que Durran puisse être aussi investis par son devoir pour vouloir découvrir le monde dans l’espoir d’être un meilleur souverain. Seulement, si la belle brune connaissait tout ce qu’il y avait à savoir sur Westeros ou pas loin, même si elle connaissait très mal Dorne seule région où elle n’était jamais allé, elle ignorait par contre tout de ce qui se passait à Essos. Elle ne connaissait le continent des Cités Libres et de la Baie des Serfs que par ce qu’elle avait lu dans les livres ou entendu de son Mestre, lui-même relativement mal renseigné sur la question. De la même manière elle connaissait l’histoire et par cœur la chute des Targaryen, mais si elle savait que deux des enfants du Roi Fou avaient survécus, elle était persuadée qu’ils étaient morts entre temps ou en tout cas pas en position de réclamer quoi que se soit. Malgré ce défaut d’informations, elle avait une idée précise de ce qui pourrait se passer, et acquiesça à ce que disait Raymar, mais décida de le laisser continuer sans rien ajouter pour le moment. Elle écouta les louanges du Chevalier de Fort-Etoile à propos de Durran, quand il eut terminé, elle dodelina de la tête, se demandant si, effectivement, il était vraiment objectif.

« Vous me dépeignez là l’image d’un parfait héritier pour les Sept Couronnes. Et pourtant il a choisi Essos pour faire le chemin menant vers le trône ? C’est un choix que j’avoue avoir du mal à comprendre. Evidemment vu son statut à Westeros, cela semble risqué, mais si son identité était vraiment si secrète, le danger n’était pas si présent… Quand à savoir si vous avez été à la hauteur, je verrais bien, mais le peuple seul jugera. Je n’ai pour ma part aucun doute car ce choix a été fait par Feu Lord Jon et j’ai toute confiance en son jugement, et je suis certaine que le choix d’un loyal mais simple Chevalier n’est pas un hasard. Aegon l'Invraisemblable dit l’œuf a probablement été l’un de nos meilleur Roi et il a été éduqué par un Chevalier Errant… »

Ahsara eut un doux sourire à l’égard de Raymar, elle ne doutait pas de ses qualités, chaque mot de son discours lui prouvait un peu plus combien il était un homme bon, courageux et honorable. Il y avait fort à parier que toutes les qualités qu’il semblait vouloir faire hérité le Prince de ses parents lui venait en fait de cela. Quand aux promesses faites à Olenna, elles étaient loin d’être impossibles à honorer, et l’amitié de Durran avec les enfants de Mace pourrait être un sérieux atout dans la guerre qui se profilait. Dommage néanmoins que la brune soit déjà mariée, car l’espoir de l’épouser lui aurait fait une raison de plus pour se battre. Enfin, son devoir et son sens de l’honneur suffisait amplement jusqu’à nouvel ordre, et d’autant plus si le jeune homme se révélait aussi parfait que le portrait dressé par son protecteur.

« Les Sept Couronnes ont besoin d’un Roi juste, toujours, le père nous guide vers cet idéal, et si le Roi y tends, c’est toujours une bonne chose, si tant est qu’il est assez juste pour savoir épargner les faibles en cessant de l’être. Evidemment, cette qualité soit loin de suffire pour gouverner, je le crains, ne dit on pas qu’il faut tuer l’enfant et perdre son innocence à jamais pour gérer une région comme pour gérer Sept Royaumes. Néanmoins, jusqu’ici, c’est Robert Baratheon le Roi, et cela ne saurait être remis en cause tant qu’il est en vie. Or, même si ça n’est pas le meilleur roi que nous ayons jamais eut, il est plus à même que n’importe qui de gagner une guerre. La justice est une chose, mais la victoire est indispensable pour qu’elle puisse s’exprimer un jour n’est-ce pas ? »

Elle fronça les sourcils et reprit après un temps de pose où elle but une gorgée de vin et relut encore une fois les documents étalés sur la table.

« Les Lannister tenterons donc par tous les moyens de garder Joffrey comme l’héritier légitime. Ils n’ont pas d’autre choix, les Targaryens et les Dorniens les haïssent et d’ici peu, les Baratheon aussi voudrons leur mort. Stannis et Renly voudront monter sur le trône. Néanmoins, je n’imagine pas Stannis trahir Durran si nous lui apportons les preuves qu’il est le seul héritier légitime de Robert. Par contre Renly pourrait faire bande à part et il risque fort d’avoir avec lui les terres de L’orage et une partie des Terres de la Couronne ce qui diviserait considérablement nos forces. Les Stark nous soutiendrons à coup sur, j’ose espérer qu’ils le feront par devoir même si les Tully ne nous suivent pas. Hautjardin garder un pied dans chaque camp le plus longtemps possible tant que la victoire d’un des deux ne sera pas assurer. Dorne cherchera sa vengeance, et je me demande même s’ils seraient capables de tuer Durran pour l’obtenir et faire s’éteindre définitivement la lignée royale en opposant les trois frères dans une course sanglante. Les Iles de Fer en profiterons pour se remettre à piller, à moins peut-être qu’on leur fasse une proposition, même si j’ai quelques doutes sur la capacité de Balon Greyjoy à réfléchir à une solution politique. Sauf évidemment si nous trouvons un moyen d’éviter la guerre, mais quoi qu’il en soit, nous discuterons de cela et de la stratégie à adopter plus tard, à tête reposée et en présence de Lord Lyonel et de nos capitaines. Je ne saurais prendre la moindre décision sans lui, car même si c’est à moi que Lord Jon a confié les rênes du Val, il reste mon Seigneur Epoux. Et malgré les derniers heurts, j’ai espoir de le voir gouverner avec honneur et dévotion, comme un Arryn et en tant qu’Arryn… Enfin, ceci est avant tout mon problème et ça ne doit pas interférer dans les décisions que nous prendrons pour Durran et la Reine adultère. »

Ashara soupira à l’idée que son époux puisse le haïr au point de prendre les décisions sans l’écouter voir même s’opposer à elle juste pour le principe, mais elle se rendait compte qu’il avait raison. Elle était une gamine, une petite princesse élevée bien loin, finalement, des conflits, et ce bien qu’elle ait perdu son père au démarrage de l’un d’eux et soit parfaitement consciente des conséquences d’une guerre. Elle se demandait comment tout cela finirait et craignait de devoir vivre une vie sans amour, un peu comme la Reine, acceptant d’être trompée et humiliée sans arrêt. Pourrait-elle le supporter ? Elle avait des doutes à ce sujet, connaissant sa nature parfois emportée et orgueilleuse. Elle espérait de tout son cœur que ça ne serait pas le cas et ferait tout pour qu’il en soit autrement, mais malgré tous ses efforts, et ceux de Lyonel qu’elle avait remarqué, parfois, particulièrement pendant la nuit de noces, elle doutait que leurs caractères soient compatibles. Ils étaient tous deux fiers et sûrs d’eux, tout deux capable d’une rage absolue dès lors qu’on mettait en doute leurs qualités, leur honneur, leur intelligence. Et en même temps si différents sur certains points que leur relation ne saurait être apaisée avant longtemps, voir jamais. Mais la brune ne craignait pas les conflits, ni un couple houleux, de cela, elle le pressentait, pouvait naître la plus grande complicité et un amour sans faille. Après tout, elle appréciait déjà énormément certains traits de son époux, et ce malgré le peut de temps qu’ils avaient partagés et malgré toutes les révélations terribles qui venaient se greffer à cette relation naissante. Elle craignait par contre que ces conflits n’engendrent que haine et mépris entre eux et qu’un jour, il fasse quelque chose qu’elle ne pourrait pas lui pardonner, ou inversement et que cela brise tout lien. Les conséquences seraient désastreuses, non seulement pour lui, pour elle, mais aussi pour le Val. Après plusieurs minutes passées perdue dans ses pensées, elle croisa le regard de Raymar et se rendit compte que ça n’était pas le moment de penser à ça, elle se reprit donc et remis à la hâte le sujet qui les préoccupait sur la table.

« En résumé, si guerre il y a, nous sommes très loin d’être certain d’avoir les forces nécessaires pour gagner, sans compte de ce qu’implique une guerre de morts et de désolation avec pertes et fracas pour les perdants. Le peuple paye toujours les peaux cassées des affrontements, et je ne suis pas prête à faire payer au Val le lourd tribut d’un affrontement aussi incertain. Au fond, je n’ai rien à y gagner de plus que de venger la mort de Jon et j’ai bien trop à perdre pour prendre ce risque. Je vais donc parler de cette histoire au Roi, aller à Port Réal et lui donner les preuves, je partirais dès demain, mais j’aurais besoin, à l’image d’Olenna Tyrell de plus de garantie avant de m’engager. Me suivrez-vous à Port-Real ? Et si oui pourquoi ? Pour protéger les intérêts du Val et les miens dans cette affaire ou pour mettre Durran sur le trône quoi qu’il en coûte à votre suzeraine et aux humbles et nobles habitants des Sept Couronnes ? »

La Suzeraine plongea ses yeux azuréens dans ceux du Chevalier de Fort-Etoile, elle avait compris à quel point ces années l’avaient rapprochée de Durran et elle comprenait aisément qu’il l’aime comme un fils. Mais il était malgré tout un homme du Val et en tant que tel, c’était à elle qui devait être loyal et ce quoi qu’elle décide. Elle comptait déjà agir pour le bien, mais la guerre lui semblait une entreprise bien dangereuse, surtout avec un mari comme le sien. Elle aurait préféré trouver d’autres solutions, mais quoi ? Elle avait beau mettre tous les éléments bout à bout pour voir les possibilités, elle savait déjà qu’une guerre serait inévitable. Elle espérait juste pouvoir la retarder au maximum de manière à mettre toutes les chances de son coté pour la mener à bien et en sortir victorieuse. Il restait encore un nombre infini de question à régler avant d’entreprendre le voyage, mais elle devait mettre son cher époux dans la confidence et à cette heure tardive, il devait dormir et n’était certainement pas en état de trancher.

Ashara hocha la tête en guise de réponse, elle comprenait la raison invoquée et s’en tint là, n’étant pas très au fait, ni de la religion de R’hllor ni des agissements de Stannis en la matière.

« Ne vaudrait-il pas mieux lui dire tout de même, avant de le mêler à notre bataille contre les Lannister et le Grand Argentier ? »

A l’évocation de Ser Jaime nommé Gouverneur de l’Ouest les petits poings blancs de la jeune femme se serrèrent et son regard s’assombrit soudainement. Comment Robert avait-il pu faire ça, bafouer l’honneur des Valois en mettant un ouestiens à la tête des armées de l’Est ! Si elle n’avait pas appris avec le drame qui avait endeuillé son enfance à ne pas demander justice à un Roi pour ses propres crimes ou ceux de ses enfants, elle aurait demandé réparation sur le champ. Si il n’y avait eut tout le Val à maintenir à flot derrière elle aurait pu le tuer rien que pour cette raison. Mais il y avait bien d’autres choses à faire et à dire que cela et si le Souverain consentait à rendre à Lyonel tous les titres du Seigneur du Val, elle pourrait peut-être passer l’éponge à moins que… Les Lannister sont puissants, terriblement puissants et Robert en a tout le tour de sa large ceinture. Cersei, vu comment il la traite n’a probablement qu’une envie : le tuer. Si j’attends qu’elle l’ait fait sans rien révéler de ses crimes et de l’existence de Durran tout en faisant mon trou à Port-Real et que je l’accuse ensuite du meurtre et de l’adultère incestueux et sort le Prince de derrière les fagots… Mmm. Me semble aussi risqué que l’autre plan, voir plus encore… Elle soupira et ses yeux qui s’étaient perdus quelques instants dans le vague se reposèrent sur Raymar alors qu’il exposait les raisons du voyage à Essos.

« Je comprends… c’est sage, mais la sagesse ne suffit pas pour monter sur le trône... » Les Lions nous le prouvent chaque jour ! Elle revint alors sur le sujet.

« SI les Lannister s’emparent du Trône ? Mais que croyez vous qu’ils font ? Ils l’ont déjà et c’est grâce aux Sept et à l’amitié du Roi Robert pour Lord Eddard que nous n’avons pas un Lannister pour main. Vous avez raison, ils prendront le trône de gré ou de force dès que leur liaison aura des chances d’être révélée, et c’est de bonne guerre, car sans ça ils mourront femmes et enfants compris, ils n’ont pas d’autres choix que de gagner cette bataille. C’est d’ailleurs pour cela qu’il nous faut être d’une discrétion absolue et choisir avec soin nos alliés, ils ne reculeront devant rien. Nous ne devons nous même ne reculer devant rien pour les contrer, sans quoi c’est nous qui mourront. Comprenez-vous ce que je veux dire ? J’ignore encore ce qu’il sera nécessaire de faire, mais je sais déjà que cela ne me plaira pas, ni à vous qui êtes un homme juste et bon. Seulement nous ne pouvons pas nous permettre de perdre. »

Une fois de plus alors que le Chevalier analysait à son tour la situation et les forces en présence, elle acquiesça. Ce qu’il dit sur les Dorniens entre autre était très juste, même si elle n’était pas plus certaine que lui qu’ils feraient la part des choses.

« Ils resteront plus probablement retranchés derrières les Montagnes Rouges en attendant que cela ne se tasse. Quand au Tyrell, ils jouent pour gagner comme nous tous, mais eux le font avec beaucoup de talents depuis plusieurs générations. »

Le sujet dérapa sur Lord Lyonel et bien qu’Ashara se referma comme une huitre à l’évocation de son époux par un autre homme, craignant que celui-ci n’évoque sa réputation sulfureuse. Seulement il n’en fut rien et même si Raymar n’avait pas à commenter ce mariage, la brune l’écouta avec attention sans le remettre à sa place. Elle ne comprit pas pourquoi son époux refuserait de changer de nom, après tout c’était comme ça, le Val d’Arryn était gouverné par un Arryn, et une Arryn ça ne comptait pas vraiment. Le Chevalier se radoucit et lui expliqua qu’il fallait donner une chance à leur amour, en réponse, la brune rougit violemment. Elle était déjà très attachée au Corbray, peut-être même l’aimait-elle, et la Nuit de Noces avait été une telle extase qu’elle n’arrivait pas à penser à lui et à leur mariage sans en ressentir les derniers frissons. En repensant au fait qu’avant de le connaître vraiment elle avait donné son cœur, et heureusement rien de plus à Robb Stark elle fut encore plus gênée et baissa la tête pour contempler ses mains pendant un long moment de silence. Mais le Templeton perdu dans ses pensées parut ne rien remarquer et cela lui laissa le temps de se reprendre et surtout de reprendre le fil de la conversation. Elle ne savait pas trop quoi répondre au sujet de son époux au Ser de Fort-Etoile. Ses sentiments naissant pour lui ne le concernait pas et étaient bien trop intimes pour qu’elle lui dise quoi que se soit et en même temps elle ne pouvait pas non plus lui dire qu’elle le détestait car ça n’était plus vrai du tout.

Peut-être que la froideur qui s’ne suivit était aussi due à ce moment d’égarement dont Ashara n’était pas coutumière. Il va vraiment falloir que j’apprenne à me contrôler aussi bien quand je pense à lui que le reste du temps ! Son visage était un masque ne laissant plus passer aucune émotion. Lorsqu’il lui assura qu’il était sienne, elle plissa les yeux comme pour sonder son âme et s’en assurer mais remarqua surtout le mouvement lent qu’il faisait. Elle se demanda s’il n’allait pas sortir un couteau avant de se rasséréner, son épée étant à portée de main pourquoi s’embêterait-il. Les secondes qui s’égraineraient dans un silence pesant semblaient être des heures avant qu’il reprenne la parole. Il rappela à la brune que la Val avait été longtemps déchiré par la rébellion et elle baissa instantanément la tête ravalant ses larmes juste à temps ou presque. Une goutte salée tomba sur le bois de la table et la jeune femme tenta de la cacher le plus vite possible en l’essuyant avec sa manche. Elle avait épousé un homme qui avait été de mauvais côté et elle ne savait pas si elle avait bien fait de lui pardonner, elle avait du mal à comprendre et encore plus à accepter que tout le Val ne se soit pas soulevé comme un seul homme à la mort de son père. Elle serra les poings sur la table comme pour transformer sa détresse en rage, bien plus facile à faire taire pour elle, mais elle était toujours au bord des larmes et avait arrêté de respirer pour ne pas pleurer.

Elle releva des yeux mouillés qui redevinrent soudain ceux d’un faucon à l’affût à l’instant où Raymar évoquait la possibilité qu’elle veuille faire tuer Durran. Elle répondit d’une voix suraiguë ou la colère se mêlait avec difficulté à la tristesse.

« Faire assassiner Durran !? Pour qui me prenez-vous !? Pour cette folle de Lady Lysa !? Pour Cersei Lannister l’adultère !? Pour cette vermine de Petyr Baelish !? » Elle avait craché les derniers mots avec rage. Elle se leva brutalement faisant tomber sa chaise et hurla en désignant la porte du doigt inquisiteur. Elle était hors d’elle, les larmes commencèrent à couler sur ses joues dépassée qu’elle était par un trop plein d‘émotions vécues depuis l’avant-veille et pleine de chagrin pour son père et la guerre qui avait suivit sa mort et ce que cela avait eut comme conséquences.

« Hors de ma vue ! Sortez ! »

Le bruit que la scène d’une Ashara à l’honneur bafoué venait de faire attira les deux chevaliers qui gardaient la porte des appartements de leur suzeraine. Ils firent irruption dans la chambre épée au poing et bien moins avinés que ne le laissait supposer leur tenue quand l’homme était passé devant eux pour la première fois. Barristan se jeta sur Raymar prêt à le tuer.

« Arrêtez ! » Ordonna Ashara un peu paniquée néanmoins par ce qui avait faillit se passer sous ses yeux et qu’elle ne souhaitait en aucun cas. Le Tallett qui menaçait toujours le Chevalier de Fort-Etoile à la pointe de son épée ne le quitta pas des yeux.

- Tu es sûre Ashara ? »
- Barristan ! » S’offusqua la brune.
- Merde, Pardon. Vous êtes sûr Ma Dame ? »
- Mais oui ! Je veux juste qu’il parte. »
- Vous voulez qu’on le bannisse des Portes de la Lune ? »
- Mais non, de ma chambre. »

Barristan et le Nordien s’avancèrent pour prendre le Templeton par les aisselles et le mettre dehors.

« Laissez le ! Il va sortir tout seul ! Mais… Aaarh ! Par les Sept ! Vous avez tous décidés de me mettre hors de moi ce soir ? Filez, tous ! Dehors ! »

Ne comprenant pas très bien les deux hommes rengainèrent et regardèrent un instant leur protégée interloqués avant de s’exécuter. Il n’était pas rare qu’Ashara sorte de ses gonds avec ces hommes et remette tout le monde à sa place sans prendre de gants, mais elle le faisait rarement en pleurant.

- Qu’est que tu lui as fait ? » Demanda Quentyn à Raymar l’œil grivois.
- Elle n’a pas l’air d’aller très bien, on ferait peut-être mieux d’appeler quelqu’un. » Dit Barristan, inquiet et toujours sous le choc de s’être fait ainsi mettre dehors et sans s’attarder sur les bêtises de son collègue. Il savait très bien que le jeune homme n’aurait jamais tenté quoi que se soit de ce genre envers une femme mariée et moins encore envers la brunette ainsi jolie soit elle et tout épanouie qu’elle lui avait parut-être depuis le matin.
- Qui ? »
- Mestre Udo ? Ysilla ? »
- Hum… T’en pense quoi Ser heu… » Demanda incertain le Tallhart en se tournant vers le Chevalier de Fort-Etoile.
- Raymar Templeton idiot de Nordien ! Au fait je suis content de pas avoir eut à te tuer ou à te jeter dehors mon pote. » Fit Barristan en lui assenant une grande tape dans le dos.

Les hommes se connaissaient un peu pour s’être croisés dernièrement à Goëville et lors de certaines visites de la jeune femme à son oncle. Mais quoi qu’il en soit de leur amitié qui se résumait la plupart du temps à quelques mots échangés, il aimait beaucoup trop sa petite sœur de cœur pour hésiter un seul instant à lui couper la tête s’il lui faisait le moindre mal.

Pendant ce temps derrière las portes, allongée sur le lit douillet, Ashara commençait à se dire qu’elle n’était pas assez forte pour gouverner et pleurait toutes les larmes de son corps sur les guerres passées et à venir. Elle avait encore tant à faire avant de dormir, mais elle était si lasse. Le lendemain elle partirait pour Cordial avec son époux qui avait préféré resté fidèle au Roi Fou, un Raymar qui pensait qu’elle serait capable de faire tuer le seul héritier légitime de la couronne et un Barristan qui faisait du zèle. Qu’allait-il advenir d’eux tous ? Elle, elle allait certainement se faire manger toute crue par les Lions. Et le Val dans tout ça ? Jon avait fait le mauvais choix. Car aussi folle soit-elle, Lysa n’aurait jamais craqué comme elle venait de le faire. Quelle tristesse… 

Pour Ashara aussi les derniers jours n’avaient pas été de tout repos et les émotions ajoutées à la fatigue ne l’aidaient pas à garder son calme. Cela dit, quand bien même eut-elle été dans son état normal - à savoir haïssant Lyonel et tout ce qui représentait, ou plutôt ne représentait pas, avec son quota de sommeil, et sans rébellion funeste sur la conscience - elle aurait très mal pris que Raymar remette en cause ainsi son honneur et l’aurait tout autant foutu dehors. Sauf qu’elle n’aurait pas pleuré en même temps. D’ailleurs cela la mettait en rage d’avoir craqué à ce point devant les trois hommes. Elle espérait qu’ils auraient la décence de n’en parler à personne. Mais finalement, toute cette histoire la dépassait. Elle se sentait perdu, comme une petite fille fragile et sans défense au milieu d’une meute de loups, ou en l’occurrence, de lions. La moindre erreur leur serait fatale à tous, et au Val en premier, qui tomberait définitivement sous l’égide de ses tarés de Lannister.

Ysilla ! Evidemment, elle ne lui avait rien dit de tout cela, même ses plans pour prendre le pouvoir qui avaient été grandement aidés par l’intervention de Lord Nestor Royce. La jeune fille ne savait rien. La brune, de un an son ainé avait appris à taire à sa tante tout ce qui pourrait l’embrouiller. Elle n’aimait pas la politique, n’y entendait pas grand-chose, elle n’aurait pas compris. De plus, elle appréciait par-dessus tous les commérages, mais elle ne tenait pas l’alcool et avec quelques verres dans le nez, elle commençait à tout déballer. Elle ne faisait pas exprès, elle ne prenait pas garde, elle n’avait pas la froide prudence de son Arryn de nièce. Mais Ashara le savait et l’avait même appris à ses dépends alors que, encore une enfant, elle lui avait révélé être amoureuse de Waymar et que l’adolescent avait éclaté de rire en l’apprenant au diner devant la brunette mortifiée. Elle se méfiait de ce penchant comme de la peste, même si, celle qu’elle surnommait Yzi, s’était bien améliorée depuis ce terrible jour, elle choisissait avec soin les informations qu’elle lui donnait. Tout cela était trop gros pour elle. Elle ! Le Faucon Blanc ! Ysilla ne supporterait pas un tel fardeau. Mais n’était-ce pas encore pire de ne rien lui dire ? Savoir qu’ils étaient tous en danger serait peut-être une bonne chose pour la faire garder ses distances. A moins que… à moins qu’elle ne vienne pas…

Elle savait trop de choses, et si elle avait pensé, au début, être la plus à même de faire parler l’honneur et la justice dans ce royaume en perdition, elle en doutait désormais. Elle avait simplement envie d’être dans les bras de son époux qui la rassurait tant et d’arrêter de penser à tout ça, juste quelques instants… quelques instants avec lui et tout irait mieux… oui… tout irait mieux…
Mais ce ne fut pas lui qui fit son apparition, comme elle aurait aimé pourtant l’apercevoir. Il l’aurait embrassée et enlacée, et sa force l’aurait tout de suite réconfortée. Mais c’était Ysilla, et si Ashara adorait sa petite sœur, son apparition fit ressurgir toutes les questions qu’elle s’était posées à son sujet. Cela dit, c’était peut-être mieux ainsi, peut-être qu’il valait mieux que Lyonel ne la voit pas pleurer. Et Yzi était d’une douceur absolue, nul doute qu’une petite conversation avec elle serait bénéfique et remonterait le moral à la piètre Suzeraine qu’elle faisait désormais. En tout cas, ce serait moins houleux ! Et puis, il ne comprendrait pas, il risquait de s’inquiéter pour rien. Ou pire de perdre ses moyens, sa confiance en lui, qui serait indispensable à Port-Real. Pire encore, il pourrait perdre patience, s’indigner qu’on lui ait mit dans les pattes une enfant pleurnicharde, et se lasser d’elle. A cette pensée, elle se jeta dans les bras de sa tantine en éclatant en sanglots.

« Je l’aime tu sais… Je ne supporterais pas de le perdre maintenant que je le connais vraiment. Pas plus que je ne supporterais de te perdre toi… Mais je ne peux pas y aller toute seule pour autant, se serait pire encore… Il dit venir, ils doivent tous venir… Mais toi… »

Elle en avait soit trop dit, soit pas assez, mais sous le coup de l’émotion, elle n’avait pas mesuré ses mots et désormais, Ysilla risquait de se poser des questions. Elle qui ignorait depuis les révélations de Lysa sur le meurtre de Jon Arryn et Littlefinger jusqu’au départ dès le lendemain pour Port-Real en passant par les secrets de la Reine et de la Main…
L’air de rien, Ashara se redressa et sécha ses larmes dans la première chose qu’elle trouva à savoir sa houppelande. Puis elle reprit d’une voix presque aussi calme qu’à l’ordinaire en prenant dans les mains de sa tante dans les siennes et en la regardant dans les yeux.

« Demain, j’irais à Port-Real avec Lord Lyonel, la Garde Ailée, Ser Brynden Tully et Lady Lysa. Nous allons demander justice au Roi pour le meurtre de Lord Jon Arryn dont elle est responsable. Mais tu sais, tu te souviens… la dernière fois… mon père est allé avec Lord Stark demandé justice au Roi et il n’est jamais revenu… Je crains trop pour ta vie, je ne peux pas te laisser nous accompagner, tu resteras ici jusqu’à mon retour et tu veilleras sur Robert. »

Elle espérait que cela suffise à convaincre silla de rester, mais elle craignait que la présence de son père et de ses deux frères au tournoi de la Main à Port-Real ne fasse pencher la balance.

Yohn n’était même pas encore au courant du mariage de sa petite fille avec Lord Lyonel, il était à mille lieux de l’imaginer, joutant tranquillement à la capitale. Mais il est vrai qu’il appréciait assez le Corbray. Assez en tout cas pour l’emmener avec lui au Nord l’année précédente lors du grand voyage qui avait ébranlé presque tout Roches Aux Runes jusqu’à Winterfell. Ashara n’avait pas eut le choix, Lady Lysa avait décidé pour elle et elle devait se plier à cette décision. Mais elle en avait d’ores et déjà tiré le meilleur en s’emparant du Val avec lui. Seule contrepartie de cette victoire, accepter ce mariage, corps et âme. Choix qu’elle ne regrettait pas un seul instant après quelques discutions parfois mouvementées, une nuit de noces dont elle ne savait qui penser et un diner en tête à tête pas vraiment romantique. Il prouvait, à chaque fois qu’il était avec elle, qu’il faisait d’énormes efforts pour que leurs deux caractères forts se mêlent avec complicité sans s’entrechoquer, et elle aussi faisait tout son possible pour que tout se passe bien.

Ashara prit le verre d’eau sans comprendre, elle n’avait pas vraiment soif, mais boire une gorgée lui donna le temps de recouvrer son calme et de ravaler les quelques sanglots qui subsistaient dans le fond de sa gorge.

Alors qu’Ysilla lui répondait avec sa fraicheur habituelle, Ashara se prit à penser que cette ingénuité allait lui manquer. Ce trait de caractère lui plaisait tant chez sa tante, mais le plus souvent pas du tout chez les autres. Lorsque les temps étaient durs, lorsque ses pensées s’assombrissaient, cette légèreté lui avait toujours été d’un grand réconfort. La jouvencelle avait toujours égayé ses deuils, apporté la lumière dans sa morne vie. Elle lui faisait oublier, pour quelques instants de pur innocence, toute la dureté de son existence et tout le poids de se responsabilité. Elle prit son visage entre ses mains et lui répondit avec un sourire triste.

« Je sais Yzi, tu seras toujours ma préférée, ma sœur, mais… Je ne veux pas t’alarmer… Le monde est plein de dangers, et plus encore quand on possède du pouvoir. Prends garde ma chérie, prends garde car je t’aime et tu es proche de moi depuis toujours. Certains horribles personnages pourraient vouloir se servir de notre lien contre nous. Comprends-tu ? »

La suzeraine la serra dans ses bras pendant un moment et la relâchant, reprit.

« Quand à mon époux, j’aimerais que, comme moi, tu lui laisses une chance. C’est sûr qu’il n’a pas l’apparence et les manières de l’époux idéal dont nous avons maintes fois parlées en gloussant dans nos jeunes années. Mais c’est un homme d’honneur, grand-papa avait raison, Lord Lyonel est un homme bon, et je l’apprécie beaucoup. Je serais tellement heureuse si vous arriviez à vous entendre… »

A la réplique totalement décalée de sa tante, la brune se contenta d’un sourire comme unique réponse. Bien sur qu’elle n’allait pas voyager seule, il y aurait toujours ses hommes pour assurer sa protection. Une femme de haute naissance ne se baladait pas sans escorte, question de sécurité mais aussi de prestige au fond. Parfois, Ysilla se révélait encore plus déconnectée des réalités que prévu. Enfin, tout cela ne faisait que confirmer qu’elle n’était pas faite pour ce voyage.

Ashara s’était rendue de nombreuses fois à Port Real, pour rendre visite à son grand oncle, Lord Jon. Mais aussi pour voir du monde, pour les grands événements comme les anniversaires du Prince ou encore pour discuter commerce ou politique avec de nouvelles personnes. Et presque à chaque fois, ses suivantes l’accompagnaient. Mais là c’était différent, elle n’y allait pas pour papoter dans l’immuable paix du Roi. Elle y allait pour dénoncer un crime affreux et empêcher que ses conséquences pour le royaume soient désastreuses. Mais avant même que la Royce ne se mette à parler, la suzeraine sut que sa proposition ne serait pas acceptée, en tout cas pas de gaité de cœur. En effet, Yzi relevant la tête, rompant le contact et soupirant, ça n’était jamais bon signe. Et elle était consciente que si elle n’avait été la grande sœur des deux, elle se serait prit une soufflante à peu près du même acabit que celle qu’elle avait passée à Ser Raymar. A la place, la jouvencelle se mit à pleurer. Les larmes sont l’armure des femmes. Car oui, même Ashara ne put que s’adoucir plutôt que de lui ordonner d’obéir. Elle la prit dans ses bras une nouvelle fois avec plus de force et plongea son visage dans son cou et ses cheveux.

« Ne pleure pas, ne pleure pas… » Dit elle dans un souffle alors qu’elle-même luttait se mettre à pleurer à nouveau au souvenir des nuits passées avec sa tante dans son grand lit. Des nuits à pleurer, à se réchauffer, à papoter, à rire et à se faire des câlins en se promettant monts et merveilles. Elle y repensait avec nostalgie, se demandant si ça n’allait pas lui manquer. Dormir avec son mari et se réveiller à ses côté, avait été un contentement absolu, mais c’était bien différent avec Yzi. Le désir n’existait pas avec elle, elle n’avait pas ses frissons qui la parcouraient dès qu’elle la touchait ou l’embrassait. Elle n’avait pas non plus le souvenir de la douleur de la perte de sa virginité ni la peur qu’il la prenne de force et lui fasse mal qui résidait toujours au fond d’elle. Et puis, avec sa tante, elle n’avait pas besoin d’être forte, elle n’avait pas besoin d’être belle, désirable, elle n’était pas une épouse et c’était, par là même, bien plus simple. Il n’y avait pas la crainte de faire ou de dire quelque chose de mal qui le mettrait en colère ou briserait leur amour naissant. Avec Yzi, elle pouvait encore être une enfant, un peu parfois, avec Lyonel elle devait être une femme, et pas n’importe qui, sa femme, celle qui le ferait rester dans sa couche plutôt que d’aller en visiter d’autres. Elle se sentait bien bête de ne rien connaître au sexe face à lui qui semblait si à l’aise avec ça. Tellement mal à l’aise avec son corps et celui des autres que dès que sa puberté avait commencé à faire germer les premiers poils et des noisettes de seins, elle n’avait plus jamais dormir avec Waymar et les autres frères. Tellement mal à l’aise avec le désir que dès qu’elle en avait sentit les premiers soubresauts avec cet oncle dont elle était tombée amoureuse, elle n’avait plus jamais osé toucher un homme et rester seule avec lui. Elle embrassa la Royce sur le front et essuya ses larmes avec ces pouces, son visage toujours dans ses mains.

Au fond Ashara comprenait l’aversion de sa sœur pour Robert. Malgré son affection pour le garçon, elle restait très objective sur son état et ses humeurs, et effectivement, il n’était pas le cousin d’Ysilla et même plus son suzerain. Le fait qu’il ait maintes fois profité des tendres câlins de l’Arryn pour lui peloter les seins, ne la dérangeait pas outre mesure. Elle le considérait comme un fils ou comme un petit frère, et vu ce que sa mère lui faisait subir en l’allaitant toujours, il était compréhensif qu’il aime se blottir contre la douce et moelleuse poitrine généreuse de sa cousine. Mais il était évident que cela pouvait être très gênant pour une pucelle qui n’avait aucun lien de sang avec lui. Quand à ses colères et ses crises de tremblement, elles étaient impressionnantes, mais la brune y était habitué et avait appris à y réagir avec calme, ce qui n’avait jamais été le cas de la Royce.

Alors qu’Ysilla annonçait solennellement sa décision, Ashara baissa les yeux et se mit à réfléchir à toute vitesse, remettant toutes les pièces du puzzle en place ainsi que les risques. Le secret des dernières révélations était bien gardé, elle en était certaine. Et si cela restait le cas, le danger était nettement moindre. Alors que faire… Après tout l’absence des suivantes de la suzeraine pourrait mettre la puce à l’oreille à leurs ennemis. En somme la Royce pouvait même devenir un atout dans cette affaire. Même si elle ne savait toujours pas comment faire et qu’elle craignait toujours autant pour sa vie, il était évident qu’elle ne pouvait pas la laisser ici sans éveiller les soupçons et la colère d’Yzi. Or cela pourrait avoir des conséquences néfastes sur leur voyage. Une simple missive de la petite à Yohn et ce dernier, pourrait commencer à parler de la venue de sa petite fille et se demander pourquoi elle ne faisait pas venir sa favorite. Restait à savoir si la jouvencelle devait savoir le fin mot de l’histoire ou non…

« Bien… »

Elle se leva et dit d’une voix forte :

« Messers ! Entrez ! »

Barristan, qui était resté par pudeur, dans l’antichambre, passa la tête par l’encablure de la porte quelques secondes plus tard.

- Lequel ? »
- Toi et Raymar. »

Il disparut.

« Ysilla, je vais à Port-Real pour présenter Lysa à la justice du Roi, mais pas seulement. C’est pourquoi le danger sera omniprésent, pour moi, pour mes hommes, mais aussi pour toi, et ce malgré la protection d’Edric. Tu dois me promettre que tu tiendras ta langue sur ce qui va t’être révélé et que tu seras prudente. Le moindre faux pas et nous seront tous tués. Il faut que tu en sois consciente et c’est pourquoi je vais te mêler à ça. Tu as choisi de faire partie de cette histoire par ton désire de rejoindre ta famille que je comprends, maintenant, à toi de prouver que tu es capable d’assumer ce choix. »

Ashara était parfaitement consciente qu’elle pouvait lui ordonner de rester, et elle l’aurait probablement fait avec n’importe qui d’autre. D’ailleurs elle n’aurait même pas accepté un refus de la part d’une autre de ses suivantes t aurait réagit plus ou moins comme avec Raymar. Seulement, là, il s’agissait d’Ysilla, et ses rapports avec elle, étaient différents. Elles avaient grandies ensemble, elle l’aimait plus que n’importe qui d’autre, elle était sa sœur, et pour rien au monde elle ne voulait que leurs rapports changent. Elle l’emmènerait donc, mais avant, elle devait tout savoir, et surtout savoir ce qu’elle devait garder pour elle à tout prix…

« Très bien. Je te fais confiance, je sais que je ne regretterais pas ce choix. »

Ashara n’en était pas si sûre, mais elle n’avait pas le choix, c’était soit tout, soit rien, et pour le rien, Yzi n’était pas d’accord et la laisser seule ici pourrait être bien pire que de l’emmener en tout cas pour leur plans. Quand à la sécurité de la Royce, hé bien… il y avait Edric, il y avait la Garde Ailée, le Faucon Blanc. Avant qu’elle ne soit atteignable, il faudrait que tous les plans aient échoués lamentablement. C’est en tout cas par ses pensées que la brune essayait de se rassurer et de se convaincre qu’elle ne faisait pas la pire erreur de sa vie. Pourtant, c’était risqué, même avec la parole de sa sœur. Le danger serait partout, qu’elle dise quelque chose ou non. C’était une décision guidée par le cœur, et non par la raison. Et cette décision pourrait coûter très cher à la suzeraine qui ne se remettrait certainement pas de la perte de sa tante. Elle prit une grande inspiration pendant que les deux chevaliers entraient.

Ashara était une habituée de la politique et une passionnée de stratégie, mais elle avait aussi un orgueil et un sens de l’honneur qui allait au delà de la compréhension d’un homme normalement constitué, sauf peut-être Lyonel. Quoi qu’il en soit, elle avait effectivement très mal pris les mots de Raymar, et ce bien qu’il n’y pensait pas à mal, très certainement. Quand à comprendre à quel point la mission héritée de Lord Jon serait dangereuse, elle le présentait, mais pas de là à renoncer à ses sautes d’humeurs. Et puis, elle était encore loin de s’imaginer à quel point se serait compliqué de mettre l’héritier légitime sur le trône. Pour l’instant, elle voyait simplement les Lannister pour ennemi de Durran, et encore. Et il ne faisait aucun doute que Robert serait heureux d’apprendre qu’il avait survécu. Enfin, elle écouta patiemment les excuses du Chevalier de Fort-Etoile, se tenant droite et digne et abaissant un regard sévère sur le jeune homme. Mais c’était déjà plutôt bon signe qu’elle le laisse continuer…

La jeune femme hocha la tête quand il évoqua la mort des enfants. Aussi horrible que cela puisse paraître, elle comprenait le choix qui avait été fait de les éliminer. Vaincre un ennemi implique parfois de renoncer à l’honneur pour que la victoire soit totale. Elle se demandait si elle en aurait fait de même, après tout, si la paix en dépendait, deux enfants assassinés de sang froid valaient peut-être mieux que des milliers de morts sur le champ de bataille. La brune garda néanmoins ses pensées pour elle-même, elle avait quelqu’un d’autres que ses chevaliers pour les basses besognes et même Haelgara refuseraient de faire cela. Elle le comprenait, et elle comprenait surtout qu’un homme d’honneur ne s’abaisserait pas à ça. Aussi, si elle demandait et que la personne acceptait, elle devrait plutôt se méfier de cette personne que des enfants encore en vie. Donc à moins de se charger de cela elle-même… Mais que faire avec les enfants de Cersei dans ce cas ? Ils n’étaient en rien responsables de la traîtrise de leur mère et pourtant en tant que fruits de l’inceste, ils avaient toutes les chances d’être emportés eux aussi dans le tourbillon des événements qui découleraient de la révélation des tromperies de la Reine. Et s’ils survivaient à tout cela, que faire d’eux après ?

Elle répondit à Raymar, altière et glaciale : « Bien… vous êtes lucide au moins, et même si avez vous manquez de tact à mon égard, je préfère ça que le manque d’intelligence. Nous aurons certainement besoin d’hommes comme vous. » Elle se tourna un instant vers Barristan pour le faire confirmer que Raymar était apte à la bataille autant qu’au reste. Le jeune Tallett hocha la tête et elle reprit. « Vous m’avez prouvé que vous êtes un homme d’honneur en qui je peux avoir confiance. Et Lord Jon vous appréciait, certainement pour les mêmes raisons qui font que je vous pardonne. »

Elle se tourna de nouveau vers son épée lige et ami.

- Ser Barristan, faites lui prêter serment. »
- De la Garde Ailée ? »
- Hé bien oui ! Evidemment ! A moins que Ser Raymar ne le souhaite pas ! »

Elle se tourna vers l’intéressé, mais n’attendit pas la réponse du Templeton pour inviter Barristan à s’approcher. Elle fit un pas sur le côté et posa son regard sur le futur membre de la Garde Ailée. Le Grand blond s’approcha et dégaina son épée avant de la poser sur l’épaule droite du Chevalier de Neuf Etoile.

« Répétez après moi. » dit-il avant de commencer d’un ton solennel. « Ser Raymar Templeton de Fort-Etoile, au nom du Guerrier, vous faites serment de servir Dame Ashara Arryn des Eyrié avec bravoure et honneur, de lui obéir en toute chose et de la défendre contre tous les dangers. Votre épée sera la sienne, dans la paix comme dans la guerre, pour la justice, l’honneur, le devoir et le Val. » Il frappa l’autre épaule et attendit que le jeune homme ait terminé de répéter : « Au nom de Père, vous devrez l’aider à gouverner le Val d’Arryn avec équité pour le Seigneur comme pour le Roturier et être juste et noble dans tous vos actes. » Une nouvelle touche et il reprit : « Au nom de la Mère, vous jurez de défendre la Montagne et le Val contre les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur. » Et ainsi de suite pour chacun des Sept : « Au nom de la Jouvencelle, je vous protégerez la Dame du Val ainsi que son époux, ses enfants, sa famille et ses gens. Au nom du Ferrant vous veillerez sur la population avec bienveillance. Au nom de l’Aïeule, vous honorerez le Val et La Maison Arryn par vos actions et votre attitude et serez un exemple de noblesse. » Il attendit qu’il et tout répété et ordonna finalement : « Relevez-vous Messer Templeton, Chevalier de Fort-Etoile, Défenseur de Dame Ashara Arryn, Chevalier de la Garde Ailée. »

Ashara sourit et Barristan coupa court à au sérieux du serment par une accolade pour accueillir son nouveau frère. Contrairement à la Garde Royale ou à la Garde de Nuit, les Chevaliers de la Garde Ailée n’avaient pas à renoncer à posséder des terres et fonder une famille. Ils pouvaient même la quitter pour un temps un pour toujours lorsque leur présence était indispensable autre part. Mais ils se considéraient malgré tout comme des frères. D’ailleurs, la soudaineté de cette allégeance n’avait pas laissé le temps à Ashara de faire coudre une nouvelle cape, de plus il fallait qu’elle fasse fabriquer de nouvelles fibules aux couleurs de son nouveau nom. Mais d’ici peu, Ser Raymar revoterait le manteau bleu ciel brodé du Faucon et du croissant de Lune Blanc que tous les autres membres portaient dès qu’ils sortaient. La brune s’installa à sa table et invita les autres à en faire de même.

« Un nid de vipères, oui messer, je le sais. Je sais aussi qu’il n’est pas toujours facile à Port-Real de jongler entre son honneur et la réalité. Mais j’ai toujours réussit jusqu’ici à m’en sortir tout en ne choisissant pas de mettre ma conscience de côté, j’espère y parvenir une fois de plus, même si cette fois est autrement plus dangereuse que les fois précédentes. » Elle baissa les yeux un instant en soupirant avant de reprendre. « Mais voyez vous, je pense que Durran est notre principal atout dans cette histoire. Nous, nous savons qu’il existe un héritier légitime, et c’est une bonne chose, sans quoi à qui confier le Royaume ? Seulement, nous ne pouvons nous permettre de le dévoiler tout de suite, se serait trop dangereux pour lui et je ne permettrais pas qu’il lui soit fait le moindre mal. Il faut d’abord faire payer Petyr pour son crime et ensuite évincer les Lannister et leurs rejetons de la cour. J’ignore encore comment, mais si nous voulons éviter un bain de sang au Donjon Rouge, bain de sang dont nous pourrions bien être les victimes, nous n’aurons pas le droit à l’erreur. C’est pourquoi, je souhaite garder secrète pour le moment autant l’existence du prince Durran que les coucheries de Cersei avec Jaime. » Elle se tourna vers Ysilla avec un regard qui lui ordonnait de garder son calme puis elle continua sans plus regarder le chevalier, mais sa sœur. « Avant toute chose, Petyr et Lysa doivent payer pour le meurtre de Lord Jon Arryn et mon mari doit recouvrer le titre de Gouverneur du Val. Car si une guerre éclate, il devra diriger les armées de l’Est, et ce, en tout légitimité… » Ashara s’arrêta brusquement et eut, pendant quelques secondes un regard vide et fixe. « Peut-être que, confier à Jaime d’autres troupes pour une bonne raison pourrait le détourner sans regret de ce titre et éviter tout scandale, et aussi éloigner les Lannister de Port-Real… Au moins en partie… »

Barristan avait bien faillit couper la parole à sa suzeraine une bonne dizaine de fois, mais il avait réussit à se contenir et se taisait désormais, absorbé par les pensées qui se bousculaient. Il comprenait mieux désormais pourquoi sa petite Ash était si bouleversée, car lui aussi, tout comme Ysilla, ignorait tout de ses révélations encore quelques instants auparavant. Il posa sur son frère un regard plein de question.

« Personne ne doit savoir, pas même vos amis, pas même vos frères. Personne. J’ai confiance en mes hommes et plus encore en ma famille, mais je sais que parmi eux, il y en a qui ne pourraient résister à la pression d’une telle nouvelle. Et si l’un de nous craque, si l’un de nous parle ou même simplement si l’un de nous ne parait pas naturel, nous sommes tous morts ! Le Val est mort ! »

Elle servit du vin à ses hôtes et reprit calmement.

« Expliquez leur Ser Raymar… Le meurtre de Jon Arryn, ce que vous m’avez appris et ce sur quoi vous m’avez ouvert les yeux. »

Une idée émergea dans l’esprit de la jeune femme quand il dit que les amants Lanniser seraient difficiles à séparer. C’était vrai, et probablement la véritable raison de Jaime pour rester dans la Garde Royale, laissant de ce fait le rôle d’héritier à Tyrion. S’il avait tout fait pour rester avec sa sœur jusqu’ici, il fallait trouver le moyen de le motiver à s’en éloigner. Peut-être que sa loyauté envers sa maison et son père étaient suffisants, pas sûr, peut-être aussi que ses serments et des ordres du Roi pourraient suffire, à moins qu’il ne se doute de quelque chose. Mais si Cersei en venait à le délaisser, partirait-il alors sans regret ? Ashara ne trouvait pas de solution sûre et c’était une torture pour son esprit et pour son âme que de douter autant. Oh ça n’était pas la première fois. Lorsqu’elle n’était encore qu’une jouvencelle à peine fleurie et qu’elle avait été parachutée à la tête du Val, elle avait hésité maintes et maintes fois. Seulement à l’époque, il ne s’agissait que d’affaires assez simples, accords commerciaux, problèmes avec les Clans, conflits entre seigneurs. Il suffisait d’analyser la situation et d’employer les moyens nécessaires à la bonne marche du Val. De plus, il y avait Mestre Udo et Nestor Royce qui la guidaient et elle suivait la plupart du temps leur avis. Sauf que là, il s’agissait d’une affaire bien plus complexe et bien plus périlleuse, ses fidèles conseillers seraient utiles, mais elle devait gouverner, et prouver qu’elle était digne de l’héritage de Lord Jon.

Jon Arryn Qu’aurait-il fait ? Que faisait-il en fait. Il avait commencé à enquêter, il avait réuni des preuves et il était mort, empoisonné, et encore, pour une autre raison, par quelqu’un d’autre, lui qui pourtant n’avait aucun ennemi. Il avait ouvert la voie, et il lui avait transmis tout cela. C’était à elle de continuer désormais, avec autant de talent que lui, cela allait être difficile, à coup sûr. Elle savait qu’elle devrait bientôt prendre des décisions sans être certaine de l’issue, les décisions les plus dangereuse qu’elle n’avait jamais eut à prendre, des décisions sur lesquelles reposaient la vie de tant de personnes, dont trois présentes dans cette pièce. Elle espérait de tout cœur ne pas avoir à les prendre seules, mais le fin mot reviendrait à son époux et à elle, son rôle était crucial, surtout s’il s’agissait de politique et de manipulation. Elle était terrorisée et déterminée à la fois, et elle avoir beau ne pas être très portée sur la religion et les prières, préférant l’action aux supplications, elle ne pouvait s’empêcher d’en appeler aux Sept pour qu’ils la guident et protègent les siens.

« Oui, ils ont toujours besoin de renforts, mais je ne vois pas pourquoi soudainement le roi leur fournirait autre chose que la lie de la société. Cela dit, avec Lord Eddard comme Main, peut-être que les problèmes de la Garde de Nuit seront d’avantage pris en compte et ne paraîtront plus si éloignés de Port-Real. De plus si nous lui parlons de notre affaire, il saura l’importance que cela pourrait avoir de convaincre le Roi et le Conseil d’agir dans ce sens. Que se soit le Régicide ou un autre qui prenne la tête des troupes, moins il y aura d’hommes à la solde des Lannister lorsque nous commenceront à agir, mieux se sera, cependant, il ne faudrait pas déplacer le danger au Nord sans se préoccuper du peuple des Stark. Quand à Tyrion, vous parlez bien de lui non ? Ou de Lord Tywin ? Enfin bref, soyons sérieux. Il n’est pas chevalier, je doute que qui que se soit l’accepte comme commandant et encore plus qu’il ait la moindre envie de commander autre chose que des putains, le simple fait de le proposer pourrait paraître suspect tant il serait ridicule à la tête d’une armée. De plus, il pourrait nous être plus utile à Port-Real qu’au Mur si la guerre éclate, cela dit j’ignore où il se trouve en ce moment. »

Quand à Ysilla qui écoutait tout sans mot dire, Ashara la fixait pour éviter les réactions intempestives, car si elle avait décidé de l’emmener, elle ne voulait pas que les autres sachent à quel point elle pouvait s’avérer naïve et donc dangereuse. Elle voulait à la fois la protéger mais sans l’épargner, en lui disant la vérité crue, qu’elle sache ce qu’il en était, ce qu’ils risquaient tous dans cette histoire. Elle la regarda se lever et aller à la fenêtre, eut un moment d’hésitation, mais la laissa faire, se rendant compte mieux que quiconque de l’état dans lequel avait pu la plonger toutes ses révélations. Elle la connaissait par cœur, et plus que ça, elle aussi avait eut tout le mal du monde à digérer toute ces horreurs, et encore, elle n’avait pas tout appris en dix minutes. Mais bientôt, et contre toute attente, elle prit les choses en main et son regard en disait long sur son désarroi, malgré cette air d’autorité que la Arryn n’avait pas l’habitude de lui voir revêtir. La brune sourit légèrement à sa tante et inclina très légèrement ma tête pour lui donner le feu vert. Il était de toute façon bien trop tard pour décider quoi que se soit, et il manquait son époux, donc… demain, après une bonne nuit de sommeille et tous les protagonistes réunis, ils pourraient commencer à échafauder un plan, mais d’abord, elle devait effectivement quelques explications à la Royce. Ser Barristan devait être tout aussi perdu qu’Ysilla, même s’il n’avait pas tout à fait le même style, mais il aurait probablement l’occasion de discuter un peu avec Raymar dans le secret de la chambre de l’un ou l’autre des deux Chevaliers.

« Je crois que Lady Ysilla a raison, la journée a été longue pour nous tous et je pense que quelques bonnes heures de sommeille ne seront pas de trop. La nuit porte conseil, ne dit-on pas ? Allez rejoindre vos peinâtes, ne parlez de toute cela à personne et vous en reparlerez demain avec mon époux, votre Suzerain. Ser Raymar, je suis désolée de ne pouvoir fêter votre nomination dès ce soir, je suis heureuse de vous avoir parmi mes hommes et j’espère que vous aurez l’occasion de trinquer avec eux très bientôt. Mais tant que vous gardez un tel secret, soyez raisonnable avec la boisson. Ser Barristan, envoyez quelqu’un demander à mon époux s’il souhaite que je dorme avec lui cette nuit. Messers » Termina-t-elle en désignant la porte d’un geste gracieux de la main.

La réflexion sur l’alcool et les secrets s’adressait autant à Raymar, qu’Ashara connaissait trop peu pour savoir s’il était du genre à boire plus que de raison qu’à Barristan, qu’elle connaissait trop bien pour savoir qu’il voudrait fêter ça au plus vite et en excès et pourrait faire une bêtise si personne ne le mettait en garde. Bon il y avait de grandes chances pour qu’il se rende compte de sa bourde dans l’instant et tue tous ceux qui auraient entendus, mais bon, un massacre non plus n’était pas très discret. Une fois qu’ils furent sortis, Ashara s’approcha de sa tante et lui prit les mains en lui souriant. Ysilla était blanche comme un linge et la brune la fit asseoir sur le lit.

« J’ai eut la nausée en apprenant tout cela, Tu comprends mieux désormais pourquoi nous risquons tous notre vie ? »

Ashara regarda Ysilla se diriger vers la fenêtre avant de rendre son diner sans broncher. A vrai dire, elle aurait probablement fait de même si les dernières révélations et l’angoisse de la nuit de noce n’avait pas rendu son estomac insensible. Elle sortit un mouchoir et le tendis à sa tante avant de lui servir un verre d’eau pour qu’elle se rince la bouche et un verre de vin pour faire passer le gout. Elle ne fit aucun commentaire, elle comprenait très bien et savait aussi parfaitement combien de temps Ysilla c’était retenue, aussi ne lui tenait-elle pas rigueur de l’avoir fait ainsi devant elle.

Soudain Ashara eut une idée… Si Joffrey n’était pas légitime, Durran lui, l’était, et si son existence était révélée alors tout irait bien, le royaume serait sauf, et eux, les Valois, n’auraient pas à affronter les Lannister ! De plus la paix du Roi serait maintenue, se serait une solution extraordinaire. D’autant que si les Lannister tentaient quoi que se soit contre lui, ils offriraient la preuve de leur crime. Cela dit, Durran était en lui-même une preuve, d’après la description de Raymar. Et puis il serait en danger. Mais en même temps, n’était-ce pas le prix à payer pour devenir Roi ? Il faudrait y réfléchir en tout cas…

__ Je n’en sais rien, mais… ce doit être une passion coupable j’imagine, disons que, maintenant que je suis mariée et que donc j’ai connu la chose et que je sais ce qu’est le véritable amour, je peux imaginer que… enfin, c’est immonde, qu’importe ce qui les a poussé à faire cela. Ils ont brisé leurs vœux et les commandements des Sept en se faisant, ils me dégoutent, ils sont comme les Targaryens, abjectes créatures, tout comme leurs rejetons. Quand à savoir si c’est notre rôle, non, mais Jon avait promis de protéger Durran et de lui rendre son trône et pour cela, je suis bien obligée de m’en mêler, sans quoi je ne mérite pas sa confiance. Cela dit, il existe peut-être des moyens détournés de le faire, une stratégie moins dangereuse que de s’opposer à la Maison Lannister. Mais il faut savoir une chose, à partir du moment où la Reine nous soupçonnera de savoir quoi que se soit, nous serons morts, aussi, je ne sais pas si j’ai envie de prendre le risque de la laisser en vie, pas plus que Jaime, et si je tue ces deux là, alors Tywin devra y passer aussi, car un Lanniser paye toujours ses dettes. Quand à Tyrion… Tyrion, je n’en sais rien, pas plus que les cousins… Soit tous les exterminer, soit faire acte de paix en proposant une alliance quand les lions auront été débarrassés de leurs parasites. »

Ashara c’était mise à marcher en long et en large, elle réfléchissait à haute voix plus qu’elle s’adressait à Ysilla, même si elle savait parfaitement qu’elle était présente et attendait bien un peu de répondant pour nourrir ses réflexions.

__ Jon avait réunit des preuves, la principale étant que les autres enfants de Robert, dont Durran, sont tous bruns et plus proches des traits de leur père que de leur mère. Je pense que Cersei sait, Jaime peut-être pas. Les enfants, non, Joffrey est un imbécile, mais il a toujours cherché à se faire remarquer par son père, l’officiel, et ça ne serait certainement pas le cas s’il était au courant. »

Aucune pitié n’était envisageable, ni pour les parents, ni pour les enfants. Ashara n’encouragerait jamais cette exécution, mais si le Roi en décidait ainsi, elle ne s’y opposerait pas. Et puis que faire avec trois bâtards élevés comme des princes et princesses et qui ne pourraient épouser que des gens de basse extraction ? Myrcella pourrait devenir Septa ou sœur du Silence et Joffrey entrer dans la Garde de Nuit ou se faire Mestre, mais les deux derniers étaient encore si jeunes… De toute façon avant que la question se pose, il leur fallait un plan pour faire tomber les parents… Evidemment tuer les deux héritiers et révéler l’existence de Durran était aussi une stratégie intéressante, bien qu’assez cruelle, ainsi, Durran ne serait plus en danger puisqu’il serait le seul héritier possible. Et Myrcella pourrait garder son statut de Princesse pour obtenir une belle alliance avec… Robert ? Hum… intéressant vraiment. Elle au moins serait sauvée et si une fille peut ressembler à sa mère comme deux gouttes d’eaux, effacer les fils de l’inceste pourrait faire oublier la tromperie ou la rendre moins évidente tout du moins…

Parfois la meilleure solution pour gagner et s’en sortir vivant n’était pas la plus belle et la plus honorable et cela, Ashara le savait. Elle n’aimait pas l’idée, mais elle était plus que jamais prête à tout pour survivre. Poison, triste naufrage, maladie, attaque… Ne pas tuer les deux en même temps pour ne pas éveiller les soupçons.